Fiche du document numéro 28135

Num
28135
Date
Mercredi 7 avril 2021
Amj
Auteur
Taille
311014
Titre
Discours du Président Paul Kagame Kwibuka 27
Type
Discours
Langue
FR
Citation
Kigali, le 7 avril 2021
Ce que Jean-Damascène Bizimana vient de nous dire, ce sont les
faits. Les faits de notre histoire, les faits sur ce qui s’est passé, et
les responsabilités qui en découlent. Si ces négationnistes n’ont
pas honte, pourquoi devrais-je avoir peur ?
Aujourd'hui, comme chaque année, nous nous rassemblons pour
nous souvenir du génocide contre les Tutsi. Je vous remercie tous
qui participez à cette cérémonie.
Bien que ce soit la 27e fois que nous marquons cette
commémoration, l’occasion n’est jamais ordinaire. L’enjeu de ce
qui nous rassemble nous est sans cesse rappelé. En effet, de
nouvelles fosses communes sont régulièrement découvertes, et de
nombreux auteurs de crimes sont toujours en liberté. Mais nous ne
pouvons pas laisser le poids de notre histoire nous écraser.
C'est également le deuxième Kwibuka qui se tient pendant la
pandémie de Covid-19. La distance physique ne fait qu’ajouter au
fardeau émotionnel des survivants, dont la force tranquille a nourri
la renaissance de notre nation.
Nous vous remercions et nous rendons hommage aux sacrifices
que vous avez consentis dans l’intérêt d’un avenir meilleur pour
nous tous.
Nous attribuons également la renaissance du Rwanda au fait que
la majeure partie des Rwandais a souhaité construire une nation
meilleure, et surmonter les manipulations des mauvais dirigeants
du passé. L’opportunité de pouvoir vivre mieux et voir les choses
différemment a été saisie par notre peuple. C’est un élément
indispensable de notre force.
En conséquence, même en proie à de nombreuses pressions et
distractions constantes, le Rwanda d’aujourd’hui est
incontestablement plus uni et tourné vers l’avenir que jamais il ne
l’a été auparavant. Et ici, je parle particulièrement des jeunes, qui
constituent la grande majorité de la population de notre pays.
C'est pourquoi tous les efforts visant à nous diviser et à nous
détourner de nos objectifs ont échoué, et continueront à échouer.
Kwibuka nous met au défi de réfléchir au contexte présent, et ce,
dans la perspective de l’Histoire qui nous a menés jusqu’ici.
Le Rwanda n’est peut-être, pas encore, ni riche ni en pleine santé,
et nous avons encore des vulnérabilités et des limites, comme tout
pays. Mais nous savons aussi comment faire face à nos problèmes.
Les Rwandais sont résilients, pleins d’objectifs et d’espoir.
L’immensité de ce qui a été réalisé relève quasiment du miracle.
Les résultats sont attestés par les Rwandais, et même
indiscutables.
Tout d’abord, il y a les signes tangibles, les choses que nous
pouvons voir et ressentir : de nouveaux bâtiments et de nouvelles
routes. De meilleurs hôpitaux et centres de santé. Des services
d’eau et d’électricité, là où ils n’existaient pas auparavant. De
même que l’afflux croissant de visiteurs, venus voir la faune unique
du Rwanda et profiter de notre hospitalité.
Mais les transformations intangibles qui ont eu lieu dans le cœur et
l’esprit de notre peuple sont encore plus importantes. Elles
permettent au progrès d’être soutenu de génération en génération.
Notre unité et notre identité nationale ne cessent de croître. De
même que la confiance que nous avons les uns envers les autres
en tant que peuple, ainsi qu’envers nos dirigeants et nos
institutions. Ainsi que les mentalités positives de créativité, de
responsabilité et d'autonomie.
La satisfaction de voir l’histoire du Rwanda servir de symbole
édifiant de renouveau, et cela même, espérons-le, au-delà de nos
frontières. Et enfin, la confiance en soi collective qui découle de
l’esprit d’agaciro, qui inspire tout ce que nous faisons.
Les Rwandais d’aujourd’hui ont beaucoup gagné, ce qui signifie
que nous avons quelque chose de précieux à défendre. Cela exige
une vigilance constante, ainsi qu’une volonté d’introspection et
d’honnêteté.
