Fiche du document numéro 27217

Num
27217
Date
Vendredi Avril 2005
Amj
Taille
806772
Titre
Calendrier des crimes de la France outre-mer
Mot-clé
Résumé
The need to remember colonial crimes would help to progress on the path of truth and lead the French to recognize the crimes committed in their name.
Type
Livre
Langue
FR
Citation
Calendrier des crimes de la France outre-mer
Jacques Morel
Version 0.51
14 avril 2005
2
Table des matieres
Introduction 7
Pourquoi ce calendrier ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Janvier 11
9 janvier 1899 : Sac de Sansanne-Haoussa (Soudan) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
13 janvier 1963 : Assassinat de Sylvanus Olympio, premier president elu (Togo) . . . . . . 11
13 janvier 1955 : Claude Bourdet : < Votre Gestapo d'Algerie. > (Algerie) . . . . . . . . . 12
13 janvier 1672 : Prime de 13 livres pour chaque t^ete de negres importes (Colonies) . . . . 13
15 janvier 1971 : Execution publique de Ernest Ouandie, leader de l'UPC (Cameroun) . . 14
17 janvier 1961 : Assassinat de Patrice Lumumba a Elizabethville (Congo ex-belge) . . . . 14
22 janvier 1952 : Jean de Hautecloque : < Jusqu'ici, nous avons bande mou, maintenant,
il nous faut bander dur. > (Tunisie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
24 janvier 1845 : Bugeaud : < Je br^ulerai vos villages et vos moissons > (Algerie) . . . . . 15
28 janvier 1993 : Assassinat de Philippe Bernard, ambassadeur de France a Kinshasa (Zare) 16
29 janvier 1944 : Repression de Rabat-Sale et Fes (Maroc) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
30 janvier 1950 : Fusillade de Dimbokro (C^ote d'Ivoire) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Fevrier 19
1er fevrier 1962 : Asphyxies dans un wagon entre Douala et Yaounde (Cameroun) . . . . . 19
1er fevrier 1743 : Loi contre le marronnage (Colonies) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2 fevrier 1950 : Fusillade de Seguela (C^ote d'Ivoire) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
19 fevrier 1964 : Repression du putsch militaire par les troupes francaises (Gabon) . . . . 20
25 fevrier 1791 : Le mul^atre Oge subit le supplice de la roue pour avoir cru a l'egalite (Hati) 20
26 fevrier 1885 : Conference de Berlin : l'Europe met l'Afrique en tutelle (Etat independant
du Congo) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Mars 23
10 mars 1966 : Ossende Afana, dirigeant de l'UPC, est tue par les forces de repression
franco-camerounaises (Cameroun) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
14 mars 1957 : Asphyxies dans un chai a vin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
15 mars 1843 : De Montagnac : < Aneantir tout ce qui ne rampera pas a nos pieds comme
des chiens. > (Algerie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
19 mars 1831 : Esclaves a vendre (^Ile de la Reunion) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
23 mars 1946 : Le travail force se perpetue, cent ans apres l'abolition de l'esclavage (AOF) 24
25 mars 1909 : Bloy : < Ces equarisseurs d'indigenes, incapables, en France, de saigner le
moindre cochon. > (Vietnam) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
29 mars 1988 : Assassinat de Dulcie September, representante de l'ANC en France (Afrique
du Sud) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
30 mars 1947 : Massacre de Moramanga par l'armee francaise, 2000 morts ? (Madagascar) 26
3
4
Avril 29
5 avril 1803 : Rochambeau : < Vous devez leur donner des negres a manger > (Hati) . . . 29
7 avril 1947 : Emeute des tirailleurs senegalais a Casablanca : plus de 60 morts (Maroc) . 29
7 avril 1803 : Mort de Toussaint Louverture emprisonne au fort de Joux (Hati) . . . . . . 29
8 avril 1994 : La France reconna^t de facto le gouvernement interimaire rwandais qui
organise le genocide (Rwanda) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
11 avril 1948 : Naegelen est charge de faire de < bonnes elections > (Algerie) . . . . . . . 34
16 avril 1917 : Mangin broie du Noir au Chemin des Dames (France) . . . . . . . . . . . . 34
17 avril 1825 : La France reconna^t Hati, contre l'indemnisation des planteurs (Hati) . . 35
25 avril 1890 : Prise et carnage d'Ouossebougou par le commandant Archinard (Soudan) . 36
27 avril 1994 : Paris recoit les organisateurs du genocide (Rwanda) . . . . . . . . . . . . . 36
Mai 39
1er mai 1898 : Sac de Sikasso par le colonel Audeoud (Soudan) . . . . . . . . . . . . . . . 39
2 mai 1899 : Massacre de Birni-N'Konni (Soudan - Niger) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
5 mai 1947 : Massacre de Moramanga par l'armee francaise, 165 morts (Madagascar) . . . 40
6 mai 1687 : Promulgation du Code Noir a Saint-Domingue. . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
8 mai 1945 : Evenements de Setif (Algerie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
9 mai 1945 : Repression de l'insurrection de Setif et Guelma (Algerie) . . . . . . . . . . . 43
17 mai 1802 : Retablissement de l'esclavage (Antilles) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
24 mai 1960 : Les forces de l'ordre egorgent les prisonniers (Algerie) . . . . . . . . . . . . 44
Juin 47
7 juin 1802 : Toussaint Louverture arr^ete par tra^trise (Hati) . . . . . . . . . . . . . . . . 47
18 juin 1845 : < Enfumades > de la grotte de Ghar-el-Frechih (Algerie) . . . . . . . . . . . 47
21 juin 1957 : L'assassinat de Maurice Audin par les paras est maquille en evasion (Algerie) 48
26 juin 1856 : Renan : < L'immixtion des races tout a fait inferieures aux grandes races ne
ferait qu'empoisonner l'espece humaine > (France) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Juillet 51
9 juillet 1871 : L'Illustration : < Avec les kabyles, la superiorite du chassepot est e rayante >
(Algerie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
10 juillet 1878 : < Ils ne reclament rien moins que l'extermination en masse par tous les
moyens de la race indigene. > (Nouvelle-Caledonie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
14 juillet 1953 : A Paris, la police tire sur des Algeriens, six morts (Algerie) . . . . . . . . 52
14 juillet 1904 : La cartouche sanglante du 14 juillet a Fort-Crampel (Oubangui-Chari) . . 52
15 juillet 1871 : L'Illustration : < A la n du siecle, la race des Kanaks aura sans doute
disparu > (Nouvelle-Caledonie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
15 juillet 1099 : Sac de Jerusalem par les Croises (Palestine) . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
19 juillet 1972 : Planter du blanc (Nouvelle-Caledonie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
20 juillet 1948 : Le dirigeant des insurges du Sud , Michel Radaoroson est tue (Madagascar) 56
25 juillet 1943 : Repression de l'emeute de Philippeville (Algerie) . . . . . . . . . . . . . . 56
28 juillet 1885 : Jules Ferry : < Les races superieures ont un droit sur les races inferieures >
(France) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
29 juillet 1949 : Un ocier francais : < On tourne et le prisonnier crache. > (Vietnam) . . 57
Ao^ut 59
6 ao^ut 1870 : Sacri ce des tirailleurs a la bataille de Froeschwiller (Algerie) . . . . . . . . 59
7 ao^ut 1928 : < Les travaux du chemin de fer Congo-Ocean se poursuivent avec methode. >
(Congo) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
8 ao^ut 1899 : Les tirailleurs sont payes avec des captifs (Soudan) . . . . . . . . . . . . . . 61
5
8 ao^ut 1951 : Henri Martin, ancien resistant FTP, condamne a 5 ans de prison pour
< tentative de demoralisation de l'armee. > (Vietnam) . . . . . . . . . . . . . . . . 61
13 ao^ut 1730 : Dictionnaire de Trevoux : < Les Negres vendent quelquefois leurs propres
femmes > (France) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
20 ao^ut 1953 : Deposition du sultan Mohammed V (Maroc) . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
20 ao^ut 1955 : Executions sommaires a El-Halia (Algerie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
22 ao^ut 1955 : Repression des emeutes dans le Constantinois (Algerie) . . . . . . . . . . . 65
22 ao^ut 1871 : L'Illustration : < Une severe lecon qu'il etait grand temps de donner a ces
populations turbulentes et incorrigibles. > (Algerie) . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
26 ao^ut 1973 : Assassinat d'Outel Bono a Paris (Tchad) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
Septembre 69
1er septembre 1878 : Le grand chef Ata est tue par un tra^tre canaque(Nouvelle-Caledonie) 69
3 septembre 1958 : Ruben Um Nyobe, dirigeant de l'UPC, est abattu (Cameroun) . . . . 69
8 septembre 1926 : Ceux qui refusent de recolter le caoutchouc sont convies au < bal de
Bambio > (Oubangui-Chari) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
13 septembre 1930 : Les a ames demandent une baisse des imp^ots, on envoie des avions
les bombarder (Vietnam) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
24 septembre 1945 : Les colons tirent sur les grevistes (Cameroun) . . . . . . . . . . . . . 72
28 septembre 1957 : Torturee par les paras en presence du colonel Bigeard. . . . . . . . . 72
Octobre 75
4 octobre 1948 : Condamnation des parlementaires malgaches du MDRM (Madagascar) . 75
9 octobre 1915 : Decret de mobilisation de tout indigene de dix-huit ans (AOF) . . . . . . 75
13 octobre 1671 : Repression du marronnage (Martinique) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
15 octobre 1960 : Assassinat de Felix Moumie, chef de l'UPC (Cameroun) . . . . . . . . . 76
15 octobre 1896 : Execution sur ordre de Gallieni du ministre Rainandriamampandry
(Madagascar) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
15 octobre 1987 : Assassinat du president Thomas Sankara (Burkina Faso) . . . . . . . . . 77
16 octobre 1945 : Repression de Conakry (Guinee) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
17 octobre 1961 : Massacre des algeriens par la police parisienne sous les ordres de Papon
(Algerie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
21 octobre 1926 : Massacre de Bodembere (Oubangui-Chari) . . . . . . . . . . . . . . . . 79
25 octobre 1961 : Chant du deshonneur (Algerie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
26 octobre 1956 : La paix des Nementchas : Les blesses sont egorges au couteau de cuisine
(Algerie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
29 octobre 1965 : Enlevement de Ben Barka a Paris par deux policiers francais (Maroc) . 81
Novembre 83
2 novembre 1965 : Enqu^ete sur la disparition de Ben Barka ou l'appareil d'Etat francais
est complice (Maroc) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
7 novembre 1805 : Le Code Civil : < La distinction des couleurs est indispensable. > (Colonies) 84
18 novembre 1892 : Le colonel Dodds pille et incendie Abomey (Dahomey) . . . . . . . . . 85
18 novembre 1801 : Bonaparte entreprend d'aneantir a Saint-Domingue le gouvernement
des Noirs (Hati) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
23 novembre 1946 : Bombardement de Haphong : 6000 morts (Vietnam) . . . . . . . . . . 86
27 novembre 1954 : < Bient^ot un malheur terri ant s'abattra sur la t^ete des rebelles. >
(Algerie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
30 novembre 1900 : < Tout porteur leve pour la corvee ne revoit jamais son village. >
(Soudan) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
6
Decembre 89
1er decembre 1944 : Massacre de Thiaroye (Senegal) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
5 decembre 1952 : Assassinat de Farhat Hached (Tunisie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
8 decembre 1952 : Repression des manifestations de Casablanca (Maroc) . . . . . . . . . . 90
14 decembre 1871 : Renan : < Une race de ma^tres et de soldats, c'est la race europeenne. >
(France) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
15 decembre 1958 : Corvee de bois : < On nettoie le pays de toute la racaille. > (Algerie) . 90
16 decembre 1805 : Le Code Civil rearme le maintien du Code Noir (Colonies) . . . . . 91
31 decembre 1926 : Gide : < Le CFCO est un e royable consommateur de vies humaines. >
(Tchad) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Index chronologique 93
Index des pays concernes 99
Bibliographie 103
Index des personnes citees 107
Introduction
Pourquoi ce calendrier ?
L'idee d'un calendrier des crimes coloniaux de la France est nee lors d'une discussion a l'assemblee
generale de l'association Survie au printemps 1997.
Le besoin de rememorer ces faits peu honorables pour une conscience francaise est apparu en 1994.
Nombre de membres de cette association, ont ete indignes de decouvrir que la France s'etait rendue
complice des organisateurs du genocide qui, au Rwanda, avaient ordonne l'extermination des personnes
dites Tutsi et des personnes dites Hutu ne partageant pas la haine raciale pr^echee par la fraction < Hutu
Power >, sinistres disciples de Vacher de Lapouge .
Plus generalement, ces militants condamnent l'attitude de la France qui, sous couvert de cooperation
ou d'aide au developpement, mene une action nuisible : derriere la volonte achee d'aider se cache celle
de poursuivre une politique d'exploitation et de domination. Autant d'objectifs qui ont ete ceux de la
colonisation.
Cette colonisation, pour s'imposer et se perpetuer, a eu recours a de nombreux actes criminels restes
impunis. Cette impunite autorise actuellement la France a poursuivre sa politique inavouable en Afrique,
sans que les defenseurs francais des Droits de l'Homme s'en insurgent. Et pour cause : c'est la propagation
de la civilisation, du christianisme ou des droits de l'homme
qui ont servi de pretexte honorable a la conqu^ete coloniale et permis la dissimulation de ces crimes.
Toutes les justi cations de la colonisation reposaient en realite, au XIXeme siecle, sur la notion de race
superieure exprimee en 1853 par le marquis de Gobineau dans son Essai sur l'inegalite des races, puis
systematisee dans le darwinisme social. Ces theories etaient les heritieres du christianisme qui se disait
seule veritable religion, s'autorisait de Dieu pour reduire les recalcitrants, niait ses origines semites en
perpetuant le mepris des Juifs et, apres s'^etre demande si les habitants du Nouveau Monde avaient une
^ame, considerait les hommes de couleur noire comme marques par la malediction prononcee par Noe sur
son ls Cham.
Trouver un debut a cette rememoration, c'est remonter a la source du mepris de l'homme blanc pour
l'homme de couleur, tel que nous le montraient nos livres de geographie. C'est remonter loin. S'agissant
de la France, nous avons choisi de commencer en 1099, date de la prise de Jerusalem par les Croises :
ces derniers sont des Francs issus pour une grande part de ce qui sera la France ; les rois de France
participeront aux Croisades suivantes ; la Croisade est une guerre pr^echee par l'Eglise. L'esprit de la
Croisade se perpetue jusqu'a nos jours et la cooperation entre le missionnaire catholique et l'armee
francaise a ete l'un des moteurs principaux de la colonisation francaise.
Un autre fait primordial est la promulgation du Code Noir, qui selon Louis Sala-Molins , < regle le
genocide utilitariste le plus glace de la modernite >. C'est l'Etat qui legifere sur le droit du non-droit, le
statut de sous-homme auquel est reduit l'homme noir, victime de la traite et de l'esclavage. C'est l'origine
legale de la bestialisation du Noir, la naissance d'un racisme d'Etat.
Promulgue en 1685, abroge en 1793, retabli en 1802, abroge en 1848, on peut en voir un prolongement
dans le Code de l'Indigenat qui institue le travail force et perdure jusqu'en 1948. Il y a continuite.
Il y a continuite dans la legislation qui de nit un statut de sous-hommes, il y a continuite dans le
mepris subsequent et, par la, dans le crime. C'est l'originalite de ce calendrier qui classe les faits par mois
et jour, omettant l'annee, donc les montrant p^ele-m^ele : constater qu'avec le temps, helas, rien ne change.
Pis, on regresse. Laurent Schwartz, mathematicien repute, qui a denonce, en son temps, la torture
en Algerie, fait remarquer que < la Revolution francaise avait aboli la torture. La Republique n'a pas
7
8 Introduction
respecte cet engagement. > (L'Humanite 28 novembre 2000). L'article 9 de la Declaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen (26 ao^ut 1789) stipulait en e et : < Tout homme etant presume innocent jusqu'a
ce qu'il ait ete declare coupable, s'il est juge indispensable de l'arr^eter, toute rigueur qui ne serait pas
necessaire pour s'assurer de sa personne doit ^etre severement reprimee par la loi. > Alors que la France
se rend complice de ceux qui hachent leurs semblables a la machette ou leur raccourcissent le bras pour
les emp^echer d'aller voter, la conscience collective francaise reste persuadee tout autant d'appartenir a
une civilisation superieure que d'^etre championne en matiere de promotion des Droits de l'Homme.
Ce travail voudrait aider a progresser sur le chemin de la verite et amener les Francais a reconna^tre
les crimes commis en leur nom. Il ne s'agit pas de proceder a une introspection morbide mais simplement
de faire reconna^tre les faits, a n que cesse l'impunite et qu'aucun Francais ne puisse a l'avenir, au nom
de la France, perpetrer ou tolerer de tels crimes. Reconna^tre les faits, n'est-ce pas le point de depart de
l'attitude scienti que ? Porter un regard scienti que, c'est regarder les faits nus, depouilles de l'emballage
des idees, de la theorie, du discours, c'est prendre du recul, c'est ici passer sur l'autre rive. Ce devrait ^etre
ecouter la voix des victimes et c'est la un gros probleme, parce que les victimes ne sont tout simplement
plus la ...
Si les Francais voulaient bien admettre qu'ils ont sciemment renonce au principe d'Universalite des
Droits de l'Homme, reconna^tre et condamner des crimes d'Etat animes par un racisme d'Etat, s'ils
cessaient de vouloir imputer ces crimes a quelques individus devoyes ou une minorite extremiste, alors
cette magni que phrase francaise, < Les hommes naissent et demeurent libres et egaux en droit > (26
ao^ut 1789), a laquelle ont cru tant d'hommes de couleur, pourrait re
eurir sur cette terre de France ou
leur naf espoir a ete frappe de plein fouet par la mitraille.
Quels faits choisir ?
La periode :
L'intention initiale etait de partir de la colonisation moderne avec la conqu^ete de l'Algerie en 1830.
Mais passer sous silence la promulgation du Code Noir en 1685, c'etait vouloir ignorer la contribution de
l'Etat dans l'emergence du mepris pour les Noirs.
La frequente collaboration entre missionnaires et soldats ou administrateurs, ces derniers d'ailleurs
souvent anticlericaux, nous font remonter a l'evenement fondateur qu'est la prise de Jerusalem en 1099.
Nous ne nous sommes pas arr^etes a la n de la colonisation, puisque dans de nombreux pays, l'ingerence
francaise n'a jamais cesse. Il s'agit donc d'un calendrier des crimes coloniaux et neo-coloniaux. Nous avons
adopte une denomination purement geographique : crimes commis outre-mer.
La nature du crime :
Ont bien s^ur ete retenus les crimes de sang. Mais aussi d'autres crimes tels qu'une legislation etablissant
un statut de sous-homme, un discours raciste a la chambre des deputes ou des proces iniques, qui ne sont
certes que paroles et papiers mais engagent l'Etat. La responsabilite de l'ordonnateur, du commanditaire,
est retenue tout autant que celle de celui qui porte l'arme du crime.
Dans certains crimes, la responsabilite de la France peut ^etre indirecte. Avoir laisse faire, ne pas avoir
demande la verite, avoir continuer a frequenter les assassins ou leurs commanditaires peut sure.
La victime peut ^etre une victime francaise.
Les crimes < de conqu^ete > c'est a dire l'acte de tuer des hommes qui defendent leur terre et leur
famille, leur pays, n'ont ete retenus que lorsqu'ils relevaient de < crimes de guerre > ou de < crimes contre
l'humanite >.
Les sources : Les faits ont ete choisis a partir de documents ecrits, des livres recents, vendus en
librairie pour l'essentiel. Notre documentation est limitee et reunie de maniere sans doute peu objective.
Les faits presentes ici re
etent l'arbitraire de notre documentation. Un travail en bibliotheque aurait ete
necessaire, nous n'en avons pas eu le loisir. Il s'agit d'un travail non universitaire, disons militant.
Il est vrai que les livres critiques sur la colonisation sont rares et diciles a trouver en librairie puisque
le plus souvent epuises.
Les sources sont rares egalement parce que les victimes des crimes presentes dans cet ouvrage sont
generalement peu familieres avec l'ecriture. Il s'agit bien souvent de peuples a traditions orales, sans
etat-Civil, et, quand ils manient l'ecriture, comme au Vi^etnam, les documents qui ont pu contourner la
censure, ne nous sont pas parvenus, du moins sous forme de livres en langue francaise.
Introduction 9
Presentation : Comme ce livre est un calendrier, les evenements n'ayant pas de date connue au jour
pres ont ete ecartes. Cependant, des faits importants comme les < corvees de bois > durant la guerre
d'Algerie ont ete retenus et l'imprecision de la date est signalee en commentaire. Le pays indique dans le
titre correspond au pays concerne, qui n'est pas necessairement le pays ou l'evenement s'est deroule. Le
pays est designe par sa denomination a l'epoque des faits.
10 Introduction
Janvier
9 janvier 1899 : Sac de Sansanne-Haoussa (Soudan)
A
la suite de ses echecs face a l'Angleterre pour la prise de contr^ole du Haut-Nil et du Bas-Niger,
la France se tourne vers le Tchad. La < Mission Afrique Centrale-Tchad >, con ee aux capitaines Paul
Voulet et Julien Chanoine (ce dernier etant le ls du ministre de la guerre), part du Senegal en 1898 pour
gagner le lac Tchad ou elle doit rejoindre la colonne Foureau-Lamy qui vient d'Algerie. Ils levent de force
des porteurs. Pour nourrir leur colonne forte de 2000 personnes, ils pillent, br^ulent, violent et tuent de
village en village.
La colonne passe le 1er janvier 1899 a Sansanne-Haoussa pres de Say, et poursuit sa route dans une
zone desertique dont tous les habitants fuient devant elle. Assoi ee, la colonne revient au Niger. Exasperes
par leur echec, Voulet et Chanoine se < vengent > en mettant a sac le village deja sous contr^ole francais
de Sansanne-Haoussa, ou toute une partie de la population dont des dizaines de femmes est massacree.
Puis c'est le tour d'autres villages, Kerma, Dounga ... Un di erent survient avec le lieutenant Peteau qui
quitte la colonne et ecrit des lettres dont Le Matin publiera des extraits.
[Dans la nuit du 8 au 9 janvier] < des patrouilles doivent s'approcher des villages, s'en emparer a
l'arme blanche, tuer tout ce qui resiste, emmener les habitants en captivite, s'emparer des troupeaux. Le
9 au matin, la reconnaissance rentre au camp avec 250 boeufs, 500 moutons, 28 chevaux, 80 prisonniers.
Quelques tirailleurs ont ete blesses. A n de faire < un exemple > le capitaine Voulet fait prendre vingt
femmes-meres, avec des enfants en bas ^age et a la mamelle, et les fait tuer a coups de lance, a quelques
centaines de metres du camp. Les corps ont ete retrouves par le commandant du poste de Say. >
Sources : P. Vigne d'Octon, La Gloire du sabre, Paris, Flammarion, 1900, p.40-41, cite par Jean Suret-
Canale, Afrique Noire, Occidentale et Centrale, Editions sociales, 1968, p. 299-300 ; Muriel Mathieu, la
Mission Afrique Centrale, L'Harmattan, 1995, p. 103-104.
13 janvier 1963 : Assassinat de Sylvanus Olympio, premier
president elu (Togo)
Le Togo devient independant le 27 avril 1960 et Sylvanus Olympio est elu president aux depens de
Nicolas Grunitzky, candidat soutenu par la France, lors d'elections supervisees par l'ONU.
Le 12 janvier 1963, d'anciens tirailleurs de l'armee coloniale francaise, dont le sergent-chef Etienne
Gnassingbe Eyadema, demobilises au terme de la guerre d'Algerie, prennent d'assaut le camp militaire
Tokoin a Lome. Ils reclament ce qui leur etait refuse jusqu'alors, a savoir leur incorporation dans l'armee
nationale. Les ociers francais qui encadrent l'armee togolaise parlementent avec les mutins. < Vous n'y
pensez-pas, leur auraient repondu les conseillers techniques metropolitains, jamais le President n'acceptera
une telle chose. Il vous fera plut^ot fusiller. > Les insurges prennent peur. Vers minuit, ils decident de
prendre d'assaut la residence presidentielle. Sylvanus Olympio reussit a s'echapper et tente de trouver
refuge dans la cour de l'ambassade americaine. L'ambassadeur des Etats Unis le decouvre mais n'a pas
la cle pour le faire entrer dans l'ambassade. Il previent son homologue francais, Henri Mazoyer. Quelques
instants apres, les mutins se saisissent d'Olympio et le tuent. En 1967, Eyadema, qui revendiquera le
crime, renverse le nouveau pouvoir preside par Nicolas Grunitzky, poulain de Jacques Foccart. Depuis,
le 13 janvier, date de l'assassinat d'Olympio, est jour de f^ete nationale. Francois Mitterrand l'a honore
de sa presence en 1983.
11
12 Janvier
Implication de la France : Sylvanus Olympio a eu le tort de s'^etre forme en Angleterre, d'inviter
l'ancien commissaire imperial allemand du Togoland et de vouloir battre une monnaie nationale garantie
sur le deutschmark (le Togo etait une colonie allemande avant 1918). L'ambassadeur francais plaidera
la these de la bavure. Mais pourquoi les conseillers militaires francais ne sont-ils pas intervenus ? Tout
porte a croire que les services secrets francais ont encourage les insurges, en particulier le commandant
Georges Ma^trier, membre du SDECE et conseiller de Olympio pour les a aires de securite ! La France
reconna^tra le pouvoir issu du putsch avec lequel elle signera un accord d'assistance militaire.
Sources : Pascal Krop, Le genocide franco-africain, J.C. Lattes, 1994, p. 111 ; Francois Xavier Verschave,
La Francafrique - Le plus long scandale de la Republique, Stock, p. 109-126 ;
13 janvier 1955 : Claude Bourdet : < Votre Gestapo d'Algerie. >
(Algerie)
Le 6 decembre 1951, Claude Bourdet, ancien membre du Conseil National de la Resistance, publie
dans L'Observateur (futur France Observateur) un article intitule < Y a-t-il une Gestapo algerienne ? > .
Il y denonce les methodes d'interrogatoire utilisees par la police francaise d'Algerie avec la complicite
d'un certain nombre de magistrats. Cela se passait pres de trois ans avant l'insurrection de la Toussaint
1954, apres le trucage des elections par le gouverneur Naegelen et au moment ou le combat mene par le
Vi^et-minh en Indochine commencait a inspirer de jeunes militants algeriens.
Des l'apparition des premiers maquis, en 1954, la torture reprend de plus belle. La police, composee en
majorite d'Europeens d'Afrique du Nord, s'en prend a l'ensemble du mouvement nationaliste, y compris a
des hommes qui se montrent hostiles ou reticents a l'egard de l'insurrection. C'est le cas de la plupart des
dirigeants des trois courants du nationalisme algerien (messalistes, centralistes, amis de Fehrat Abbas)
ainsi que du Parti communiste. Cela aura de lourdes consequences pour l'avenir. En attendant, la torture
devient pratique courante. Dans un nouvel article, < Votre Gestapo d'Algerie >, du 13 janvier 1955,
Claude Bourdet ecrit :
< Le supplice de la baignoire, le gon
age a l'eau par l'anus, le courant electrique sur les muqueuses,
les aisselles ou la colonne vertebrale, sont les procedes preferes, car "bien appliques" ils ne laissent pas
de traces visibles. Le supplice de la faim est egalement constant. Mais l'empalement sur une bouteille ou
un b^aton, les coups de poing, de pied, de nerf de boeuf ne sont pas non plus epargnes. Tout ceci explique
que les tortionnaires ne remettent les prisonniers au juge que cinq a dix jours apres leur arrestation ...
Une fois que les Gestapistes ont dicte et fait signer a leurs victimes a demi-mortes "l'aveu" qu'il leur
pla^t d'attribuer, le reste du sejour a la police sert a remettre le prisonnier en etat, au besoin a le soigner
(mais oui !) a n qu'il soit presentable lorsqu'on le mene au juge... >
Claude Bourdet donne quelques details sur plusieurs de ces a aires : < Un cas signi catif est celui
de Adad Ali, conseiller municipal d'Alger. Il fut arr^ete le 27 decembre [1954]. Le 30, son avocat,
Ma^tre Pierre Stibbe , signala au procureur de la Republique qu'il n'avait pas reapparu et n'avait pas
ete defere a un magistrat et requit ce procureur, conformement au code d'instruction criminelle, de le
faire mettre immediatement en liberte ou de le faire conduire devant un magistrat. Le procureur invoqua
... "le debordement et la fatigue des policiers" et refusa de deferer a cette requisition. Le 31 decembre,
Mme Adad, craignant pour la vie de son mari, de sante tres fragile, deposa une plainte en complicite
de sequestration arbitraire contre le procureur. Quelques heures plus tard, Adad Ali etait mene devant le
juge d'instruction par cinq inspecteurs des R.G. Les journalistes, avocats, magistrats presents constaterent
qu'il etait dans un etat d'hebetude morale et de delabrement physique complet et portait de nombreuses
traces de coups. >
Suite a l'emoi suscite dans la presse par de telles allegations, le ministre de l'interieur, Francois
Mitterrand, ordonna une enqu^ete qui fut con ee a M. Roger Wuillaume et adressee au gouverneur general
Soustelle. Le rapport, date du 2 mars 1955, reconna^t que les < sevices > < furent utilises dans de
nombreux cas > sont < de pratique ancienne > , mais qu'ils donnent des resultats indiscutables. Les
procedes classiques d'interrogatoire prolonge, de privation de boisson et de nourriture < ne seraient
pas d'une grande ecacite dans ces pays ou les individus presentent une resistance extraordinaire aux
epreuves de toute nature. Par contre, les procedes du tuyau d'eau et de l'electricite, lorsqu'ils sont utilises
avec precaution, produiraient un choc, au demeurant beaucoup plus psychologique que physique, et par
Janvier 13
consequent exclusifs de toute cruaute excessive. >1
Ce rapport (non divulgue) n'emp^eche pas le nouveau ministre de l'interieur, Bourges Maunoury, de
nier l'existence de la torture, le 29 juillet 1955 devant l'Assemblee Nationale : < Ce que je puis dire, c'est
qu'apres les enqu^etes deja e ectuees je ne connais aucun fait de torture tel que ceux qui ont ete enonces. >
Dans le Monde du 15-16 avril 1956, en reponse a des articles de Claude Bourdet et du professeur Henri-
Irenee Marrou, Bourges, devenu ministre de la Defense nationale declare : < Quand je vois que M. Marrou
a parle de < moyens infects >, je dis que pas un seul soldat ne peut admettre cette imputation dans sa
generalite.
Nos soldats, eux, sont la-bas pour assurer ou retablir la paix et pour proteger la vie de chacun, musulmans
ou non. >
Et Guy Mollet, le 14 avril 1957, devant la federation socialiste de la Marne : < Parlons clair. Sans doute
des actes de violence, extr^emement rares, ont ete a deplorer. Mais ils ont ete, je l'arme, consecutifs
aux combats et aux atrocites des terroristes. Quant aux actes de tortures premedites et re
echis, je dis
que si cela etait, ce serait intolerable. On a compare a ce sujet le comportement de l'armee francaise a
celui de la Gestapo. Cette comparaison est scandaleuse. Hitler donnait des directives qui preconisaient
ces methodes barbares, tandis que Lacoste et moi avons toujours donne des ordres dans un sens contraire.
Des enqu^etes ont d'ailleurs ete ordonnees et des condamnations prononcees qui ont sanctionne des actes
reprehensibles. Mais ceux-ci, je le repete, pourraient presque se compter sur les doigts de la main. >
Le 23 novembre 2000, le general Massu a qui le gouvernement Mollet con a les pouvoirs de police a
Alger, le 7 janvier 1957, declare au journal Le Monde : < Mais j'ai dit et reconnu que la torture avait ete
generalisee en Algerie ! Elle a ete ensuite institutionnalisee avec la creation du CCI [...] et des DOP [...],
et institutionnaliser la torture, je pense que c'est pire que tout. >
Sources : Pierre Vidal-Naquet, La Raison d'  Etat, Les Editions de minuit, 1962, page 58, 69, 93,
111, La decouverte, 2002 ; Pierre Vidal-Naquet, La torture dans la republique, Maspero, 1983, page 25 ;
Jean-Luc Einaudi, Pour l'exemple, l'a aire Fernand Iveton, L'Harmattan, 1986, page 41 ; Gilles Martinet,
Torture, memoire, Algerie, Le Monde, 30 novembre 2000.
13 janvier 1672 : Prime de 13 livres pour chaque t^ete de negres
importes (Colonies)
En 1669, Colbert, nomme secretaire d'Etat a la Marine, supprime le monopole de la Compagnie des
Indes Occidentales sur le commerce avec l'Amerique et la taxe qu'elle percevait sur les bateaux.
Il instaure le systeme de l'Exclusif : les colonies ne produisent que pour la metropole, ne consomment
que ses produits et ne commercent qu'avec elle.
Par un arr^et du 26 ao^ut 1670, le Conseil d'Etat exonere de l'imp^ot de 5 % la traite des Negres de
Guinee. La traite des Noirs, encouragee par ces mesures se developpe considerablement : en cette annee
1670, trois mille < pieces d'Inde > seront transportees aux Antilles.
Une ordonnance du 13 janvier 1672 accorde une prime de 13 livres pour chaque t^ete de Negre importee
aux colonies. Des lettres patentes de 1696 et 1704 con rment ces privileges, et Voltaire ecrit qu'en prenant
un inter^et dans ce tra c, < il a fait une bonne action et une bonne a aire >. Le 26 octobre 1784, le roi
Louis XVI accorde de nouvelles immunites aux negriers. Le 21 octobre 1787, une dep^eche ministerielle
recommande de payer dans les colonies la prime de 13 francs qui avait ete portee a 60. Ces faveurs
se perpetuent sans interruption jusqu'a la Revolution, et l'Assemblee constituante elle-m^eme, y met le
sceau par un decret qui declare la traite < commerce national >. Il faut atteindre le 25 juillet 1793 pour
voir supprimer ces primes, suppression bient^ot suivie a la verite de l'abolition de la traite et de celle de
l'esclavage. (Decret de la Convention du 16 pluvi^ose an II, 4 fevrier 1794).
Commentaire : Schoelcher montre que la responsabilite du gouvernement francais est directe dans la
traite des Noirs. Ce n'est pas une invention des colons ou des armateurs mais de l'Etat.
Sources : Robert et Marianne Cornevin, La France et les Francais outre-mer, Tallandier, 1990, p.
91, 102, 106, 128 ; Victor Schoelcher, Des colonies francaises, abolition immediate de l'esclavage, 1842,
reedition C.T.H.S., 1998, page 175.
1La raison d'etat, la decouverte, p.73
14 Janvier
15 janvier 1971 : Execution publique de Ernest Ouandie, leader
de l'UPC (Cameroun)
Au Cameroun, les combats, et les massacres de villageois par les troupes franco-camerounaises, dans
le cadre de la repression de l'UPC, mouvement politique qui s'oppose au regime neo-colonial, durent
jusqu'en 1963. Ernest Ouandie conserve un noyau de maquisards jusqu'en ao^ut 1970. Il est arr^ete le
21 ao^ut 1970 lors d'un deplacement organise par Mgr Albert Ndongmo, ev^eque de Nkongsamba. Il sera
juge avec d'autres compagnons et l'ev^eque, pour complot visant a assassiner Ahmadou Ahidjo, le chef de
l'Etat, lors d'une parodie de proces devant le Tribunal Permanent Militaire a Yaounde. Son avocat, Me
de Felice, se voit refuser l'entree au Cameroun. Ouandie sera fusille sur la place de Ba ousam avec deux
autres de ses camarades le 15 janvier.
