Fiche du document numéro 27844

Num
27844
Date
Jeudi 4 novembre 1999
Amj
Taille
22482
Titre
Un témoin accuse Mgr Misago de ne pas avoir secouru des victimes
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Kigali, 4 novembre 99 (FH) - Le procès de l'évêque du diocèse catholique de Gikongoro (sud-ouest du Rwanda), a repris jeudi devant la Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Kigali avec la suite de l'audition des témoins à charge.

Mgr Augustin Misago est accusé de génocide et de crimes contre l'humanité.

Trois nouveaux témoins de l’accusation, dont deux religieux, ont été entendus.


Le premier religieux, Octave Ugirashebuja, est un prêtre jésuite, secrétaire de la Commission épiscopale « Justice et Paix », et membre de la Commission Nationale pour l’Unité et la Réconciliation, mise en place par le gouvernement en mars dernier. Il a témoigné à huis clos pendant près de trois heures. Les deux autres témoins ont déposé en audience publique.

Enfants massacrés à l’hôpital



Le deuxième témoin, Monseigneur Alexis Bilindabagabo, est actuellement évêque anglican du diocèse de Gahini (couvrant les préfectures de Kibungo et du Mutara), à l’est du Rwanda. En 1994, il était évêque assistant du diocèse anglican de Kigeme (préfecture de Gikongoro). Il a indiqué qu’il était caché et qu’il connaît peu de choses de ce qui s’est passé en 1994. « Et ce peu de choses, je le connais mal parce que ça m’a été rapporté », a-t-il déclaré.

A la question de savoir s’il savait quelque chose sur les enfants que Mgr Misago a tiré des cadavres des tueries de Kibeho vers le milieu du mois d’avril 1994 et placés à l’hôpital de Kigeme, Mgr Bilindabagabo a répondu qu’il n’en savait rien. Selon l’accusation, ces enfants, une trentaine environ, ont effectivement été remis à l’hôpital de Kigeme par l’évêque Misago, mais ils ont été massacrés par les miliciens Interahamwe, à qui le prélat les aurait livrés au lieu de les faire soigner.

Mgr Bilindabagabo a en outre déclaré ne pas avoir entretenu de véritables contacts avec Mgr Misago avant le génocide. « Le jour de son intronisation, nous avons été invités à la cérémonie. Le deuxième contact a eu lieu à Bujumbura, au Burundi, en mars 1993. Nous faisions alors tous les deux partie d’une délégation commune mandatée par les églises protestantes et catholique du Rwanda pour une rencontre de médiation avec le FPR (Front Patriotique Rwandais, encore en rébellion à l’époque). Après notre retour au Rwanda, on ne s’est plus revu », a déclaré Mgr Bilindabagabo. En réponse à une question du juge, l’évêque anglican de Gahini a dit ne pas se souvenir de ce que Mgr Misago avait pu dire à cette rencontre.

Rescapé accusateur



Le troisième témoin à charge, Silas Nsanzabaganwa, est l’un des trois rescapés qui ont chargé publiquement l’évêque de Gikongoro lors de la commémoration du cinquième anniversaire du génocide à Kibeho, le 7 avril dernier. Il a déclaré à la Cour que Mgr Misago, le préfet de Gikongoro à cette époque, Laurent Bukibaruta, et le commandant de la gendarmerie de Gikongoro, le major Bizimana, étaient venus à l’école secondaire Marie Merci « entre le 3 et le 5 mai 1994 » à Kibeho, où les élèves s’étaient divisés en deux camps retranchés hutu et tutsi. Quelques jours après cette réunion, les élèves tutsis ont été massacrés, a dit le témoin.

Selon Silas Nsanzabaganwa, le curé de la paroisse de Kibeho, Pierre Ngoga, avait pu échapper aux massacres dans son église et arriver à Butare, d’où il avait appelé Mgr Misago au secours par téléphone. « Mais l’évêque n’a rien fait pour secourir ou pour alerter l’opinion de ce qui se passait à Kibeho » a déclaré le témoin.

« Les moyens de communication marchaient : l’évêque pouvait alerter Radio Vatican ou Radio Muhabura (la radio des rebelles FPR, actuellement dissoute), qui pouvaient dénoncer les leaders des tueurs, parmi lesquels le sous-préfet de Munini, Damien Biniga, le bourgmestre de Mubuga, Charles Nyiridandi, et le conseiller Gashumba du secteur Kibeho. Il ne l’a pas fait. S’il l’avait fait, il y aurait eu peut-être bien des survivants. Il n’est même pas venu voir s’il y avait des rescapés ou envoyer un message de condoléances après les massacres », a affirmé Silas Nsanzabaganwa.

Le procès se poursuit vendredi.

WK/PHD/FH (MI§1104A)

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