Fiche du document numéro 27622

Num
27622
Date
Lundi 7 avril 2003
Amj
Taille
0
Surtitre
Rwanda
Titre
Les familles des dix Casques bleus refont le parcours des combattants disparus
Soustitre
A Kigali, pour honorer nos paras
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Résumé
In Kigali, during this genocide commemoration weekend, the families of the ten Belgian peacekeepers killed on April 7, 1994 once again made the trip, accompanied by ministers Louis Michel and André Flahaut.
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
A Kigali, en ce week-end de commémoration du génocide, tout s'arrête. Entassés dans des voitures ou des pick-up, des gens se dirigent vers les préfectures de province, chargés de fleurs ou d'une croix de bois qu'ils ont enfin pu faire tailler. La ville respire au ralenti, les enfants font des cauchemars. Les familles des dix casques bleus belges tués le 7 avril 1994 ont une fois de plus fait le voyage. Pour les parents directs, c'est la troisième fois qu'ils retrouvent le Rwanda et chacun se souvient encore de la demande de pardon du Premier ministre Verhofstadt en 2000 qui avait stupéfié l'assistance. Cette fois, ce sont les ministres Louis Michel et André Flahaut qui ont fait le voyage et ils ont élargi l'invitation aux enfants, aux proches des casques bleus (les parents des coopérants et des citoyens belges tués durant le génocide ne sont malheureusement pas présents).
Pour le « padre » Quertemont, l'aumônier de la brigade paracommando qui vient de rentrer du Kosovo, un tel voyage est important : Il faut poursuivre le travail de deuil. Montrer aux enfants de nos soldats ces lieux où leurs papas ont trouvé la mort. Associer la famille élargie à cette construction de la mémoire.
C'est pourquoi des adolescentes gamines au moment des faits, des garçons qui ont grandi trop vite découvrent aujourd'hui ces lieux d'une banalité si simple que la tragédie qui s'y joua paraît plus déchirante encore. Car la mort des dix soldats de la paix ne fut pas le résultat d'un combat. Elle ne résulta pas de l'exercice normal du métier des armes. Elle fut la conséquence de l'enchaînement tragique de la haine et de la lâcheté. Et lorsque l'on parcourt à pied, comme l'ont fait les familles, la très courte distance qui sépare la maison du Premier ministre Agathe Uwilingyinana du camp Kigali où les Belges furent mis à mort on se rend compte physiquement de la réalité de l'abandon dont ils furent victimes car une opération de sauvetage aurait été possible à condition que l'ordre en soit donné.
Sous le dur soleil de la saison des pluies, lourd d'orages retenus, les familles ont donc cheminé dans Kigali rejointes par des veuves rwandaises membres de l'Association Avega. Mélanie, l'une des dirigeantes de l'association, a tenu à s'associer au deuil des Belges. Car dit-elle dans des proportions différentes, c'est la même haine qui a tué les Belges et les Tutsis, et, avec un cynisme involontaire, elle poursuit : C'est parce que des Blancs ont été tués que le monde très rapidement a pris conscience de l'ampleur du génocide. C'est pourquoi nous sommes ici par solidarité...
Le « padre » ne fait grâce d'aucun détail : devant la maison d'Agathe, il explique comment Thierry Lotin sur le conseil de ses chefs a rendu les armes. Comment ses compagnons ont été embarqués dans un bus qui les a conduits au camp Kigali à moins de 500 mètres de là. De justesse, la casemate où les Belges ont trouvé la mort a échappé à la démolition et le ministère rwandais de la Défense a accepté d'en faire un lieu de mémoire.
Mais, alors qu'hier ces murs criblés de balles, à la peinture écaillée, aux toits défoncés, criaient la détresse de ceux qui se défendirent jusqu'au bout, aujourd'hui le souvenir a été apprivoisé : les murs ont été repeints, le toit refait, des vitres ont été posées sur les petites fenêtres avec de nouveaux châssis. Seuls demeurent presque incongrus les impacts de grenades de mortier qui dessinent sur les parois immaculées des chapelets de trous. Ici aussi, alors que la pluie noircit le ciel, le padre officie : il raconte l'arrivée des hommes battus par les invalides de guerre et les vétérans, les cris accusant les Belges d'avoir abattu l'avion du président. Il dit l'enfermement dans le petit local, les coups de feu, les survivants, tel Yannick Leroy, qui résistent au siège attendant des secours qui ne viendront jamais. Qui n'ont même jamais été envisagés... Dans la petite foule, même si tous connaissent l'histoire, c'est la consternation. Des enfants pleurent, livides, le père de Leroy serre les poings, la maman de Plescia, murmure que son fils lui manque toujours, Martine De Baty paraît plus fragile que jamais, la famille Renwa fait bloc.
Des Rwandais nous rejoignent, le visage ferme, hantés par leurs propres histoires d'abandon. Le dos tourné au petit local, le ministre Flahaut fait face. Car des questions fusent à propos de l'ONU, du comportement du général Daller, des dédommagements que l'on serait en droit de demander à l'organisation qui connut peut-être au Rwanda le début de sa disgrâce. Flahaut assume les fautes de ses prédécesseurs. Il rappelle le travail des commissions d'enquête mais surtout il évoque l'avenir. Nous avons tiré les leçons du Rwanda. Plus jamais, nous n'accepterons de telles règles d'engagement. Au Kosovo nous agissons sous la bannière de l'Otan. Et en Irak ? Plus jamais comme ça en tout cas, dit le ministre.

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