Implication de la France : Ahidjo est une creature de la France. Jacques Foccart tire les celles.
L'Etat francais montre a quel point il se sent concerne par cette a aire : des sa parution chez Maspero,
le livre de Mongo Beti Main Basse sur le Cameroun est interdit. L'auteur y exprime son indignation face
a l'inertie de l'opinion francaise qui, hormis les journaux l'Humanite et la Croix (a cause de l'inculpation
de l'ev^eque) ne s'emeut pas, alors qu'une vaste campagne vient d'^etre menee en faveur des accuses du
proces de Burgos.
Sources : Mongo Beti, Le Cameroun d'Ahidjo, Temps Modernes, novembre 1972, n 316 ; Mongo Beti,
Main basse sur le Cameroun, Edition des peuples noirs ; Francois Xavier Verschave, La Francafrique -
Le plus long scandale de la Republique, Stock, page 105-106 ; Marianne Cornevin, Histoire de l'Afrique
contemporaine, Payot, 1978.
17 janvier 1961 : Assassinat de Patrice Lumumba a Elizabethville
(Congo ex-belge)
Suite au soulevement de janvier et octobre 1959 a Leopoldville, l'independance du Congo est octroyee
par Bruxelles pour le 30 juin 1960. Le 31 mai 1960, Patrice Lumumba remporte les elections et devient
Premier ministre, tandis que Joseph Kasa Vubu devient president du Congo. Des troubles eclatent en
juillet lors de la tentative d'africanisation du corps des ociers de l'armee congolaise. Le 11 juillet 1960,
Mose Tshombe, soutenu par les troupes belges et pousse par l'Union miniere, proclame la secession du
Katanga, l'Etat du cuivre. Lumumba et Kasa Vubu font appel a l'ONU qui envoie des casques bleus et
impose le depart des troupes belges. Celles-ci se retirent sauf au Katanga ou elles maintiennent Tshombe
en selle. L'armee nationale congolaise combat la secession du Sud-Kasa et se dirige vers le Katanga.
Fin ao^ut la CIA, les belges et de fait aussi l'ONU, entreprennent d'ecarter, voire d'eliminer Lumumba.
Kasa Vubu le demet de ses fonctions le 5 septembre en depit de l'opposition du Parlement. Le 14 septembre,
le colonel Joseph-Desire Mobutu, nomme chef d'etat-major par Lumumba entreprend un coup
d'Etat et arr^ete le Premier ministre. Le 24 novembre, l'Assemblee Generale de l'ONU reconna^t la legalite
de la delegation de Kasa Vubu au detriment de celle de Lumumba. Celui-ci s'evade le 27 novembre mais
est repris le 2 decembre. Les 12 et 13 janvier eclate une revolte au camp de l'armee a Thysville2 ou est enferm
e Lumumba. Les Occidentaux craignent le retour de Lumumba et Bruxelles exerce des pressions pour
qu'il soit livre a Tshombe (Katanga) ou a Kalonji (Kasa). Le 17 janvier 1961, Patrice Lumumba, Maurice
M'Polo et Joseph Okito, apres avoir subi de nombreux sevices, sont transferes a Elisabethville au Katanga.
Tshombe et son entourage belge du Bureau-conseil du Katanga decident d'eliminer immediatement les
trois prisonniers. En presence de Tshombe et de trois de ses < ministres >, ils sont executes par des
policiers et des soldats katangais commandes par deux belges, le commisaire de police Frans Verscheure
et le capitaine Julien Gat.
Il s'ensuit une succession de troubles.
Le 25 novembre 1965, a l'issue d'un nouveau putsch, Mobutu prend le pouvoir.
Implication de la France : La position de la France a varie entre le soutien a Tshombe, motive par
les richesses du Katanga, et le principe du maintien des frontieres coloniales. Peu avant l'independance,
le 26 fevrier 1960, Maurice Couve de Murville, ministre des A aires etrangeres tente de faire valoir le
2Aujourd'hui Mbanza-Ngungu, sud de Kinshasa
Janvier 15
droit de preference de la France sur le Congo qui lui avait ete accorde par Leopold II, en echange de la
reconnaissance par celle-ci de l'Association Internationale du Congo, contr^olee par le m^eme Leopold II. La
France a favorise l'elimination de Lumumba. En decembre 1960, Jacques Duchemin est conseiller militaire
de Tshombe. Fin janvier 1961, le colonel Trinquier, adjoint de Massu a Alger et theoricien de la torture,
est en mission au Katanga. Le 31 janvier, le gouvernement Tshombe redige un contrat d'embauche de
Trinquier comme chef de la Gendarmerie katangaise. Mais Bruxelles ne tolere pas cette intrusion dans
son arriere-cour. Ce n'est qu'apres la reduction du cadre belge sous la pression de l'ONU que Trinquier
organisera la force armee katangaise3. Pierre Dabezies, membre du cabinet de Pierre Messmer, ministre
de la Defense, suivait le dossier Katanga. Le Congo de Fulbert Yulu est par ailleurs utilise comme base
avancee.
Sources : Ludo De Witte, L'assassinat de Lumumba, Karthala, 2000, page 158-159, 223-277 ; Pierre
Pean, L'homme de l'ombre, elements d'enqu^ete autour de Jacques Foccart, l'homme le plus mysterieux et
le plus puissant de la Veme Republique, Fayard, 1990, page 297-302.
22 janvier 1952 : Jean de Hautecloque : < Jusqu'ici, nous avons
bande mou, maintenant, il nous faut bander dur. > (Tunisie)
Alors que, le 10 avril 1950, Robert Schuman, ministre des A aires etrangeres, envisage de conduire la
Tunisie vers l'independance, dans le cadre de l'Union Francaise, contre l'avis de Georges Bidault president
du Conseil,
{ Le 15 decembre 1951, la France rejette les reformes demandees par le gouvernement tunisien et
acceptees par le resident general Perillier.
{ Le 13 janvier 1952, un resident < autoritaire >, Jean de Hautecloque, est envoye a Tunis. Ce dernier
declare a Vincent Auriol < Jusqu'ici, Monsieur le President, nous avons bande mou, maintenant,
il nous faut bander dur. >
{ Le 14, la Tunisie depose une plainte a l'ONU.
{ Le 16, le congres du Neo-Destour, parti nationaliste, est interdit.
{ Le 18, Habib Bourguiba est arr^ete et deporte a Tabarka.
{ Le 22, eclatent des greves et des manifestations. Le colonel Durand est tue a Sousse, la repression fait
au moins 17 morts du c^ote tunisien. C'est le debut des a rontements sanglants qui ne se termineront
qu'avec l'independance de la Tunisie le 20 mai 1956.
{ Du 28 janvier au 1er fevrier : une operation de ratissage est menee au Cap Bon. Elle est dirigee par
le general Garbay, qui s'est illustre dans la repression de l'insurrection de 1947 a Madagascar.
{ Le 25 mars, le Premier ministre, M'hamed Chenik et les autres ministres sont arr^etes.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, page 160, 185-186 ; Charles-Andre
Julien, Et la Tunisie devint independante, Jeune Afrique, 1985 ; Alain Ruscio, Y'a bon les colonies, Autrement
n 144, Oublier nos crimes, avril 1994.
24 janvier 1845 : Bugeaud : < Je br^ulerai vos villages et vos
moissons > (Algerie)
La conqu^ete de l'Algerie fut une guerre atroce. Ainsi en temoigne les lettres de Saint-Arnaud qui
devait devenir marechal de France :
< Nous resterons jusqu'a la n de juin a nous battre dans la province d'Oran, et a y ruiner toutes
les villes, toutes les possessions de l'emir. Partout, il trouvera l'armee francaise, la
amme a la main. >
(Mai 1841)
< Mascara, ainsi que je te l'ai deja dit, a d^u ^etre une ville belle et importante. Br^ulee en partie et
saccagee par le marechal Clauzel en 1855. >
< Nous sommes dans le centre des montagnes entre Miliana et Cherchell. Nous tirons peu de coups
de fusil, nous br^ulons tous les douars, tous les villages, toutes les cahutes. L'ennemi fuit partout en
3avec le commandant Roger Faulques, autre tortionnaire en Algerie et le capitaine de la Bourdonnaye-Montluc cf Pierre
Vidal-Naquet, La torture dans la Republique, p. 48 et Bob Denard
16 Janvier
emmenant ses troupeaux. >
< Entoure d'un horizon de
ammes et de fumee qui me rappelle un petit Palatinat en miniature, je
pense a vous tous et je t'ecris. Tu m'as laisse chez les Brazes, je les ai br^ules et devastes. Me voici chez
les Sindgads, m^eme repetition en grand, c'est un vrai grenier d'abondance... Quelques-uns sont venus
pour m'amener le cheval de soumission. Je l'ai refuse parce que je voulais une soumission generale, et
j'ai commence a br^uler. > (Ouarsenis, octobre 1842).
< Des tas de cadavres presses les uns contre les autres et morts geles pendant la nuit ! C'etait la
malheureuse population des Beni-Na^asseur, c'etaient ceux dont je br^ulais les villages, les gourbis et que
je chassais devant moi. > (Region de Miliana, 1843)
< J'ai laisse sur mon passage un vaste incendie. Tous les villages, environ deux cents, ont ete br^ules,
tous les jardins saccages, les oliviers coupes. > (Petite Kabylie, mai 1851)
Le general Bugeaud ecrit le 18 janvier 1843 au general de la Moriciere : < Plus d'indulgence, plus de
credulite dans les promesses. Devastations, poursuite acharnee jusqu'a ce qu'on me livre les arsenaux, les
chevaux et m^eme quelques otages de marque...Les otages sont un moyen de plus, nous l'emploierons, mais
je compte avant tout sur la guerre active et la destruction des recoltes et des vergers... Nous attaquerons
aussi souvent que nous le pourrons pour emp^echer Abd el Kader de faire des progres et ruiner quelques
unes des tribus les plus hostiles ou les plus felonnes. >
Le 24 janvier il ecrit au m^eme : < J'espere qu'apres votre heureuse razzia le temps, quoique souvent
mauvais, vous aura permis de pousser en avant et de tomber sur ces populations que vous avez si souvent
mis en fuite et que vous nirez par detruire, sinon par la force du moins par la famine et les autres
miseres. >
Bugeaud declare dans un discours a la Chambre le 24 janvier 1845 : < J'entrerai dans vos montagnes ;
je br^ulerai vos villages et vos moissons ; je couperai vos arbres fruitiers, et alors ne vous en prenez qu'a
vous seuls. >
Les < colonnes infernales > de Bugeaud et de ses adjoints mettent largement a execution ces menaces
a l'egard des populations insoumises ou en revolte. L'objectif n'etait-il pas de vider l'Algerie de ses
habitants, de n'y tolerer tout au moins que des esclaves ?
Sources : Robert Louzon, Cent ans de capitalisme en Algerie 1830-1930 La Revolution proletarienne
1er mars et 15 mai 1930, reedite par Acratie page 8-10 ; Jean-Luc Einaudi, Un r^eve algerien, Dagorno,
1994, page 18-19 ; Mehdi Lallaoui, Kabyles du Paci que, Au nom de la memoire, 1994.
28 janvier 1993 : Assassinat de Philippe Bernard, ambassadeur
de France a Kinshasa (Zare)
Pour s'opposer a une evolution democratique de son pays, avec l'election en ao^ut 1992 de Etienne
Tshisekedi comme Premier ministre par la conference nationale, le dictateur Mobutu joue la politique du
pire en incitant les militaires a se mutiner. Ces derniers pillent Kinshasa dans le but d'abattre Etienne
Tshisekedi.
Faussement invite a l'ambassade de France, Tshisekedi devait y ^etre assassine, mais, mis au courant
par l'ambassadrice des USA, Melissa Wells, celui-ci ne s'y rend pas. Les tueurs des Forces d'Intervention
Speciales arrivent a l'ambassade de France et ne trouvent que l'ambassadeur et le telephoniste zarois
que, depites, ils tuent. Les auteurs seraient deux ociers charges de la securite du president Mobutu,
le colonel Lemy Lissika et le lieutenant Komadja. Selon la these ocielle l'ambassadeur de France a ete
victime d'une balle perdue.
Implication de la France : C'est la confusion, aucune enqu^ete n'est ordonnee par Paris, Mobutu
n'est pas condamne. Au contraire, au sommet de la francophonie a l'^le Maurice, le 16 octobre 1993,
Mobutu est present,
anque des deux assassins presumes. L'annee suivante apres le genocide rwandais,
la France le rehabilite et le declare element stabilisateur de la region.
Sources : Pascal Krop, Le genocide franco-africain, J.C. Lattes, 1994, page 131-138 ; Colette Braeckmann,
Terreur africaine, Fayard, 1996, page 214-217.
Janvier 17
29 janvier 1944 : Repression de Rabat-Sale et Fes (Maroc)
Durant la guerre, le sultan Mohammed V fait preuve d'independance vis-a-vis du gouvernement de
Vichy : refus d'appliquer les lois antijuives, refus de s'opposer au debarquement anglo-americain. Des
troupes marocaines participent aux combats contre l'Axe, en Italie et pour la liberation de la France. Le
11 janvier 1944, le manifeste de l'Istiqlal, mouvement nationaliste, demande l'abolition du protectorat
francais et la participation du Maroc a la future ONU. Mohammed V y est favorable, cependant le
resident general Puaux l'oblige a desavouer les nationalistes (14 janvier) et a revoquer des ministres (20
janvier). Les autorites francaises, c'est-a-dire De Gaulle a Alger, soupconnent les nationalistes d'avoir des
relations avec les Allemands. Le 28 janvier, la securite militaire decouvre < un complot pro-allemand >.
Balafredj et d'autres leaders nationalistes sont arr^etes et envoyes en Corse.
Le 29, des milliers de Marocains protestent dans la rue, a Rabat le matin, a Sale, ville jumelle de
Rabat, l'apres-midi. Gendarmes et blindes francais interviennent. Etienne Bloch, ancien de la 2eme DB
dit4 avoir reprime une agitation avec des chars a la Medina de Rabat en 1944. Il y a quatre morts francais,
quelques-uns du c^ote marocain. Une manifestation est egalement organisee a Casablanca : trois morts
marocains. Le lendemain 30 janvier a Fes, c'est un veritable soulevement. Pour le briser, il faudra un siege
d'une semaine. L'aviation survole la ville. Puaux se serait oppose a un bombardement par l'artillerie. Les
tirailleurs senegalais sont envoyes en 1ere ligne, il y a entre 30 et 60 morts, des milliers d'arrestations.
Apres quoi, en juin 1945, De Gaulle recoit somptueusement le sultan en France et lui o re un voyage a
Constance, au quartier general de De Lattre, dont une partie des troupes est marocaine.
Implication de la France : La revendication nationaliste trouvait sa source dans la Charte de
l'Atlantique et les espoirs entretenus par les Americains. L'engagement de troupes marocaines au c^ote
des Allies invitait les autorites francaises a abandonner leur vision coloniale. L'arrestation de Balafredj
para^t plus qu'une maladresse (le resident general Puaux n'a pas ete consulte, le directeur des a aires
politiques, Boniface, avait garanti que cette arrestation ne creerait pas d'incident), c'etait une veritable
provocation.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, pages 64-68.
30 janvier 1950 : Fusillade de Dimbokro (C^ote d'Ivoire)
A
la Liberation se forme en Afrique Occidentale Francaise (AOF), le 18 octobre 1946, le Rassemblement
Democratique Africain (RDA) avec a sa t^ete Felix Houphouet-Boigny, depute de C^ote d'Ivoire.
Allie, au Palais Bourbon, avec les communistes, il declare a son congres de Treichville de janvier 1949,
lutter contre < l'oppression coloniale > et arme sa solidarite avec le Vietminh et le peuple malgache.
L'administration coloniale avec a sa t^ete le gouverneur Pechoux (SFIO), suscite des demissions du RDA
et cree d'autres partis avec des dissidents. Des incidents eclatent entre ces partis et le RDA. C'est le
pretexte pour mettre de nombreux dirigeants du PDCI (Parti democratique de C^ote d'Ivoire, section
du RDA) en prison. Plusieurs manifestations demandent leur liberation. Le PDCI lance une greve des
achats des produits importes et defend les prix legaux payes aux producteurs africains de cafe et de cacao.
Sous pretexte de defendre la liberte du commerce, les administrateurs coloniaux font intervenir l'armee
a Boua
e le 21 janvier (3 morts), a Dimbokro le 30 janvier (14 morts, 50 blesses), a Seguela le 2 fevrier
(3 morts) et tentent le 27 janvier d'arr^eter Houphouet. A Dimbokro, le commandant de cercle fait tirer
sur la foule qui manifeste devant sa residence. Il appara^t que, en dehors des forces de l'ordre, des civils
europeens ont tire. Les reunions du RDA sont interdites par Paris qui voit dans ses evenements la main
de Moscou. Une commission d'enqu^ete parlementaire, la commission Damas, redige un rapport qui ne
sera jamais presente par suite d'un desaccord entre commissaires. Ce rapport revele une manipulation :
le RDA n'a pas prepare de soulevement, mais c'est Paris qui a organise sa destruction. Le precedent gouverneur,
Orselli, y declare que le ministre de la France d'Outre-Mer l'a envoye la-bas < pour supprimer
le RDA >, il ajoute qu'un forestier, Lagarosse, tres ecoute a Paris avait declare : < La situation ne peut
s'arranger ici qu'avec 10 000 morts. > Cependant, quelques mois apres, la direction du RDA negociait
avec Rene Pleven, le president du Conseil et Francois Mitterrand, ministre de la France d'Outre Mer. Le
4propos tenus au colloque sur son pere, Marc Bloch a Strasbourg le 19 novembre 1994
18 Janvier
RDA se detache des communistes, et s'allie avec l'UDSR, le parti de Mitterrand. Toutes les sections du
RDA suivront, excepte au Cameroun.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte 1994, page 148-149 ; Marianne Cornevin,
Histoire de l'Afrique Contemporaine, Payot, 1978, page 188-189.
Fevrier
1er fevrier 1962 : Asphyxies dans un wagon entre Douala et
Yaounde (Cameroun)
Pour reduire la revolte de l'UPC, mouvement independantiste camerounais, Jacques Foccart, artisan
de la politique africaine du general De Gaulle, cree le SDECE Afrique dont il con e la direction a Maurice
Robert. La liale camerounaise, le SEDOC, est dirige par Jean Fochive . C^ote police, un redoutable
professionnel francais, Georges Conan demontre ses talents. En n, pour < casser > la rebellion bamileke,
Foccart envoie, a la demande du gouvernement camerounais, un corps expeditionnaire francais sous la
direction du general Max Briand, qui a commande durant deux ans en Indochine le 22eme RIC < les
casseurs de Viets >. Pour < eradiquer > l'UPC, Briand applique les methodes utilisees en Indochine et
Algerie : camps de regroupement, politiques de la terre br^ulee, bombardements au napalm, destruction
des villages.
En gare de Douala, un groupe de cinquante deux detenus, hommes, femmes et enfants est embarque
t^ot le matin, le 1er fevrier 1962, dans un wagon metallique dont la porte est verrouillee. Quand le train
arrive a Yaounde au debut de la soiree, l'asphyxie a fait son oeuvre : le gendarme qui ouvre le wagon
decouvre vingt-cinq cadavres.
Des ociers francais admettront par la suite avoir frappe trop fort.
Sources : Mongo Beti, Le Cameroun d'Ahidjo, Les Temps Modernes, novembre 1972, n316 ; Mongo
Beti, Main basse sur le Cameroun, edition des peuples noirs, page 70 ; Francois Xavier Verschave, La
Francafrique - Le plus long scandale de la Republique, Stock, page 101-102.
1er fevrier 1743 : Loi contre le marronnage (Colonies)
Le 1er fevrier 1743, une declaration du roi ajouta la peine de mort contre tout esclave surpris en
marronnage5, porteur d'armes blanches ou a feu. Le Code Noir de 1685 speci ait deja en son article 38 :
< L'esclave fugitif qui aura ete en fuite pendant un mois a compter du jour que son ma^tre l'aura denonce
en justice, aura les oreilles coupees et sera marque d'une
eur de lys sur une epaule ; et s'il recidive une
autre fois a compter pareillement du jour de la denonciation, aura le jarret coupe et sera marque sur
l'autre epaule ; et la troisieme fois, il sera puni de mort. >
Sources : V. Schoelcher, Des colonies francaises, abolition immediate de l'esclavage, 1842, reedition
C.T.H.S., 1998, pages 102-103 ; Louis Sala-Molins, Le Code Noir, PUF, 1998, page 166.
2 fevrier 1950 : Fusillade de Seguela (C^ote d'Ivoire)
Pour demanteler le RDA, pretendument dirige depuis Moscou, l'administration coloniale, incite ses
responsables, non sans employer la corruption, a creer de nouveaux partis. L'un d'eux, Sekou Sanago,
organise a Seguela en C^ote d'Ivoire une reunion publique au cours de laquelle les adherents du RDA sont
invites a rejoindre le nouveau Parti des Independants.
5On appelle marron l'esclave qui s'enfuit. Le mot vient de l'espagnol cimarron qui se dit d'un animal domestique qui
fuit a la campagne et devient sauvage.
19
20 Fevrier
L'auditoire refuse d'abandonner le RDA. Il y a des heurts. La gendarmerie intervient. La fusillade qui
s'ensuit fait 3 morts dont le ls de l'interprete Sidiki Bakayoko, que l'administrateur Valette n'avait pas
reussi a faire demissionner du RDA. Ces faits sont relates dans le rapport de la commission d'enqu^ete
parlementaire Damas (21 novembre 1950) qui ne fut jamais presente, le president (MRP) ayant signi e
son desaccord avec les conclusions des autres commissaires. Sekou Sanago sera elu sous l'etiquette RPF
lors des elections truquees de 1951.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, page 153.
19 fevrier 1964 : Repression du putsch militaire par les troupes
francaises (Gabon)
Un debut de democratie appara^t au lendemain de l'independance du Gabon, proclamee le 17 ao^ut
1960. Leon M'ba, l'homme de la France, se maintient au pouvoir en arrangeant les elections. Le 18
fevrier 1964, l'armee l'ecarte du pouvoir sans coup ferir et con e le pouvoir au principal opposant civil,
Jean-Hilaire Aubanne qui s'empresse de rassurer l'ambassadeur de France.
Mais Foccart convainc de Gaulle de reprimer ce crime de lese-majeste. Deux regiments de parachutistes
debarquent le 19 fevrier a Libreville, l'un, le 7eme RPIMA, base a Dakar, l'autre base a Bouar en
Centrafrique. Commandes par Maurice Robert, chef du SDECE-Afrique, ils cernent le camp militaire de
Lalala. Les Francais tirent, 15 soldats gabonais sont tues. Leon M'Ba est retabli et les opposants sont
emprisonnes. Le Gabon est repris en main par des specialistes francais comme Georges Conan, qui a
exerce ses talents dans la police au Cameroun. Bongo, dauphin choisi par la France, succede a M'ba, a
sa mort, n 1967.
Sources : Francois Xavier Verschave, La Francafrique - Le plus long scandale de la Republique, Stock,
page 132 ; Pierre Pean, A aires africaines, Fayard, 1983, page 46-50.
25 fevrier 1791 : Le mul^atre Oge subit le supplice de la roue pour
avoir cru a l'egalite (Hati)
Les colons de la partie francaise de Saint-Domingue refusent d'appliquer aux mul^atres le decret du 28
mars 1790 donnant le droit de vote a < toutes personnes libres ^agees de 25 ans accomplies, proprietaires
d'immeubles. > L'abbe Gregoire, qui demande que soit precise si ce decret s'applique aux mul^atres,
n'obtient pas de reponse du rapporteur Barnave. Vincent Oge, un mul^atre rentrant de France le 23 octobre
1790, reunit 200 jeunes gens et met en demeure le gouverneur et l'Assemblee Provinciale d'appliquer ce
decret. < Je ne comprends pas dans mes reclamations le sort des negres qui vivent dans l'esclavage > ,
prend-il soin d'ajouter car souvent les mul^atres etaient eux-m^emes proprietaires d'esclaves. Borel, chef de
la garde nationale du Cap avec une troupe de 1500 hommes, disperse les amis du leader mul^atre. Oge,
son ami Chavannes et une trentaine de leurs compagnons se refugient dans la partie espagnole. Mais le
gouverneur les livre.
Un proces s'ensuit. < Treize des insurges faits prisonniers furent condamnes aux galeres perpetuelles,
vingt-deux a ^etre pendus >. S'agissant de Vincent Oge et son ami Chavannes, la cour les dit convaincus
d'avoir premedite le soulevement des gens de couleur, et condamne :< Lesdits Vincent Oge jeune, quarteron
libre de Dondon, et Jean-Baptiste Chavannes, quarteron libre de la Grande Riviere a ^etre conduits par
l'executeur de la haute justice au-devant de la principale porte de l'eglise paroissiale de cette ville, et la,
nu-t^ete et en chemise, la corde au cou, a genoux, et ayant dans leurs mains chacun une torche de cire
ardente du poids de deux livres, faire amende honorable, et declarer a haute et intelligible voix que c'est
mechamment, temerairement et comme malavises, qu'ils ont commis les crimes dont ils sont convaincus,
qu'ils s'en repentent et en demandent pardon a Dieu, au roi et a la justice ; ce fait, conduits sur la Place
d'Armes de cette ville au c^ote oppose a l'endroit destine a l'execution des Blancs et d'y avoir les bras,
jambes, cuisses et reins rompus vifs, sur un echafaud qui sera dresse a cet e et, et mis par l'executeur de
la haute justice sur des roues, pour y rester tant qu'il plaira a Dieu de leur conserver la vie ; ce fait leurs
t^etes coupees et exposees sur des poteaux ; savoir, celle dudit Vincent Oge jeune sur le grand chemin qui
Fevrier 21
conduit au Dondon, et celle de Jean-Baptiste, dit Chavannes, sur le chemin de la Grande Riviere, en face
de l'habitation Poisson. >
L'assemblee provinciale, qui voulait assister en corps a l'execution, entoure l'echafaud, et supporte
jusqu'a la n cet horrible supplice pourtant deja aboli en France.
Commentaires : Schoelcher date l'execution par erreur au 9 mai 1790.
Sources : Victor Schoelcher, Vie de Toussaint Louverture, Ollendorf, 1889, Karthala, 1982, page 25 ;
Aime Cesaire, Toussaint Louverture, la Revolution francaise et le probleme colonial., Presence africaine,
1981, page 96.
26 fevrier 1885 : Conference de Berlin : l'Europe met l'Afrique
en tutelle (Etat independant du Congo)
La Conference de Berlin se reunit du 15 novembre 1884 au 26 fevrier 1885 a l'invitation de Bismark en
l'absence de tout representant africain. Hormis Stanley, membre de la delegation des Etats-Unis, aucun
des participants n'etait alle en Afrique noire. Contrairement a l'idee recue, le partage de l'Afrique ne s'est
pas fait a Berlin. Il s'est fait par de pseudo-traites avec des chefs indigenes et des accords bilateraux entre
puissances europeennes.
Dans l'acte general, conclu < au nom du Dieu Tout-Puissant >, les signataires, puissances europeennes,
Empire ottoman, Etats-Unis d'Amerique, se disent < preoccupes [...] des moyens d'accro^tre le bien-^etre
moral et materiel des populations indigenes >. L'acte proclame :
{ la liberte du commerce dans tout le bassin du Congo ;
{ la liberte de navigation sur le Congo, le Niger et leurs auents ;
{ la liberte religieuse, le droit d'organiser des missions ;
{ l'interdiction de la traite des esclaves ;
{ la concertation avec les autres Puissances lors de la prise de possession d'un territoire.
Derriere des motifs pieux et humanitaires c'est la mise en tutelle de peuples entiers, voire leur extermination
qui se prepare a travers l'Acte de Berlin.
Le principal bene ciaire de la Conference de Berlin est Leopold II, roi des Belges, qui, par l'interm
ediaire de Stanley, son agent, a obtenu la reconnaissance de l'Association Internationale du Congo,
presentee comme une sorte de colonie internationale, dont il etait, en fait, le seul a tirer les celles et
qui lui permettra de s'emparer, a titre personnel, de tout un Empire. Le resultat le plus important de la
conference fut donc la reconnaissance de ce qu'il nommera peu apres, le 29 mai 1885, < Etat independant
du Congo >.
La France obtient en echange des territoires pres de l'embouchure du
euve Congo et un < droit de
preference > (sorte de droit de preemption) sur le Congo de Leopold.
Sources : Gilbert Comte, L'empire triomphant, Denoel, 1988, page 41-44, 333-335 ; Henri Wesseling,
Le partage de l'Afrique 1880-1914, Denoel, 1996, page 159-164 ; Adam Hochschild, Les fant^omes du roi
Leopold, Belfond, 1998.
22 Fevrier
Mars
10 mars 1966 : Ossende Afana, dirigeant de l'UPC, est tue par
les forces de repression franco-camerounaises (Cameroun)
Ossende Afana, jeune dirigeant upeciste { l'UPC, Union des Populations Camerounaises, lutte contre
le regime neocolonial de Ahidjo mis en place par Jacques Foccart {, docteur en economie, qui venait
d'ouvrir un front de guerilla dans l'extr^eme Sud du Cameroun, est tue dans des circonstances jamais
eclaircies. On retrouve son corps horriblement mutile : la t^ete a ete sectionnee au ras du tronc. Mongo
Beti dit qu'il < fut bel et bien execute plusieurs jours apres sa capture. >
Sources : Francois Xavier Verschave, La Francafrique - Le plus long scandale de la Republique, Stock,
page 106 ; Mongo Beti, Le Cameroun d'Ahidjo, Temps Modernes, novembre 1972, numero 316 ; Mongo
Beti, Main basse sur le Cameroun, editions des peuples noirs, pages 70, 149, 154-155.
14 mars 1957 : Asphyxies dans un chai a vin
Dans la nuit du 14 au 15 mars 1957, a An Isser, en Oranie, le lieutenant Curutchet, du 7eme regiment
d'infanterie, enferme cent un suspects dans des chais a vin. Le lendemain, quarante et un hommes sont
morts asphyxies. Le lieutenant Curutchet est inculpe, mais acquitte, donc en de nitive couvert ; le general
Pedron, commandant le corps d'armee d'Oran, se contente d'adresser, en faisant allusion a des < incidents
recents >, une circulaire sur la < salubrite des locaux d'habitation >. Le lieutenant Curutchet deviendra
un des chefs de l'O.A.S. a laquelle il adhere < par respect de la parole donnee > (aux musulmans).
Robert Delavignette, membre de la < Commission de sauvegarde des droits et libertes individuels >
rapporte des faits analogues dans une cave a vin a Mercier-Lacombe le 16 avril 1957, ou vingt trois
suspects sont asphyxies par le gaz sulfureux (SO2), 16 F.M.A (Francais Musulmans d'Algerie) decedent
et le 27 juin 1957, dans une cuve a vin a Mouzaiaville, vingt et un suspects sont asphyxies.
Ces < erreurs > de < cadres inexperimentes > ne sont pas sans rappeler les < enfumades > pratiquees
par les colonnes du general Bugeaud.
Sources : Pierre Vidal-Naquet, La torture dans la Republique, Paris, 1972, Maspero,page 52 ; Pierre
Vidal-Naquet, Les crimes de l'armee francaise, Algerie 1954-1962, La Decouverte, 1975, reedition 2001,
p. 100-106 ; Pierre Vidal-Naquet, La Raison d'  Etat, Les Editions de minuit, 1962, la Decouverte, 2002, p.
180-187.
15 mars 1843 : De Montagnac : < Aneantir tout ce qui ne rampera
pas a nos pieds comme des chiens. > (Algerie)
Ocier durant la conqu^ete de l'Algerie, le lieutenant-colonel de Montagnac ecrit a Philippeville le 15
mars 1843 : < Toutes les populations qui n'acceptent pas nos conditions doivent ^etre rasees. Tout doit ^etre
pris, saccage, sans distinction d'^age ni de sexe : l'herbe ne doit plus pousser ou l'armee francaise a mis
le pied. Qui veut la n veut les moyens, quoiqu'en disent nos philanthropes. Tous les bons militaires que
j'ai l'honneur de commander sont prevenus par moi-m^eme que s'il leur arrive de m'amener un Arabe
vivant, ils recevront une volee de coups de plat de sabre. [...] Voila, mon brave ami, comment il faut faire
la guerre aux Arabes : tuer tous les hommes jusqu'a l'^age de quinze ans, prendre toutes les femmes et les
23
24 Mars
enfants, en charger les b^atiments, les envoyer aux ^les Marquises ou ailleurs. En un mot, aneantir tout
ce qui ne rampera pas a nos pieds comme des chiens. >
Sources : Lieutenant-colonel de Montagnac, Lettres d'un soldat, Plon, Paris, 1885, reedite par Christian
Destremeau, 1998, p. 153 ; Alain Ruscio, Y'a bon les colonies, Autrement n 144, Oublier nos crimes,
avril 1994, p. 41.
19 mars 1831 : Esclaves a vendre (^Ile de la Reunion)
Dans son edition du 19 mars 1831, La Gazette de l'^le Bourbon (la Reunion) publie une petite annonce
ainsi redigee : < Le Sr Delpit, etant sur son prochain depart pour l'Isle de France (Maurice) vendra :
{ Un Noir de caste Mozambique, excellent blanchisseur et repasseur, qu'il a mene en venant dans
cette isle pour le servir.
{ Un petit Noir creole, de la m^eme caste, ^age d'environ 12 ans, tres intelligent et propre a faire un
joli domestique.
{ Un beau Noir cafre provenant de la succession Lavoquer.
{ Plus une belle negresse, a demi-francisee, et quelques marchandises de l'Inde.
Il donnera des facilites aux personnes solvables. >
Sources : Le Figaro, 22 avril 1998, page 12.
23 mars 1946 : Le travail force se perpetue, cent ans apres l'abolition
de l'esclavage (AOF)
Les 23 et 30 mars 1946, Felix Houphouet-Boigny, qui se presente comme un < gros proprietaire
terrien > membre du Rassemblement Democratique Africain prononca deux discours devant l'Assemblee
Nationale Constituante a Paris pour demander l'abolition du travail force :
< Le defenseur que je suis de ceux qui gemissent par milliers sur les routes, devant des gardes porteurs
de chicotes, sur les plantations ou dans les coupes de bois, arraches a leur foyer, a leur propriete, regrette
de ne pouvoir trouver les mots justes pour depeindre comme il convient la sou rance [...] de cette multitude
qui attend depuis des annees l'abolition de cet esclavage deguise qu'est le travail force. >
Il lit plusieurs extraits de lettres :
Un chef de poste ecrit : < En C^ote d'Ivoire, une poignee de colons europeens disposent de plantations
considerables. [...]Le r^ole de l'administration consiste a les pourvoir d'esclaves a 3,50F par jour. Ce
salaire n'incite pas les gens a travailler, et pour obtenir un rendement normal, disait un planteur, il faut
bien employer la chicote.[...] Ce qui se produit pour les violences se produit egalement pour la nourriture
regulierement insusante, pour les soins medicaux non assures, pour les femmes dont les surveillants
abusent, etc. >
Un commandant de cercle, qui a preside en juin 1945 au recrutement des travailleurs forces, ecrit :
< Sauve qui peut, et les chefs se voient contraints d'amener les candidats manoeuvres au centre de
recrutement la corde au cou. Mon predecesseur ecrivait en 1942 que ce recrutement etait une veritable
chasse a l'homme.[...] Les indigenes commencent a reprocher a leurs chefs de les vendre aux planteurs
blancs ; "Les Blancs murmurent-ils, ont supprime l'esclavage pour le retablir sous une autre forme avec
la complicite des chefs" >.