Sans cela, des décennies, voire des siècles de progrès, peuvent
être balayés en un clin d’œil. Nous en avons vu des exemples dans
différentes sociétés du monde, aussi avancées soient-elles.
Je sais avec certitude que les Rwandais seront toujours prêts à
protéger ce que nous avons construit, sans hésitation ni excuses.
Comme tout pays, le Rwanda a le droit d’utiliser tous les moyens
légitimes et légaux pour contrer les attaques contre notre peuple
— cela ne fait aucun doute — et contre les principes de notre
Constitution.
Chaque fois que cela est rendu possible, nous traduisons en justice
ceux qui menacent la paix et la sécurité de notre pays. Il n y a pas
de débat sur la question de l’état de droit. En ce moment, il y a
plusieurs procès en cours dans nos tribunaux, impliquant divers
groupes armés violents.
Parmi les personnes qui sont jugées, certaines ont vécu à
l’étranger, protégées, d’une manière ou d’une autre. Tout cela est
lié à l’histoire du déni, de la déformation et de la publication de
toutes sortes de choses.
Il est intéressant de constater que lorsque ces procès sont en
cours, pour certains — en particulier ceux qui accueillaient ces
personnes — ce qui importe n’est pas de savoir ce qu’ils ont fait et
ce pour quoi ils sont jugés, mais plutôt comment ils sont arrivés ici.
Bien. S’ils sont arrivés ici de la mauvaise façon, nous sommes prêts
à en parler. Aucun problème.
Mais ne devrions-nous pas davantage nous concentrer sur le plus
important, à savoir, pourquoi sont-ils jugés par les tribunaux ?
Ce n’est pourtant pas compliqué de comprendre cela. Vous pouvez
découvrir par vous-mêmes pourquoi cela se passe ainsi, et peut-être comprendrons-nous mieux au fur et à mesure que nous
avancerons dans le processus.
Les Rwandais considèrent que notre pays ne peut pas se permettre
de laisser de tels jeux dangereux se jouer sur notre territoire, et ce
au détriment de notre peuple. Plus jamais. Car lorsque la ligne de
la violence est franchie, il y a aussi un remède à cela.
La plupart de ces acteurs ont cherché à s’imposer sur la scène
internationale en tuant des innocents et en menaçant notre
économie. Et hélas, cette stratégie de recherche d’attention a
parfois fonctionné pour eux.
Vous savez, certaines de ces personnes se trouvent dans des
endroits depuis lesquels ils ont beaucoup de leçons à nous donner,
sur ce qu’est la démocratie, la liberté, ou toutes sortes de droits
politiques et civils. Et leurs hôtes embrassent ces mêmes
personnes, les protègent, les défendent, parlent en leur nom. Parce
que, disent-ils, ce sont des gens qui veulent civiliser le Rwanda et
le rapprocher de ce niveau, où nous ne sommes pas encore.
Maintenant, souvent — et j’essaie d’aller au fond de cette question
— je questionne cet état des choses. Nous y reviendrons peut-être
plus tard, mais je veux juste vous dire quelque chose.
Il y a quelques cas où nous avons informé leurs hôtes, sur ce qu’ils
étaient vraiment, à savoir, des criminels. Nous leur avons dit qu’ils
ont tué, qu’ils ont volé, violé et commis toutes sortes de crimes. Et
nous leur avons dit que nous avions la capacité de les juger. Mais
ils ont refusé d’écouter. Ils ont dit « non, ce sont des détracteurs
des dirigeants du Rwanda. Ce sont des gens qui se battent pour la
liberté et pour les droits de toutes sortes ».
Ce qui est intéressant, c’est qu’il ne faut souvent pas longtemps
pour qu’ils réalisent que nous disions la vérité, car certains d'entre
eux purgent actuellement des peines dans ces mêmes pays. Ils
sont en prison pour avoir commis certains des crimes pour lesquels
nous leur avions dit les rechercher.
Et, au tribunal, ces personnes — c’est vraiment très intéressant —
lorsqu’elles sont jugées en Europe, en Amérique, ou dans différents
endroits, malgré les preuves de méfaits tels que des viols ou vols
d’argent dans ces pays, continuent de nier et prétendre qu’en fait,
c’est le président Kagame qui envoie ses agents contre eux.
