Fiche du document numéro 27502

Num
27502
Date
Mardi 21 juin 1994
Amj
Taille
158328
Sur titre
Dès que l'ONU aura donné son feu vert
Titre
Paris enverra des troupes aux frontières du Rwanda
Sous titre
Un double pari militaire
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Mot-clé
FPR
Résumé
The military device for humanitarian purposes imagined by France is based on a double bet. The first is that Zaire can serve as a sort of rear base for the operation. The second is that the United Nations can accept that the humanitarian action undertaken be protected by an escort which can go beyond the only response known as self-defense.
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
La France a poursuivi, lundi 20 juin, les préparatifs pour l'envoi aux frontières du Rwanda des " moyens nécessaires " à une intervention internationale à but humanitaire. Le prépositionnement de troupes françaises a été décidé, samedi, dans l'attente d'un feu vert des Nations unies, sous forme d'une résolution du Conseil de sécurité. Sur le terrain, les combats ont redoublé d'intensité à Kigali, et le Front patriotique rwandais (FPR) continue de se déclarer hostile à l'initiative française.

Le dispositif militaire à but humanitaire imaginé par la France, parce qu'il est nécessairement lourd et qu'il exige des moyens relativement importants, repose sur un double pari.

Le premier est que le Zaïre, qui a plutôt soutenu le régime hutu du président rwandais assassiné, puisse servir en quelque sorte de base arrière à une opération consistant à évacuer en priorité des réfugiés _ partout où on laissera le dispositif se déployer _ pour les encadrer ensuite sur le plan sanitaire. Le second est que l'ONU, en attendant l'arrivée des 5 500 " casques bleus " prévus, puisse accepter que l'action humanitaire entreprise sous direction française soit protégée par une escorte pouvant aller au-delà de la seule riposte dite de légitime défense.

L'exécution de ces deux préalables sur le terrain reste un objectif particulièrement délicat, si l'on tient compte des relations tendues qui opposent actuellement la France et les chefs du Front patriotique rwandais (FPR).

Dans l'opération qui serait montée avec un appui logistique américain, il est exclu, en effet, que la piste de Kigali, en raison des dommages subis, soit la plate-forme d'accueil dans les premiers instants. Les Français devraient user de la base arrière du Zaïre et les Italiens ou les Sénégalais, s'ils se ralliaient à la mission, comme ils l'ont laissé entendre, utiliser plutôt celle de l'Ouganda.

La France est, pour ce qui la regarde plus spécialement, dans une situation délicate. En effet, elle peut difficilement solliciter l'Ouganda, qu'elle a accusé de soutenir le FPR en armes et en combattants, et elle a besoin du Zaïre, en dépit du fait que ses relations passent par des hauts et par des bas avec le régime du général Mobutu, mais aussi avec la propre famille du président zaïrois.

C'est donc par la route et par hélicoptères, avec les aléas de tous ordres que ce double mode d'acheminement suppose, que se ferait la première phase de l'expédition, pour le transport des hommes et celui de l'eau, des carburants, de la nourriture ou des médicaments. L'opération nécessite des moyens lourds, qui viendront de France pour l'essentiel et qui s'appuieront sur les forces dites " prépositionnées " en plusieurs pays d'Afrique, comme le Centrafrique. Ce fut le cas, déjà, en avril dernier, quand il s'est agi d'évacuer sur Bangui quelque mille quatre cent vingt ressortissants étrangers (dont quatre cent quarante-cinq Français) après l'attentat contre l'avion qui transportait les présidents du Rwanda et du Burundi.

Légitime défense ou ouverture du feu ?

Outre cette difficulté technique, il faut compter avec la résistance que pourraient localement rencontrer les convois humanitaires, routiers et héliportés. L'accès aux camps leur restera-t-il ouvert en permanence ou bien faut-il d'ores et déjà prévoir des modes de protection militaire, et, dès lors, sur quelle base ?

Dans les états-majors concernés, on étudie les ripostes éventuelles et, en particulier, la distinction qui existe entre les droits à la légitime défense (chapitre 6 de la Charte des Nations unies) en cas d'agression contre les convois et ce qu'impliquerait l'usage du droit à une ouverture du feu (dans les conditions fixées par le chapitre 7 de la Charte) s'il fallait d'autorité dégager la voie. C'est une décision de principe délicate à prendre et elle devrait être arrêtée dans les heures prochaines, si, comme il est envisagé, l'intervention commençait en fin de semaine.

A ce jour, le volume des forces françaises engagées variera beaucoup selon ces hypothèses et il sera aussi fonction du soutien en hommes ou en matériels que les partenaires de la France apporteront. Du seul côté français, indépendamment des autres contributions, dont ni la forme ni la nature n'ont été encore dévoilées, il existe une hypothèse basse, de l'ordre d'un millier de professionnels, et une hypothèse haute, de deux mille hommes environ. En avril, lors de l'opération sur Kigali, qui avait été baptisée " Amaryllis " en référence à une plante bulbeuse à grandes fleurs rouges qu'on rencontre en Afrique, les Français avaient déployé cinq cents hommes ; les Belges, quelque quatre cents, et les Italiens, une centaine.

Les conditions, pour pénibles qu'elles furent, de la mission " Amaryllis " n'ont apparemment rien à voir avec celles de l'opération projetée, qui pourrait être plus risquée. Il n'en demeure pas moins que l'expédition organisée en avril a été l'occasion de maints accrochages locaux. A plusieurs reprises, des tireurs isolés ont pris à partie des convois, et des commandos français ont dû répliquer à des fusillades.

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