Un ev^eque ecrit :
< Je suis, en e et, completement d'accord avec vous relativement a la question du travail force. Il
s'est fait cette annee dans des conditions qui ne nous donneraient pas le droit, si nous les approuvions,
de condamner les methodes employees par les Allemands dans les pays occupes par eux. >
En janvier 1929, un ouvrier francais ecrit :
< Dans le Lobi, il y a quelques 500 hommes arrives a Bobo. 200 ont fui et le fameux transitaire des
Noirs, M.F...., a escorte le reste, la chicote a la main, pour les enfermer dans des fourgons a la gare.
C'etait ignoble de voir ce spectacle. >
Houphouet-Boigny poursuit :
[...] < L'indigene ne peut plus comprendre ni admettre ce servage, cent cinquante ans apres la
Declaration des droits de l'homme et du citoyen et cent ans apres l'abolition de l'esclavage.
Mars 25
[...] En 1924, emu par le travail obligatoire auquel les colons recouraient exclusivement, le gouverneur
general Brunot, alors gouverneur interimaire de la C^ote d'Ivoire, en ordonnait la suppression immediate.
Ce fut un tolle general. Le gouverneur fut froidement limoge. >
D'autres gouverneurs furent ainsi limoges a la demande des colons.
< [...] De toute facon, il est temps de preferer les hommes a l'oukoume et a l'acajou.
Les hommes fuient, les naissances diminuent, et nous assistons impuissants au depeuplement progressif
de nos colonies au bene ce des territoires etrangers qui, tous, accroissent leur population.
[...]On a supprime en principe le travail force pour les femmes et les enfants. Mais, debut 1945,[...]
nous f^umes surpris de trouver a Korhogo, a Ferkessedougou, des femmes (certaines d'entre elles avec
leur enfant au dos), travailler sur les routes, en ce mois de janvier si frais, dans un nuage de poussiere,
sous la surveillance de gardes de cercles. Les chefs sont obliges de les envoyer sur les routes, malgre les
reglements, parce que les hommes manquent. >
Houphouet-Boigny denonce le scandale de l'imp^ot de capitation auquel les indigenes sont soumis. Il
rapporte 57 millions en C^ote d'Ivoire, alors que l'imp^ot sur le revenu rapporte 15 millions, celui sur les
bene ces commerciaux 27, celui sur les salaires 5 millions, celui sur les coupes de bois 2 millions, soit, en
tout 49 millions.
< Il est injuste de reclamer deux cents ou trois cents francs a un Lobi dont la misere saute aux yeux,
quand l'homme le plus riche du pays ne paie que deux cents francs d'imp^ot de capitation et ne declare
que le dixieme de ses revenus. >
Le decret interdisant le travail force sera pris quelques jours plus tard par l'Assemblee. Mais il ne
rentrera en vigueur que tres progressivement, apres des revoltes et des repressions.
Sources : Felicien Challaye, Un livre noir du colonialisme < Souvenirs sur la colonisation >, 1935,
reedite par Les nuits rouges, Preface de Michel Dreyfus, 1998, (le texte cite ici gure en annexe), page
176.
25 mars 1909 : Bloy : < Ces equarisseurs d'indigenes, incapables,
en France, de saigner le moindre cochon. > (Vietnam)
Leon Bloy, pamphletaire catholique, dont le frere a ete deporte en Nouvelle-Caledonie pour avoir
soutenu, en Indochine, les Annamites contre l'administration coloniale, decrit dans un chapitre du Sang
du pauvre, < Jesus-Christ aux colonies > comment le but de l'entreprise de Christophe Colomb qui etait
< l'accroissement et la gloire de la religion chretienne > s'est mue en entreprise d'extermination.
Il poursuit : < Pour ne parler que des colonies francaises, quelle clameur si les victimes pouvaient
crier. [...] Pour si peu qu'on soit dans la tradition apostolique de Christophe Colomb, ou est le moyen
d'o rir autre chose qu'une volee de mitraille aux equarisseurs d'indigenes, incapables, en France, de saigner
le moindre cochon, mais qui, devenus magistrats ou sergents-majors dans les districts fort lointains,
ecartelent tranquillement des hommes, les depecent, les grillent vivants, les donnent en p^atures aux fourmis
rouges, leur in
igent des tourments qui n'ont pas de nom, pour les punir d'avoir hesite a livrer leurs
femmes ou leurs derniers sous.
Et cela c'est archi-banal, connu de tout le monde, et les demons qui font cela sont de forts honn^etes gens
qu'on decore de la Legion d'honneur et qui n'ont pas m^eme besoin d'hypocrisie. Revenus avec d'aimables
pro ts, quelquefois avec une grosse fortune, accompagnes d'une longue rigole de sang noir qui coule
derriere eux ou a c^ote d'eux, dans l'Invisible - eternellement ; - ils ont ecrase tout au plus quelques
punaises dans de mauvais g^tes, comme il arrive a tout conquerant, et les belles-mamans, eblouies, leur
mijoteront des vierges. >
Sources :
Leon Bloy, Le sang du pauvre, Paris, 1909, Stock, 1948, p. 131-132 ; Jean-Pierre Biondi et Gilles Morin,
Les anticolonialistes (1881-1962), Pluriel, La ont, 1992, p. 58.
26 Mars
29 mars 1988 : Assassinat de Dulcie September, representante de
l'ANC en France (Afrique du Sud)
En 1986, le regime d'apartheid en Afrique du Sud est frappe d'un boycott international que la France
detourne par des livraisons indirectes de charbon, de petrole (via l'Iran), d'armes et de materiel nucleaire
{ tra c entretenu tant par la droite que la gauche {. Dulcie September, representante de l'ANC en
France, fait savoir a ses correspondants qu'elle a des informations importantes a ce sujet et qu'elle se
sent menacee : Le jour m^eme ou elle emmenage, une petite societe Sport  Eco, editrice d'une lettre sur
l'economie du sport, s'installe sur le m^eme palier. Son redacteur en chef Pierre Cazeel est un specialiste
de l'Afrique du Sud.
Alors que le representant de l'ANC a Bruxelles a ete assassine, le ministere de l'Interieur refuse a
Dulcie September une protection policiere. Il se trouve qu'un charge de mission du ministre de l'Interieur
Charles Pasqua, un ancien de l'OAS, est le redacteur en chef de l'organe du lobby francais pro-apartheid.
Fin 1987, un chantier de ravalement s'installe devant l'immeuble. Un des ouvriers, Stephane, vient
souvent bavarder de l'ANC avec Dulcie. Le 29 mars 1988, ce Stephane et un autre ouvrier un peu special,
Daniel, sont seuls sur le chantier. Dulcie September est assassinee de cinq balles. Durant une demi-heure
le voisin, Pierre Cazeel, se trouve pres du corps de la victime. L'enqu^ete s'enlise rapidement. La presse
privilegie la these du crime commis par un commando sud-africain. La societe Sport Eco quitte peu apres
l'immeuble. L'ouvrier Daniel est parti pour la Suisse. Une journaliste hollandaise, Evelyn Groeninck,
vient enqu^eter a Paris mais on lui fait comprendre que son inter^et est de rentrer chez elle.
Implication de la France : Il semble, d'apres ce que cette journaliste a publie, que l'assassinat
a ete commis par un mercenaire, ancien de la Legion etrangere venu des Comores, ce serait Jean-Paul
Guerrier, adjoint de Bob Denard6. Il aurait ete commandite par un service sud-africain en lien avec la
DGSE. La France aurait eu inter^et a la disparition de Dulcie September, probablement pour eviter des
revelations sur le contournement du boycott du regime de l'apartheid decide par l'ONU
Sources : Francois Xavier Verschave, La Francafrique - Le plus long scandale de la Republique, Stock,
page 190-201 ; Francois Xavier Verschave, Noir Silence, Les Arenes, 2000, page 138-139.
30 mars 1947 : Massacre de Moramanga par l'armee francaise,
2000 morts ? (Madagascar)
La revendication d'independance malgache avivee par la defaite francaise de 1940, l'e ondrement
des forces vichystes lors du debarquement britannique de 1942, les espoirs suscites par la Charte de
l'Atlantique, l'accroissement des requisitions et des corvees imposees au titre de l'e ort de guerre et par
la famine de 1943-1944, est canalisee des la n de la 2eme guerre mondiale par le Mouvement Democratique
de la Renovation Malgache (MDRM). Ce mouvement est combattu par le gouvernement francais dont le
ministre des colonies, le socialiste Marius Moutet , suscite un parti de notables le PA.DES.M. Le MDRM
obtient neanmoins les trois sieges de deputes a l'Assemblee Nationale a Paris.
Le 30 mars 1947 eclate une insurrection desapprouvee par les leaders du MDRM. Les autorites militaires
et policieres, en particulier, le chef de la S^urete, Marcel Baron, etaient manifestement informees
qu'une insurrection se preparait pour le samedi 29 mars au soir. En temoigne ce telegramme de Marcel
de Coppet, Haut Commissaire a ses subordonnes :
< Bruits ont ete repandus dans certaines regions qu'une action serait entreprise contre Europeens le
29 mars - Stop- S'agit rumeurs sans fondements reels [...] et dont invraisemblance n'exclut toutefois pas
vigilance. >7
Les insurges attaquent le camp militaire de Moramanga le 29 a 22 heures, apres avoir tue les ociers
francais qui dormaient dans le bourg. Les soldats du camp, des tirailleurs < senegalais >, surpris mais
mieux armes resistent et repoussent l'attaque. Les insurges ne parviennent pas a s'emparer de l'armement
qui leur fait defaut et se retirent au matin, en entra^nant la population rurale.
Les tirailleurs prennent alors leur revanche et massacrent la population malgache. Toutes les maisons
sont incendiees. Le lendemain, les Senegalais en fureur nettoient completement la region avec l'aide de
6Liberation 19/02/2000
7Tronchon page 40
Mars 27
renforts. Tout ce qui bouge est larde de coups de baonnette. En trois jours, des milliers d'indigenes sont
tues.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, pages 117, 128, 131 ; France Soir,
8 mai 1947 ; Jacques Tronchon, L'insurrection malgache de 1947, Karthala, 1986.
28 Mars
Avril
5 avril 1803 : Rochambeau : < Vous devez leur donner des negres
a manger > (Hati)
L'arrestation de Toussaint Louverture et le ralliement de ses generaux ne mettent pas le point nal
a la resistance des Noirs de la partie francaise de Saint Domingue. A la nouvelle du retablissement de
l'esclavage, le pays s'embrase. La repression est atroce.
Le general Rochambeau, successeur de Leclerc a la t^ete des troupes francaises chargees par Napoleon
Ier de reconquerir Hati ecrit au general Ramel le 15 germinal 1803 (5 avril 1803) :
< Je vous envoie, mon cher commandant, un detachement de cent cinquante hommes de la garde
nationale du Cap, commandes par M. Bari, il est suivi de vingt-huit chiens bouledogues. Ces renforts
vous mettront a m^eme de terminer entierement vos operations. Je ne dois pas vous laisser ignorer qu'il
ne vous sera passe en compte aucune ration, ni depense pour la nourriture de ces chiens. Vous devez leur
donner des negres a manger. Je vous salue a ectueusement. >
Ces chiens provenaient de La Havane ou ils avaient ete specialement dresses par les colons espagnols
pour s'attaquer aux Noirs. Le general Ramel ajoute :
< Le capitaine general trouvait tres deplacee ma repugnance a me servir des chiens, je ne pus jamais
lui faire entendre raison. >
Sources : Victor Schoelcher, Vie de Toussaint Louverture, Ollendorf, 1889, Karthala, page 373.
7 avril 1947 : Emeute des tirailleurs senegalais a Casablanca :
plus de 60 morts (Maroc)
Une rixe eclate le samedi 7 avril entre des soldats senegalais et des marocains a propos d'on ne sait
quelle femme.
Les senegalais rentrent a leur caserne, se munissent de leurs armes, retournent en ville et tirent dans le
tas. Ce n'est que le dimanche matin vers 8 heures que la tuerie cesse. Si Mameri dira au resident general
Gilbert Grandval que les Senegalais < avaient, selon lui, tue ou blesse 180 Marocains, dont des femmes
et des enfants. >
Par suite, le sultan Mohammed V dans un discours a Tanger supprimera la reference a l'action
civilisatrice de la France au Maroc, contrairement a un rituel non ecrit du protectorat, mais saluera la
Ligue Arabe. Ce qui sera ressenti comme un acte de rebellion par Georges Bidault, ministre des a aires
etrangeres.
Philippe Boniface, responsable des evenements de Rabat-Sale de 1944, etait precisement chef de la
region de Casablanca.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, page 123.
7 avril 1803 : Mort de Toussaint Louverture emprisonne au fort
de Joux (Hati)
< Ce qui est a moi, ces quelques milliers de mortiferes qui tournent en rond dans la calebasse d'une
29
30 Avril
^le et ce qui est a moi aussi, l'archipel arque comme le desir inquiet de se nier, on dirait une anxiete
maternelle pour proteger la tenuite plus delicate qui separe l'une de l'autre Amerique ; et ses
ancs qui
secretent pour l'Europe la bonne liqueur d'un Gulf Stream, et l'un des deux versants d'incandescence entre
quoi l'Equateur funambule vers l'Afrique. Et mon ^le non-cl^oture, sa claire audace debout a l'arriere de
cette polynesie, devant elle, la Guadeloupe fendue en deux de sa raie dorsale et de m^eme misere que
nous, Hati ou la negritude se mit debout pour la premiere fois et dit qu'elle croyait a son humanite et la
comique petite queue de la Floride ou d'un negre s'acheve la strangulation, et l'Afrique gigantesquement
chenillant jusqu'au pied hispanique de l'Europe, sa nudite ou la Mort fauche a larges andains.
Et je me dis Bordeaux et Nantes et Liverpool et New York et San Francisco
pas un bout de ce monde qui ne porte mon empreinte digitale
et mon calcaneum sur le dos des gratte-ciel et ma crasse
dans le scintillement des gemmes !
Qui peut se vanter d'avoir mieux que moi ?
Virginie. Tennessee. Georgie. Alabama
Putrefactions monstrueuses de revoltes
inoperantes,
marais de sang putrides
trompettes absurdement bouchees
Terres rouges, terres sanguines, terres consanguines.
Ce qui est a moi aussi : une petite cellule dans le Jura,
une petite cellule, la neige la double de barreaux blancs
la neige est un ge^olier blanc qui monte la garde devant une prison
Ce qui est a moi
c'est un homme seul emprisonne de blanc
c'est un homme seul qui de e les cris blancs de la mort blanche
(TOUSSAINT, TOUSSAINT LOUVERTURE)
c'est un homme seul qui fascine l'epervier blanc de la mort blanche
c'est un homme seul dans la mer infeconde de sable blanc
c'est un moricaud vieux dresse contre les eaux du ciel
La mort decrit un cercle brillant au-dessus de cet homme
la mort etoile doucement au-dessus de sa t^ete
la mort soue, folle, dans la cannaie m^ure de ses bras
la mort galope dans la prison comme un cheval blanc
la mort luit dans l'ombre comme des yeux de chat
la mort hoquette comme l'eau sous les Cayes
la mort est un oiseau blesse
la mort decro^t
la mort vacille
la mort est un patyura ombrageux
la mort expire dans une blanche mare de silence.
Sources :
Aime Cesaire, Cahier d'un retour au pays natal, Presence africaine, 1983, page 24-26.
8 avril 1994 : La France reconna^t de facto le gouvernement
interimaire rwandais qui organise le genocide (Rwanda)
Au Rwanda, ancienne colonie belge, independante depuis 1961, sevit une dictature qui fonde son
pouvoir sur l'exclusion d'une < ethnie >, les Tutsi, par une autre, les Hutu. En 1990, des exiles bases
en Ouganda, au Nord, forment le FPR (Front patriotique rwandais) et s'engagent dans une lutte armee
contre le regime rwandais. La France soutient militairement ce regime < legal >, fermant les yeux sur les
massacres qu'il declenche, puis retire ses troupes en 1993, a la suite des accords d'Arusha, laissant place
a celles de l'ONU.
Avril 31
L'attentat contre l'avion du president Juvenal Habyarimana, le 6 avril 1994, donne le signal d'un
genocide des Tutsi et des Hutu non extremistes, plani e de longue date par des personnalites civiles et
militaires partageant l'ideologie < Hutu Power >.
Une heure apres l'attentat contre l'avion, les milices Interhamwe installent des barrages a Kigali.
Tous les responsables politiques susceptibles de s'opposer a un coup de force sont assassines par la
garde presidentielle, les paras commandos et les milices : le Premier ministre, Mme Uwilingiyimana,
Joseph Kavaruganda , president de la Cour constitutionnelle, Felicien Ngango et Landouald Ndasingwa,
candidats a la presidence de l'assemblee de transition et bien d'autres. Faustin Twagiramungu, futur
Premier ministre dans le cadre des accords d'Arusha, parviendra a s'echapper 8.
C'est le colonel Bagosora, ancien eleve de l'Ecole de guerre francaise, qui, selon toute probabilite,
donne l'ordre des assassinats. C'est lui qui detient de fait le pouvoir militaire via la garde presidentielle
qu'il contr^ole depuis la mort de son chef, Elie Sagatwa, dans l'accident de l'avion presidentiel. C'est lui
qui dirige egalement les reunions qui meneront a la constitution du gouvernement interimaire rwandais
(GIR).
Ces assassinats politiques, ce coup d'Etat, ne paraissent pas deranger les autorites francaises qui
reconnaissent de fait ce gouvernement des sa creation le 8 avril.
La France participe m^eme, par l'intermediaire de son ambassadeur Marlaud, a la constitution du GIR.
En e et, les negociations se tiennent en partie a l'ambassade de France, comme Jean-Michel Marlaud le
declare devant la mission d'information parlementaire sur le Rwanda :
< La matinee du 8 avril avait ete marquee par [...] l'arrivee a l'ambassade de France de plusieurs
ministres. Ces derniers ont alors tenu une reunion au cours de laquelle ils ont xe trois orientations :
remplacer les ministres ou les responsables morts ou disparus, tenter de reprendre en main la garde
presidentielle en vue d'arr^eter les massacres et, en n, rearmer leur attachement aux accords d'Arusha.
Ils se sont neanmoins refuses a nommer M. Faustin Twagiramungu Premier ministre en remplacement
d'Agathe Uwilingiyimana ! Vers 20 heures, l'ambassade a ete informee de la nomination d'un president de
la Republique et d'un gouvernement interimaires. La composition de ce gouvernement etait apparemment
conforme aux accords d'Arusha puisqu'elle prevoyait une repartition des portefeuilles entre partis politiques.
Toutefois, on pouvait s'interroger sur sa representativite reelle. Chacun des partis etant divise, les
personnes designees representaient plut^ot un glissement en faveur de la tendance la plus extremiste. >9.
D'apres Philip Reyntjens , il semble que Jean-Michel Marlaud < soit tenu au courant des progres de
la negociation et il est probable qu'il ait ete consulte >. Il en donne la composition dans le courant de
l'apres-midi a son homologue belge Swinnen. < Estimant que la tendance est trop < Power >, Swinnen
reagit avec reserve. Il exprime le point de vue qu'un tel gouvernement para^t fort peu conforme aux reelles
exigences politiques. Marlaud, lui, se dit assez satisfait. Surtout parce qu'il juge que la mise en place d'un
gouvernement permettra d'emp^echer le coup d'  Etat qu'il redoute >10.
En realite, il s'agit indiscutablement d'un coup d'Etat et le representant de la France refuse de le
voir. Ce gouvernement est presente comme conforme aux accords d'Arusha, mais le FPR naturellement
n'en fait pas partie, et les ministres sont tous issus de la tendance < Hutu Power > des di erents partis,
c'est-a-dire celle favorable a l'elimination des Tutsi.
Bien que la France evacue ses ressortissants et son ambassade le 12, ce soutien de la France au
gouvernement genocidaire a d'enormes consequences, d'abord sur le deroulement des evenements au
Rwanda et ensuite au niveau international.
Au niveau interieur rwandais, un certain nombre de responsables militaires sont hesitants devant
le coup de force et le declenchement des massacres, voire opposes (colonel Leonidas Rusatira, Marcel
Gatsinzi, appel du 12 avril pour la n des violences), de m^eme que des personnalites civiles telles que le
prefet de Butare11. Nul doute qu'une attitude ferme des dirigeants francais les aurait encourages dans
leur refus. Le soutien de fait de la France aux assassins des le 7 avril a d^u compter dans l'argumentation
de ces derniers pour convaincre un nombre impressionnant de leurs concitoyens d'aller tuer leurs voisins.
Au plan international, la France soutient le GIR a l'ONU. Elle contribue a installer son representant,
M. Bizimana, au Conseil de securite : < Il est vrai egalement que le representant dudit gouvernement
8Reyntjens, p. 51-54, 80-92 ; FIDH, p. 219-233
9Auditions, vol. I, p. 296-297
10Reyntjens, p. 89
11Reyntjens, p. 52, 85 ; FIDH, p. 238-239, 310-312
32 Avril
(GIR) etait present au sein du Conseil de securite puisque le Rwanda y siegeait pour deux ans depuis le
1er janvier 1994 en tant que membre non-permanent >12. < Le Rwanda, par hasard membre du Conseil
de securite en 1994, travaillait etroitement avec la France, puis Djibouti et Oman, autres membres non
permanents du Conseil de securite >13.
Le secretaire general de l'ONU, Boutros Boutros-Ghali, favorable au point de vue francais, < bene ciait
d'un soutien appuye de la France >14. Il est aujourd'hui secretaire general a la francophonie.
< Le vocabulaire utilise par le Secretaire general semble cependant re
eter le point de vue du gouvernement
interimaire, renforce sans nul doute par la France. Selon Willy Claes [ministre belge des A aires
etrangeres], c'est le Secretaire general lui-m^eme qui aurait aussi decide de permettre au Rwanda de rester
present a la table du Conseil, une decision de grande importance politique, qui aurait ete dictee par des
considerations juridiques >15.
< Le Secretaire general [...] evita toute description precise du genocide. Il attribua les premiers massacres
a < des elements insubordonnes de la Garde presidentielle > [...]. Il indiqua que < le pouvoir s'etait
e ondre > et que l'on avait < assiste a la desintegration du gouvernement provisoire dont quelques ministres
avaient ete tues >, description des plus indirectes et trompeuses du meurtre delibere du Premier
ministre et d'autres membres du gouvernement >16.
Les envoyes speciaux de l'ONU au Rwanda sont Romeo Dallaire et Jacques-Roger Booh-Booh. Ce
dernier, < qui appartenait a l'elite camerounaise, etait cense ^etre plus lie a la France et donc mieux dispose
envers l'entourage de Habyarimana >17.
< Le personnel du secretariat apres le 7 avril privilegiait l'interpretation de Booh-Booh sans evoquer
le r^ole du gouvernement rwandais dans les violences >18.
< Les principaux acteurs internationaux poursuivirent leurs echanges diplomatiques habituels, considerant
le gouvernement interimaire comme une partie legitime dans les negociations, dont ils voulaient ^etre les
mediateurs. A une occasion, la Belgique et les  Etats-Unis refuserent de recevoir des representants du
gouvernement interimaire, mais l'impact de cette exclusion fut attenue par l'accueil qui leur fut reserve
a Paris et aux Nations unies. Quatorze membres du Conseil de securite tolererent la presence d'un
representant du Rwanda pendant leurs reunions quotidiennes, faisant ainsi passer le respect des regles
de procedure avant la necessite de denoncer un gouvernement genocidaire et les crimes qui lui etaient
imputables >19.
L'e ectif de la Minuar est reduit a 270 hommes le 21 avril, en plein genocide. Jean-Bernard Merimee,
representant permanent de la France a l'ONU, dit a ce sujet que < le Conseil de securite avait atteint des
sommets de l^achete et de cynisme. >20. Il a pourtant, au nom de la France, vote, ce jour-la, la reduction
des e ectifs de la Minuar21.
En fait, le choix de la France de se mettre dans le camp du genocide n'est pas une erreur accidentelle,
ce choix a les traits d'une connivence ideologique : En decembre 1990, Kangura (< Reveillez-le >), un
periodique extremiste proche du pouvoir publie les < 10 commandements du Hutu > ou l'on peut lire :
< 1. Tout Muhutu doit savoir que Umututsikazi [une femme tutsi] ou qu'elle soit, travaille a la solde
de son ethnie tutsi. Par consequent est tra^tre tout Muhutu qui epouse une Umututsikazi. [...]
4. Tout Muhutu doit savoir que tout Mututsi est malhonn^ete dans les a aires. Il ne vise que la
suprematie de son ethnie. [...]
5. Les postes strategiques tant politiques, administratifs, economiques, militaires et de securite doivent
^etre con es aux Bahutu.
7. Les Forces Armees Rwandaises doivent ^etre exclusivement Hutu. [...] Aucun militaire ne doit
epouser une Mututsikazi.
8. Les Bahutu doivent cesser d'avoir pitie des Batutsi.
12Mission d'information, p. 289
13FIDH, p. 731
14FIDH, p. 732
15FIDH, p. 734
16FIDH, p. 733
17FIDH, p. 731
18FIDH, p. 733
19FIDH, p. 742
20Mission d'information, Auditions, vol. II, p. 139
21Prunier, p. 329
Avril 33
10. [...] Est tra^tre tout Muhutu qui persecutera son frere Muhutu pour avoir lu, di use et enseigne
cette ideologie. >
Ce texte, deja grave en soi, est publie en francais et une photo du president Mitterrand orne la
couverture avec le sous-titre : < Un veritable ami du Rwanda. C'est dans le malheur que les veritables se
decouvrent >22.
A
supposer que cette feuille ne soit pas arrivee a Paris, l'article de Jean-Pierre Chretien < Presse libre
et propagande raciste. Kangura et les dix commandements du Hutu >23 l'a fait conna^tre. Il n'y a pas eu
de protestation de l'Elysee aupres de ses amis rwandais, pas de remise en cause de l'aide de la France a
ce pouvoir engage dans une derive raciste d'epuration ethnique (la Belgique, ancienne puissance coloniale
apres s'^etre engagee militairement en 1990, se retirera bien vite). Au contraire.
A
la suite du discours de La Baule prononce par Francois Mitterrand en faveur de la democratisation
et du multipartisme (avril 1990), des partis se creent au Rwanda. Les milieux du pouvoir suscitent alors
la creation de la CDR, un parti ouvertement raciste, qui permettra de presenter l'ancien parti unique, le
MRND, sous un jour plus honorable. Jean Bosco Barayagwiza en est l'un des fondateurs.
< En septembre 1992, Francois Mitterrand [...] exprime ses remerciements a une lettre ouverte qu'un
dirigeant bien connu a Kigali de la CDR, J.-B. Barayagwiza, lui avait adresse, le 20 ao^ut precedent
avec une petition de 700 personnes, remerciant la France pour son aide, au moment m^eme ou cette
formation raciste declenchait des massacres a Kibuye pour torpiller l'accord politique qui venait d'^etre
signe a Arusha >24.
Le representant de la France en tant qu'observateur aux negociations d'Arusha, M. Jean-Christophe
Belliard, a rapporte a la mission d'information que l'un des trois enjeux de la negociation avait ete la
question de la CDR : < Il a indique que, s'agissant du protocole sur le partage du pouvoir, il avait recu
une instruction ferme et ecrite de la direction des A aires africaines et malgaches d'integrer la CDR,
c'est-a-dire les extremistes hutu, dans le jeu politique, ce qui supposait qu'elle ait des responsabilites
dans le gouvernement issu des accords ou, a defaut, au moins des deputes a l'Assemblee nationale. La
France estimait qu'il valait mieux integrer ces extremistes au jeu politique pour eviter qu'ils deviennent
incontr^olables >25. Jean-Christophe Belliard a ajoute que la conference de Dar El Salam qui s'est tenue la
veille de l'attentat contre l'avion du president rwandais portait sur l'integration de la CDR et qu'un accord
etait intervenu, le president rwandais ayant renonce a cette integration dans les institutions nouvelles.
La Mission d'information sur le Rwanda reconna^t la nature criminelle de ce gouvernement soutenu
jusqu'au bout par la France :
< L'  Etat rwandais [est] l'ordonnateur du genocide [...]. Avec l'aide des medias extremistes, l'  Etat
rwandais renforce les rouages qui vont conduire au genocide, tandis que se mettent en place les milices. Il
n'est pas utile d'insister davantage sur le r^ole joue par la Radio-television libre des Mille Collines (RTLM).
Radio privee, creee en avril 1993. Elle lance en automne 1993 des appels a la haine, soutenue en coulisses
par le pouvoir. Elle rythmera les journees du genocide a partir du 6 avril 1994 en multipliant les appels
a l'extermination. [...] Le genocide commence dans la nuit du 6 avril 1994, dure quatre mois, fait un
nombre de victimes de l'ordre de 800 000. Il est couvert ou organise par des membres du gouvernement
interimaire mis en place apres la disparition d'Habyarimana, mais aussi par des responsables militaires,
ainsi que les membres de la CDR, du MRND et leurs milices. > 26
Sources : Gerard Prunier, Rwanda, le genocide, Londres, 1995, Paris, 1997, Dagorno ; Alison Desforges,
HRW-FIDH, Aucun temoin ne doit survivre, le genocide au Rwanda, Karthala, 1999 ; Mission
d'information sur les operations militaires menees par la France, d'autres pays et l'ONU au Rwanda
entre 1990 et 1994, Assemblee nationale, 15 decembre 1998 ; Jean-Pierre Chretien, le De de l'ethnisme,
Karthala, 1997 ; Jean-Pierre Chretien (sous la direction de), Rwanda. Les medias du genocide, Karthala,
1995 ; Philip Reyntjens, Rwanda, trois jours qui ont fait basculer l'histoire, L'Harmattan, Cahiers africains
n 16, 1995 ; Francois-Xavier Verschave, Complicite de genocide ? La politique de la France au Rwanda,
La Decouverte, 1994.
22Chretien, Medias, p. 141-142
23Politique africaine, juin 1991
24Chretien, le De , p. 143
25Auditions, vol. II, p. 280
26Rapport, p. 335
34 Avril
11 avril 1948 : Naegelen est charge de faire de < bonnes elections >
(Algerie)
Le statut de l'Algerie du 20 septembre 1947, reprend le projet Bidault d'inspiration fort conservatrice.
Alors que les representants des < indigenes > demandent l'association pour les uns, l'independance pour
les autres, ce statut de nit l'Algerie, de m^eme qu'en 1900, comme un groupe de departements dote de
la personnalite civile et de l'autonomie nanciere. Un gouverneur general nomme conserve le pouvoir
executif, le legislatif reste du domaine de l'Assemblee Nationale francaise. L'Assemblee algerienne a des
attributions essentiellement nancieres. La representation y est dite < paritaire > : 60 delegues du premier
college, 60 du second. Le premier college comprend 464 000 citoyens francais (hommes et femmes), et
58 000 < Musulmans >. Le deuxieme 1 300 000 electeurs < musulmans >. On denombre alors en Algerie
922 000 Europeens et 7 860 000 < Musulmans >. Les clauses qui annoncaient des progres reels (suppression
des communes mixtes, independance du culte musulman, enseignement de l'arabe, droit de vote aux
femmes < musulmanes >), restent des promesses vaines parce que soumises a des decisions de l'Assemblee
algerienne et subordonnees a l'impossible majorite des deux tiers. Les deputes < musulmans > algeriens,
m^eme moderes, avaient refuse unanimement ces dispositions.
Le 11 fevrier 1948, Edmond Naegelen, est nomme gouverneur general d'Algerie en remplacement
d'Yves Chataigneau, juge trop faible. Celui-ci avait tente desesperement de faire appliquer le statut de
1947, combattu par les colons. < Membre eminent de la SFIO, Naegelen n'a ete choisi que pour couvrir
le sabotage pratique dudit statut. >27. Il ordonne a l'administration de faire de < bonnes elections >28 .
Realisee < sous le signe de la fraude, de la peur et du sang >29 les 4 et 11 avril, cette election avait ete
minutieusement combinee et reglee pour con rmer, a l'echelle du pays, les resultats passablement tra ques
des election municipales. Au premier college : cinquante-cinq deputes de droite, quatre socialistes, un
communiste. Au second college, quarante-deux elus( ?) < administratifs > , neuf MTLD (Messali Hadj),
huit UDMA (Fehrat Abbas), un socialiste.
< Mais alors que le premier tour laissait pressentir une nette victoire du MTLD, une gigantesque
operation de trucage denatura totalement le scrutin du second tour. Le bourrage des urnes, l'arrestation
preventive des assesseurs suspects et le quadrillage des douars par l'armee aboutissaient a < l'election >
de 41 candidats administratifs (sur 60) [...] >30
< Les elections qui suivirent [en 1951 et 1954], furent toutes des triomphes pour l'administration.
Mais la validation constante de ces < elections > par les Assemblees de la IVeme Republique t partager
a la France la responsabilite de ces errements. A pratiquer cette politique, les gouverneurs Naegelen puis
Leonard desespererent les Musulmans mais gagnerent l'amitie reconnaissante des Francais d'Algerie. Persuad
es que la ruse et la force pourraient maintenir le statu quo, ceux-ci ne rent aucune concession. >31.
On comprend la sombre prophetie qu'aurait formulee Ferhat Abbas devant le marechal Juin : < Il n'y
a plus d'autre solution que les mitraillettes. >32
Sources : Andre Mandouze, Memoires d'outre siecle : D'une resistance a l'autre, Ed. Viviane Hamy,
1998, page 183-184 ; Ch.-Robert Ageron, Histoire de l'Algerie contemporaine, Que Sais-je n 400, page
97 ; Bernard Droz, Evelyne Lever, Histoire de la guerre d'Algerie, Seuil-Histoire, 1982, page 33-36.
16 avril 1917 : Mangin broie du Noir au Chemin des Dames
(France)
En 1914, la France aligne quelques bataillons de tirailleurs senegalais qui sont aneantis a la bataille
de l'Yser. Ils ne reparaissent sur le front qu'en 1916. Recrutes par le general Mangin, le < broyeur de
Noirs > , pour < permettre d'epargner dans la mesure du possible du sang francais >, 51.000 hommes
en 1915, 120.000 en 1916, sont incorpores de force au Soudan, en Haute Volta, en C^ote d'Ivoire sous
27Mandouze, Memoires d'outre-siecle - D'une resistance a l'autre, p.183
28 Ageron, Que Sais-je n 400, p. 97
29 Alger Republicain, cf Mandouze ibidem p. 184
30Droz et Lever, Histoire de la guerre d'Algerie, p. 35
31Ageron, ibidem, p. 97
32Droz et Lever, ibidem, p. 36
Avril 35
le nom de tirailleurs senegalais. En avril 1917, le general Nivelle lance une o ensive dans l'Aisne au
Chemin des Dames ou sont engagees des troupes noires. Forts des succes remportes par les troupes noires
de Mangin au fort de Douaumont pres de Verdun, le 24 octobre 1916 (< Une fois de plus les zouaves,
les tirailleurs, les Senegalais avaient o ert leur vie pour la victoire >, Pierre Miquel, p. 35), Nivelle
et Mangin font attaquer les tirailleurs au Chemin des Dames pour le < premier choc >, sous la neige,
les obus et la mitraille. Les Allemands, informes de l'attaque, disposant de la ma^trise du ciel et bien
proteges de la preparation d'artillerie dans leurs abris betonnes et les cavernes naturelles du plateau de
Craonne, accueillent les fantassins au fusil mitrailleur. Loin de reconna^tre son erreur, Nivelle continue sa
vaine o ensive. 45% des e ectifs ne se relevent pas de cette catastrophe dont la presse dissimule l'ampleur.