Mais comment pourrais-je envoyer quelqu’un pour vous inciter à
violer et que vous le fassiez ? Comment pourrais-je envoyer
quelqu’un pour vous dire de voler et que vous le fassiez ?
Donc s’il y a des choses que vous voulez régler avec les dirigeants
rwandais, c’est bien, mais vous devez d’abord répondre de ces
actes. Et nous nous retournons vers nos amis en disant : mais nous
vous l’avions dit. Et pourtant, ils continuent de ne pas nous croire,
malgré les preuves.
Vous êtes au courant de la personne qui a été amenée ici
récemment, et la question que tout le monde se pose, est de savoir
comment elle est arrivée ici, plutôt que de se demander comment
elle dirigeait un groupe qui tuait des gens au Rwanda.
Vous avez vu les témoignages d’autres ressortissants de ces pays,
qui ont comparu devant le tribunal et ont confirmé les accusations,
ainsi que la manière dont ces personnes ont opéré, planifié leurs
actes depuis l’étranger, depuis l’endroit où elles vivaient.
Récemment, une ou deux personnes vivant à l'extérieur ont déclaré
que tout ce qui a été dit au tribunal est vrai. Ils ont confirmé qu’ils
font réellement ces choses dont ils sont accusés, mais qu’ils sont
protégés là où ils se trouvent. « Rien ne va nous arriver, et vous ne
pourrez pas nous y amener, comme vous avez amené d'autres
personnes ».
Vous voyez à quel point cela peut être perturbant. Mais oui, nous
comprenons parfaitement le monde dans lequel nous vivons.
D’anciens fonctionnaires disgraciés, motivés par des
ressentiments mesquins, ont passé des années à cultiver des
protecteurs étrangers influents, et cela, grâce à une campagne de
mensonges peu convaincante.
Mes amis, vous pouvez dire n’importe quel mensonge à mon sujet ;
vous êtes libres de le faire. Vous pouvez accumuler des tonnes de
mensonges, cela ne me changera pas, absolument pas.
Cela ne changera pas ce pays pour qu’il soit devienne ce que vous
voulez qu’il soit. Peu importe le nombre de mensonges. Ça, je peux
vous le promettre.
Lorsque par hasard, les conteurs sont nés « au bon endroit », là-bas, leur impartialité et leur intégrité sont tout simplement
considérées comme acquises. Et cela, simplement par leur lieu de
naissance. Quoi qu’ils disent contre vous, est supposément
considéré comme acquis. Cela n’a rien à voir avec les faits, mais
uniquement avec l’endroit où cette personne est née. C’est de là
que viennent la plupart des problèmes.
Les mensonges deviennent des faits, et les victimes deviennent
des méchants. Les actes de terrorisme sont dépeints comme des
expressions de principe de l'opposition et de la dissidence, tandis
que la réponse du Rwanda est montrée du doigt.
Laissez-moi vous dire ceci : nous serons heureux d’être critiqués
pour avoir fait ce que nous devons faire, et que nous croyons devoir
faire, contre ces actes qui nous menacent.
Est-ce vraiment ces personnes qui représentent les valeurs
universelles que nous prétendons tous épouser ? C’est tout à fait
faux. C’est faux. Il ne peut en être autrement. Nous en sommes
réduits à nous demander combien de corps il devra y avoir avant
que nous ne soyons considérés comme ayant le droit de prendre
les mesures appropriées.
Vous souvenez-vous de la fameuse interview de l’époque, en 1994,
où les gens avaient du mal à nommer ce qui se passait à ce
moment-là ? Certaines personnes avaient du mal à prononcer le
mot « génocide ». Eh bien, aujourd’hui, nous avons un autre
combat, les gens luttent pour l’appeler « génocide contre les
Tutsi ».
Le problème des définitions a commencé dès 1994, lorsqu’il s’est
agi de nommer simplement ce dont il s’agissait. Quelqu’un — un
journaliste, je crois — a demandé : « Est-ce que vous appelez ça
un génocide ? » Ils ont répondu que non, qu’il pouvait s’agir d’actes
de génocide. Puis le journaliste a demandé : « Combien d’actes de
génocide faut-il pour appeler ça un génocide ? »
Vous vous souvenez de cette histoire ? Il est surprenant que nous
ayons toujours la même discussion 27 ans plus tard. C’est
étonnant.