Nivelle est destitue en mai 1917. L'opinion ne concoit pas un seul instant que ces hommes soient arrives au
front sous la contrainte. Le depute des quatre communes du Senegal, Blaise Diagne proteste a l'assemblee
contre le < massacre > de ses compatriotes. Mais nomme commissaire de la Republique pour l'AOF le
14 janvier 1918 par Clemenceau, Diagne fait une tournee de fevrier a ao^ut 1918 de Dakar a Bamako
pour convaincre ses compatriotes d'aller se battre en France, promettant l'attribution automatique de la
citoyennete francaise a tout titulaire de la medaille militaire et de la croix de guerre.
Sources : Gilbert Comte, L'empire triomphant, Denoel, page 254, 260-270 ; Pierre Miquel,Le Chemin
des Dames, Enqu^ete sur la plus e royable hecatombe de la Grande Guerre, Perrin Pocket, 1997.
17 avril 1825 : La France reconna^t Hati, contre l'indemnisation
des planteurs (Hati)
Sous la premiere Restauration le ministre de la Marine Pierre-Victor Malouet, dont la femme possedait
de vastes plantations a St Domingue, tente d'y restaurer le systeme d'avant 1789 en envoyant en juin
1814 aux dirigeants hatiens, le roi Christophe, un descendant d'esclaves, au Nord, le mul^atre Petion au
Sud, trois emissaires charges de < convaincre les dirigeants de faire amende honorable a Sa Majeste Tres
Chretienne >. Il les munit d'instructions secretes. Celles-ci s'engageaient a assimiler aux Blancs, Petion
et quelques autres, < toutefois que la couleur les rapproche de la caste blanche >, a < Attacher a la glebe
et rendre a leurs anciens proprietaires tous les Noirs qui travaillent actuellement sur les habitations, mais
encore y ramener le plus possible de ceux qui se sont a ranchis de cette condition. Purger l'^le de tous les
Noirs qu'il ne conviendrait pas d'admettre parmi les libres et qu'il serait dangereux de rejeter parmi ceux
attaches aux habitations. >
L'un des trois emissaires, Franco de Medina, est arr^ete par Christophe. Les instructions secretes
decouvertes, il est juge et execute. Christophe envoie le texte de ces instructions secretes a Petion qui
congedie l'autre emissaire Dauxion-Lavaysse et communique aux Anglais une lettre de Dauxion-Lavaysse
au roi Christophe, lui proposant de continuer la traite en remplacant la population libre par des esclaves
venus d'Afrique. La presse anglaise la di usera, suivie par la presse francaise. Beugnot, successeur de
Malouet, doit desavouer les malheureux emissaires. Il faudra attendre le 17 avril 1825 pour que Charles X
reconnaisse ociellement la Republique d'Hati, apres de longues negociations. Le gouvernement hatien,
preside par le general Boyer, qui a uni e le Nord et le Sud, s'engage en echange de cette reconnaissance a
verser au gouvernement francais la somme de cent cinquante millions de francs Germinal pour indemniser
les planteurs ayant perdu leurs proprietes. Cette somme enorme correspond alors au budget annuel de la
France. M^eme apres sa reduction a 90 millions en 1838, cette dette ne sera eteinte qu'en 189333. Pour la
rembourser, Hati doit emprunter sur la place de Paris34.
Commentaires : A propos de l'indemnisation des colons, Schoelcher ajoute : Ceux-ci ne le meritaient
pas, ils avaient trahi leur pays en livrant la colonie aux Anglais. Si la France a perdu Saint-Domingue,
c'est a eux d'abord et a Bonaparte ensuite qu'elle le doit.
Sources : Victor Schoelcher, Vie de Toussaint Louverture, Ollendorf, 1889, Karthala 1982 p 379 ;
Robert et Marianne Cornevin, La France et les Francais outre-mer, Tallandier, 1990, page 342-345 ;
Robert Cornevin, Hati, Que sais-je n 1955, PUF, 2e edition, 1993 ; Rosa Amelia Plumelle-Uribe, La
ferocite blanche, Albin-Michel, 2001 ; Francois Blancpain, Un siecle de relations nancieres entre Hati
et la France (1825-1922), L'Harmattan, 2001.
33Cornevin, Que sais-je, p. 46
34Plumelle-Uribe p. 94
36 Avril
25 avril 1890 : Prise et carnage d'Ouossebougou par le commandant
Archinard (Soudan)
Successeur de Gallieni, Archinard, un polytechnicien dont le mauvais rang l'a voue a l'infanterie
de marine, fait prevaloir la politique de conqu^ete. Il est decide a supprimer Ahmadou, ls de El-Hadj
Omar Tall, fondateur de l'empire Toucouleur, et Samory, qui commettent l'erreur de ne pas s'allier face
a l'envahisseur europeen. Il utilise des canonnieres sur le Niger. Il prend Segou, capitale de l'Empire
Toucouleur, la met a sac, et y intronise un descendant des rois Bambara. Les Toucouleurs sont renvoyes
sous escorte au Fouta-Toro.
Ouossebougou, dont le chef, Bandiougou Diara, est un Bambara musulman, dele a Ahmadou, est
attaquee par Archinard avec 27 Europeens, 30 spahis, 4 000 Bambaras et deux canons. Mais les Toucouleurs
resistent maison par maison ; hommes et femmes combattent jusqu'au dernier soue ; personne ne
s'est rendu ; Bandiougou se refugie dans le magasin a poudre, l'incendie, et meurt dans l'explosion avec
les siens. Le charnier est tellement e royable que les ociers renoncent a compter les morts.
Gilbert Comte n'y voit qu'un combat de braves : < Selon la Geste des campagnes napoleoniennes,
les chefs [francais] renvoient leurs chevaux et chargent en simples soldats au-devant des colonnes, a n
d'exciter par l'exemple une folle emulation de bravoure. > mais conclut : < Archinard triomphe au prix
d'un carnage co^uteux pour les Bambaras. >
Commentaires : Gilbert Comte ecrit Ouessaboudougou.
Sources : Jean Suret-Canale, Afrique Noire, Occidentale et Centrale, Editions sociales, 1968, page
263-265, 275 ; Gilbert Comte, L'empire triomphant, Denoel, 1988, page 71-72 ; Joseph Ki-Zerbo, Histoire
de l'Afrique Noire, Hatier, 1978, page 420.
27 avril 1994 : Paris recoit les organisateurs du genocide (Rwanda)
Alors que le genocide frappe les Tutsi du Rwanda, le ministre des a aires etrangeres du Gouvernement
interimaire rwandais (GIR), mis en place apres la mort du president Juvenal Habyarimana, Jer^ome Bicamumpaka
et Jean-Bosco Barayagwiza, directeur des a aires politiques au ministere des a aires etrangeres,
responsable de la CDR, < un parti extremiste qui pr^onait la haine ethnique >35, et membre fondateur
de la Radio-Television Libre des Mille Collines (RTLM), qui multiplie les appels au meurtre des Tutsi
durant tout le genocide36, sont en visite a Paris le 27 avril. Ils sont recus ociellement par les autorites
francaises, a l'Elysee et a Matignon, bien qu'un porte-parole du gouvernement francais ait declare qu'il
s'agissait d'une visite privee37. Ils rencontrent Alain Juppe, ministre des a aires etrangeres et Bruno
Delaye, conseiller aux a aires africaines a l'Elysee d'apres la FIDH38, le president Mitterrand, le premier
ministre Balladur et Juppe d'apres Prunier39. Ces deux visiteurs sont des plus compromis dans le genocide
en cours. Lors d'une conference de presse organisee le lendemain, Jer^ome Bicamumpaka < juge < exagere >
le chi re de 100 000 morts, avance comme bilan des massacres commis dans son pays au cours des trois
dernieres semaines > dementant ainsi les chi res donnes par le CICR dont les representants sont toujours
au Rwanda40.
Au cours d'un long entretien telephonique la veille de cette < reception >, Daniel Jacoby, president
de la FIDH, tente vainement de dissuader l'Elysee d'accomplir ce geste41. Par ailleurs, la Belgique et les
Etats-Unis refusent d'accueillir cette delegation42.
Aujourd'hui Jer^ome Bicamumpaka et Jean-Bosco Barayagwiza sont inculpes de genocide devant le
Tribunal Penal International (TPIR) d'Arusha et incarceres. Jean-Bosco Barayagwiza a par ailleurs ete
inculpe en mai 1994 et condamne aux Etats-Unis en avril 1996 pour l'appel au meurtre de Joseph
Kavaruganda, President de la Cour Constitutionnelle, lance en decembre 1993 par la RTLM43. Arr^ete au
35ambassadeur Marlaud a la Mission d'information, Auditions Vol I page 292
36Chretien, Medias page 387
37FIDH page 766
38FIDH page 766
39Prunier, page 331
40Le Monde du 30 avril
41Gillet 241
42Reyntjens page 89, FIDH page 750
43FIDH page 225, 887 ; Gillet page 251)
Avril 37
Cameroun a la demande du TPIR, Barayagwiza fait appel de son arrestation sur des motifs de procedure
et obtint une decision de liberation en novembre 1999 que nalement le nouveau procureur Carla del
Ponte fait nalement annuler le 31 mars 2000. Il est juge dans le cadre du proces des medias avec Hassan
Ngeze, directeur de Kangura et Ferdinand Nahimana, principal fondateur de la RTLM.
La mission d'information sur le Rwanda s'interroge sur l'opportunite de cette rencontre du 27 avril44 :
< C'est dans ce contexte que se deroule, le 27 avril, la rencontre avec M. Jean Bosco Barayagwiza,
Chef de la CDR, et Jer^ome Bicamumpaka, Ministre des A aires etrangeres, qui seront recus a l'  Elysee
et a Matignon. [...] La demarche de la France, consistant a maintenir le dialogue politique avec les
representants de toutes les parties au con
it, s'inscrit bien dans la continuite de sa politique diplomatique
visant a amener les belligerants a la conclusion d'un accord negocie.
Cette approche suppose toutefois que l'on se trouve dans une logique classique de guerre ou d'a rontements.
Or, en la circonstance, on peut s'interroger sur l'opportunite d'avoir, certes dans la perspective
louable de la conclusion d'un cessez-le-feu, recu, le 27 avril, le representant du parti extremiste hutu
de la CDR, exclu des institutions d'Arusha, et le Ministre des A aires etrangeres d'un Gouvernement
interimaire rwandais , sous la responsabilite duquel se deroulaient des massacres a grande echelle qui
seront, quinze jours plus tard, quali es ociellement par la France de genocide. >
Le gouvernement francais et le president de la Republique etait a l'epoque mieux informe que quiconque
sur ce qui se passait reellement au Rwanda. Ils manifestent, en les recevant, un soutien aux auteurs
du genocide.
Une note du 25 avril 1994 signee par Marlaud, l'ambassadeur de France au Rwanda (qui a evacue son
ambassade) donne l'etat d'esprit des autorites francaises : < C'est le FPR qui refuse un cessez-le-feu [...]
L'argument selon lequel il ne cessera les combats que lorsque les exactions et les massacres s'interrompront
renverse la cha^ne des causalites. S'il est exact qu'a l'annonce de la mort du President les exactions ont
tout de suite commence et donne un fondement a l'intervention armee du FPR, aujourd'hui la situation
est plut^ot inverse : les Hutu, tant qu'ils auront le sentiment que le FPR essaie de prendre le pouvoir,
reagiront par des massacres ethniques. >45.
Ce representant de la France ne voit les problemes du Rwanda que sous l'angle ethnique et montre une
etrange comprehension a l'egard d'un regime qui, pour se defendre, fait tuer une partie de ses citoyens.
Le soutien de la France se traduit, sur le plan militaire, par des entretiens en vue de livraison de
materiel qui ont lieu a Paris en mai : rencontres de Cyprien Kayumba puis d' Ephrem Rwabalinda avec
le general Jean-Pierre Huchon, chef de la maison militaire de la cooperation46 ; livraisons d'armes passant
par le Zare et les ^les Seychelles pendant le genocide, contournant ainsi l'embargo decide par le Conseil
de securite le 17 mai.
Au niveau international, le soutien de la France au GIR est une des causes importantes des atermoiements
de l'ONU :
< Le 29 avril, le Secretaire general reconnut nalement que la guerre et les massacres de civils etaient
deux problemes distincts [...] Tout en etant pr^et a imputer la responsabilite des massacres a < des militaires
incontr^oles > et a < des groupes civils armes > , il les presentait comme des acteurs independants,
motives par < des inimities ethniques profondement ancrees > [...] Il continuait donc d'occulter le fait que
le genocide etait orchestre par le gouvernement et rendait credible la description deliberement inexacte
des tueries qui etait di usee par certains representants de la France et par le gouvernement genocidaire
lui-m^eme >47.
A
l'initiative des representants de pays comme la Republique tcheque, la Nouvell e-Zelande, l'Espagne,
l'Argentine, Le Conseil de Securite se decide le 30 avril a parler d'< actes genocidaires >. < La
declaration precisait que la plupart des attaques visant des civils sans defense avaient eu lieu dans des
regions contr^olees par le gouvernement interimaire >48. Il envisage un embargo sur les armes qui n'est
impose que mi-mai. La Commission des Droits de l'Homme ordonne n mai une enqu^ete sur un eventuel
genocide .
< L'impact de ces mesures, a la fois timides et tardives, fut a aibli par le soutien que la France ne
cessa pas d'accorder au gouvernement interimaire. Certains responsables politiques francais menes par
44rapport page 298-299
45Mission d'information Annexes page 276
46FIDH page 771-773
47FIDH page 744
48FIDH page 746
38 Avril
Mitterrand, etaient determines a emp^echer une victoire du FPR, m^eme si cela devait signi er de continuer
a collaborer avec des tueurs en train de commettre un genocide, jusqu'a ce qu'ils puissent identi er de
meilleurs representants de la < grande majorite > >49.
< Avant le vote de la resolution 918 du Conseil de securite, le 17 mai, la France fait de la resistance
vis-a-vis du second volet du texte, l'embargo sur les armes. Soutenant la position du < representant >
rwandais, elle considere que l'embargo ne penaliserait que les forces < gouvernementales >. >50
< Le Rwanda pro ta de son siege au Conseil pour retarder les debats et tenta d'edulcorer la declaration
[du 30 avril]. Il fut soutenu dans cette entreprise par Djibouti, dont l'ambassadeur expliqua par la suite,
que certains membres du Conseil avaient souhaite ne pas < faire du sensationnel > avec la situation au
Rwanda. [...] La France continua sa campagne consistant a minimiser la responsabilite du gouvernement
interimaire dans les massacres >51.
Le comble fut atteint le 16 mai quand Jer^ome Bicamumpaka, soutenu et conseille par Jean-Bosco
Barayagwiza, occupe le siege du Rwanda au Conseil de securite : < Bicamumpaka tenta de justi er le
genocide, repetant devant les diplomates bon nombre des mensonges et alterations de la verite, propages
d'ordinaire par la RTLM. Outre les armations habituelles sur les centaines de milliers de Hutu tues
par le FPR " simplement parce qu'ils etaient hutu " , il ajouta que les soldats du FPR devoraient le
coeur de leurs victimes. Il declara que la radio rwandaise di usait des messages de paix [...] En n, il
pretendit que les massacres avaient pris n, hormis dans les regions ou les a rontements avec le FPR se
poursuivaient >52.
Les membres du Conseil de securite se sont < abstenus de denoncer fermement et unanimement le
genocide perpetre par le gouvernement, dont les representants etaient assis avec eux, autour de la m^eme
table >53. Comme l'ecrit Francois-Xavier Verschave, ce 27 avril a Paris, c'est la reconnaissance de facto
d'un regime de Salo54.
Sources : Rwanda : Le r^ole de la France denonce par les rebelles, Le Monde 30 avril 1994 ; Gerard
Prunier, Rwanda, le genocide, Londres 1995, Paris, 1997, Dagorno ; Alison Desforges, HRW-FIDH, Aucun
temoin ne doit survivre, le genocide au Rwanda, Karthala, 1999 ; Eric Gillet, Le genocide devant la justice,
Les Temps Modernes, juillet-ao^ut 1995, page 228-271 ; Mission d'information sur les operations militaires
menees par la France, d'autres pays et l'ONU au Rwanda entre 1990 et 1994, Assemblee Nationale, 15
decembre 1998 ; Jean-Pierre Chretien, Le de de l'ethnisme, Karthala, 1997 ; Jean-Pierre Chretien (sous
la direction de), Rwanda. Les medias du genocide, Karthala, 1995 ; Philip Reyntjens, Rwanda, trois jours
qui ont fait basculer l'histoire, L'Harmattan, Cahiers africains n 16, 1995 ; Francois-Xavier Verschave,
Complicite de genocide ? La politique de la France au Rwanda, La Decouverte, 1994.
49FIDH p. 742
50Verschave page 116
51FIDH page 745
52FIDH page 750
53FIDH page 750-751
54Verschave page 114
Mai
1er mai 1898 : Sac de Sikasso par le colonel Audeoud (Soudan)
En avril 1898, le colonel Audeoud qui cherche un coup d'eclat pour sa promotion, envoie le capitaine
Morisson exiger de Ba Bemba, successeur de Tieba, le < fama > de Sikasso (Mali actuel), et allie {
imprudent{ des Francais dans leur guerre contre Samory, l'etablissement d'une garnison francaise dans
sa capitale. Ba Bemba refuse. C'est la guerre et le siege de Sikasso ou les violentes contre-attaques des
assieges mettent a plusieurs reprises en danger les troupes francaises. Mais avec trois enceintes qui ont
resiste pendant quinze mois a Samory, < la forteresse ne tient pas deux jours devant les obus modernes >
ecrit Gilbert Comte.
Sikasso resiste rue par rue. Un ocier francais, participant a la prise de Sikasso, decrit ainsi le sac de
la ville :
< Apres le siege, l'assaut. Ba Bemba se tue. On donne l'ordre du pillage. Tout est pris ou tue. Tous
les captifs, 4 000 environ, rassembles en troupeau.
Le colonel [Audeoud] commence la distribution. Il ecrivait lui-m^eme sur un calepin, puis y a renonce
en disant : < Partagez-vous cela > . Le partage a eu lieu avec disputes et coups. Puis en route ! Chaque
Europeen a recu une femme a son choix... On a fait au retour des etapes de quarante kilometres avec ces
captifs. Les enfants et tous ceux qui sont fatigues sont tues a coups de crosse et de baonnette...
Les cadavres etaient laisses au bord des routes. Une femme est trouvee accroupie. Elle est enceinte. On
la pousse a coup de crosse. Elle accouche debout en marchant. A coupe le cordon et abandonne l'enfant
sans se retourner pour voir si c'est garcon ou lle.
Dans ces m^emes etapes, les hommes requisitionnes en route pour porter le mil restent cinq jours sans
rations ; recoivent cinquante coups de corde s'ils prennent une poignee du mil qu'ils portent.
Les tirailleurs ont eu tellement de captifs qu'il leur etait impossible de les loger et de les nourrir. >
Sources : P. Vigne d'Octon, La Gloire du sabre, Paris, Flammarion, 1900 ; cite par Jean Suret-Canale,
Afrique Noire, Occidentale et Centrale, Editions sociales, 1968, page 274-275 ; Gilbert Comte, L'empire
triomphant, Denoel, 1988, page 85-86.
2 mai 1899 : Massacre de Birni-N'Konni (Soudan - Niger)
La mission Voulet-Chanoine en route vers le Tchad seme la mort sur son passage (cf. le Sac de
Sanssane-Haoussa, 9 janvier 1899).
Ils arrivent le 2 mai 1899 au bourg de Birni N'Konni dont le chef leur refuse six boeufs mais leur
o re des noix de cola. En reponse, ils ouvrent la muraille au canon et tuent tout ce qu'ils rencontrent.
Les 15 000 habitants auraient ete tues. Voulet et Chanoine continuent leurs exactions. Le 14 juillet 1899
a Dankori, Voulet fait tuer le colonel Klobb envoye pour prendre le commandement de la colonne et
enqu^eter sur les accusations d'atrocites parvenues jusque Paris. Voulet et Chanoine auraient ete tues par
leurs tirailleurs, mais le mystere demeure sur leur n. La colonne continuera sous les ordres des lieutenants
Joalland et Meynier. Les temoins africains, en particulier les interpretes, sont elimines.
Commentaires : Sur ces multiples Oradour, l'histoire ocielle se montre remarquablement discrete.
La faute essentielle retenue contre Voulet est d'avoir tue le colonel Klobb. On invente le terme de < soudanite
> pour de nir la maladie qui a frappe les chefs de la mission. Voici la relation qu'en fait Le domaine
colonial francais ouvrage en 3 tomes preface par le marechal Lyautey : < Deux missions, l'une, la mission
39
40 Mai
Foureau-Lamy, partant d'Algerie, l'autre, la mission Joullan, partant du Senegal, sont envoyees vers le
Tchad en vue de t^acher de se rejoindre et ensuite de tendre la main a celle dirigee par Gentil, et qui a
pour but d'abattre la puissance de Rabah, qui venait d'assassiner a Niellim le capitaine Bretonnet et ses
compagnons. Ces missions reussirent l'extraordinaire exploit de traverser le Sahara tout entier, de suivre
le Niger, et de rejoindre les survivants du drame assez obscur de la mission soudanaise Voulet-Chanoine,
les capitaines Joalland et Meynier. >
Commentaires : Qui est ce Joullan ? Joalland mal orthographie ? Le style alambique du texte laisse
deviner le trouble. L'enqu^ete demandee par le ministere des Colonies fut close le 1er septembre 1902 et
non publiee. Le 7 decembre 1900, la Chambre des Deputes rejeta la demande de commission d'enqu^ete
faite par Vigne d'Octon. L'histoire ocielle retient que la colonne Voulet-Chanoine permit la conqu^ete
du Tchad et de rogner sur les possessions anglaises. En e et, la frontiere qui separe les < possessions >
francaise et anglaise, actuellement entre le Niger et le Nigeria, xee le 8 avril 1904, suit l'itineraire de la
colonne Voulet-Chanoine qui avait enfreint la convention franco-britannique du 14 juin 1898, en coupant
vers l'Est l'arc de cercle decrit autour de Sokoto par cette convention.
Sources : Muriel Mathieu, la Mission Afrique centrale, L'Harmattan, 1995 ; Jean-Claude Simoen, Les
ls de rois, le crepuscule sanglant de l'aventure africaine, J.-C. Lattes, 1996 ; Gilbert Comte, L'empire
triomphant, Denoel, p. 163-178 ; Jean Suret-Canale, Afrique Noire, geographie, civilisations, histoire,
Editions sociales, 3eme ed., p. 295-304 ; Med Hondo, Sarraounia, lm France/Burkina Faso, 1986, interdit
de tournage au Niger ; Sven Lindqvist, Exterminez toutes ces brutes, Le Serpent a plumes, 1998, page
215-224 ; Maurice Besson, Vue generale sur l'histoire de la colonisation francaise, Le domaine colonial
francais, Editions du cygne, Paris, 1929, tome 1, page 192.
5 mai 1947 : Massacre de Moramanga par l'armee francaise, 165
morts (Madagascar)
Le 30 mars 1947 eclate a Madagascar une insurrection desapprouvee par les leaders du MDRM. Le
chef de district d'Ambatondrazaka, Le Chevanton, fait proceder a des arrestations massives de militants
MDRM. Le 5 mai, 166 otages sont transferes a la gare et enfermes dans trois wagons plombes, a ectes
d'ordinaire au transport des bestiaux. Le convoi s'ebranle et arrive au debut de l'apres-midi en gare de
Moramanga. Vers minuit, sous pretexte que des insurges s'appr^etent a delivrer les otages, les militaires
de garde recoivent l'ordre de faire feu sur le train. Il reste 71 survivants de cette tuerie, qui sont mis
en prison, soumis a la question et laisses sans nourriture. Le jeudi 8 mai, ils sont conduits au peloton
d'execution devant des fosses creusees au prealable. Ils sont tous abattus. L'ordre d'execution est signe du
general Casseville. L'un des otages Rakotoniaima, laisse pour mort, s'echappera et racontera le massacre.
Sources : Jacques Tronchon, L'insurrection malgache de 1947, Karthala, pages 72-73, 292-295 ;
Francoise Raison-Jourde, Le soulevement de 1947, Clio en Afrique n 4, printemps 1998 ; Yves Benot,
Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, page 122.
6 mai 1687 : Promulgation du Code Noir a Saint-Domingue.
Louis XIV, par la gr^ace de Dieu roi de France et de Navarre, promulgue, a Versailles en mars 1685, le
Code Noir < pour y [dans nos ^les d'Amerique] maintenir la discipline de l'  Eglise catholique, apostolique et
romaine, pour y regler ce qui concerne l'etat et la qualite des esclaves dans nos dites ^les [d'Amerique] >.
Il sera applique aussi aux Antilles, a Saint-Domingue (le 6 mai 1687), en Guyane, a l'^le Bourbon (^le de
la Reunion). La mouture de 1724, faite pour la Louisiane, sera encore plus atroce.
Le Code Noir codi e l'esclavage. La these ocielle, toujours en cours, est que le Code Noir a ete la
< premiere protection des esclaves > : il < limite l'emploi de la torture et tend a restreindre l'arbitraire des
ma^tres. >55. Pour Sala-Molins (LSM), le Code Noir est < le texte juridique le plus monstrueux qu'aient
produit les Temps Modernes >56, il < regle le genocide utilitariste le plus glace de la modernite >57, il
55page 82-83. La pagination renvoie a la reedition de Louis Sala-Molins
56Sala-Molins, ibidem, page 9
57Sala-Molins, ibidem, p. VIII
Mai 41
< fonde en droit le non-droit a l'  Etat de droit des esclaves noirs, dont l'inexistence juridique constitue la
seule et unique de nition legale >58.
Le scandale est que d'une part les philosophes des Lumieres ne le denonceront pas < ils savent et s'en
moquent >59 et d'autre part qu'il survivra a la Revolution puisqu'il ne sera aboli ociellement qu'en 1848
et perdurera jusqu'en 1948 a travers le Code de l'Indigenat et le travail force. Ceci explique le silence
dans lequel est tenu le Code Noir en France, ou, tant la classe politique, les programmes de l'Education
Nationale que l'intelligentsia, preferent s'autocongratuler pour l'abolition de l'esclavage.
Pourquoi le Noir est-il esclave ? Le Code n'en dit rien. < La traite, chacun sait. Le Code Noir n'en
soue mot. >60 Le commerce du < bois d'ebene > arrivera a constituer pour la France le pilier essentiel
de l'economie du pays. Les compagnies pratiquant le commerce triangulaire seront comblees d'avantages
et d'exonerations. Le Code Noir doit ^etre lu en tenant compte du fait que les ma^tres des esclaves,
les planteurs, sont eux-m^emes dependants des compagnies qui leur vendent des esclaves, entre autres
marchandises, et leur achetent leur production, le sucre essentiellement, le cafe, etc ...
La perspective du Code Noir est profondement chretienne : L'article 1er prescrit de chasser tous les
juifs hors des ^les. L'article 2 insiste : < Tous les esclaves qui seront dans nos ^les seront baptises et
instruits dans la religion catholique. > L'esclavage est donc beni puisqu'il permet de baptiser les Noirs.
Les ordres religieux ne se priveront pas d'esclaves. D'apres LSM, < L'instruction religieuse se limitait
generalement a inspirer aux esclaves la crainte des tourments infernaux >61. L'article 3 interdit < tout
exercice d'autre religion que la catholique >. Il est en e et promulgue la m^eme annee que la revocation de
l'Edit de Nantes. M^eme sous la Republique laque et anticlericale, les colonies francaises seront la chasse
gardee des missionnaires catholiques, les protestants seront pourchasses sinon interdits. Les sujets de sa
majeste doivent < observer les jours de dimanche et f^etes > et ne pas < faire travailler leurs esclaves
aux dits jours > (art 6). < Leur defendons pareillement de tenir le marche des negres et de toutes autres
marchandises les dits jours > (art 7).
L'article 9 condamne < les hommes libres qui auront eu un ou plusieurs enfants de leurs concubinages
avec leurs esclaves > . Cependant l'homme libre non marie peut epouser son esclave < qui sera a ranchie
par ce moyen > . Cette derniere disposition sera supprimee dans la version de 1724 : < Defendons a
nos sujets blancs de l'un et l'autre sexe de contracter mariage avec les Noirs > . La perspective raciste
s'arme.
Le consentement du pere et de la mere de l'esclave n'est pas necessaires a son mariage. Seul celui du
ma^tre l'est (art 10). LSM remarque que les ma^tres accorderont rarement l'autorisation de mariage a leurs
esclaves, les cours du marche aux negres n'incitant pas a faire de l'< elevage > d'esclaves. La pratique des
avortements chez les esclaves noires atteint des proportions inoues par rapport aux naissances62. < Les
enfants qui na^tront de mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront aux ma^tres des femmes
esclaves > (art 12).
Le racisme s'etend par dela la mort, selon l'article 14 : < Les ma^tres seront tenus de faire mettre
en terre sainte dans les cimetieres destines a cet e et leurs esclaves baptises ; et a l'egard de ceux qui
mourront sans avoir recu le bapt^eme, ils seront enterres la nuit dans quelque champ voisin du lieu ou ils
seront decedes >.
< Defendons aux esclaves appartenant a di erents ma^tres de s'attrouper le jour ou la nuit > (art 16).
Les esclaves ne peuvent rien posseder en propre : < Declarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui
ne soit a leur ma^tre > (art 28). Ils n'ont pas de personnalite juridique, sauf pour ^etre condamnes : < Ne
pourront aussi les esclaves ^etre partie ni ^etre en jugement ni en matiere civile, tant en demandant qu'en
defendant, ni ^etre parties civiles en matiere criminelle, sauf a leurs ma^tres d'agir et de defendre en
matiere civile, et de poursuivre en matiere criminelle la reparation des outrages et exces qui auront ete
commis contre leurs esclaves > (art 31). Alors que l'article 26 permet aux esclaves < point nourris, v^etus et
entretenus par leurs ma^tres > d'< en donner l'avis a notre procureur general et mettre les memoires entre
ses mains >, autrement dit laisse entendre qu'ils peuvent deposer plainte contre leurs ma^tres, l'article
30 nie toute valeur au temoignage d'un esclave et cet article 31 stipule qu'un esclave ne peut deposer
plainte. S'il a subi quelque dommage, c'est a son ma^tre de le faire et de bene cier des reparations que la
58Sala-Molins, ibidem, page 24
59Sala-Molins, ibidem, page 10
60Sala-Molins, ibidem, page 7
61Sala-Molins, ibidem, page 94
62Sala-Molins, ibidem, p. 111
42 Mai
justice accordera. < On ne dedommage pas un objet, on dedommage une victime >, conclut logiquement
LSM.
< L'esclave fugitif qui aura ete en fuite pendant un mois [...], aura les oreilles coupees et sera marque
d'une
eur de lys sur une epaule ; et s'il recidive [...] aura le jarret coupe et il sera marque d'une
eur
de lys sur l'autre epaule ; et la troisieme fois il sera puni de mort > (art 38). < Pourront seulement
les ma^tres, lorsqu'ils croiront que leurs esclaves l'auront merite, les faire encha^ner et les faire battre
de verges ou de cordes ; leur defendons de leur donner la torture, ni de leur faire aucune mutilation de
membre... > (art 42). Battre n'est donc pas torturer. Les ma^tres n'encourront que des peines benignes
ou seront acquittes pour torture ayant occasionne la mort de leur esclave.
< Declarons les esclaves ^etre meubles, et comme tels entrer dans la communaute. > Ainsi l'esclave est
un bien meuble au m^eme titre que les chevaux, les moutons. Il est considere comme simple marchandise
dans les ventes, successions et autres actes regis par le Droit. Le Code Noir aura bestialise pour longtemps
les Noirs dans la conscience des Francais.
Sources : Louis Sala-Molins, Le Code Noir ou le calvaire de Canaan, 5e edition, mai 1998, PUF;
Robert Chesnais (presente par), Le Code Noir, L'Esprit Frappeur, 1998.
8 mai 1945 : Evenements de Setif (Algerie)
Pour celebrer la chute de l'Allemagne nazie, les nationalistes algeriens des AML (Amis du Manifeste
et de la liberte) de Ferhat Abbas et du PPA (dissous) de Messali Hadj (en residence surveillee), organisent
un de le a Setif avec les drapeaux allies en t^ete. Soudain, pancartes et drapeau algerien sont deployes.
Les pancartes portent les slogans < Liberez Messali >, < Vive l'Algerie libre et independante >, < Vive la
Charte de l'Atlantique >, < A bas le colonialisme >. Bouzid Saal refuse de baisser le drapeau algerien qu'il
porte et est abattu par un policier. Cela declenche une emeute qui sera suivie d'une repression atroce.
A Guelma, a l'est de Constantine, le m^eme jour, la manifestation organisee par les militants nationalistes,
drapeaux algeriens et allies en t^ete, est arr^etee par le sous-prefet Achiary. La police tire sur le
cortege, il y a 4 morts algeriens, aucun europeen. Achiary decrete le couvre-feu, fait armer la milice des
colons. Dans la soiree, les arrestations et les executions commencent.
Scenario semblable a B^one ou une bagarre se declenche quand la police tente d'arracher le drapeau
algerien, des coups de feu eclatent, il y a des blesses de part et d'autre, un mort c^ote algerien.
L'insurrection va se propager avec la nouvelle de la repression dans la region de Setif, Guelma, Kherrata,
Djidjelli, qui fera environ 40.000 victimes. Si les manifestations du 1er et du 8 mai ont ete preparees,
l'insurrection que declenchera la repression du 8 a un caractere spontane. Un ordre d'insurrection sera
donne le 23 mai par le PPA mais aussit^ot annule.
L'origine de l'exasperation est a chercher dans la disette due a la guerre, a la famine (< Je crois pouvoir
armer que 50% au moins de la population se nourrissent d'herbes et de racines > , ecrivait Albert Camus
en juin 1939 dans Alger Republicain63) et dans les espoirs decus en la n du regime colonial. La defaite de
la puissance coloniale en 1940, le debarquement anglo-americain ont incite les responsables musulmans,
encourages par les declarations americaines a secouer le joug colonial. Le Manifeste du peuple algerien
du 10 fevrier 1943, reclame une Constitution ou l'egalite absolue entre hommes quelle que soit la race
ou la religion sera proclamee. L'additif au Manifeste du 26 juin 43, approuve par le Gouverneur general
Peyrouton, prevoit la creation d'un Etat algerien a la n de la guerre et la participation immediate des
representants musulmans au gouvernement de l'Algerie. Mais l'administration francaise ne cherche que
le calme pendant que les troupes < indigenes > participent aux combats en Italie, en Corse, a l'^le d'Elbe
puis au debarquement de Provence (Ben Bella combattra au Monte Cassino en avril 1944). L'ordonnance
du 7 mars 1944 de De Gaulle oublie les promesses faites et ne reprend que le projet Blum-Viollette rejete
en 1936 par les colons, en proposant le droit de vote pour 65 000 algeriens.
C'est le gouvernement francais issu de la Resistance, dirige par de Gaulle et forme avec des ministres
communistes, qui va exercer une repression e royable.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994 ; Boucif Mekhaled, Chroniques d'un
massacre - 8 mai 1945 - Setif, Guelma, Kherrata, Au nom de la memoire, Syros, 1995 ; C.R. Ageron,
Histoire de l'Algerie contemporaine, Que Sais-je N 400.
63Mekhaled, Chroniques d'un massacre - 8 mai 1945 - Setif, Guelma, Kherrata, p. 59
Mai 43
9 mai 1945 : Repression de l'insurrection de Setif et Guelma
(Algerie)
Tant a Setif qu'a Guelma le l des evenements est le m^eme. La nouvelle des violences policieres se
repand aux environs et des groupes d'Algeriens se forment, s'arment de ce qu'ils trouvent et attaquent les
Europeens. Les evenements de Setif sont connus des le matin du 8 a Kherrata. L'apres-midi, les Europeens
s'a olent et se retranchent dans le fort Dussaix avec des armes. L'appel au djihad se repand dans les
villages alentour. Le lendemain des Europeens sont attaques, leurs maisons incendiees. Dix Europeens
sont tues et quatre blesses. Depuis le fort Dussaix les Europeens tirent sur la foule. Les automitrailleuses
de l'armee arrivent vers midi et tirent dans le tas. L'artillerie de marine, l'aviation, et le soir la Legion
suivent. Toute la region de Setif et de Kherrata s'en
amme ainsi. On comptera 88 a 103 morts et 150
blesses dans la population europeenne. La reaction des autorites est immediate ; gendarmerie, armee,
blindes, aviation, artillerie de marine et milices d'Europeens interviennent. Les insurges du 9 sont vite
obliges de fuir dans les montagnes.
La repression est atroce. Kateb Yacine avait seize ans, il etait a Setif : < On voyait des cadavres partout,
dans toutes les rues ... La repression etait aveugle ; c'etait un grand massacre. J'ai vu les Senegalais qui
tuaient, violaient, volaient... bien s^ur, apres l'etat de siege, l'armee commandait. >64
Un temoin declare a Henri Alleg : < Les legionnaires prenaient les nourrissons par les pieds, les
faisaient tournoyer et les jetaient contre les parois de pierre ou leurs chairs s'eparpillaient sur les rochers.
>65
< Entre Setif et le pays, on ne peut circuler, il y a des tirailleurs senegalais qui tirent sur tout passant
comme le cas s'est produit a At Sar. Dans ce dernier village, on a br^ule des gens, qui avaient tue le
garde forestier, et incendie plus de vingt maisons. >66
< [A Kef-El-Boumba] J'ai vu des Francais faire descendre d'un camion cinq personnes les mains ligot
ees, les mettre sur la route, les arroser d'essence avant de les br^uler vivants. Une commission d'enqu^ete
fut instituee. Mais les assassins pour masquer leur crime, en commirent de plus horribles. Ils prirent en
e et les cadavres et les jeterent dans des fours a chaux. L'operation dura une semaine complete. >67
Benhamla Saci habitait a l'epoque a 500 metres du four a chaux d'Heliopolis. Il est toujours obsede
par la < fumee bleue des cadavres, l'insupportable odeur de chair br^ulee et le va-et-vient continuel des
camions >68
< Le peuple fut massacre sans sommation et sans pitie..., les gorges de Kherrata s'emplissaient de
cadavres. Des gens etaient balances morts ou vifs dans des crevasses profondes... >69. La Legion Etrangere
grave en face du premier tunnel dans les grottes : < Legion etrangere : 1945 > . Cette inscription rappelle
l'horreur de la repression. Les prisonniers etaient egorges et jetes dans le ravin a partir du pont qui porte
le nom de Hanouz, assassine a cet endroit avec ses trois enfants.
L'armee organise des ceremonies de soumission ou tous les hommes doivent se prosterner devant le
drapeau francais et repeter en choeur : < Nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien >70.
Certains, apres ces ceremonies, etaient embarques et assassines.
Les milices, en particulier celle du sous-prefet de Guelma, Achiary, participent activement a la
repression par des executions sommaires. < Je voyais des camions qui sortaient de la ville [Guelma]
et, apres les intervalles de dix a quinze minutes, j'entendais des coups de feu. Cela a dure deux mois ; les
miliciens ramassaient les gens partout pour les tuer. Les executions se faisaient surtout a Kef-El-Boumba
et a la carriere de Hadj M'Barak >71
Mohamed Chouadria, depute de Constantine, accuse les miliciens reunis par le sous-prefet Achiary,
l'administrateur Raymond et le colon Schemoul : < Des fusillades en masse eurent lieu : je voudrais attirer
l'attention sur la repression sanglante, sauvage, inhumaine a Villars (Oued Cheham). En la presence des
habitants des douars environnants et devant Achiary, neuf Musulmans furent alignes devant les murs et
64Mekhaled, ibidem, p. 134
65Mekhaled, ibidem, p. 185
66Mekhaled, ibidem, p. 186
67Mekhaled, ibidem, p. 187
68Algerie-Actualite n 1021 cite par Mekhaled, ibidem p. 187
69Mekhaled, ibidem, p. 188
70Mekhaled, ibidem, p. 191
71Mekhaled, ibidem, p. 192
44 Mai
fusilles dans le dos par des miliciens volontaires, reunis sous les ordres d'Achiary et de Raymond qui
disait : < Vengez-vous, messieurs les colons ! > Dans un petit centre pres de Guelma, Schemoul, avec
l'aide de quinze prisonniers italiens, a tue de pauvres fellahs et m^eme une malheureuse femme. >72
Les milices sevissent a Setif, a Annaba, a Chevreul. Ferhat Abbas accuse le prefet de Constantine,
Lestrade-Carbonnel d'avoir ordonne de tirer, de tuer les Arabes73.
Il y eut en n la repression judiciaire, 7 400 arrestations, 151 condamnations a mort.
Des commission d'enqu^ete sur les exces de la repression { l'une dirigee par le general Tubert, l'autre
par le commissaire Berge { sont constituees, mais leur travail est emp^eche.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994 ; Boucif Mekhaled, Chroniques d'un
massacre - 8 mai 1945 - Setif, Guelma, Kherrata, Au nom de la memoire, Syros, 1995 ; C.R. Ageron,
Histoire de l'Algerie contemporaine, Que Sais-je N 400.
17 mai 1802 : Retablissement de l'esclavage (Antilles)
Apres la signature de la paix d'Amiens le 27 mars 1802, traite par lequel l'Angleterre restitue la Martinique,
le Corps legislatif signe le 17 mai (27
oreal an X), les trois articles de la loi sur le retablissement
de l'esclavage :
{ Article 1er : Dans les colonies restituees a la France, en execution du traite d'Amiens, du 6 germinal
an X, l'esclavage sera maintenu, conformement aux lois et reglements anterieurs a 1789.
{ Article 2 : Il en sera de m^eme dans les autres colonies francaises au-dela du cap de Bonne-Esperance.
{ Article 3 : La traite des Noirs et leur importation dans les-dites colonies auront lieu conformement
aux lois et reglements existants avant ladite epoque de 1789.
L'esclavage, la traite et le Code Noir se trouvent donc retablis. L'opinion esclavagiste exulte avec B.
Deslozieres qui ecrit :
< Et toi, feroce Africain, qui triomphes un instant sur les tombeaux de tes ma^tres que tu as egorges
en l^ache, [...] rentre dans le neant politique auquel la nature elle-m^eme t'a destine. Ton orgueil atroce
n'annonce que trop que la servitude est ton lot. Rentre dans le devoir et compte sur la generosite de tes
ma^tres. Ils sont blancs et francais. >74
Sala-Molins remarque qu'on revient a un regime juridique pire que celui qui regnait avant 1789 :
Napoleon ordonne a Leclerc d'expulser toute femme blanche ayant eu des rapports sexuels avec un Noir.
L'acces au territoire metropolitain est strictement interdit tant aux Noirs qu'aux metis.
Sources : Robert et Marianne Cornevin, La France et les Francais outre-mer, Tallandier, page 329 ;
Louis Sala-Molins, Le Code Noir, PUF, 5e ed., page 274-275 (date la loi au 30
oreal an X).
24 mai 1960 : Les forces de l'ordre egorgent les prisonniers
(Algerie)
Benoist Rey, soldat appele, in rmier a Texenna a 30 km au Sud de Djidjelli (Nord Constantinois),
apres que son commando de chasse ait ete pris dans une embuscade, rapporte : < Nous faisons, quelques
jours apres notre embuscade, une operation punitive. Nous emmenons trois prisonniers, dont un que
j'ai soigne. Je n'ose les regarder, car je sais qu'ils sont condamnes. Nous restons en embuscade toute
une longue matinee et, au plus chaud de l'apres-midi, le lieutenant R... commandant en second, fait un
signe au caporal-chef B..., un Corse militaire de carriere, un veritable tueur, sadique, < specialiste >
de l'egorgement. Les prisonniers ont les mains liees dans le dos. Le caporal-chef B... prend le premier,
l'assomme d'un coup de b^aton et l'egorge. Il en fait de m^eme avec le deuxieme. Le troisieme, qui doit
avoir dix-huit ans a peine, a compris. Au lieu d'essayer de se defendre, il tend la gorge au bourreau, lequel
n'hesite pas et l'egorge avec la m^eme sauvagerie. On met ensuite sur chaque corps a la gorge beante, ou
deja sont les mouches, un ecriteau : < Tel est le sort reserve aux rebelles. >
Le lendemain, le lieutenant R... assistera a la messe. Il a un cruci x au-dessus de son lit. >
Commentaires : La date du 24 mai est arbitraire. Les faits sont de mai 1960 avant le 29.
72Liberte n 143, 7 mars 1946 cite par Mekhaled, ibidem, p. 193
73Mekhaled, ibidem, p. 195
74B. Deslozieres, Les egarements du negrophilisme, Paris, 1802
Mai 45
Sources : Benoist Rey, Les egorgeurs, Editions de Minuit, 1961, saisi, Editions Los Solidarios, Le
Monde Libertaire, 145 rue Amelot, 75011 Paris, 1999, page 84-85 ; extraits de ce livre in Pierre Vidal-
Naquet, les crimes de l'armee francaise , Algerie 1954-1962, La Decouverte, 1975, reedition 2001, p.
111-114.
46 Mai
Juin
7 juin 1802 : Toussaint Louverture arr^ete par tra^trise (Hati)
Esclave de l'habitation Breda dans la partie francaise de Saint-Domingue, cocher sachant lire et ecrire,
Toussaint prend part au soulevement arme des Noirs du 23 ao^ut 1791, commande par Boukman. Bien
vite, il s'impose tant par la fermete de son caractere que par sa superiorite intellectuelle. Il devient la t^ete
pensante de la rebellion. La guerre ayant eclate entre la France et l'Espagne en 1793, l'Espagne propose
une alliance a la rebellion. Avec Jean-Francois et Biassou, il passe au service des Espagnols avec le titre de
marechal de camp, mais sans oublier l'idee de la liberation generale pour tous les Noirs. Sous l'in
uence
du general Laveaux, il repasse du c^ote francais le 25 juin 1794, refuse les o res des anglais auxquels colons
et mul^atres s'etaient allies et les combat avec ses troupes noires. L'abolition de l'esclavage par Sonthonax,
le 29 ao^ut 1793, enterinee par la Convention, le 16 pluvi^ose an II (4 fevrier 1794), conduit les anciens
esclaves a defendre la colonie contre les anglais. Le pouvoir de Louverture en sort grandi. Il elimine ses
rivaux, tant francais que noirs ou de couleur (les metis). Il combat la rebellion de Petion et Rigaud dans
le Sud (1799). Disposant de tous les pouvoirs de fait, il oblige les anciens esclaves a reprendre le travail
et fait voter le 3 juillet 1800, une Constitution ou la colonie, disposant de lois particulieres, institue ce
que Aime Cesaire appellera une sorte de < Commonwealth francais >. Cela souleve la colere de Napoleon
Bonaparte qui envoie une armee de 23 000 hommes dirigee par le general Leclerc. Debarque le 1er fevrier
1802, il bat non sans dicultes les troupes de Toussaint, qui, apres la reddition de Christophe, accepte
un cessez-le-feu le 5 mai, mais reste libre.
Arr^ete par tra^trise le 7 juin 1802, Toussaint est embarque vers la France et enferme au fort de Joux
dans le Jura, ou il meurt victime du froid. L'insurrection reprend le 5 ao^ut 1802. Les generaux indigenes
rallies a Leclerc comme Dessalines rejoignent la rebellion. Les troupes francaises sont decimees par les
maladies. Leclerc meurt le 2 novembre 1802, Rochambeau lui succede. Il capitule le 19 novembre 1803.
L'independance de Saint-Domingue (Hati) est proclamee le 28 novembre 1803. Elle est reconnue par la
France en 1825 moyennant le versement d'une indemnite aux anciens colons75.
Sources : Victor Schoelcher, Vie de Toussaint Louverture, Ollendorf, 1889, Karthala, 1982 ; Aime
Cesaire, Toussaint Louverture, la Revolution francaise et le probleme colonial, Presence africaine, 1981.
18 juin 1845 : < Enfumades > de la grotte de Ghar-el-Frechih
(Algerie)
Pour la conqu^ete totale de l'Algerie, Bugeaud mena a partir de 1841 une < guerre de ravageur >
fondee sur la razzia et la devastation systematique des regions insoumises. En 1845, la guerre reprend un
peu partout dans les < regions paci ees > a l'appel des confreries. Bou Maza avait en
amme le massif du
Dahra en se presentant comme un < mahdi > (envoye du Prophete) ou cherif (descendant du Prophete).
A Orleanville, le 11 juin 1845, Bugeaud conseille ceci a ses subordonnes pour reduire la resistance des
populations de la region du Chelif :
< Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbehas ! Enfumez les a outrance
comme des renards. >
75Schoelcher p. 379
47
48 Juin
La repression est rapide et rigoureuse : le colonel Pelissier n'hesite pas a asphyxier plus de 1 000
personnes, hommes, femmes et enfants, des Ouled Riah, qui s'etaient refugiees dans la grotte de Gharel-
Frechih76 dans le Dahra (triangle Tenes, Cherchell, Miliana).
Un soldat ecrit : < Les grottes sont immenses ; on a compte 760 cadavres ; une soixantaine d'individus
seulement sont sortis, aux trois quart morts ; quarante n'ont pu survivre ; dix sont a l'ambulance, dangereusement
malades ; les dix derniers, qui peuvent se tra^ner encore, ont ete mis en liberte pour retourner
dans leurs tribus ; ils n'ont plus qu'a pleurer sur des ruines. >
Apres son forfait, Pelissier repond a quelques bonnes consciences inquietes : < La peau d'un seul de
mes tambours avait plus de prix que la vie de tous ces miserables. >
Le prince de la Moskowa, ls du Marechal Ney, fait une interpellation a la Chambre des Pairs. Cela
n'emp^eche pas Pelissier d'obtenir son b^aton de marechal et d'^etre nomme gouverneur general de l'Algerie
de 1860 a 1864.
Le 12 ao^ut 1845, Saint-Arnaud a son tour, pres de Tenes, transforme d'autres grottes < en un vaste
cimetiere > , < cinq cents brigands > y furent enterres.
Sources : Ch.-Robert Ageron, Histoire de l'Algerie Contemporaine, Que Sais-je N 400 ; L. Le Saint,
Histoire de l'Algerie, Limoges, Eugene Ardant editeur ; Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte,
1994, page IX ; Marc Michel, Une guerre interminable, p 46 dans L'Algerie des Francais presente par
C. R. Ageron, Histoire Seuil, 1993 ; Robert Louzon Cent ans de capitalisme en Algerie : 1830-1930, La
Revolution Proletarienne, 1er mars 1930, reedite par Acratie page 16 ; Francois Maspero, l'Honneur de
Saint-Arnaud, Plon, Points, 1993, p. 247-249.
21 juin 1957 : L'assassinat de Maurice Audin par les paras est
maquille en evasion (Algerie)
Depuis janvier 1957, la 10eme Division parachutiste commandee par le general Massu a les pouvoirs
de police a Alger a n de traquer le terrorisme. Maurice Audin, assistant en mathematiques a la Faculte
des Sciences d'Alger, membre du PCA (Parti Communiste algerien, dissous en 1955), est arr^ete le 11 juin
1957 vers 23 heures par le capitaine Devis, le lieutenant Erulin et plusieurs parachutistes du 1er RCP
(Regiment de Chasseurs Parachutistes). Une souriciere est installee dans l'appartement de la famille
Audin. Le lendemain, Henri Alleg, ancien directeur du journal Alger Republicain, y est arr^ete. Madame
Audin est immobilisee dans son appartement durant quatre jours avec ses trois enfants. Une fois libre,
elle s'inquiete du sort de son mari aupres des autorites et prend un avocat. Elle saisit la < Commission de
sauvegarde des droits et libertes individuelles > qui vient d'^etre installee le 10 mai 1957 par Guy Mollet.
Le 22 juin, elle apprend dans le Journal d'Alger que son mari est assigne a residence, tandis que deux
paras viennent la surveiller durant la journee. Le 29, le colonel Godard demande a l'avocat de lui envoyer
madame Audin le 1er juillet. Il a une nouvelle < plut^ot rassurante > a lui apprendre. Elle se presente chez
le colonel Godard et est recue par le colonel Trinquier. Il lui lit un rapport du lieutenant-colonel Mayer,
commandant le 1er RCP, revelant que Maurice Audin s'est evade lors d'un transfert. Madame Audin ne
croit en rien les armations de ce document. Le 3 juillet, Mr Maisonneuve, conseiller de Robert Lacoste,
lui ecrit que Maurice Audin s'est evade. Paul Teitgen, secretaire general charge de la Police a la Prefecture
donne la m^eme information, tout en s'etonnant que la che d'assignation a residence ait ete etablie le jour
m^eme de l'evasion. Le < Bulletin de recherche et de di usion urgente > suite a l'evasion, n'est depose que
le 18 juillet au bureau central de la S^urete nationale en Algerie. Le 4 juillet, madame Audin, convaincue
que, si son mari s'etait evade, il le lui aurait fait savoir, porte plainte pour homicide. Le 16 juillet, Jacques
Duclos interroge le ministre Lacoste sur l'a aire Audin depuis la tribune de l'Assemblee Nationale. Pas de
reponse. Le 25 septembre, il accusera les paras d'avoir assassine Maurice Audin. Le 19 ao^ut, le procureur
de la Republique d'Alger, apres audition des paras par le juge, ne voit rien qui puisse contredire la these de
l'evasion. Mais le 13 septembre, il trouve le silence de Maurice Audin etrange. Des juillet, certains journaux
en France, l'Humanite, le Monde, l'Express, evoquent l'a aire Audin. L'indignation des universitaires se
manifeste specialement lors de la soutenance de these de doctorat d'Etat de Maurice Audin le 2 decembre
1957 a la Sorbonne, en l'absence de l'interesse.
76ou grottes du Nekmaria, cf Marc Michel p 46
Juin 49
Un comite Audin se constitue et publie en 1958 une brochure < L'a aire Audin > qui etablit, a partir
du dossier de l'instruction d'Alger et de temoignages, que Maurice Audin, arr^ete sans mandat, a ete
emprisonne a El Biar dans un immeuble du 1er RCP, qu'il a ete torture puis etrangle par le lieutenant
Charbonnier, ocier de renseignement, le 21 juin et que l'evasion avait ete une mise en scene. Henri
Alleg et le docteur Hadjaj, eux aussi arr^etes et tortures virent l'attitude des paras changer apres la
< disparition > de Maurice Audin. Alleg qui fut mis en presence de Audin raconte dans son livre, La
Question, les tortures qu'il a subies.
Les avocats de madame Audin demandent en 1958 la poursuite de l'instruction en metropole. Elle est
transmise a Rennes en avril 1959 et les militaires, y compris Massu, sont entendus. Le 12 juillet 1961,
le procureur general de Rennes, Rene Cenac, envoie a son ministre de tutelle des observations retenant
l'evasion comme une realite et mettant en doute les tortures. Les accords d'Evian signes le 18 mars 1962
sont suivis d'un decret du 22 mars amnistiant < les faits commis dans le cadre des operations de maintien
de l'ordre dirigees contre l'insurrection algerienne. >77
Conformement aux souhaits du ministre, le juge de Rennes rend un non-lieu en raison de ce decret et
pour insusance de charges. Les avocats de madame Audin font appel puis saisissent la cour de Cassation.
Leur pourvoi est rejete en 1966. En 1968, madame Audin e ectue un recours gracieux aupres de trois
ministres, reclamant pour elle et ses enfants une indemnisation. Refus. Elle saisit le Tribunal administratif
qui lui oppose la prescription quadriennale. Le ministre de l'Interieur suggere de renvoyer la plaignante
aux autorites algeriennes ! L'a aire vint en Conseil d'Etat. Le commissaire du gouvernement reconna^t la
these du meurtre de Maurice Audin mais declare le Tribunal Administratif incompetent.
Le general Massu dans son livre La vraie bataille d'Alger paru en 1971, reprend, a propos de l'a aire
Audin, la fable de l'evasion mais dit regretter vivement cette disparition < parce qu'elle a permis de
supposer que certains de mes subordonnes < galopaient > un peu trop vite >. Et d'ajouter < Audin s'etait
engage deliberement dans la subversion, il ne pouvait en ignorer les risques >78, plaidant ainsi une chose
et son contraire.
En 1981, Francois Mitterrand, ancien ministre de la justice de Guy Mollet, est elu president de la
Republique. Cette m^eme annee, Charbonnier, devenu commandeur de la Legion d'honneur en 1976, prend
sa retraite avec le grade de colonel. Par arr^ete du 21 novembre 1983, madame Audin et ses trois enfants
recoivent chacun une indemnite de 100 000 francs. Le 13 juillet, elle avait recu la Legion d'honneur. Mais
le 3 decembre, une loi d'amnistie retablissait dans tous leurs droits les anciens chefs de l'OAS et l'Etat
n'avait toujours pas reconnu son crime.
Le 23 novembre 2000, dans une interview au journal Le Monde, le general Massu regrette la torture et
reconna^t qu'elle < avait ete generalisee en Algerie > . A la question < Est-il [Audin] mort sous la torture
ou etrangle ? > , il repond : < Je n'etais pas a c^ote de Maurice Audin au moment de sa disparition. Je
n'ai pas de souvenirs precis. Si j'avais encore en memoire les circonstances de sa disparition, je vous le
dirais probablement, mais je n'en ai pas. > Le general Aussaresses, ancien du SDECE, alors commandant
sous les ordres de Massu est plus maladroit lors d'une interview publie le m^eme jour par Le Monde. A
une question mettant en cause le lieutenant Charbonnier, il repond : < Je ne sais rien pour ce qui est de
Maurice Audin. Vraiment rien. [...] Je ne sais rien, je vous le repete. La seule chose que je peux vous
dire, c'est que ce n'etait pas Charbonnier. Il n'etait pas dans le secteur a ce moment-la. Il etait ailleurs,
occupe a proceder a des arrestations et a exploiter des renseignements. Mais il n'etait pas la. [...] Le
lieutenant Charbonnier n'y etait pour rien, c'est tout ce que je peux vous dire. >
Le 2 mai 2001, le general Aussaresses publie un livre ou il appara^t clairement que c'est lui, fondateur
du 11eme Choc, le service Action du SDECE, qui dirige toutes les operations de recherche de suspects,
d'interrogatoires pousses et d'executions sommaires pour la 10eme DP, commandee par le general Jacques
Massu, du 8 janvier 1957 jusqu'a l'automne de la m^eme annee. Il coordonne toutes les actions des ociers
de renseignement (OR). Il conna^t de pres tous les acteurs de l'a aire Audin, le lieutenant Charbonnier et
trois membres des sa deuxieme equipe 79, Yves Cuomo et Pierre Misiry (Misiri pour Pierre Vidal-Naquet)
qui sont avec Charbonnier les acteurs de la pseudo evasion de Audin, et Maurice Jacquet, l'un des paras
ayant interpelle Audin.
77L'a aire Audin page 168
78Jacques Massu, La vraie bataille d'Alger, Plon, 18971, p. 179-180
79General Aussaresses, Services speciaux, Algerie 1955-1957, page 113
50 Juin
A
propos de Maurice Audin, Aussaresses ecrit80 : < Je suis repasse chez Audin apres la capture
d'Alleg. J'ai demande a Charbonnier d'interroger ces deux hommes pour savoir s'ils appartenaient au
Service Action du PCA [Parti Communiste Algerien] et d'exploiter les papiers et les carnets [...]. Comme
on sait, Audin disparut le 21 juin. Cette disparition t scandale et donna lieu a une enqu^ete poussee. >
On voit ici toute l'habilete litteraire de ce licencie en latin-grec devenu tortionnaire et assassin, a jouer
sur les di erents sens des verbes dispara^tre et pousser. Suite a la parution de ce livre, Josette Audin
depose plainte contre X pour sequestration et pour crimes contre l'humanite81.
Yves Cuomo declare le 11 mai 2001 dans La Republique des Pyrenees, que lors du transport au cours
duquel, d'apres les paras, Maurice Audin se serait evade, l'homme qui a saute de la jeep qu'il conduisait
ce 21 juin 1957 portait une cagoule. Rien ne prouve donc que c'etait Maurice Audin82.
En attendant, la Republique persiste dans le mensonge.
Sources : Pierre Vidal-Naquet, L'a aire Audin, Editions de Minuit 1958, 1989 ; Henri Alleg, La
question, Editions de Minuit, Paris, 1961 ; Le Monde 23 novembre 2000 ; General Paul Aussaresses,
Services speciaux, Algerie 1955-1957, Perrin, 2001.
26 juin 1856 : Renan : < L'immixtion des races tout a fait
inferieures aux grandes races ne ferait qu'empoisonner l'espece
humaine > (France)
Dans une lettre du 26 juin 1856, Ernest Renan repond a Arthur de Gobineau, auteur de Essai sur
l'inegalite des races humaines (1853) : < Vous avez fait la un livre des plus remarquables, plein de vigueur
et d'originalite d'esprit, seulement bien peu fait pour ^etre compris en France ou plut^ot fait pour y ^etre
mal compris. L'esprit francais se pr^ete peu aux considerations ethnographiques : la France croit tres peu
a la race, [...]
Le fait de la race est immense a l'origine ; mais il va toujours perdant de son importance, et quelquefois
comme en France, il arrive a s'e acer completement. Est-ce la absolument parler de decadence ?
Oui, certes au point de vue de la stabilite des institutions, de l'originalite des caracteres, d'une certaine
noblesse dont je tiens pour ma part le plus grand compte dans l'ensemble des choses humaines. Mais aussi
que de compensations ! Sans doute si les elements nobles m^eles au sang d'un peuple arrivaient a s'e acer
completement, alors ce serait une avilissante egalite, analogue a celle de certains  Etats de l'Orient et, a
quelques egards de la Chine. Mais c'est qu'en realite une tres petite quantite de sang noble mise dans
la circulation d'un peuple sut pour l'ennoblir, au moins quant aux e ets historiques ; c'est ainsi que
la France, nation si completement tombee en roture, joue en realite dans le monde le r^ole d'un gentilhomme.
En mettant a part les races tout a fait inferieures dont l'immixtion aux grandes races ne ferait
qu'empoisonner l'espece humaine, je concois pour l'avenir une humanite homogene. >
Commentaires : L'Essai sur l'inegalite des races de Arthur de Gobineau n'a pas ete ignore en France,
comme on voudrait le croire, Renan l'a lu. Tout en reconnaissant l'esprit riche, nuance et plein d'optimisme
de Renan, le lecteur actuel est surpris par son obsession pour la race, pour le sang, d'autant plus que
Renan disait parler au nom de la science. La hierarchie des races est clairement armee. L'image de
l'empoisonnement est correlative, dans le contexte de la colonisation dont il est un ardent propagandiste,
de celle d'appartheid, de deportation, voire de genocide. Renan est un des principaux contributeurs de la
pensee de la IIIeme Republique, on lui doit le concept de nation < Un plebiscite de tous les jours. >
Sources : Ernest Renan, Qu'est-ce qu'une nation ? et autres textes politiques, choisis et presentes par
Joel Roman, Presses Pocket, 1992, p 221.
80ibidem page 190
81L'Humanite 10 mai 2001
82L'Humanite 14 mai 2001
Juillet
9 juillet 1871 : L'Illustration : < Avec les kabyles, la superiorite
du chassepot est e rayante > (Algerie)
Depuis le camp de Tizi-Bouiron au pied du Djurdjura, un chef de bataillon de zouaves ecrit au directeur
de l'Illustration :
< Tandis que les populations arabes etaient restees calmes pendant toute la periode de la guerre avec
la Prusse,[...], tout a coup, vers la n avril [1871], l'insurrection eclatait, terrible et presque generale,
dans la Kabylie et la province de Constantine.
Tous les villages de l'O. Sahel et du Sebaou, presque jusqu'aux portes d'Alger etaient detruits et
incendies, les habitants massacres et faits prisonniers.
[...] Nous avons, avec une colonne de quatre mille hommes au plus, recommence ni plus ni moins la
conqu^ete de la Kabylie pour laquelle il avait fallu trois mille hommes en 1857.
[...] Aussi les kabyles nous attendaient-ils au nombre de quinze mille hommes, et avaient-ils fait des
retranchements triples de ceux de 1857. Mais ils avaient compte sans la portee du canon de 4, sans les
deux mitrailleuses qu'on avait pu emmener, gr^ace a la route, et surtout sans le chassepot, dont le tir
rapide les demoralise completement.
Aussi leur avons-nous fait subir des pertes enormes pour eux. [...]
Avec les kabyles, armes encore de fusil a pierre, la superiorite du chassepot est e rayante ; une fois la
premiere decharge kabyle essuyee, on peut se lancer au pas de course, et il est presque impossible a l'ennemi
de recharger son arme, operation qui lui demande plusieurs minutes. C'est gr^ace a cette superiorite que
nous avons pu pousser aussi victorieusement nos operations, malgre notre petit nombre. >
Commentaires : Ceci est ecrit, moins d'un an apres la capitulation de Sedan et de Metz devant les
Prussiens. Laver la honte de la defaite dans l'Hexagone par des expeditions outre-mer et des victoires
faciles sur des peuples ne disposant que du fusil a pierre devient un systeme politique. On le verra se
reproduire apres 1944 sous la forme de la repression des mouvements de liberation nationale.
Sources :  Evenements d'Algerie, L'Illustration, 29 juillet 1871, Vol LVIII, N 1483, 1871, 2eme
semestre, page 74-75.
10 juillet 1878 : < Ils ne reclament rien moins que l'extermination
en masse par tous les moyens de la race indigene. > (Nouvelle-
Caledonie)
Spolies de leurs terres, exasperes par les requisitions pour les corvees, par les enlevements de femmes,
les Canaques entrent en insurrection le 25 juin 1878 et massacrent tous les Blancs, gendarmes, colons ou
bagnards.
M.-J. Mauger, fonctionnaire a la Direction de l'Interieur a Noumea, decrit ainsi la repression :
< 10 juillet 1878 :[...] On s'occupe en ce moment de br^uler autant de villages revoltes qu'on le peut ;
de detruire autant de plantations que le temps le permet. Mais jusqu'a present on n'a obtenu que des
resultats insigni ants. Des que les Canaques ont vu la troupe se mettre en campagne ils se sont jetes dans
les montagnes et il sera bien dicile de les forcer dans leurs repaires.
51
52 Juillet
15 juillet 1878 : [...] On emploie les Canaques allies a br^uler les cases et a detruire les plantations des
insurges, mais je ne comprends pas qu'on fasse couper les cocotiers dont le domaine colonial est appele a
bene cier.
La tactique est d'a amer les sauvages et de les reduire par la misere. >83
Les troupes qui rencontrent des insurges ne font pas de prisonniers. Elles les tuent.
Le gouverneur Olry ecrit ceci le 28 septembre 1878 au Ministre de la Marine : < [...]A chaque rencontre
on en a tue quelques-uns, on n'en a jamais pris vivants [...] On a br^ule tous leurs villages, detruit toutes
leurs cultures [...] Les femmes ont ete donnees aux tribus alliees. >84
C'est une politique systematique de la terre br^ulee a l'encontre des villages rebelles ou suspectes.
En 1879, les tribus rebelles qui font leur soumission sont deportees. Voici ce que relate le commandant
Riviere85 : < Toutefois, le gouverneur voulait que les Canaques a qui l'on faisait gr^ace de la vie
abandonnassent l'arrondissement et fussent transportes soit a l'^le des Pins, soit aux ^les Belep, dans le
Nord. Non seulement cela supprimait les indigenes, mais nous donnait une quantite considerable de terres
fertiles. >86
Les mots cela supprimait les indigenes sont a consonance genocidaire, elles sont pourtant d'un ocier
qui d'apres Roselene Dousset-Leenhardt etait < avec le general de Trentinian, un des rares francais a
avoir considere les Neo-Caledoniens comme des ^etres humains. >87 Que dire des autres ? Mauger note
dans son journal :
< 2 juillet 1878 [...] L'exasperation des colons est portee au paroxysme ; ils ne reclament rien moins
que l'extermination en masse par tous les moyens de la race indigene. >88
Les deportes ne rentreront jamais, soit que les colons s'y opposent, soit qu'ils refusent d'eux-m^emes,
leurs terres ayant ete spoliees.
Sources : Roselene Dousset-Leenhardt, Terre natale, Terre d'exil, Maisonneuve & Larose, 1976, pages
238, 242, 244, 128, 272, 166, 178, 63
14 juillet 1953 : A Paris, la police tire sur des Algeriens, six morts
(Algerie)
Des Algeriens du MTLD de Messali Hadj terminent le de le de la CGT, place de la Nation, pour
celebrer la Revolution francaise. Les Algeriens sont dignes et disciplines, ils ont des banderoles. A la n
de la manifestation, les policiers se precipitent sur les porteurs de banderoles et les matraquent. Ceux-ci
se defendent. Les policiers reculent puis font feu. Il y a six morts algeriens, tues par balles et quarante
quatre blesses graves. Le 22 juillet 20 000 personnes se rendent aux obseques des victimes.
Le prefet de police est Jean Baylot, qui a reintegre de nombreux policiers revoques en 1945 ; Maurice
Papon est secretaire general de la Prefecture de Police.
Sources : Benjamin Stora, Le Monde, 14 fevrier 1999, page 8.
14 juillet 1904 : La cartouche sanglante du 14 juillet a Fort-
Crampel (Oubangui-Chari)
A
Fort-Crampel (Oubangui-Chari maintenant Republique Centrafricaine), le commis aux a aires
indigenes de premiere classe, Leopold Gaud et son collegue Georges Toque, administrateur de 3eme
classe, sont des tortionnaires de la pire espece. Dans les registres ou Toque note ses decisions, les mots
< a fusiller > reviennent frequemment. Gaud ordonne de cuire une femme vivante dans un four.
Un certain Papka leur est amene, suspect d'avoir attire une expedition dans un guet-apens qui a fait
plusieurs victimes. En mai 1903, Toque prescrit son execution, mais il ne sera pas fusille. Pour celebrer
83Roselene Dousset-Leenhardt, Terre natale, Terre d'exil, p. 242, 244
84Dousset-Leenhardt, ibidem, p. 272
85Souvenirs de la Nouvelle-Caledonie. L'insurrection canaque, Calmann-Levy 1881, page 258-260
86cite par Dousset-Leenhardt, ibidem, p. 178
87Dousset-Leenhardt, ibidem, p. 63
88Dousset-Leenhardt, ibidem, p. 238
Juillet 53
dignement la f^ete nationale, Gaud decide d'o rir, le 14 juillet, son supplice en spectacle a la population,
et lui attache au cou une cartouche de dynamite.< Ca a l'air idiot, explique Gaud, mais ca medusera les
indigenes. Si apres ca ils ne se tiennent pas tranquilles !... > L'explosion a dechiquete la victime sous les
yeux d'une foule stupefaite.
Cette nouvelle provoque de l'emoi en metropole, Loubet, president de la Republique demande une
enqu^ete qui sera con ee a Brazza. Gaud et Toque sont traduits devant la cour d'assises de Brazzaville.
Durant ce proces, Toque decrit d'une facon e royable les dispositions prises pour proceder de force au
recrutement des porteurs dans des villages refractaires a toute servitude : < C 'a ete le massacre general
pour faire marcher le service. > Obeissant a une circulaire, ils organisent des camps d'otages destines aux
femmes indigenes et a leurs enfants pour convaincre les hommes de fournir gratuitement leur travail. Elles
sont nombreuses a y mourir de faim ou a ^etre attribuees aux tirailleurs. La cour accorde a Gaud et Toque
les circonstances attenuantes et les condamne a cinq ans de prison, assortis d'une demande immediate de
reduction de peine.