Pendant ce temps, les spécialistes et les groupes de défense des
droits de l’homme restent silencieux sur les dangers évidents,
réticents à dire quoi que ce soit qui pourrait être perçu comme
donnant raison au gouvernement rwandais.
Le cynisme et l’hypocrisie que reflètent de tels récits sectaires sont
à couper le souffle. Et sur notre continent africain, le Rwanda n’est
guère la seule cible de ces tactiques. Nous ne méritons pas cela,
et nous ne l’accepterons pas.
Récemment, une commission d’historiens nommée par le
gouvernement français a publié un rapport détaillé après avoir eu
accès aux archives officielles qui étaient restées secrètes.
Le rapport montre que le président Mitterrand et ses plus proches
conseillers savaient qu’un génocide contre les Tutsi était en cours
de préparation par leurs alliés au Rwanda. Malgré cela, le président
a décidé de continuer à les soutenir, car il pensait que cela était
nécessaire pour la position géopolitique de la France. Les vies des
Rwandais n’étaient alors que des pions dans les jeux géopolitiques.
Aujourd’hui, nous saluons ce rapport qui marque un pas important
vers une compréhension commune de ce qui s’est passé. Il marque
également un changement et montre le désir, même pour les
dirigeants français, d’aller de l’avant avec une bonne
compréhension du passé, et nous nous en félicitons. Nous nous en
félicitons. Le rapport va nous être présenté ; j’en ai été informé.
C’est une bonne chose.
Le Rwanda aura également son mot à dire prochainement, peut-être vers la troisième semaine de ce mois d’avril. Les conclusions
que nous avons entre les mains sont basées sur le travail effectué
par des personnes qui ont été chargées de le faire parallèlement à
ce qui se faisait en France. Ces conclusions vont dans le même
sens. L’important est de continuer à travailler ensemble pour
documenter la vérité. Voici la vérité.
Les efforts déployés pendant des décennies par certains
responsables français dans le but de dissimuler leurs
responsabilités ont causé des dommages importants.
L’histoire a été falsifiée en promouvant le mensonge du soi-disant
double génocide, notamment grâce au Rapport Mapping. Des
procès frauduleux ont été lancés en Europe contre nos officiers et
fonctionnaires. Des suspects de génocide ont trouvé refuge et
toutes les demandes d’extradition du Rwanda ont été rejetées.
Et ce n’était pas seulement en France ; c’est juste parce que je
parlais du rapport. Car nous connaissons dans d’autres capitales
de ces pays développés, des affaires qui durent depuis près de 15
ans. Il y a des endroits où il y a environ 4-5 suspects de génocide
avec des dossiers très clairs. Nous nous sommes adressés au pays
qui les accueille, nous les avons suppliés. Nous avons dit, les
dossiers sont prêts, ils sont ici, pouvez-vous nous les donner pour
le procès ?
La réponse a été non, nous n’avons pas de traité d'extradition,
nous ne faisons pas confiance à vos tribunaux, nous ne faisons pas
confiance à vos lois. Ok, nous avons dit d’accord. Nous avons
besoin de votre confiance, mais vous ne voulez pas nous la donner.
C’est bien.
Alors pouvez-vous les juger dans vos tribunaux ? Car si vous avez
un problème avec nos tribunaux, vous n’avez pas de problèmes
avec vos propres tribunaux. Et malgré cela, ils ont toujours des
excuses pour ne pas agir. Et cela continue, et continue encore et
encore.
Et ce sont ces mêmes personnes qui ont toutes sortes de
reproches à nous adresser. Nous leur disons : « Mais pourquoi
donc ne le faites-vous pas ? N’avez-vous pas honte de protéger
des suspects de génocide, de les couvrir pour n’importe quelle
raison ? Si vous ne voulez pas que nous les jugions, alors pourquoi
ne les jugez-vous pas vous-mêmes? » Et ce sont les mêmes
personnes qui remettent en question l’utilisation de l’expression
« génocide contre les Tutsi ».
Et d’ailleurs, je pense que nous ne sommes pas les inventeurs du
mot génocide. Ce mot a été inventé par d’autres personnes, il y a
longtemps, bien avant notre propre histoire tragique. Mais
quelqu’un a dit, vous savez, nous ne voulons pas accepter
« génocide contre les Tutsi » car des soldats de la paix sont morts,
des étrangers sont morts, des Hutu sont morts, tout le monde a été
tué.