Sources :
Gilbert Comte, L'empire triomphant, Denoel page 209 ; Felicien Challaye, Souvenirs sur la colonisation,
1935, reedite par Les nuits rouges, 1998, pages 59-69.
15 juillet 1871 : L'Illustration : < A la n du siecle, la race des
Kanaks aura sans doute disparu > (Nouvelle-Caledonie)
Apres l'ecrasement en mai de la Commune de Paris, Richard Cortambert ecrit dans l'Illustration du
15 juillet 1871 :
< La vieille Europe se meurt de plethore.[...] De l'air, de la liberte ! Il en est a profusion dans le
reste du monde alors qu'on s'etou e ici. La vie nouvelle, la vie qui peut encore couler a plein bords pour
ceux qu'une education perverse ou que de fatals engrenages ont dernierement pousses a la revolte, c'est
l'existence, loin de nos luttes maudites, dans une nouvelle patrie, sur un sol completement neuf. Pour
cette renaissance, aucune contree n'est mieux choisie que la Nouvelle-Caledonie.[...] Ne peut-on pas dire
a ces malheureux [les communards] : Vous ^etes pauvres, l'envie vous devore ; c'est la tout le secret de vos
haines et de votre politique ! Ignorez-vous qu'au lieu de pourrir, dans une agitation sans n comme le
vaisseau naufrage, vous pouvez en franchissant l'Ocean, jouir d'une existence cent fois plus enviable que
celle de ces pretendus gens heureux dont vous ^etes follement jaloux ?[...]
La Nouvelle-Caledonie est moins une terre d'exil qu'un pays d'espoir. Si nous etions plus entreprenants,
plus colonisateurs, nous nous serions deja vigoureusement implantes dans cette ^le, [...] elle
contiendrait sans peine trois millions d'habitants et elle n'a pas encore trois mille colons.[...]
Dans quelques jours, sans doute, seront embarques pour cette destination les coupables qui, sans aucune
pensee politique que l'esprit de la destruction, faillirent cependant tenir quelques jours le pays entre leurs
mains. [...] Je persiste donc a saluer la Nouvelle-Caledonie comme une seconde patrie pour les insurges
que la societe francaise, forte de ses droits, rejette loin d'elle.
[...]
Cet ouvrage [ La Nouvelle-Caledonie de Jules Garnier]) nous fournit sur les indigenes des peintures
vraiment etranges.
Les Kanaks ou Neo-Caledoniens sont d'a reux noirs, fort peu v^etus, lorsqu'ils le sont et tres-disposes
a devorer la chair de leurs semblables. Au reste, la mort les fauche avec une rapidite presque foudroyante,
et a la n du siecle, leur race aura sans doute disparu.
Par un de ces faits, en apparence fortuits, mais sous lesquels se cache quelque loi mysterieuse, l'arrivee
des Europeens a ete la cause de cette etrange disparition. A-t-on pourchasse, traque les pauvres sauvages ?
Non ; mais depuis ce temps, la phtisie les decime, l'anemie les tue.
Fort peu sensibles, les indigenes assistent a la mort de leurs proches sans temoigner le moindre regret.
L'usage veut m^eme que si le malade cesse de manger pendant trois jours, on lui arrache le reste de la vie.
C'est presque toujours un ls, un pere ou un parent rapproche qui se charge de cette genereuse execution.
[...] L'installation en Nouvelle-Caledonie ne rencontre qu'un obstacle : ce sont les indigenes, qui
resistent encore dicilement a la tentation de la chair, c'est-a-dire au cannibalisme. Mais il est prouve
54 Juillet
que leur chi re diminue dans une proportion des plus rassurantes, et qu'a la n du siecle on montrera
dans les foires les derniers survivants des Kanaks.
Au reste les Neo-Caledoniens sont peu redoutables : un Francais, arme d'un fusil chassepot, tiendrait
en respect cent indigenes, - et la seule apparition d'une fregate en mer protege les etrangers qui
s'aventurent a l'interieur. >
Commentaires : L'Illustration ne cache rien sur le genocide entrepris en Nouvelle-Caledonie. On
trouve la un exemple d'application des theses du darwinisme social qui considere que la destruction
des races inferieures est inevitable, que c'est le corollaire du progres et que la veritable compassion des
races superieures consiste a les y aider. Ce texte est une illustration francaise de l'ideologie genocidaire
europeenne decrite par Sven Lindqvist dans < Exterminez toutes ces brutes >89.
Sources :
Richard Cortambert, La Nouvelle Caledonie et les Neo-Caledoniens, L'Illustration, numero 1482, 22
juillet 1871, numero 1483 29 juillet 1871 dans l'Illustration reliee, Tome LVIII, 1871, 2eme semestre page
63, 75.
15 juillet 1099 : Sac de Jerusalem par les Croises (Palestine)
A
la suite de l'invasion de l'Asie Mineure par les Turcs seldjoukides aux depends de l'Empire byzantin
et de la prise de Jerusalem (1077), le pape Urbain II appelle a la Croisade au concile de Clermont en 1095.
La Croisade en Terre Sainte assurait a celui qui partait le pardon de ses peches, donc le salut eternel.
Plusieurs expeditions se succederont. En 1097 part la croisade des < Chevaliers >, formee de chevaliers
francs venant principalement de la France actuelle et dirigee par le legat du Pape, Adhemar de
Monteil, ev^eque du Puy. Elle recupere les restes de la premiere vague appelee < Croisade populaire > ou
< Croisade des pauvres gens >. Elle est tres modestement aidee par Alexis Comnene, l'empereur grec de
Constantinople. Apres la victoire de Dorylee sur les Turcs, les Croises assiegent Antioche durant plus de
six mois. Ils ont beaucoup de pertes. Ils sou rent de la faim et de la soif. Ils se livrent a des exactions : < A
Maara, les n^otres faisaient bouillir les paens adultes dans les marmites, ils xaient les enfants sur des
broches et les devoraient grilles. > ecrit Raoul de Caen. Et l'Anonyme : < D'autres decoupaient la chair
des cadavres en morceaux et les faisaient cuire pour les manger. > Pour les Turcs, les Francs resteront
des anthropophages.
Quand ils assiegent Jerusalem, les Croises ne sont plus que douze mille alors qu'ils etaient de cent a
cent cinquante mille au depart. Quand ils penetrent dans la ville, ils sont saisis d'une < divine > fureur
contre les In deles. Dans les Gesta Francorum, l'Anonyme ecrit : < Certains de nos hommes (et c'etait
misericorde) coupaient la t^ete de leurs ennemis ; d'autres leur decochaient des
eches, les faisant tomber
des tours ; d'autres encore prolongeaient leurs tortures en les livrant a la
amme. On pouvait voir dans
les rues de la ville des monceaux de t^etes, de mains et de pieds. Il fallait se faire un chemin a travers les
cadavres d'hommes et de chevaux. Mais c'etait la peu de choses compare a ce qui arriva pres du temple
de Salomon ... Si je dis la verite [sur ce qui s'y passa], elle depassera ce qu'il vous est possible de croire.
Qu'il me suse donc de dire ... que les hommes chevauchaient dans le sang, qui leur montait aux genoux
et a la bride. >
Quarante mille personnes soit la quasi-totalite de la population, femmes et enfants compris, sont
extermines en deux jours les 15 et 16 juillet90. Les Juifs de Jerusalem sont autant victimes des exactions
des Croises que les Musulmans : toute la communaute juive de Jerusalem perit dans les
ammes de la
synagogue. Dans la vallee du Rhin ils avaient deja ete la cible de l'ardeur sacree des pelerins.
De nombreuses autres expeditions militaires declenchees par les papes suivront.
Commentaires : Les Croisades sont une guerre commandee pour des motifs religieux par le Pape (la
theologie de la < guerre juste > existe depuis le IVeme siecle). Elles ont profondement marque l'Europe et
la France en tout premier lieu. On y voit appara^tre la notion d'Occident chretien oppose a l'Orient semite,
cette opposition n'etant pas seulement ideologique mais aussi militaire. L'image de l'ennemi, le Juif ou
l'In dele musulman s'y constitue. Ce sont les debuts de l'antisemitisme. L'esprit de Croisade est une
composante importante de l'ideologie militaire francaise qui a perdure jusqu'a nos jours si l'on pense a la
89edition Le Serpent a plumes, 1998
90Oldenburg, page 155-157
Juillet 55
guerre d'Algerie, a l'a aire de Suez en 1956 ou au partage de l'Empire turc entre la France et le Royaume-
Uni apres 1918. Le militaire francais ne defend pas seulement la France, mais egalement les Lieux Saints
et l'Occident chretien vis a vis du monde non europeen. Les Croisades virent aussi le pouvoir d'Etat
francais (certes embryonnaire) represente par Philippe Auguste et Saint Louis, s'associer etroitement
avec l'Eglise. La collaboration entre missionnaires et armee francaise pour evangeliser-coloniser les paens
ne fut que la continuation des Croisades. On retorquera que la France eut souvent une politique opposee
a celle de l'Eglise, soutenant parfois la Sublime Porte, mais la collaboration avec l'Eglise etait encore bien
vivante avec Napoleon III qui se voulait < defenseur > des chretiens du Liban et la IIIeme Republique
laque ne rompit jamais avec l'Eglise outre-mer. Les Croisades furent le lieu ou tuer, massacrer, n'etait
en rien condamnable, bien au contraire. La lutte de la Croix contre le Croissant et l'Evangelisation des
paens, pour lesquelles l'Eglise militait activement, permirent de commettre des massacres en toute bonne
conscience. N'est-il pas ecrit : < Dieu le veut > sur le socle de la statue de Pierre l'Ermite, predicateur
de la 1ere Croisade, a Amiens ?
Sources : Amin Maalouf, Les croisades vues par les arabes, J.C. Lattes, 1983 ; Zoe Oldenburg Les
Croisades, Gallimard, 1965 ; Jonathan Riley-Smith, Les Croisades, Pygmalion, 1990 ; Arno Mayer, La
"solution nale" dans l'histoire, La Decouverte, 1990, page 43-49.
19 juillet 1972 : Planter du blanc (Nouvelle-Caledonie)
Dans une lettre du 19 juillet 1972, Pierre Messmer, Premier ministre, ecrit ceci a Monsieur Deniau,
secretaire d'etat aux DOM-TOM :
< La Nouvelle-Caledonie, colonie de peuplement, bien que vouee a la bigarrure multiraciale, est probablement
le dernier territoire tropical non independant au monde ou un pays developpe puisse faire emigrer
ses ressortissants.
Il faut donc saisir cette chance ultime de creer un pays francophone supplementaire. La presence
francaise en Caledonie ne peut ^etre menacee, sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste
des populations autochtones [...]
A court et moyen terme, l'immigration massive de citoyens francais metropolitains ou originaires des
departements d'outre-mer (Reunion) devrait permettre d'eviter ce danger, en maintenant et en ameliorant
le rapport numerique des communautes.
A long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera evitee que si les communautes non
originaires du Paci que representent une masse demographique majoritaire. Il va de soi qu'on n'obtiendra
aucun e et demographique a long terme sans immigration systematique de femmes et d'enfants.[...] >
Cette lettre est a rapprocher des propos du geographe Augustin Bernard au debut de ce siecle,
rapportes par A. Bensa :
< Il est hors de doute que les indigenes de la Nouvelle-Caledonie sont en voie de dispara^tre et qu'il
faudra bient^ot parler d'eux au passe. La vie civilisee et la vie sauvage semblent incompatibles sur le m^eme
sol. La Nouvelle-Caledonie presente m^eme ce phenomene assez curieux, que le climat convient mieux aux
nouveaux venus qu'aux anciens occupants du sol, aux Europeens qu'aux Canaques. >
et de ce livre de geographie pour classe de 3eme de Schradec & Gallouedec date de 1914 :
< La Nouvelle-Caledonie [...] son climat, humide et doux, convient aux Europeens qui s'y sont bien
acclimates [...] elle peut devenir une colonie de peuplement [...] La population s'eleve a 62 000 habitants.
Elle comprend 1) des indigenes, les Canaques, qui comptent pour la moitie environ et qui sont en voie
de disparition ; ils etaient tres arrieres et pratiquaient m^eme le cannibalisme a l'arrivee des Europeens. >
Commentaires : La lettre de P. Messmer se situe dans la droite ligne d'une pensee coloniale qui
envisage le genocide de la population originaire en toute bonhomie91. Certes, malgre la repression, la
spoliation des terres, la mise en reserve, les maladies, les Canaques n'ont pas disparu. En 1989, ils sont
74 000 et constituent 44,8% de la population (17% de la population est formee des familles de travailleurs
importes des pays voisins). Ils disposent de 13.5% des terres alors que les europeens en disposent de 24,6%.
Le but n'est plus leur eradication mais de maintenir leur sujetion politique. Dans ce contexte, J.M. Kohler
peut ecrire : < Le recours au su rage universel permet de conserver et de justi er le statu quo colonial
en des termes ideologiques et institutionnels qui paraissent irrefutables en regime democratique. >
91Dans le m^eme esprit voir 15 juillet 1871 dans ce calendrier
56 Juillet
Sources :
AISDPK, Kanaky Independance : Les donnees de l'independance kanake N 2 page 3 ; Alban Bensa,
Nouvelle-Caledonie, un paradis dans la tourmente, Decouvertes, Gallimard, 1990 ; Schradec & Gallouedec,
Geographie elementaire de la France, Classe de 3eme Hachette, 1914, (Conforme aux programmes of-
ciels du 31 mai 1902) page 259 ; Jean-Marie Kohler, Les contradictions coloniales de la democratie
neocaledonienne, Le Monde Diplomatique, juillet 1987.
20 juillet 1948 : Le dirigeant des insurges du Sud , Michel Radaoroson
est tue (Madagascar)
De juillet a septembre 1947, malgre une resistance acharnee, l'insurrection de Madagascar recule. La
saison des pluies a partir d'octobre lui accorde un repit. Mais avec la saison seche, la chasse a l'homme
reprend.
Dans le Sud, Radaoroson est tue le 20 juillet 1948. Dans le centre, Victorien Raza ndrabe est fait
prisonnier le 2 septembre et mourra en prison peu apres. Fin 1948, le general Garbay peut estimer que
l'insurrection est vaincue.
Les tirailleurs senegalais ont forme le gros des troupes de la repression de l'insurrection de 1947 qui
fera d'apres le general Garbay, commandant en chef, 89 000 morts.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, page 121.
25 juillet 1943 : Repression de l'emeute de Philippeville (Algerie)
Une emeute eclate a Philippeville (Skikda). La repression qui s'ensuivit, executee par les tirailleurs
senegalais, fait une trentaine de morts parmi la population < musulmane >. Selon Ferhat Abbas, < les
ociers francais, mecontents de l'accueil qu'ils avaient trouve en Tunisie, humilies devant les ociers
americains et anglais, retournerent leur hargne contre les Algeriens et pousserent les soldats noirs a
l'emeute. >92
Sources : Boucif Mekhaled, Chroniques d'un massacre : Setif, Guelma, Kherrata, page 44.
28 juillet 1885 : Jules Ferry : < Les races superieures ont un droit
sur les races inferieures > (France)
Voici quelques arguments que Jules Ferry, qui a d^u demissionner de son poste de premier ministre
en mars, tient devant les deputes le 28 juillet 1885, tels qu'ils sont transcrits au Journal Ociel. Ils
constituent les fondements de la pensee coloniale de la IIIeme Republique :
< La premiere forme de la colonisation, c'est celle qui o re un asile et du travail au surcro^t de
population des pays pauvres ou de ceux qui renferment une population exuberante.[...]
Mais il y a une autre forme de colonisation, c'est celle qui s'adapte aux peuples qui ont, ou bien
un excedent de capitaux, ou bien un excedent de produits.[...] Les colonies sont pour les pays riches
un placement de capitaux des plus avantageux.[...] Dans la crise que traversent toutes les industries
europeennes, la fondation d'une colonie, c'est la creation d'un debouche.[...]
Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu'en e et les races superieures
ont un droit vis a vis des races inferieures [...][Remous sur plusieurs bancs a l'extr^eme gauche] parce qu'il
y a un devoir pour elles. Elles ont un devoir de civiliser les races inferieures.[...]
Ces devoirs ont souvent ete meconnus dans l'histoire des siecles precedents, et certainement quand
les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l'esclavage dans l'Amerique centrale, ils n'accomplissaient
pas leur devoir d'hommes de race superieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations
europeennes s'acquittent avec largeur, grandeur et honn^etete de ce devoir superieur de la civilisation .[...]
A l'heure qu'il est, vous savez qu'un navire de guerre ne peut pas porter, si parfaite que soit son organisation,
plus de 14 jours de charbon et qu'un navire qui n'a plus de charbon est une epave sur la surface des
92F. Abbas, Guerre et revolution d'Algerie, Julliard, 1962, T1, La nuit coloniale, page 148
Juillet 57
mers abandonne au 1er occupant. D'ou la necessite d'avoir sur les mers des rades d'approvisionnement,
des abris, des postes de defense et de ravitaillement. >
Commentaires : Le depute Vernhes, radical de l'Herault, lui repondit : < [...]De m^eme que Napoleon
III cherchait une diversion aux idees de liberte par des expeditions lointaines, de m^eme la politique suivie
par nos politiciens, qui se sont crus republicains et qui, pour nous, ne l'ont jamais ete, cherchent egalement
une diversion dans l'expansion coloniale, a n de faire oublier au peuple francais qu'il a ete vaincu et qu'il
doit, non point prendre l'o ensive, mais rester sur une defensive absolument logique, correcte et rationnelle
[...] >
Charles Andre Julien y voit < le premier manifeste imperialiste qui ait ete porte a la tribune >.
Ces propos sur les races superieures et inferieures sont la de nition m^eme du racisme, ils ouvrent la
voie a des actes genocidaires, surtout sortant de la bouche du pere de l'ecole publique laque et obligatoire
Sources : Jean Suret-Canale, Afrique Noire, Geographie, Civilisations, Histoire, Editions Sociales,
page 244.
29 juillet 1949 : Un ocier francais : < On tourne et le prisonnier
crache. > (Vietnam)
Pierre Vidal-Naquet rapporte que la torture fut employee pendant la guerre d'Indochine, non peut-
^etre systematiquement, mais tres largement quand m^eme. Il cite le reportage en Indochine de Jacques
Chegaray paru dans Temoignage chretien, le 29 juillet 1949 :
Dans un petit poste a Cholon, il voit quelque chose comme un cr^ane humain sur le bureau d'un
adjudant < jovial et sympathique >. < - Ce n'est pas un vrai ..., demandais-je.
- Quoi ? ce cr^ane ! Mais si bien s^ur. Un sale Viet, vous savez, c'est moi qui lui ai coupe la t^ete. Il
criait... il fallait l'entendre ! Vous voyez, ca me sert de presse-papier. Mais quelle a aire pour enlever la
chair. Je l'ai fait bouillir quatre heures ; apres j'ai gratte avec mon couteau ... >
Quinze jours plus tard a Phul-Cong au Tonkin,
Un jeune ocier francais lui fait visiter le PC de la compagnie :
< Ici, [...], c'est mon bureau. Table, machine a ecrire, lavabo et la, dans le coin, la machine a faire
parler.
Comme j'ai l'air de mal comprendre, il ajoute :
- Oui, la dynamo, quoi ! C'est bien commode pour l'interrogatoire des prisonniers. Le contact, le p^ole
positif et le negatif ; on tourne et le prisonnier crache. >
Chegaray ajoute :
< On pourrait multiplier a plaisir les faits de cet ordre. [...] Ce qui m'a frappe dans cette torture,
c'est qu'elle est admise, reconnue, et que nul ne s'en formalise. Dans les trois cas cites plus t^ot, je me
suis presente comme "journaliste de France". [...] Mais, chaque fois, on m'a presente la chose comme
normale, si normale, qu'on ne songeait jamais a la cacher. >
Un colonel qu'il interroge au sujet de la torture, la justi e par les cruautes des < Nha-Ques > (terme
pejoratif pour designer les Vietnamiens) et formule le raisonnement qui permettra a notre pays < civilise >
de commettre toutes les horreurs :
< Et puis vous savez, dans les combats de guerilla, l'importance des renseignements. Un prisonnier
qui avoue l'endroit precis ou il a cache une mine piegee, c'est la vie de dix gars de chez nous qui est
sauvee. Il faut y songer. [...] La vie de dix jeunes francais ne vaut-elle pas une heure d'interrogatoire ? >
Sources :
Pierre Vidal-Naquet, La torture dans la republique, Maspero, Paris, 1983, page 17 ; Pierre Vidal-
Naquet, Les crimes de l'armee francaise, La Decouverte, 2001, p. 15-20.
58 Juillet
Ao^ut
6 ao^ut 1870 : Sacri ce des tirailleurs a la bataille de Froeschwiller
(Algerie)
Olivier Pain decrit ainsi le r^ole des spahis algeriens durant la guerre de 1870 : < [Le 4 ao^ut devant
Wissembourg], surpris dans sa position par l'armee du prince royal, forte de 180.000 hommes, le general
Douay [sous les ordres de Mac-Mahon], avec ses 9000 hommes n'hesite pas et livre combat. [...] Les
regiments algeriens montent a l'assaut des hauteurs : le 1er Turcos, sous les ordres de l'adjudant-major
Bertrand, fait des prodiges ; un autre bataillon algerien, commandant Lammerz, couvre la ville pendant la
defaite. Les cadavres jonchent le sol de toutes parts. Les indigenes vaincus, blesses, ne l^achent pas pied.
 Ecrases par la mitraille, desarmes, ils combattent encore. C'est avec les dents qu'ils dechirent maintenant
l'ennemi qui les cloue, a coups de baonnette, sur le sol. L'herosme des Arabes tues, blesses ou faits
prisonniers, en ces journees de Wissembourg et de Woerth, sauva d'un desastre, d'une boucherie sans
precedent le gros de notre armee francaise. >
On lit dans le livre d'histoire d'Albert Malet :
< L'armee francaise, battue le 4 a Wissembourg, est refoulee de Woerth par l'armee du Prince Royal
de Prusse. Pour couvrir sa retraite Mac-Mahon sacri e ses dernieres troupes de reserve. Alors apparurent
les tirailleurs algeriens. Ils avaient combattu l'avant veille toute la journee a Wissembourg. Ils etaient
1700. Deployes en ligne, comme a la parade, sans tirer un coup de feu, criant d'une seule voix :< A la
baonnette ! >, ils s'elancerent. Rien ne tint devant eux. En quelques minutes, ils reprennent les pieces
perdues, le village d'Elsasshausen et, toujours courant, poursuivaient les Allemands jusqu'a la lisiere d'un
bois. La, contre un ennemi bien a couvert, leurs charges, trois fois renouvelees, furent vaines. Quand les
tirailleurs, decimes par la mitraille, se retirerent, ils laisserent sur le terrain 800 hommes, la moitie de
leur e ectif. La charge des tirailleurs, la resistance acharnee de quelques debris de regiment ..., permirent
la retraite sur Reichsho en. >
Fin decembre 1870, Gambetta, ministre de la Guerre donne l'ordre de mobiliser les spahis d'Algerie
et de les embarquer aussit^ot a destination de Marseille. Les spahis d'An Guetar, pres de la frontiere
tunisienne, se mutinent les premiers. Ils refusaient d'aller combattre en Europe ou deja nombre des leurs
avaient laisse la vie. Les mutineries des spahis sont le prelude a la revolte qui eclate le 23 janvier 1871 en
Algerie.
Sources : Mehdi Lallaoui, Kabyles du Paci que, Au nom de la memoire, 1994, page 16-24 ; Albert
Malet, Histoire de France 1789 a 1875, Hachette, 1921, page 486.
7 ao^ut 1928 : < Les travaux du chemin de fer Congo-Ocean se
poursuivent avec methode. > (Congo)
Une note annonce que < Le Credit Foncier de l'Afrique  Equatoriale Francaise a ete constitue, le 7
ao^ut 1928. Son siege social est a Brazzaville. Il a pour objet les pr^ets hypothecaires et toutes operations
immobilieres urbaines ou rurales en Afrique Francaise. > Apres des informations nancieres, la note
ajoute : < Le merveilleux developpement de l'Afrique Occidentale Francaise durant ces dernieres annees
est connu de tous. De son c^ote, l'Afrique  Equatoriale Francaise, qui avait connu, avant, pendant et depuis
la guerre, des moments diciles, marques par une situation economique peu favorable, a, depuis 1924,
59
60 Ao^ut
progresse rapidement ; les travaux du chemin de fer Congo-Ocean, poursuivis avec methode, ont amene
une grande activite commerciale dans tout le pays. Le budget general, en 1928, s'elevait a 27.038.165 fr,
entierement equilibre par les ressources locales.[...] >
En raison des chutes du Congo, les Francais doivent utiliser le chemin de fer Leopoldville-Matadi,
construit en face par les Belges pour le transport au depart et en direction de l'ocean. Le gouverneur
general Victor Augagneur entreprend en 1921 la construction du chemin de fer Brazzaville-Pointe Noire
ou Congo-Ocean (CFCO) long de 502 kilometres. Le gouverneur Antonetti poursuit le projet avec une
methode qui n'est pas indiquee dans la litterature nanciere ci-dessus, et le chemin de fer sera inaugure
en 1934.
L'Encyclopedia Universalis rapporte que sa construction aurait dit-on < co^ute un homme par traverse >
et que le CFCO reste une des realisations africaines de la France qui ont souleve le plus grand nombre de
polemiques. Mais conclut par cette pirouette : < son achevement concide avec l'entree du Congo dans le
monde moderne. >
La methode employee pour construire le chemin de fer ? Elle est decrite par Albert Londres dans Terre
d'  Ebene, d'apres ce qu'il a vu en avril 1928. Le chantier fut con e a la compagnie de travaux publics Les
Batignolles. Huit mille hommes sont mis a sa disposition. Ceux-ci se faisant rares dans le Moyen-Congo
vide par les concessionnaires, on recrute du Congo a la Sanga, de la Sanga au Chari, et jusqu'au Tchad.
Les recrutes embarquaient sur des chalands, trois cents par trois cents, on entasse la cargaison humaine
dessous et dessus. Il en glisse. Le chaland continue. Sur trois cents, il en arrive deux cent soixante. Ils
restent sur la berge, on n'avait pas prevu de camp. Au lieu de les amener a Pointe Noire par le chemin
de fer belge, ils doivent s'y rendre a pied. Le ravitaillement est aleatoire.
Comment etait organise le chantier ? < J'ai vu construire des chemins de fer, ecrit Albert Londres, on
rencontrait du materiel sur les chantiers. Ici que du negre ! Le negre remplacait la machine, le camion,
la grue ; pourquoi pas l'explosif aussi ?
Pour porter les barils de ciment de cent trois kilos < les Batignolles > n'avaient pour tout materiel
qu'un b^aton et la t^ete de deux negres ![...]
J'arrivai au sentier de fer. La glaise etait une terre anthropometrique ; on n'y voyait que des empreintes
de doigts de pied. La, trois cents negres des Batignolles frappaient des rochers a coups de marteau. C'etait
la grande hurle. Des capitas transmettaient des ordres idiots avec fureur [...] le tout scande des ordinaires
< Allez ! Saras, allez ! > [...] Les capitas et les miliciens tapaient sur les Saras a tour de bras. Et les
Saras, comme par re
exe, tapaient alors sur les rochers ! [...] Les Saras me regardaient avec des yeux
de chiens sou rants comme si je leur apportais de l'huile pour adoucir les br^ulures de leur dos ! [...]
 Epuises, maltraites par les capitas, loin de toute surveillance europeenne, blesses, amaigris, desoles, les
negres mouraient en masse. [...] C'etait la grande fonte des negres ! [...] D'Ouesso sur la Sanga, cent
soixante quatorze hommes furent mis en route. Quatre-vingt arriverent a Brazzaville, soixante-neuf sur
le chantier. Trois mois apres, il en restait trente-six. >
Il fallait a nouveau recruter des hommes pour < la machine >. Les hommes fuient les villages visites
par les recruteurs. Des villages entiers sont punis.
< Il faut accepter le sacri ce de six a huit mille hommes, disait M. Antonetti, ou renoncer au chemin
de fer. Le sacri ce fut plus considerable. A ce jour, cependant, il ne depasse pas dix-sept mille. Et il ne
nous reste que trois cents kilometres de voie ferree a construire ! > Plus loin, Albert Londres ecrit : < Je
pensais qu'entre octobre 1926 et decembre 1927, trente mille Noirs avaient traverse Brazzaville < pour la
machine > et que l'on n'en rencontrait que mille sept cents entre le
euve et l'ocean ! >
Gilbert Comte donne dix-huit mille morts en tout soit trente-six par kilometre. Cette estimation est
certainement en deca de la realite.
Andre Gide, ecrit en annexe de son Voyage au Congo de 1926 : < l'envoi d'une commission d'enqu^ete
[par Leon Perrier, ministre des Colonies], aussit^ot qu'il fut avise de l'inquietante mortalite parmi les
indigenes requisitionnes pour le chemin de fer de Brazzaville a Pointe Noire, temoignait d'un zele humanitaire
ecace et qui ne se payait pas de mots. >
A ce propos, Albert Londres relate le < spectacle > organise pour la visite de M. Lasnet, inspecteur
general du service de sante envoye par le ministere de la rue Oudinot, < Vous veniez sur la foi des
mechants qui pretendaient que les negres mouraient sur les chantiers des < Batignolles > ? On allait vous
montrer comment on les traitait. Le jour ou vous debarquiez a Pointe-Noire, des detachements modeles
se formaient a Brazzaville. En m^eme temps, les chefs de chantier du Mayombe cachaient les malingres
Ao^ut 61
dans la for^et [...]. Chacun fut rev^etu d'un costume kaki que, depuis huit jours, on confectionnait en h^ate.
On leur donna une couverture d'un kilo cinq cents grammes, une musette garnie d'une assiette, d'une
cuiller, d'un paquet de the ! Puis un savon et une serviette. [...] >
Sources : Albert Londres, Terre d'  Ebene, Albin Michel, 1929, Arlea, 1998 ; Gilbert Comte, L'empire
triomphant, Denoel, 1988, page 313-316.
8 ao^ut 1899 : Les tirailleurs sont payes avec des captifs (Soudan)
Le lieutenant Meynier, qui accompagnait le colonel Klobb quand celui-ci fut tue par les tirailleurs de
Voulet, commandant la mission Afrique Centrale, ecrit :
< Le malheur est qu'on ne trouve plus de tirailleurs reguliers depuis que ce nefaste X... a invente de
payer ses irreguliers avec des captifs. Il fait la traite, tout simplement. En arrivant devant un village, qu'il
se soumette ou non, il le < casse >. < Casser > un village, cela veut dire emmener comme captifs tout ce
qu'on peut trouver en betail humain. Avec cela, complication de massacres epouvantables, rel^achement de
la discipline. Tous les huit jours, para^t-il, les auxiliaires exigent leur captif pour avancer. >
Sources :
P. Vigne d'Octon, La Gloire du sabre, Paris, Flammarion, 1900 ; cite par Jean Suret-Canale, Afrique
Noire, Occidentale et Centrale, Editions sociales, 1968, page 273-274.
8 ao^ut 1951 : Henri Martin, ancien resistant FTP, condamne a
5 ans de prison pour < tentative de demoralisation de l'armee. >
(Vietnam)
Henri Martin ex F.T.P.93 s'est engage dans la Marine pour combattre les Japonais a la n 1945. Il
constate qu'il est mobilise non contre les fascistes mais contre les Indochinois qui revendiquent leur liberte,
et se retrouve sur un bateau, en compagnie de vichystes qui ont fait le coup de feu contre les gaullistes a
Dakar et de GMR, milices de Petain qui pourchassaient les resistants. Les cadavres qu'ils voient
otter
sur l'eau, en Indochine, ne sont pas des gens assassines par des pillards mais de malheureux paysans
tues par la Legion etrangere (composee de 40 % d'allemands, evitant ainsi les camps de prisonniers) qui
massacrait et br^ulait des villages. Le 14 avril 1946, il voit les habitants de Haiphong mourir de faim.
Redescendu dans le Sud, son bateau participe avec l'aviation au blocus du Nord en coulant les jonques
qui transportent du riz depuis le Sud. < Je me souviens quant on a tue le petit m^ome [...] C'etait des civils
avec un bebe [...] Je conduisais le canot [...] C'est moi qui ai amene la mort avec deux fusils-mitrailleurs.
C'est une complicite d'assassinat. > Il participe au bombardement de Haiphong du 23 novembre 1946.
Revenu en France en decembre 1946, il distribue des tracts a Toulon invitant les marins a reclamer
la cessation des hostilites en Indochine. Il est arr^ete et condamne a 5 ans de prison et a la degradation
militaire.
Le PCF prend sa defense ainsi qu'un collectif d'intellectuels dont Jean-Paul Sartre qui publie, n
1953, le livre L'a aire Henri Martin ou Prevert ecrit ceci :
Entendez-vous
Entendez-vous gens du Vietnam
entendez-vous dans vos campagnes
dans vos rizieres dans vos montagnes...
Ces ^etres inferieurs
ne savaient har que la haine
ne meprisaient que le mepris
Mais
il y avait aussi et venant de tres loin
les Monopolitains
ceux de la Metropole et de l'app^at du gain
93Francs Tireurs et Partisans, resistants communistes contre l'occupation allemande
62 Ao^ut
Negociants tra quants notables residents avec les
legionnaires les expeditionnaires et les concessionnaires
et les hauts commissaires
Et puis les missionnaires et les confessionnaires
venus la pour soigner leurs freres inferieurs
venus pour les guerir de l'amour de la vie
cette vieille et folle honteuse maladie
... Et la misere etait cotee en Bourse
sous le couvert
et dans les plis et replis du pavillon tricolore
... Soudain
sont emportes dans les rapides de l'Histoire
leurs bateaux de papier monnaie
et comme dans les livres d'histoire importes de la metropole
on proclame au Vi^et Nam
les Droits de l'homme
... Et les Grands Planteurs d'Heveas les Seigneurs de la
Banque d'Indochine et les Grands Charbonniers du
Tonkin
en appellent sans plus tarder a la Quatrieme Republique
empirique apostolique et neo-democratique
Alors
la lle a^nee de l'Eglise
son sang ne fait qu'un tour
Un pauvre capucin et grand amiral des Galeres
arrive a fond de train par la mer
et apres avoir fait les sommations d'usage
Ceci est mon corps expeditionnaire
Ceci est votre sang
a coup de droit canon il sermonne Haiphong
des anges exterminateurs accomplissent leur mission
et deciment la population
Simple petit carnage
presages dans le ciel
severe mais salutaire lecon
Et vogue la galere
apres avoir bien joue son beau r^ole dans l'Histoire
l'Amiral se retire dans sa capuciniere
en dedaignant la gloire
...
Et le temps fait semblant seulement de passer
le temps du halte-la reste la l'arme au pied
les temps des cerisiers en
eurs arraches a la terre et volatilises
Et malgre d'inquietantes menaces de paix
les gens du tra c des piastres
f^etent toutes les f^etes et sans en oublier
...
Cependant que tres loin on allume des lampions
des lampions au napalm sur de pauvres paillotes
et des femmes et des hommes des enfants du Vi^et Nam
dorment les yeux grands ouverts sur la terre br^ulee
et c'est comme Oradour
c'est comme Madagascar et comme Guernica
et c'est en plus modeste tout comme Hiroshima
Ao^ut 63
Commentaires : L'amiral d'Argenlieu etait un religieux de l'ordre des Carmes.
Sources : Jacques Prevert, Oeuvres completes, La Pleiade, pages 651, 1321(
c Editions Gallimard) ;
Jean-Luc Einaudi, Vietnam ! La guerre d'Indochine 1945-1954, Le Cherche-Midi, 2001, p. 93-107.
13 ao^ut 1730 : Dictionnaire de Trevoux : < Les Negres vendent
quelquefois leurs propres femmes > (France)
Le dictionnaire Universel Francois et Latin vulgairement appele dictionnaire de Trevoux, publie par
les Jesuites94, contient la de nition suivante du mot negre :
< Nom propre de peuple, habitant, originaire de la Nigritie. Aethiops, Niger, Nigra, Nigrita. Le
nom de Negre n'eft pas aujourd'hui fynonyme d'Ethiopien, comme il le pourroit ^etre en parlant
de l'Antiquite. L'Ethiopie ne s'etend pas autant que la Nigritie. Nous n'appelons Ethiopiens
que les peuples qui font au midi de l'Egypte, & au levant des Negres. Les Negres vendent
aux Efpagnols, aux Portugais & aux Hollandois, non-feulement ceux de leurs voi ns qu'ils
peuvent attraper, mais quelquefois leurs propres femmes & leurs enfans. Ils font noirs, mais
davantage vers le midi du Niger, que vers le nord ; ils pa ent pour robustes, mais ignorans,
l^aches, & pare eux, & moins farouches que les peuples de la Barbarie, du Bidulgerid & du
Zaara. La plupart fuivent le Mahometifme, les autres font paens ; il y en a m^eme qui n'ont
prefque aucun sentiment de religion. Au Perou il eft expre ement defendu aux Noirs & aux
Negresses d'avoir aucune communication perfonnelle avec les Indiens & les Indiennes, fous
peine aux m^ales d'^etre mutilez des Parties naturelles ; & aux Negre es d'^etre rigoureusement
fuftigees. >
Sources : Dictionnaire Universel Francois et Latin vulgairement appele dictionnaire de Trevoux,
Nancy, chez Pierre Antoine, 1734, Tome IV.
20 ao^ut 1953 : Deposition du sultan Mohammed V (Maroc)
En 1927, Mohammed V est choisi par la France comme sultan du Maroc au detriment de ses deux
freres a^nes. Sous Vichy il refuse d'appliquer les mesures antijuives et de s'opposer au debarquement
anglo-americain. Encourage par les Americains et l'emergence de la Ligue arabe, il laisse para^tre en 1945
sa sympathie pour la cause de l'independance soutenue par l'Istiqlal, le parti nationaliste. En 1947, a la
suite des massacres de Casablanca, le Sultan, dans son discours de Tanger, omet de parler de l'action
civilisatrice de la France et evoque la Ligue arabe. Bidault, declare au Conseil des ministres du 14
mai 1947, apres le depart des ministres communistes : < Cet homme [le sultan], dont le passe jusqu'a
maintenant est penible, est hostile a la France et vient de le manifester. Il faut le remettre dans le creux. >
Bidault oublie aussi que de Gaulle a fait Mohammed V Compagnon de la Liberation pour le r^ole des
troupes marocaines dans la campagne d'Italie et la liberation de la France. Le gouvernement remplace
le resident Labonne, trop liberal, par le general Juin qui prend des mesures < severes > . En 1952, ce
dernier mobilise les tribus berberes et le pacha de Marrakech, le Glaoui contre le sultan . Le general
Guillaume, qui succede a Juin depose le sultan, sous le gouvernement Laniel, dans lequel Bidault detient
le portefeuille des A aires etrangeres. Le sultan est deporte en Corse puis a Madagascar en 1954. Il est
remplace par son cousin Ibn Arafa, en violationdu traite de 1912 qui exclut l'administration directe,
pratiquee de fait par le protectorat.
Les nationalistes engagent la lutte armee, avec des attentats et une reprise de la guerilla dans le Rif.
La France reprime et les colons font du contre-terrorisme.
Pris par la guerre d'Algerie, le gouvernement Edgar Faure rappelle, en 1955, Mohammed V qui fait un
retour triomphal au Maroc. La France reconna^t l'independance du Maroc le 3 mars 1956 et l'Espagne,
le 7 avril.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, p. 136, 160, 163.
94approuve a Paris le 13 Ao^ut 1730, d'ou la date choisie. La typographie d'epoque est respectee.
64 Ao^ut
20 ao^ut 1955 : Executions sommaires a El-Halia (Algerie)
Paul Aussaresses, ancien resistant, fondateur du service Action du SDECE, vieil ami de Jacques
Foccart, est a ecte comme ocier de renseignement au 1er RCP a Philippeville. En relation avec la
police locale et utilisant des methodes < speciales >, il apprend qu'une attaque est organisee par Zighoud
Youssef. Les rebelles et gens des campagnes qui surgissent le 20 ao^ut vers midi dans Philipeville, faiblement
armes, et accompagnes de femmes et enfants sont massacres a l'arme automatique. L'armee deplore deux
tues les algeriens cent trente quatre, d'apres Aussaresses. Selon Yves Courriere l'armee perd 12 soldats.
Des civils europeens sont tues.
A la mine de fer d'El-Halia a 20 km a l'Est, la surprise est par contre totale. Encadres par les hommes
de Zighoud, les ouvriers arabes se sont attaques aux familles europeennes avec qui ils vivaient en parfaite
entente. Les troupes envoyees pour degager la mine font quatre vingt tues chez les < fellaghas > et soixante
prisonniers. On retrouve trente cinq cadavres d'europeens (71 d'apres Courriere) et quinze blesses. Le
lieutenant Nectoux telephone a Mayer commandant le 1er RCP.
< Mayer : Vous avez des prisonniers ?
- Oui, a peu pres soixante. Qu'est-ce que j'en fais mon colonel ?
Mayer : Quelle question ! Vous les descendez, bien s^ur ! [...]
Un quart d'heure apres, Nectoux arrive avec des camions.
- C'est quoi, tous ces camions, Nectoux.
- Ben, je suis venu avec les prisonniers, mon colonel, puisque vous m'avez dit de les descendre.
Prosper [Mayer] et moi [Aussaresses] avons reprime un rire nerveux [...]. Je me suis tourne vers
Nectoux :
- C'est parce que vous ^etes bourguignon, Nectoux, que vous ne comprenez pas le francais ?
[...] J'ai dit au colonel que j'allais m'en occuper.[...] J'ai pris un homme pour l'interroger moi-m^eme.
C'etait un contrema^tre musulman qui avait assassine la famille d'un de ses ouvriers francais. [...] Je lui
ai repondu en arabe :
- Je ne sais pas ce qu'Allah pense de ce que tu as fait mais maintenant tu vas aller t'expliquer avec
lui. Puisque tu as tue des innocents, toi aussi tu dois mourir. C'est la regle des parachutistes.
J'ai appele Issolah :
- Emmene-le, il faut l'executer immediatement ! Pour les autres va me chercher Bebe.[...]
Bebe c'etait un adjudant de la Resistance.[...]
Aussaresses dit a Bebe :
<- Aujourd'hui, j'ai un travail pour vous. Allez chercher tous vos hommes avec leur PM et tous les
chargeurs pleins que vous pourrez trouver.
J'ai fait aligner les prisonniers, aussi bien les fels que les ouvriers musulmans qui les avaient aides.
Au moment d'ordonner le feu, Bebe etait nettement moins chaud.[...] J'ai ete oblige de passer les ordres
moi-m^eme. J'etais indi erent : il fallait tuer, c'est tout, et je l'ai fait.
Nous avons feint d'abandonner la mine.[...]
Quelques jours plus tard, comme on pouvait s'y attendre, les fellaghas sont revenus. Une fois prevenus
par nos guetteurs, nous y sommes montes avec le premier bataillon. Nous avons fait une centaine de
prisonniers qui ont ete abattus sur le champ.
Il y a eu d'autres executions sur mon ordre apres la bataille de Philippeville. Nous avions capture
environ mille cinq cents hommes.[...]
Bien s^ur, parmi ces prisonniers, il y avait des montagnards, des types de la campagne qu'on avait
enr^oles de force. Souvent nous les connaissions. Ceux-la, nous les avons vite liberes. Mais il y avait les
autres [...] Une fois que nous les avions interroges et que nous en avions tire tout ce que nous pouvions,
que fallait-il en faire ?[...] Mais sachant qu'il s'agissait d'elements irrecuperables, chacun preferait me les
laisser pour que je m'en occupe.[...] Alors, j'ai designe des equipes de sous-ociers et je leur ai donne
l'ordre d'aller executer les prisonniers. >
Les milices du maire de Philippeville Benquet-Crevaux, armees par les soins d'Aussaresses vengeront
les morts europeens.
< A Philippevile, il y aura plus de 2 000 morts algeriens dans les quinze jours qui suivent le 20 ao^ut >
ecrit Yves Courriere95 qui compte 12 000 victimes algeriennes de la repression dans le Constantinois.
95t II p. 187
Ao^ut 65
Massu en visite a Philippeville peu apres et decouvre les talents du capitaine Aussaresses. Il l'appellera
aupres de lui en janvier 1957 pour transposer a Alger sa methode qui t < merveille > a Philippeville et
devenir < le chef d'orchestre de la contre-terreur >.
Commentaires : En mai 2001, l'opinion et en premier lieu les politiques sont tres choques par ce
qu'ecrit Aussaresses. Les politiques sont d'autant plus g^enes que ce dernier ne cesse de repeter que les
ordres etaient de liquider le FLN, qu'il a commis ces tortures et executions pour la France. Il le montre en
particulier dans l'episode suivant96 : < Lors de l'entrevue qu'il eut en t^ete a t^ete avec Max Lejeune [alors
secretaire d'Etat a la Defense Nationale], Massu lui dit qu'il avait apprehende un groupe de terroristes et
qu'il se demandait s'il valait mieux les remettre a la justice ou les liquider.
- Vous vous souvenez du DC3 d'Air-Atlas, l'avion de Ben Bella, le chef du FLN, et ses quatre compagnons,
le 22 octobre dernier ? demanda Max Lejeune.
- Monsieur le ministre, qui ne s'en souvient pas ! t Massu.
- C'est une a aire que je connais bien puisque le president Guy Mollet m'a laisse me debrouiller avec
le general Lorillot. Lorsque le gouvernement a su que ces hommes iraient en avion du Maroc en Tunisie,
il a ordonne a la chasse d'Oran d'abattre l'appareil. Si nous avons annule cet ordre, c'est qu'au dernier
moment nous avons appris que l'equipage de l'avion etait francais. Pour le gouvernement, il est regrettable
que Ben Bella soit encore vivant. Son arrestation est une bavure. Nous devions le tuer.
Massu avait compris ce que Max Lejeune voulait dire. [...] J'allais avoir douze hommes de plus a
executer la nuit suivante. >
Pour appuyer ces armations, on peut fournir beaucoup d'autres preuves. Ainsi on lit dans le programme
du ministre-resident Jacques Soustelle de mai 1955 cite par Yves Courriere97 :
< Tout rebelle pris les armes a la main doit ^etre tue. > et ceci page 168 : < Les hommes de Beaufre
capturent tres vite des < supposes fellagha > et quelques membres du F.L.N., il va donc les faire remettre
a la justice. Il s'entend repondre par le procureur de Tizi-Ouzou : < Vos fellagha prisonniers, que voulezvous
que j'en fasse ? Tuez-les ! > Et il apprend qu'au tout debut des < evenements > Mitterrand encore
ministre de l'Interieur, sans l'ecrire, avait dit la m^eme chose : < Vous n'avez qu'a les tuer >. >98
Sources : Paul Aussaresses, Services Speciaux Algerie 1955-1957, Perrin, 2001, p. 51-70 ; Yves
Courriere, La guerre d'Algerie - Le temps des Leopards, Fayard, 1969, 113, 168, 183-189 ; Pierre Pean,
L'homme de l'ombre,  Elements d'enqu^ete autour de Jacques Foccart, l'homme le plus mysterieux et le
plus puissant de la Veme Republique, Fayard, 1990, p. 214-220.
22 ao^ut 1955 : Repression des emeutes dans le Constantinois
(Algerie)
Les journees d'emeute des 20 et 21 ao^ut 1955 dans le Constantinois constituent a bien des egards une
repetition des troubles de mai 1945. Elles sont un point de non-retour.
Les emeutes paraissent avoir eclate a l'initiative de Zighoud Youssef, responsable du Nord-
Constantinois dans le but de montrer la force du FLN et de contrecarrer les avances faites par Soustelle
a des Algeriens moderes. Dans la zone Collo-Phillipeville-Constantine-Guelma, d'une part quelques
centaines de soldats de l'ALN s'attaquent sans grand succes a des gendarmeries et des postes de police,
d'autre part plusieurs milliers de paysans mal armes se lancent a l'assaut d'une trentaine de villes et
villages, assassinent a coup de haches et de pioches. Il y aura 123 morts dont 71 europeens.
L'armee riposte avec promptitude. Comme en 1945, des milices privees sont constituees, a l'appel du
maire de Philippeville Benquet-Crevaux, dont les harangues passionnees constituent autant d'appels au
meurtre. Le bilan ociel de la repression s'etablit a 1 273 morts. Nul doute qu'il est bien plus eleve et que
le nombre de victimes se situe aux alentours de 12 000. Ce drame convertit Soustelle au tout-repressif, il
laisse carte blanche a l'armee. Honni a son arrivee, il sera adule par les colons. Les elus algeriens moderes
se rallieront au FLN.
Edouard Valery, capitaine au 3eme Regiment de Tirailleurs Algeriens, temoigne : < [Au Kroubs,
situe a une quinzaine de kilometres de Constantine]. Toute la journee du 21 ao^ut, des camions militaires
96page 152
97II p. 113
98ibidem p. 168
66 Ao^ut
charges de civils algeriens arrivent a la gendarmerie : plus de cent cinquante hommes de tous ^ages sont
entasses dans la cour, venant, semble-t-il, des regions d'An-Abid et Oued-Zenati.
Un lieutenant de la subdivision de Constantine vient au Kroubs, charge, dit-il, d'une mission de
repression. Le m^eme soir, arrivent aussi une section de la Legion etrangere commandee par un souslieutenant
et une section de tirailleurs senegalais appartenant au 15eme RTS. [...] Le lendemain, 22 ao^ut
1955, de tres bonne heure, alerte par de longues rafales de pistolets-mitrailleurs, tirees non loin de la, en
direction du sud-est et par un mouvement de camions, qui partaient de la gendarmerie ou y revenaient,
je me dirige rapidement vers celle-la. Au premier coup d'oeil je comprends ce que voulait dire l'expression
< mission de repression > !... La cour ou etaient entasses les Algeriens est vide... Le detachement de la
Legion, arrive la veille au soir, est en train d'executer les prisonniers, tandis que les tirailleurs senegalais,
fusil-mitrailleurs en batterie, ont pris position autour de la gendarmerie. Le drame se lit sur les visages
de tous les militaires ou gendarmes que je rencontre. Le lieutenant G., commandant de la 64eme CRD
[Compagnie de Reparation Divisionnaire] que je rejoins, est tres p^ale. Avec lui, nous avons juste le temps
d'empoigner et de retenir deux enfants de dix ans environ que l'on s'appr^ete a embarquer dans le dernier
camion qui demarre avec son chargement d'Algeriens. Un homme assez jeune, ampute des deux jambes,
est jete dans le camion qui roule deja.
Le lieutenant de la CRD me fait alors, bouleverse, le recit rapide des scenes d'atrocites dont il vient
d'^etre temoin : < Les Algeriens sont amenes par groupe d'une dizaine, au bord d'une grande fosse creusee
a la h^ate. Ils font leur priere et sont abattus a bout portant par les legionnaires.[...] >
Vers 8h 30, le lieutenant de la subdivision de Constantine, qui semble ^etre le patron de l'< operation >
, revient a la CRD et telephone devant moi a son etat-major, pour rendre compte a mots a peine couverts
de sa mission : < Envoyez-moi, dit-il, deux bulldozers pour les travaux de terrassement ; avec des pelles
et des pioches il faudrait trop de temps. >
[...] La realite etait la dans toute sa brutalite : quarante huit heures apres les evenements du 20 ao^ut,
161 otages avaient ete froidement abattus. >
Jean Mairey, directeur general de la S^urete Nationale, dans son rapport du 13 decembre 1955 reconna^
t : < Mais ils [les evenements du 20 ao^ut] ouvrirent les vannes d'une repression sans discernement,
tant civile que militaire. Et le plus aigeant des resultats des massacres du 20 ao^ut se traduit aujourd'hui
par une reprise des pires methodes de police, rendues trop celebres, helas, par la Gestapo, et qui
souleverent a juste titre l'indignation des hommes civilises. >
Sources : Bernard Droz, Evelyne Lever, Histoire de la guerre d'Algerie, Seuil-Histoire, 1982, page 75-
78 ; Edouard Valery, 11 octobre 1955. Une seance ordinaire au tribunal militaire, L'Humanite, 4 janvier
2001, page 10-11 ; Pierre Vidal-Naquet, La Raison d'  Etat, Les Editions de minuit, 1962, page 79.
22 ao^ut 1871 : L'Illustration : < Une severe lecon qu'il etait grand
temps de donner a ces populations turbulentes et incorrigibles. >
(Algerie)
Lors de l'insurrection de l'Algerie en 1871, Charles Feraud ecrit du camp d'El Milia pour l'Illustration :
< La colonne expeditionnaire destinee a reprimer la revolte de la Kabylie orientale, etait reunie le 2 ao^ut
aupres de la petite ville de Milia sous les ordres du general de Lacroix, commandant la division de
Constantine. Le 5, nos troupes penetraient sur le territoire ennemi et campaient successivement a An
Nakhela, sur l'Oued Endja, puis a Fedj-Banen, apres avoir in
ige de rudes ch^atiments aux contingents
qui avaient tente de s'opposer a leur marche. Les tribus de la confederation du Zouara, etaient entierement
reduites a merci, et livraient ^otages et amendes.
[...] Rejetes, apres l'incendie de leurs villages, dans les ravins boises de l'Oued Itera et accules au
pied du gigantesque rocher de Sidi-M^arouf, les insurges eprouvaient des pertes tres serieuses. L'e et
moral produit par ces severes lecons, qu'il etait grand temps de donner a ces populations turbulentes et
incorrigibles, a ete immense [...]
A cette m^eme date, toutes les tribus du cercle de Gigelli et celles de la rive droite de l'Oued-el-Kebir
(bas Roumel), terri ees par les ch^atiments in
iges au Zouar'a et a l'Oued Itera, s'empressaient d'aller
implorer la pitie et demander gr^ace [...] C'est ainsi qu'en peu de temps, du 2 au 22 ao^ut, [...] toutes les
Ao^ut 67
tribus comprises dans la quadrilatere : Constantine, Collo, Gigelli et Mila, rentraient dans l'ordre et le
devoir, qu'elles n'auront plus envie de quitter.
Il est important que le calme se fasse et que la con ance renaisse, a n que l'element europeen vienne le
plus rapidement possible faire equilibre a l'element indigene perturbateur. Le sequestre de vastes etendues
de terrain permet d'esperer que ce resultat, si desirable pour la prosperite du pays, sera atteint dans un
avenir tres rapproche. L'Europeen trouvera dans la region que nous parcourons des vallees fecondes [...]
Ajoutons a cela un climat sain et tempere, et, pour le charme des yeux, des sites ravissants et d'une
variete in nie. >
Tous les biens immobiliers et mobiliers des tribus insurgees ayant echappe au pillage et a la destruction
furent con sques suivant les mesures preconisees par le general de Lacroix en decembre 1871 :
< Le seul moyen de prevenir les revoltes, c'est d'introduire une population europeenne nombreuse ;
de la grouper sur les routes et les lignes strategiques de facon a morceler le territoire en zones qui ne
pourront pas a un moment donne se rejoindre.
Les terres des domaines sont insusantes mal situees et eparpillees. Celles que l'on pourrait obtenir
par le sequestre reunissent seules les conditions voulues, mais il faudrait qu'elles fussent immediatement
disponibles. >
Sources : Charles Feraud, L'insurrection en Algerie, L'Illustration, 9 septembre 1871, Vol LVIII,
Numero 1489, 1871, 2eme semestre, page 170 ; Medhi Lallaoui, Kabyles du Paci que, Au nom de la
memoire, 1994, page 33.
26 ao^ut 1973 : Assassinat d'Outel Bono a Paris (Tchad)
Medecin chef a l'h^opital de Fort-Lamy, marie a une francaise, sympathisant communiste, Outel Bono,
apres avoir ete contacte par Tombalbaye, president du Tchad, pour proposer des reformes, est arr^ete pour
complot en mars 1963 par un commissaire francais. Il est condamne a mort. Suite a une campagne du PCF,
sa peine est commuee en prison a vie. En 1965, il bene cie d'un regime de semi-liberte et peut reprendre
ses activites medicales. En 1968, il est nomme directeur de la Sante. En stage en France, on l'invite a
ne pas rentrer au Tchad, ou les arrestations se succedent. Il est contacte par Djiguimbaye, directeur de
la Banque du Developpement pour creer un nouveau mouvement politique, le MDRT. Celui-ci vient en
France et lui presente son frere dans la franc-maconnerie (GLNF), Henri Bayonne. Bayonne est en fait
colonel en retraite, ancien du BCRA (Bureau Central de Renseignement et d'Action gaulliste) et membre
des services secrets. Bono se lie d'amitie avec Bayonne et redige chez lui un manifeste du nouveau parti.
Une conference de presse est prevue le 28 ao^ut 1973. Le 26 au matin, Outel Bono est tue de deux balles de
revolver en montant dans sa voiture a Paris. L'assassin s'enfuit en 2 CV. Sa femme, arrivee par avion, sera
< chaperonnee > durant huit jours par les epoux Bayonne qui l'emp^eche de communiquer avec l'exterieur.
Nadine Bono parvient neanmoins a contacter Me Kaldor, l'avocat de son mari. Le porte-document de
Bono a disparu et son appartement a ete perquisitionne en l'absence de Nadine Bono.
Alain Bernard, le juge charge du dossier retient la these d'un crime passionnel puis est promu en Corse.
Il est remplace par le juge Pinsseau. Un Tchadien, au service des Bayonne, aurait voulu parler. Il meurt
d'une < diarrhee >. Thierry Desjardins, journaliste au Figaro, revele qu'il tient de Hissene Habre que
le commandant Galopin, adjoint du colonel Gourvenec, responsable du SDECE a Fort-Lamy, lui aurait
avoue l'identite de l'assassin. Ce serait un certain Jacques Bocquel, agent du SDECE, anciennement au
service de Bokassa en Centrafrique. Ce Bocquel est interroge par la police, mais le juge tra^ne, refuse
confrontations et veri cations et conclura nalement par un non-lieu le 20 avril 1982.
Nadine Bono va jusqu'en cassation, mais son pourvoi est rejete. Elle est condamnee a payer les frais
de justice au pretexte < qu'elle n'a pas pu prouver qu'il s'agissait d'un assassinat. >
Implication de la France : Il semble, si l'on en croit Jeune Afrique qui lui est liee, que Jacques
Foccart ait songe, devant la versatilite de Tombalbaye, a jouer la carte Bono. Mais en raison du caractere
intraitable de ce dernier, il aurait ete elimine. L'ami Henri Bayonne etait un agent du SDECE et les
francs-macons de la Grande Loge Nationale de France (GLNF) ont servi les inter^ets neo-coloniaux de la
France.
En 1975, Tombalbaye est renverse et assassine, Gourvenec laissant faire.
En 1978, Gourvenec meurt d'une indigestion brutale apres avoir mange une p^atisserie, alors qu'en
France son ami Jacques Bocquel est interroge. Dans ses < Memoires >, Foccart renie durement cet agent
68 Ao^ut
g^enant.
Sources : Francois Xavier Verschave, La Francafrique - Le plus long scandale de la Republique, Stock,
pages 155-172.
Septembre
1er septembre 1878 : Le grand chef Ata est tue par un tra^tre
canaque(Nouvelle-Caledonie)
Incitee par les missionnaires, des peres maristes, arrives en 1843, la France prend possession de l'^le le
24 septembre 1853. Les indigenes, les Canaques, pratiquant de longues jacheres tournantes, sont refoules
dans des reserves, le reste des terres etant declare propriete d'Etat (arr^ete de spoliation des terres du
20 janvier 1855) et sont soumis au travail obligatoire (arr^ete des 6 mai 1871 et 6 mars 1876). Les terres
concedees aux colons passent de 1000 a 230 000 hectares entre 1860 et 1878. Il faut y ajouter les terres
requisitionnees par l'administration penitentiaire, en particulier pour ses fermes. Le grand chef Ata,
expulse de sa terre par la colonisation, declare au gouverneur francais Olry a Teremba, en deversant
d'abord un sac de terre : < Voila ce que nous avions >, et ensuite deversant un sac de pierres : < Voici ce
que tu nous laisses >. Au gouverneur qui lui conseille de construire des barrieres pour proteger ses cultures
des deg^ats commis par le betail des colons, il repond : < Lorsque les taros [des legumes] iront manger
les boeufs, je construirai des barrieres. > Ses e orts pour s'entendre avec les Blancs ayant ete vains,
Ata choisit la lutte armee. Le pouvoir colonial reussit a s'assurer le soutien d'autres tribus canaques, en
particulier les Baxea de Canala, contre Ata et ses partisans. Sans ces auxiliaires, il ne pouvait poursuivre
un ennemi qui se fondait dans la nature. L'insurrection met a feu et a sang le centre-ouest de la Grande
Terre. Ata se bat jusqu'au bout. Il est tue au combat le 1er septembre 1878 par un tra^tre canaque, de
la colonne Le Golleur-Gallet formee de Canaques, de francs-tireurs (des deportes politiques), de Mercury
(deportes de droit-commun diriges par Mercury, un surveillant du bagne). Sa t^ete est envoyee a Paris
et conservee au Museum d'Histoire Naturelle. Les villages insurges sont br^ules, les terres con squees, les
hommes tues ou deportes. L'insurrection n'est matee qu'en avril 1879.
Sources : Roselene Dousset-Leenhardt, Terre natale, terre d'exil, Maisonneuve et Larose, pages 93-
94, 123-138 ; Roselene Dousset-Leenhardt, Colonialisme et contradictions - Nouvelle-Caledonie 1878-1978,
L'Harmattan, 1978 ; Temps Modernes, mars 1985, n 464.
3 septembre 1958 : Ruben Um Nyobe, dirigeant de l'UPC, est
abattu (Cameroun)
Syndicaliste, forme par la CGT francaise, Ruben Um Nyobe forme le 10 avril 1948, l'UPC, Union
des Populations Camerounaises, section camerounaise du RDA, combattue au Nord par des notables
attaches aux structures coloniales et dans la region de Yaounde par l'Eglise catholique qui recrute au
Sud en pays Bassa et Bamileke, regions les plus scolarises. L'UPC qui se declare < communiste > ne suit
pas la politique de collaboration avec le colonisateur preconisee par le RDA de Houphouet Boigny. En
1953, l'UPC constate l'inanite de la lutte sur le plan legal et Um Nyobe prend le maquis. Des emeutes,
suivies de repression, eclatent en 1955. L'UPC est interdite le 13 juillet 1955. Les elections camerounaises
sont xees au 23 decembre 1956 de telle facon que l'UPC ne puisse s'y presenter. Le 9 decembre 1957,
Andre-Marie Mbida, premier ministre99, appelle les troupes francaises pour < retablir l'ordre > dans la
Sanaga maritime (pays Bassa). La < campagne de paci cation > va durer onze mois. Le 3 septembre 1958,
Ruben Um Nyobe est tue pres de son village natal de Boumnyebel. L'ordre de le liquider aurait, selon
99la loi-cadre Deferre est appliquee
69
70 Septembre
Pierre Pean, ete donne par Maurice Delauney qui laisse a son depart en decembre 1958 < une situation
detendue >. Le 19 fevrier 1958, Ahmadou Ahidjo devient Premier ministre a la place de Mbida. Le 19
octobre 1958, le haut-commissaire Xavier Torre annonce a la radio que la France est pr^ete a accorder
l'independance au Cameroun. Elle sera e ective le 1er janvier 1960, mais ne mettra pas un terme a la
repression de l'UPC par les troupes francaises. En 1959, les troubles reprennent en pays bamileke. De
fevrier a octobre 1960 une < campagne de paci cation > est faite par l'armee francaise.
Sources :
Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994 ; Marianne Cornevin, Histoire de l'Afrique
contemporaine, Payot, 1978 ; Francois Xavier Verschave, La Francafrique - Le plus long scandale de la
Republique, Stock, page 98 ; Mongo Beti, Le Cameroun d'Ahidjo, Temps Modernes, novembre 1972,
numero 316 (Extrait de Main basse sur le Cameroun Maspero, saisi) ; Georges Cha ard, Les carnets
secrets de la decolonisation II, page 347 ; Pierre Pean, l'Homme de l'ombre, Fayard, 1990, p. 283-284.
8 septembre 1926 : Ceux qui refusent de recolter le caoutchouc
sont convies au < bal de Bambio > (Oubangui-Chari)
Dans son Voyage au Congo, Andre Gide relate ces faits survenus a l'ouest de Bangui et rapportes par
un denomme Garron :
< A Bambio, le 8 septembre, [1926] dix recolteurs de caoutchouc, (vingt disent les renseignements
complementaires) de l'equipe de Goundi, travaillant pour la Compagnie Forestiere { pour n'avoir pas
apporte de caoutchouc le mois precedent (mais, ce mois-ci, ils apportaient double recolte, de 40 a 50
kilogrammes) { furent condamnes a tourner autour de la factorerie sous un soleil de plomb et porteurs
(sic) de poutres de bois tres pesantes. Des gardes, s'ils tombaient, les relevaient a coup de chicotte.
Le "bal" commence des huit heures, dura tout le long du jour sous les yeux de MM. Pacha et Maudurier,
agent de la Forestiere. Vers onze heures, le nomme Malingue, de Bagouma, tomba pour ne plus se
relever. On en avertit M. Pacha, qui dit simplement :" Je m'en f..." et t continuer le "bal". Tout ceci se
passait en presence des habitants de Bambio rassembles, et tous les chefs des villages voisins venus pour
le marche. >100
Gide ajoute d'autres temoignages rapportes dans le journal de Garron, sur les actes de Pacha :
< M. Pacha annonce qu'il a termine ses repressions chez les < Bayas > des environs de Boda. Il
estime (de son aveu) le nombre des tues a un millier de tout ^age et des deux sexes. Les gardes et les
partisans etaient obliges, pour justi er leurs faits de guerre, d'apporter au "Commandant" les oreilles
et les parties genitales des victimes ; les villages etaient br^ules, les plantations arrachees. L'origine de
l'a aire remonte au mois de juillet 1924.
< Les indigenes de la region ne voulaient plus faire de caoutchouc. L'administrateur de l'epoque,
M. Bouquet, envoie quatre miliciens, accompagnes d'un sergent indigene, pour contraindre les gens au
travail. D'ou bagarre. Un milicien tire. A ce moment les miliciens sont enveloppes par les indigenes qui les
ligotent. Ils sont tues 24 heures plus tard par quelques exaltes, peu nombreux, et qu'il aurait su d'arr^eter
pour liquider l'a aire. Au lieu de quoi on attendit l'arrivee de Pacha, au debut de 25, qui commenca les
repressions avec une sauvagerie terrible.
< La cause de tout cela, c'est la C.F.S.O. (Compagnie Forestiere Sanga-Oubangui) qui, avec son
monopole du caoutchouc et avec la complicite de l'administration locale, reduit tous les indigenes a un
dur esclavage. Tous les villages sans exception aucune, sont forces de fournir caoutchouc et manioc pour
la C.F.S.O.[...] Un indigene, pour recolter 10 kilos de caoutchouc, est oblige de passer un mois en for^et,
souvent environ a 5 ou 6 jours de marche de tout village ;[...].
< Les prestations et portages sont faits par les femmes, malgre l'arr^ete du Gouverneur General.
< Les routes de la region sont tracees sur un terrain sablonneux ou n'existe pas de cailloux. Toutes les
femmes des villages travaillent toute l'annee du matin au soir pour apporter de la terre sur la chaussee ;[...]
elles n'ont pas d'outil pour l'extraire, et transportent cette terre sur la t^ete dans des paniers. La plupart
de ces femmes ont des enfants au sein. D'ou mortalite infantile et depeuplement.
< Ce travail, considere comme prestation, n'est pas paye, et ces travailleuses ne sont pas nourries. >101
100Voyage au Congo, p. 98-99
101Voyage au Congo, p. 99-100
Septembre 71
Sources : Andre Gide, Voyage au Congo, Gallimard, 1927, Idees-Gallimard, n 443, page 98, 459,
469.
13 septembre 1930 : Les a ames demandent une baisse des
imp^ots, on envoie des avions les bombarder (Vietnam)
La grande crise economique de 1929 avec la baisse du prix du riz est l'etincelle qui va allumer le
feu de la rancoeur accumulee en Indochine contre le systeme colonial francais : absence d'ecole pour
tous, ecrasement par l'imp^ot, accaparement des terres par les colons, corruptions des mandarins. Le
VNQZD, un parti nationaliste, organise la mutinerie des tirailleurs a Yen Bay le 9 fevrier 1930. Suite
a de mauvaises recoltes, des paysans se soulevent dans le Ngh^e-Tinh (une region pauvre comprenant le
Ngh^e An et le Ha Tinh). Ils attaquent les centres administratifs, libere les prisonniers, detruisent les
debits d'alcool de la Regie, denoncent la scalite coloniale et l'exploitation des proprietaires fonciers.
Des militants communistes mettent en place ce qu'on a appele < les soviets du Ngh^e-Tinh >. Le pouvoir
colonial reprime sans defaillance. Dans le Ngh^e-Tinh 3 000 paysans sont tues, il y a 3 a 4 000 arrestations
et pres de 3 000 condamnations. Au total 9 a 10 000 arrestations, plusieurs milliers de morts des milliers
de condamnations.102
Andree Viollis suit la visite du ministre des colonies Paul Reynaud. Elle note dans son journal du 5
novembre 1931 : < Nous avions quitte des six heures du matin Vinh ou le ministre [Paul Reynaud] etait
reste pour interroger certains prisonniers politiques[...]
Il pleut. Nous lons entre les champs boueux. Mon compagnon d'auto, un administrateur de la region,
m'explique, un peu trop confusement, les troubles graves de l'an dernier et de cette annee. La region, me
dit-il, fut toujours fertile en revolutionnaires. Elle est, en outre, parmi les plus desheritees de l'Annam.
Sa population trop dense, serree dans d'etroites vallees, sujettes soit a une excessive secheresse, soit a
des inondations se voit trop souvent reduite a la famine...
Plus loin, il m'indique quelques enormes tombes qui bossuent la riviere :
{ Elles datent du 13 septembre de l'an dernier me dit-il. Ce matin-la, on vit soudain une enorme
troupe de 5 a 6.000 individus qui marchaient en rangs serres sur Vinh...
{ Ils etaient armes ?
{ Ma foi, je n'en sais trop rien. Ils venaient soi-disant porter a la Residence leurs doleances contre les
imp^ots qu'ils jugent excessifs. C'est toujours comme ca que commencent les revoltes. On leur ordonna de
s'arr^eter, ils n'ecouterent pas, franchirent tous les barrages. Il fallut envoyer des avions avec des bombes.