Écoutez, même si vous pensez que ce sont les faits, en quoi cela
vous empêche-t-il d’isoler ce cas et de le traiter comme il se doit ?
Il vous appartiendra ensuite de venir avec votre liste d’autres cas à
traiter. Je ne doute pas de la capacité ou de la logique de ces gens.
Non, c’est autre chose.
C’est comme dire, ne jugeons pas ce type pour les crimes qu’il a
commis. Occupons-nous de la façon dont il est arrivé dans ce
tribunal. Nous avons encore un long chemin à parcourir.
Lorsque ces suspects de génocide bénéficient d’un refuge et que
les demandes d’extradition sont refusées, cela a une conséquence
directe. En effet, nous avons assisté à une augmentation massive
de la négation du génocide et du révisionnisme. Ce qui prendra des
années à inverser.
Des éditeurs de renom publient des livres accusant le FPR lui-même d’avoir orchestré le génocide afin de prendre le pouvoir. Ce
qui est encore plus inquiétant, c’est qu’encore trop de gens qui
connaissent la vérité préfèrent garder leurs distances en se taisant.
Je me souviens d’un pays qui a publié, il y a quelques années, une
déclaration pour marquer la commémoration du génocide. Ce jourlà, vous êtes libres ou non de nous envoyer une déclaration de
solidarité. Vous pouvez décider de le faire, mais si vous ne le faites
pas, nous ne nous plaignons pas, vraiment nous ne nous plaignons
pas.
Mais un pays a pris l’initiative de nous envoyer une soi-disant
déclaration de solidarité, qui en réalité contenait plus de
paragraphes sur les droits de l’homme et la gouvernance.
J’ai donc pris le temps de répondre et j’ai formulé une simple
demande. J’ai dit, vous savez, ce jour, le 7 avril, est un jour de
commémoration. Et c’est juste un jour sur les 365 jours de l'année.
Un seul.
Je leur ai donc demandé : ne pouvez-vous pas nous épargner juste
ce jour-là ? Vous aurez tout le loisir de nous écrire ce que vous
voulez les 364 jours restants de l’année. Vous pouvez nous
maltraiter, nous insulter comme vous voulez pendant le reste de
l’année. Mais épargnez-nous ce jour-là.
Heureusement, je pense qu’ils ont compris le message, car cela ne
s’est pas reproduit. Mais il y en a d’autres, qui n’ont pas appris et
dont les déclarations sont probablement en route pour dire les
mêmes choses. Mais nous avons vraiment l’espace pour accueillir
cela aussi.
Malgré une résolution unanime de l'Assemblée générale des
Nations unies, il y a encore un ou deux pays qui refusent
obstinément d’utiliser l’expression « génocide contre les Tutsi ».
L’ensemble de l'Assemblée générale a adopté cette appellation,
excepté un ou deux États qui résistent, tout comme ils ont résisté
à l’utilisation du mot « génocide » en 1994, comme je vous l’ai dit,
jusqu'à ce qu’il soit trop tard.
Ils sont revenus sur le mot lui-même. Certaines personnes avaient
un problème, car si on appelait cela un génocide, cela leur imposait
une lourde responsabilité d’agir pour l’arrêter. Ils ont donc essayé
d’éviter cette lourde responsabilité en refusant de l’appeler
génocide.
Il est intéressant de voir comment l’histoire se répète. Nous avons
presque bouclé la boucle entre 1994 et aujourd’hui. Nous avons
une répétition de remise en question des mots et des définitions et
de toutes sortes de choses.
C'est comme si cette simple reconnaissance d’une appellation était
en fait une récompense accordée aux Rwandais en échange d’un
bon comportement. Selon eux, si vous vous comportez de la
manière conforme à leurs attentes, ils vous feront un cadeau, une
récompense en reconnaissant ce que c’est. C’est une honte. Mais
nous ne pouvons pas répondre au chantage sur de telles questions
de principe.
Malheureusement, une nouvelle génération de Rwandais de la
diaspora — et il s’agit vraiment d’un petit groupe — qui n’a aucune
responsabilité personnelle dans ce qui s’est passé en 1994,
s’appuie sur ces récits pour reconditionner l’idéologie du génocide
en une critique de la gouvernance et des droits de l’homme. Et ils
s’en inspirent ou sont soutenus pour cela.
En ce qui nous concerne, au Rwanda, nous ne sommes pas liés au
passé. Nous allons de l’avant. Et il n’y a pas de différends si grands
qu’une main tendue de bonne foi ne soit serrée en retour. C’est
ainsi que nous sommes, nous les Rwandais, c’est ce que notre
histoire a fait de nous.
Mais la monnaie du pardon est la vérité. Nous ne pouvons pas nous
lasser de parler des réalités que nous avons vécues.
En ce jour le plus solennel, je voudrais terminer en remerciant les
Rwandais pour leur dévouement à la tâche de l’unité et de la
réconciliation.
Nous remercions également les nombreux amis du monde entier
qui se sont joints à nous au fil des ans. Et ce n’est pas tout, alors
que certaines personnes avaient du mal à appeler cela un génocide
aux Nations Unies — parmi lesquels il y avait même le Secrétaire
général des Nations Unies — vous savez, certains pays
formidables et leurs représentants se sont levés et se sont
démarqués, et ont dit non, c’est un génocide.
L’un d’entre eux est un pays africain, le Nigéria, que nous serons
toujours fiers d’appeler pays ami, représenté par un homme dont
je me souviens, nommé Ibrahim Gambari. Le Nigéria s’est
démarqué et a dit non. Il y a un problème et nous devons appeler
ce problème par son nom. Le professeur Gambari était là, et nous
serons toujours fiers du Nigéria.
Puis il y a eu la République tchèque, il y a eu la Nouvelle-Zélande.
Des pays auxquels on ne penserait pas en premier. On a tendance
à toujours penser aux mêmes grands pays. Mais nous serons
toujours redevables et reconnaissants envers certaines de ces
personnes à travers le monde.
Permettez-moi de terminer en vous racontant quelque chose dont
je me souviens, et ce sera ma conclusion.
Lorsque nous étions encore jeunes et que nous allions à l'école
primaire, je me souviens qu’on me racontait l’histoire du lion et du
mouton.
Une histoire qui se passe au bord d’un cours d’eau, comme une
rivière. Le lion était en amont et buvait de l’eau, et il y avait, en aval,
un mouton qui buvait aussi de l’eau. Lorsque le lion remarqua la
présence d’un mouton à proximité, il chercha une excuse rapide
pour aller vers lui et en faire son repas.
Mais d’abord, ils eurent une conversation. Le lion appela le mouton
et lui dit : « Hé toi, tu vois, je suis là, à boire de l’eau et tu es là, à la
salir. »
Le mouton répondit humblement : « Mais monsieur, je suis en aval.
Là où je bois l’eau, même si je la salissais, elle ne remonterait pas
jusqu’à vous. »
Alors le lion se mit en colère et se sentit provoqué. « Comment
oses-tu me répondre de la sorte ? Tu oses m'insulter ? » Le mouton
dit : « Je suis vraiment désolé, je ne voulais pas vous manquer de
respect, pardonnez-moi. »
Et le lion dit : « Tu sais, ce n’est pas la première fois, même l’autre
jour tu m’as manqué de respect. » Alors le mouton dit : « C’est la
première fois que je viens boire de l’eau ici, alors ce n’est pas moi. »
Et le lion dit : « Tu vois, tu m’ennuies vraiment. Même si ce n’est
pas toi, c’est ton frère ou ta sœur qui était ici. »
« Non monsieur », dit le mouton, « je ne connais pas de sœur ou de
frère qui soit venu ici. Je viens de si loin pour la première fois. »
Alors le lion, bien sûr, s’en pris au mouton.
Je vous raconte cette histoire car parfois nous sommes traités
comme cette histoire le suggère. Quelqu’un qui dit : « Hé toi, tu
oses m’agresser ? » Même si vous ne leur avez pas parlé. « Si ce
n’est pas toi, c’est ton frère, ta mère ou ta sœur. » « Non,
monsieur. »
Je pense que certaines personnes nous ont fait ça.
Mais laissez-moi vous dire, n’acceptez jamais d’être des moutons.
Et je n’aspire même pas à être comme ce lion. Je vais être heureux
d’être qui je suis et de pouvoir défier ce lion.
Merci beaucoup.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024