Il tomba 100 a 120 bonshommes103. Les autres s'enfuirent comme des lapins... Par malheur, le soir, des
habitants de villages restes loyaux vinrent pour enterrer les morts. On crut a une nouvelle manifestation,
on renvoya les avions : resultat, encore une quinzaine de morts ... Une f^acheuse erreur qui a fait assez
mauvais e et. >104
C'est l'erreur dite des < fossoyeurs >. Andree Viollis note plus loin :
< Les aviateurs militaires n'ont pas ete inquietes ; ils etaient couverts, ayant recu quelques semaines
plus t^ot une circulaire du Resident superieur en Annam, les autorisant et m^eme leur enjoignant de jeter
des bombes sur tous les attroupements, sans s'embarrasser de sommations. Les villages de Yen-Tho, Yen-
Phu et Thang-Dan, dans la province de Vinh, ont ete completement incendies par bombes d'avions. On
avait eu le soin d'abattre tous les gros arbres pour permettre aux avions d'operer commodement et a loisir.
Un des aviateurs, revenu apres quelques jours au-dessus du theatre de ses exploits, disait : < Cela puait
tellement que la-haut m^eme, j'en etais malade. > On me cite encore le nom de six villages, de la gare de
Yen-Xuan, a 10 kilometres de Vinh et surtout celui du village de Phui-An, a 60 kilometres de Vinh, qui,
lui, fut bombarde a plusieurs reprises et completement ecrase. On me con rme que le nombre des victimes
connues et inconnues de la region depasse plusieurs milliers. >105
Le vieux revolutionnaire Phan Boi Chau declara a Andree Viollis :
102Indochine, la colonisation ambigue, p. 305-310
103Il en tomba 157, note de Viollis
104Indochine SOS, p. 87-88
105Indochine SOS, p. 145-146
72 Septembre
< Les corteges de manifestants qui, suivant notre vieille coutume, allaient demander justice au grand
chef, au resident, qui, pour eux est < le pere et la mere >, implorer son aide et sa pitie, vous savez comme
on les a recus : a coups de bombes et a coups de fusils ... Pourtant, ils ne voulaient pas, en agissant ainsi,
porter atteinte a la souverainete francaise. Ils etaient sans armes ... >106
Sources : Andree Viollis Indochine SOS, 1935, reedite par Les editeurs francais reunis, Paris, 1949, p.
87, 88, 133, 145, 146 ; Pierre Brocheux, Daniel Hemery, Indochine, la colonisation ambigue - 1858-1954,
La Decouverte, Paris, 1994.
24 septembre 1945 : Les colons tirent sur les grevistes (Cameroun)
L'USCC (Union des Syndicats Confederes du Cameroun), syndicat cree sous l'impulsion du Francais
Gaston Donnat et soutenu par la CGT, ayant organise une greve a Douala, < le colonat et le patronat
blancs, exasperes jusqu'au paroxysme, s'agitent >. Apres le saccage de quelques edi ces par de jeunes
desoeuvres africains, vraisemblablement manipules par le colonat, les Blancs s'emparent d'un dep^ot
d'armes et organisent une chasse punitive contre les syndicalistes. L'estimation ocielle est de 80 morts.
Un syndicaliste blanc, Lalaurie, agresse, tue < un des membres les plus exaltes du colonat blanc >. Le
gouverneur Nicolas est de fait prisonnier des colons.
Commentaires : L'analogie avec les evenements de Setif est frappante.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, p. 78-79 ; Mongo Beti, Le Cameroun
d'Ahidjo, Temps Modernes, novembre 1972, n 316 (Extrait de Main basse sur le Cameroun Maspero,
saisi) ; Francois Xavier Verschave, La Francafrique - Le plus long scandale de la Republique, Stock,1998.
28 septembre 1957 : Torturee par les paras en presence du colonel
Bigeard.
Louisette Ighilahriz avait vingt ans quand, membre d'une unite combattante de l'ALN, dans la zone 2
de la Wilaya IV (Algerois), le 28 septembre 1957, lors d'une attaque par un groupe du 3e REP (regiment
etranger de parachutistes) dans la region de Chebli dans la Mitidja, elle est grievement blessee, criblee de
balles sur le c^ote droit et tombe aux mains des paras francais. Interviewee par l'Humanite en juin 2000,
elle declare :
< Nous etions neuf combattants, caches dans une casemate. L'accrochage avec les paras a commence
a 5 heures du matin et s'est termine plus d'une heure apres. Sept des n^otres sont morts : ils ont pour la
plupart ete acheves, je les ai vus mourir. Ils avaient entre vingt et vingt-cinq ans. Un est trepane a vie
et moi, aujourd'hui, je suis la seule survivante du groupe. [...] Ils m'ont d'abord soignee sommairement
pour me faire parler. [...] J'ai ete torturee au Paradou, a Hydra, sur les hauteurs d'Alger, qui etait le
siege de la 10e DP (division parachutiste), commandee par le general Massu.
[...] Bigeard etait a deux pas de moi. Et le gros zebre qui me torturait en personne sous les yeux de son
chef, c'etait le capitaine Graziani. Il a ete tue en Kabylie en 1958. [...] Bigeard ne sortait de sa bouche
que des propos orduriers que je n'oserais pas, par decence, vous rapporter. Vous pensez bien, une femme
combattante ! Je vous passe les sevices que j'ai subis. Ils sont tout simplement innommables. C'etait tres
dur, quoi ! Ils se sont acharnes contre moi. Je faisais tout sur moi, je puais. C'etait de la putrefaction...
[...] Que Bigeard demente ou reconnaisse ce qu'il a fait, je resterai toujours, a travers des milliers de cas
d'Algeriennes et d'Algeriens, sa mauvaise conscience. [...] La torture etait pratiquee a l'etat industriel. Il
en a tellement torture qu'il ne se souvient sans doute plus de nous. J'ai ete traumatisee a vie. Je ne suis
qu'un cas parmi des milliers d'autres. Du 28 septembre au 26 decembre 1957, je suis restee a la 10e DP.
Ils me torturaient presque tous les jours. >
Le 15 decembre 1957, le commandant Richaud l'a visitee dans sa cellule et l'a faite soigner a l'h^opital
Maillot de Bab el Oued.
< J'ai entendu les in rmieres repondre a des militaires "ordre du commandant Richaud", pour qu'on
ne m'ampute pas de la jambe droite qui etait dans un etat de gravite avancee. J'ai subi plusieurs
106Indochine SOS, p. 133
Septembre 73
operations. On m'a enleve les balles, pl^atre la jambe qui etait fracturee en plusieurs endroits. Puis on m'a
ramenee a la 10e DP, toujours sur ordre du commandant Richaud. [...] A Noel, le commandant Richaud
est venu constater si ses ordres avaient ete executes. Vous savez, je me demandais quel ange etait passe
par la ! Je n'arr^etais pas de me repeter : " C'est pas vrai, c'est pas possible, apres ce que j'ai subi !" >
Le commandant Richaud l'a fait transferer a la prison civile de Barberousse, a Alger. Elle a ete
condamnee a cinq ans de prison par le juge militaire, emmenee a la prison d'El Harrach, puis internee en
France. Elle s'est evadee le 16 fevrier 1962.
Dans son livre, Marcel Bigeard arme < n'avoir jamais vu Louisette Ighilahriz >, il denonce l'article
< assassin et menteur > de Florence Beauge. Il ecrit (p. 32) < cette femme a ete transferee au PC de la
10eme DP de Massu, grievement blessee le 28 septembre 1957. Or le 3 septembre, j'avais quitte Alger
pour repartir, a la t^ete de mon regiment, me battre contre de vrais combat tants dans les djebels. > Quels
djebels mon general ? Et pour combien de temps ? Pourquoi ne precisez-vous pas ? A l'armation que
Massu, Graziani et lui-m^eme sont venus la voir, tout ce qu'il trouve a dire c'est pourquoi pas Salan
ou le president Coty. Maladroitement Bigeard demontre plus loin qu'il sait recourir quand il le faut au
mensonge < alors nous racontons aux medias qu'il [Zerrouk,107] s'est enfui. Le ridicule ne tue pas [...] >
Ces denegations sont peu convaincantes.
Sources : Le Monde, 22 juin 2000 ; Lila reclame le jugement de ses tortionnaires, L'Humanite, 29
Juin 2000 ; Marcel Bigeard, J'ai mal a la France, editions du Polygone, 2001.
107Zerrouk, un membre de la ZAA FLN < retourne > par les paras. (J'ai mal a la France p. 157
74 Septembre
Octobre
4 octobre 1948 : Condamnation des parlementaires malgaches du
MDRM (Madagascar)
A Madagascar, alors que le MDRM etait intervenu plusieurs fois pour dissuader de toute action
violente, ses trois deputes, elus en 1946 avec 80% des voix, sont accuses d'avoir organise l'insurrection du
29 mars 1947.
Les militants du MDRM sont arr^etes, le parti est dissous le 10 mai, la levee de l'immunite des
parlementaires est votee a l'Assemblee Nationale le 6 juin. L'insurrection ne sera pas ma^trisee pour
autant.
Le 4 octobre 1948, la Cour criminelle de Tananarive condamne a mort les deputes du MDRM, Raseta
et Ravoahangy et quatre autres accuses, condamne aux travaux forces a perpetuite le 3eme depute
Rabemananjara, les conseillers de la Republique, Raherivelo, a 5 ans de travaux forces, et Ranaivo, a 10 ans
de reclusion. Ce proces est une machination politique destinee a casser l'enorme popularite et la legitimite
reconnue des trois deputes. Les interrogatoires des accuses sont faits hors la presence de leur avocat. Des
aveux sont extorques sous la torture dans les interrogatoires par la S^urete, notamment le supplice de
la baignoire. Il s'agissait de faire avaliser par les personnes arr^etees les theses de l'administration sur
l'origine de l'insurrection. Ainsi, le telegramme d'appel au calme du 27 mars aurait eu, un sens convenu
a l'avance qui etait en fait le signal de la revolte. A l'exception de Kana et de Ravelonahina, aucun chef
de l'insurrection n'est entendu au proces. Ils sont morts ou ont ete executes. Les deputes demandent a
^etre confrontes avec Samuel Rakotondrabe, chef de l'association secrete Jina, qui les avait mis en cause.
Le juge d'instruction refuse. Condamne a mort par un tribunal militaire, Rakotondrabe est execute le 19
juillet 1948, trois jours avant l'ouverture du proces des parlementaires ou il devait pourtant gurer comme
accuse.108. Les tortures in
igees aux inculpes sont evoquees avec un grand luxe de details a l'Assemblee
Nationale le 22 septembre 1948. Cela n'emp^echa pas le verdict et sa con rmation par la cour de cassation
(juin 1949).
Gracies en juillet 1949, les accuses seront amnisties en 1956, mais ne retrouveront la liberte que lors
de l'Independance en 1960.
Sources : Jacques Tronchon, L'insurrection malgache de 1947, Karthala, 1986 ; Pierre Vidal-Naquet,
La torture dans la Republique, Maspero, 1972, page 18-19.
9 octobre 1915 : Decret de mobilisation de tout indigene de dixhuit
ans (AOF)
En 1910, Charles Mangin, compagnon de Marchand a Fachoda, pr^one dans le livre La Force Noire
le recrutement de soldats parmi les indigenes. Dans la perspective des guerres modernes, il arme que
< le manque de nervosite de la race noire l'y rendra precieuse... L'insouciance du Noir et son fatalisme
deviennent alors des qualites >.
La campagne de propagande ne rencontre pas l'enthousiasme espere. Le decret de mobilisation du
9 octobre 1915 permet de lever 51.000 hommes au Senegal et au Soudan. Les chefs traditionnels, deja
obliges de fournir de la main d'oeuvre pour le travail force, doivent maintenant livrer pour la guerre
108Tronchon page 262
75
76 Octobre
en Europe des hommes dont ils savent qu'ils ne reviendront pas. De nombreux troubles eclatent des la
n 1915 : soulevement des Bambaras de Beledougou au Soudan, troubles violents a Bandiagara, Dori,
Bobo-Dioulasso, San, Djenne. L'armee encercle les villages, s'empare des adultes et les emmene ligotes.
Beaucoup s'in
igent des blessures volontaires ou s'enfuient. Dans le cercle de Dedougou, 130.000 hommes
prennent les armes. Le colonel Molard ecrase ces rebellions avec des mitrailleuses et de l'artillerie. La
rebellion contre les requisitions gagne le Dahomey ou les Baribas puis les Sombas se soulevent. Le colonel
Mourin les ecrase.
Joost Van Vollenhoven, nomme gouverneur general de l'AOF en 1917, se bat desesperement contre le
pouvoir pour emp^echer ses prelevements de chair a canon. < Cet empire africain, disait Van Vollenhoven,
qui est pauvre en hommes est riche en produits, laissez-lui sa miserable population pour le ravitaillement
pendant la guerre et pour l'apres-guerre. > Mais le depute senegalais, Blaise Diagne, franc-macon et non
depourvu d'ambition, apres avoir denonce a l'Assemblee le massacre de ses compatriotes au Chemin des
Dames, est promu par Clemenceau commissaire de la Republique en AOF, et fait une tournee de fevrier
a ao^ut 1918 de Dakar a Bamako pour convaincre ses compatriotes d'aller se battre en France. Il promet
l'attribution automatique de la citoyennete francaise a tout titulaire de la medaille militaire et de la croix
de guerre. Van Vollenhoven demissionne et meurt sur le front.
Sources : Gilbert Comte, L'Empire triomphant, Denoel, page 246-248.
13 octobre 1671 : Repression du marronnage (Martinique)
Le conseil de la Martinique pris un arr^ete en date du 13 octobre 1671, qui permettait aux habitants
de faire couper le jarret a ceux de leurs negres pris en recidive d'evasion. Cette disposition sera reprise
dans le Code Noir.
Sources : Annales de la Martinique ; V. Schoelcher, Des colonies francaises, abolition immediate de
l'esclavage, 1842, reedition C.T.H.S., 1998, page 102.
15 octobre 1960 : Assassinat de Felix Moumie, chef de l'UPC
(Cameroun)
Felix Moumie succede a Ruben Um Nyobe a la t^ete de l'UPC (Union des Populations Camerounaises)
qui lutte contre le regime neocolonial d'Ahmadou Ahidjo mis en place par Jacques Foccart.
Il est empoisonne au thalium par un agent francais du SDECE, se faisant passer pour journaliste,
William Bechtel, a qui il a eu la navete d'accorder un rendez-vous dans un restaurant de Geneve, la
veille de son depart pour l'Afrique. Poursuivi tardivement par la Suisse, Bechtel sera arr^ete a Bruxelles
en 1975, extrade et acquitte en 1980, a la suite des pressions que l'on devine.
Implication de la France : D'apres Pierre Pean, Jacques Foccart aurait dit a propos de ce meurtre
en 1995 : < Je ne crois pas que cela ait ete une erreur >.
Sources : Pierre Pean, L'homme de l'ombre, Fayard, 1990, page 286-287 ; Francois Xavier Verschave,
La Francafrique - Le plus long scandale de la Republique, Stock, page 104 ; Mongo Beti, Le Cameroun
d'Ahidjo, Temps Modernes, novembre 1972, numero 316 (Extrait de Main basse sur le Cameroun Maspero,
saisi) ; Emission "Monsieur X" sur France Inter.
15 octobre 1896 : Execution sur ordre de Gallieni du ministre
Rainandriamampandry (Madagascar)
Madagascar au 19e siecle est constitue de petits royaumes dont le plus important est l'Imerina. La
penetration europeenne se fait par l'intermediaire de missionnaires protestants d'origine britannique.
En 1869, la reine Ranavalona se convertit au christianisme. La France, sous la pression de son lobby
reunionnais, fait la guerre au royaume Merina pour detruire l'hegemonie britannique. Elle impose un
protectorat en 1885 avec des conditions nancieres ruineuses pour l'economie du royaume. En 1890,
elle fait reconna^tre ses droits sur Madagascar par la Grande Bretagne. A la suite de l'e ondrement
Octobre 77
economique, des agressions contre des Europeens fournissent le pretexte a une nouvelle intervention
militaire francaise qui se termine par la prise d'Antananarivo, le 30 septembre 1895.
Le Petit Journal du 9 decembre 1894 justi e ainsi l'intervantion : < Nous allons prochainement entrer
en campagne contre Madagascar, et le monde entier nous rend cette justice que nous ne sommes pas les
agresseurs, que nous n'avons ete guides ni par l'esprit de conqu^ete, ni par un desir de lucre ; mais notre
dignite nous defend de supporter les insultes des sauvages de la-bas. Que dirait-on de la France si sa main
ferme ne lui servait a venger de pareilles injures ? >
Un gouvernement avec Rainandriamampandry, un intellectuel protestant, comme ministre de
l'Interieur, est nomme par la France. Cette conqu^ete suscite un mouvement de retour aux valeurs et
a la religion traditionnelles qui debouche sur l'insurrection dite des Menalamba ou les chretiens et les
Europeens sont les premieres victimes. Les membres du gouvernement Merina sont vus comme des collaborateurs
de l'occupant. Gallieni, nomme gouverneur civil et militaire le 27 septembre 1896, veut, pour
impressionner, faire un exemple en condamnant des responsables. De maniere completement arbitraire
apres un semblant de proces, Rainandriamampandry est fusille en public. Alors qu'il n'etait pour rien
dans le soulevement, une accusation de complot est forgee de toute piece contre lui. Le Petit Journal
du 22 novembre 1896 ecrit : < Comme il fallait une lecon aux revoltes, on s'est empare de deux grands
personnages qui avaient pactise avec eux, ce sont le prince Ratsimamanga et le ministre de l'interieur Rainandriamampandry
; tous deux ont ete juges, condamnes et fusilles, le tout avec une rapidite qui inspirera
des re
exions salutaires a leurs complices. >
La repression est feroce. La France se coupe de l'elite Merina, et abolit la royaute. L'anarchie ne fait
que s'etendre. Un regime d'oppression s'abattit sur Madagascar.
Sources : Stephen Ellis, L'insurrection des menalamba, Karthala, 1998, page 157 ; Janine Harovelo,
La SFIO et Madagascar - 1947, l'Harmattan, 1995, page 115.
15 octobre 1987 : Assassinat du president Thomas Sankara (Burkina
Faso)
Le 15 octobre 1987, a 16 heures, un commando forme par les hommes de Blaise Compaore assassine,
au Conseil de l'Entente, Thomas Sankara, ainsi que nombre de ses collaborateurs et gardes du corps.
Sankara avait pris le pouvoir par un coup d'Etat le 4 ao^ut 1983, avec l'aide du m^eme Blaise Compaore.
Il s'etait lance dans une campagne contre la corruption, campagne symbolisee par le changement du nom
du pays de Haute Volta en Burkina Faso ou < patrie des hommes integres > . Les proces pour corruption
etaient di uses a la radio. Il voulut imposer aux fonctionnaires de participer a des chantiers, creer un
nouveau mouvement politique, les CDR (Comites de Defense de la Revolution), imposer la consommation
des produits locaux. Mais il s'est cantonne dans une phraseologie revolutionnaire peu comprise par la
population et s'est heurte aux partis et aux syndicats. Il met en alerte Paris par ses liens etroits avec le
colonel Kadha et par la decision du Burkina, en 1986, de parrainer une resolution de l'ONU en faveur de
l'independance de la Nouvelle-Caledonie. Jacques Chirac, premier ministre, ecrit alors a Michel Aurillac,
ministre de la Cooperation : < Trop c'est trop. Il convient d'en tirer les consequences et d'aller au-dela de
ce que nous avions envisage pour ce qui concerne la reduction de l'aide a ce pays pour 1987. >109. Paris
conditionne l'octroi d'un pr^et a la signature d'un accord avec le FMI110.
Blaise Compaore, son meilleur ami, le fait assassiner et a prend le pouvoir. Il dit avoir mis n au
< regime autocratique > de Sankara qui, selon lui, voulait l'arr^eter. Le president Compaore serait lie par
sa femme, niece de Houphouet-Boigny, aux milieux d'a aires ivoiriens111.
Implication de la France : Les rapports avec la France etaient pour le moins diciles. L'implication
de Houphouet-Boigny est probable. Le Togolais Eyadema est le premier president a reconna^tre le regime
de Blaise Compaore112. La cooperation de la France avec le nouveau regime, n'est pas remise en question,
alors que le Parlement europeen suspend toute aide, puis s'intensi e quelques mois apres. Le nouveau
president envoie tres vite des signaux a la France : ainsi, le Burkina s'abstient lors d'un vote a l'ONU
109Canard Encha^ne oct-nov 1987, qui souligne l'hypocrisie des regrets de Chirac pour la mort de Sankara
110Claire Brisset Une nouvelle forme de mobilisation sociale au Burkina-Faso Monde Diplomatique mai 1987
111Jose-Alain Fralon Le Monde 27/10/87
112Liberation 31/10/87
78 Octobre
sur la Nouvelle-Caledonie113. La France a au moins souhaite l'eviction de Sankara. Elle a sans doute fait
plus par amis interposes.
Sources : Francois Xavier Verschave, La Francafrique - Le plus long scandale de la Republique, Stock
page 173.
16 octobre 1945 : Repression de Conakry (Guinee)
Les 16 et 17 octobre 1945, a la veille des elections, des manifestations sont organisees contre des
pratiques frauduleuses constatees dans la preparation du vote. La repression fait cinq morts. On n'a plus
guere de doute sur les interventions constantes de l'administration coloniale dans les elections. Le depute
socialiste Yacine Diallo a bene cie jusqu'a sa mort du soutien de cette administration. Jusqu'en 1956, il
y a eu de vives contestations concernant la regularite des operations electorales, et d'autres morts ...
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, page 79.
17 octobre 1961 : Massacre des algeriens par la police parisienne
sous les ordres de Papon (Algerie)
Le soir du 17 octobre 1961 le FLN organise dans Paris une manifestation pour protester contre le
couvre-feu impose aux Algeriens dans la capitale. Environ 30 000 Algeriens convergent des banlieues vers
le centre. Le rassemblement est paci que. Par contre beaucoup de policiers sont < chau es a blanc > par
la mort de collegues tombes sous les balles du FLN. Un bon nombre viennent d'Algerie et ont fait usage
de certaines methodes. Leur chef, Maurice Papon, prefet de police, s'est egalement illustre en Algerie, en
1956, entre autres, comme prefet de Constantine.
La police a pretendu que des coups de feu avaient ete tires contre elle. En fait les Algeriens sont
totalement non violents. Ils sont cueillis au facies des leur sortie des bouches de metro114. Coups de
crosse, usage des armes, le sang coule en plein Paris, des corps sont jetes dans la Seine. La hierarchie
policiere laisse faire, le gouvernement et Charles de Gaulle a l'Elysee egalement. 11 538 Algeriens, selon
la prefecture de police sont < interpelles >, rassembles dans la cour de la Prefecture de Police, puis
incarceres au Palais des sports, au stade de Coubertin et a Vincennes. Le bilan ociel fait etat de trois
morts. L'a aire est enterree. L'atmosphere en France est telle que les Algeriens se taisent, les blesses ne
vont pas se faire soigner dans les h^opitaux.
Un livre ecrit par Jean-Luc Einaudi, les photos d'Elie Kagan et un lm viennent contredire la these
ocielle. L'a aire refait surface lors du proces Papon en 1998 ou il lui est reproche en tant que secretaire
general de la Prefecture de Bordeaux sous l'Occupation d'avoir fait arr^eter des juifs et de les avoir fait
acheminer vers des camps ou ils furent livres aux nazis puis extermines.
A
la suite d'une tribune de Jean-Luc Einaudi dans le Monde, Maurice Papon, condamne pour crime
contre l'humanite commis a l'encontre de juifs sous l'occupation allemande, mais laisse libre, lui intente un
proces en fevrier 1999 pour < complicite de di amation envers un fonctionnaire public. > Dans cet article,
Einaudi deplore l'impossible acces aux archives, en depit des promesses de la ministre de la Culture. Il
denonce la disparition de certaines archives ou leur destruction comme celles de la brigade
uviale (on
rep^echa de nombreux corps dans la Seine) et conteste les conclusions du rapport Mandelkern demande
par le ministre de l'Interieur, Jean-Pierre Chevenement, qui etablit le nombre de victimes a < plusieurs
dizaines ce qui est considerable mais tres inferieur aux quelques centaines de victimes dont il a parfois
ete question >. Pour Einaudi, il y aurait eu entre 200 et 300 morts. Il rappelle le temoignage de Jacques
Derogy < les forces de police ont ouvert le feu sur les Grands Boulevards > et arme que nombre de
cadavres n'ont pas ete amenes a l'Institut Medico-Legal, base des comptages du rapport Mandelkern.
< J'en prends pour seul exemple les cadavres de ces Algeriens morts dans l'enceinte du Palais des sports
place sous la garde de la gendarmerie mobile. > Ce rapport omet certains faits, poursuit-il < par exemple
ce qui s'est produit dans la cour de la Prefecture de police dans la nuit du 17 au 18 octobre 1961. Selon
plusieurs sources policieres de l'epoque, plusieurs dizaine d'algeriens, une cinquantaine, y ont ete tues. >
113Le Monde 4/11/87
114temoignage de Amar K. Le Monde 5 fevrier 1999 page 8
Octobre 79
Au cours du proces intente par Papon plusieurs temoignages sont entendus : < A l'interieur [du Palais
des sports], j'ai personnellement vu au moins deux hommes mourir des suites des tabassages dont ils ont
ete victimes >115. Le lendemain, le 18, < pres du pont des Tournelles, des policiers s'en sont pris a moi,
ils m'ont frappe, je suis tombe a terre et deux policiers m'ont balance a la Seine. >116. < Pour se proteger
de la charge de la police, un manifestant est passe de l'autre c^ote de la rambarde du pont [...] Un garde
mobile lui a donne de violents coups de crosse jusqu'a ce qu'il l^ache prise et tombe a l'eau. >117. Au Palais
des sports < un Algerien a voulu aller aux toilettes. J'ai entendu en un eclair une rafale de mitraillette
et j'ai vu les impacts sur les murs. [...] A l'interieur [d'une sorte de placards a balais], j'ai compte neuf
cadavres. Le lendemain au parc des expositions, j'ai vu des hommes qui avaient recu des coups sur la
t^ete et avaient les quatre membres brises. >118. Dans son requisitoire, le procureur reconna^t qu'il y a eu
massacre mais reclame une peine de principe contre Einaudi pour < manque de circonspection > , < on
ne peut pas dire, conclut-il, que les forces de l'ordre ont agi sous ses ordres [de Papon] >
Dans son jugement rendu le 26 mars 1999, le tribunal reconna^t que < la version ocielle des
evenements de 1961 a ete inspiree largement par la raison d'  Etat [...] et que l'extr^eme durete de la
repression d'alors doit appeler, de nos jours, des analyses di erentes, qui n'excluent pas l'emploi du mot
"massacre".[...] Cette violence n'etait pas justi ee par le comportement des militants ce soir-la.[...] Elle
s'est exercee non seulement "a chaud" lors de la manifestation elle-m^eme, mais egalement "a froid" dans
les centres d'internement h^ativement constitues pour accueillir les personnes arr^etees. >. Il releve que
< l'ensemble des temoignages > cites par Einaudi < n'est pas refute > et lui reconna^t < le bene ce de la
bonne foi. >
Des descendants des victimes du 17 octobre 1961 ont depose plainte pour crime contre l'humanite
le 5 janvier 1998. Le juge Valat refuse d'instruire en s'appuyant sur l'arr^et "Boudarel" de la cour de
Cassation, rappelant que < le principe de l'imprescribilite des crimes contre l'humanite ne s'appliquait
qu'aux agissements pour le compte des pays europeens de l'Axe pendant la deuxieme guerre mondiale. >
Appel a ete fait119.
Sources : Jean-Luc Einaudi, La bataille de Paris, Seuil, 1991 ; Jacques Panijel Une journee portee
disparue, lm ; Octobre a Paris, lm , 1962 ; Jean-Luc Einaudi Octobre 1961 : pour la verite en n, Le
Monde 20 mai 1998 ; Le Monde 5, 6, 7, 13, 14 fevrier, 28 mars 1999.
21 octobre 1926 : Massacre de Bodembere (Oubangui-Chari)
Le chef Samba N'Goto vient une nuit raconter ceci a Andre Gide :
< Le 21 octobre dernier [1926] le sergent Yemba fut envoye par l'administrateur de Boda, [nomme
Pacha], a Bodembere pour exercer des sanctions contre les habitants de ce village qui avaient refuse
d'obtemperer a l'ordre de demenager leurs g^tes sur la route de Carnot, [Centrafrique actuelle)] desireux
de n'abandonner point leurs cultures. Ils arguaient, en outre, que les gens etablis sur la route de Carnot
ce sont des Bayas, tandis qu'eux sont des Bo s.
Le sergent Yemba quitta donc Boda avec trois gardes [...]. Ce petit detachement etait accompagne
de Boue, capita, et deux hommes commandes par ce dernier. En cours de route, le sergent Yemba
requisitionna deux ou trois hommes dans chaque village traverse, et les emmena apres les avoir encha^nes.
Arrives a Bodembere, les sanctions commencerent : on attacha douze hommes a des arbres, tandis que
le chef du village, un nomme Cobele, prenait la fuite. Le sergent Yemba et le garde Bonjo tirerent sur
les douze hommes ligotes et les tuerent. Il y eut ensuite grand massacre de femmes, que Yemba frappait
avec une machette. Puis, s'etant empare de cinq enfants en bas ^age, il enferma ceux-ci dans une case a
laquelle il t mettre le feu. Il y eut en tout, nous dit Samba N'goto, trente-deux victimes. >
Apres son temoignage, Samba N'goto, de retour a Boda, est jete en prison avec des membres de sa
famille par Pacha, qui part en tournee avec le ci-devant Yemba. Andre Gide transmet ce temoignage
par lettre au Gouverneur qui ordonne une enqu^ete administrative con ee a M. Marchessou qui con rma
115Hachemi Cherabil
116Ahcene Boulanouar
117Daniel Mermet, journaliste
118Gerard Grange, in rmier, service de sante des armees
119Le Monde 13 fevrier 1999
80 Octobre
les faits. Le proces de Pacha aurait eu lieu120. Gide relate son voyage dans Le Populaire de Leon Blum.
Le directeur de la Compagnie forestiere Sangha-Oubangui repond au journal. Il y ecrit que < ce Samba
N'goto est un anthropophage avere, commercant en esclaves, pillard et voleur >121 et que pour les faits
ci-dessus, il s'agit la d'une querelle de negres122.
Sources : Andre Gide, Voyage au Congo, Gallimard, 1927, Idees n 443, page 93.
25 octobre 1961 : Chant du deshonneur (Algerie)
Benoist Rey, soldat appele, in rmier dans un commando de chasse dans la region de Djidjelli (Nord
Constantinois) ecrit ceci :
Je n'oublierai jamais l'ecartelement algerien, aux
quatre vents de l'agonie.
Ni les enfants, dans les ruines, cherchant qui pleurer.
Ni les hommes, fusilles a l'aube, egorges la nuit, entre les murs de la honte.
Ni les femmes violentees.
Ni le hideux sourire du suborneur, mon camarade.
Je n'oublierai jamais les incendies dans la montagne,
les agneaux eventres, au hasard de la cruaute,
Ni les pistes de haine, les corteges de douleur.
Ni le regard faux des chefs, ordonnateurs de massacres,
Ni leur rire devant la torture, la bastonnade, la mutilation.
Depassant l'arbitraire et l'absurde, je n'oublierai jamais
ce que fut notre guerre,
la guerre de nos vingt ans.
Faire la guerre,
c'est ^etre moins qu'un homme et bien plus qu'un salaud.
Commentaires : Le jour du mois, le 25 est arbitraire.
Sources : Verite Liberte n 12, octobre 1961 ; reproduit dans Benoist Rey Les egorgeurs, Editions
Los Solidarios, Le Monde Libertaire, 145 rue Amelot, 75011 Paris, 1999, p. 105.
26 octobre 1956 : La paix des Nementchas : Les blesses sont
egorges au couteau de cuisine (Algerie)
Robert Bonnaud, historien, appele en Algerie, participe le 25 octobre a une operation contre des
fellaghas au djebel Bou-Kammech, massif des Nementchas au sud de Cheria (Sud Ouest de Tebessa).
L'aviation bombarde les rebelles. Le lendemain l'ordre est donne d'entreprendre le < nettoyage >.
< Les blesses qui n'avaient pu fuir etaient souvent atteints aux jambes, recuperables donc, malgre les
pertes de sang et le froid nocturne qui bleuissait leurs chairs. Ils furent massacres, dans des conditions
odieuses qui depassent une imagination normale mais non la realite algerienne.
Les cadres europeens du G.M.P.R. (Groupe Mobile de Protection rurale), qui dirigeaient le nettoyage,
se distinguerent particulierement. Ils s'acharnerent a coups de pieds sur les blessures, et le malheureux
su oquait de douleur. Ils plaisantaient abominablement pendant la prise de photographie (< Allons, fais-toi
beau, souris au petit oiseau, fais-nous plaisir... >, redoublaient de brutalite sous pretexte d'interrogatoire.
Finalement, sortant le couteau de cuisine, ils l'aiguisaient longuement sur le roc, aux yeux du condamne.
L'execution etait maladroite et lente, charcutait le cou et evitait la carotide. Mais les mots historiques,
prudhommesques, ne manquaient pas apres l'egorgement (< Encore un qui est mort comme il a vecu... >.
Comble de precaution, une balle de Mas 36, a bout portant, ecrabouillait le visage, le transformait en une
chose immonde, qui n'a pas de nom dans le langage de l'horreur...[...]
120page 100, 466
121page 460
122p. 466
Octobre 81
Ils tuerent donc les blesses, y compris l'un d'entre eux assez valide pour porter sur son dos, pendant
les heures que dura le nettoyage, le poste 300 de la Compagnie. >
Sources :
Robert Bonnaud, La paix des Nementchas, Esprit avril 1957, Itineraire, Minuit, 1962 ; Esprit, Ecrire
contre la guerre d'Algerie, Hachette, Pluriel, 2002, p. 199, 204, 205 ; Pierre Vidal-Naquet, Les crimes de
l'armee francaise, La Decouverte, 2001, p. 56-62.
29 octobre 1965 : Enlevement de Ben Barka a Paris par deux
policiers francais (Maroc)
Vendredi 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka, militant nationaliste marocain depuis l'epoque du Protectorat,
dirigeant de l'Union Nationale des Forces populaires (UNFP), principal parti d'opposition, et
coordinateur de la Conference Tricontinentale qui devait se tenir a Cuba, est enleve en plein Paris devant
le drugstore St Germain. On ne le reverra plus. Son corps ne sera jamais retrouve.
Reconstitution des evenements :
{ Dans le but de realiser un lm sur la decolonisation, Georges Figon (recemment sorti de prison,
frequentant tout autant le milieu que des cercles intellectuels) et le journaliste Philippe Bernier
rencontrent Mehdi Ben Barka au Caire et a Geneve les 3 et 20 septembre 1965. Antoine Lopez, chef
d'escale a Orly, les deplacements. Une tentative d'enlevement aurait pu avoir lieu a ces occasions.
{ Ben Barka a rendez-vous a la brasserie Lipp boulevard St Germain a c^ote du drugstore le 29 octobre
avec Bernier, le cineaste Georges Franju et Georges Figon pour ce lm.
{ Le 28 le marocain < Chtouki > voit Lopez a Orly, lui demande de faire arr^eter Ben Barka. Lopez
propose de recourir au policier Souchon qu'il contacte.
{ Ben Barka, le 29, va au rendez-vous en compagnie de El Azemouri, un etudiant marocain.
{ Il est attendu par les policiers francais Souchon - qui dit avoir recu con rmation de sa mission par
sa hierarchie le matin m^eme - et Voitot. Lopez, qui se trouve a proximite, signale Ben Barka a
Souchon qui l'interpelle et le fait monter dans sa voiture. Sont egalement la Figon et peut-^etre un
policier des RG.
{ Dans la voiture se trouve Le Ny, Lopez monte egalement. Ils se rendent chez Georges Boucheseiche
a Fontenay-le-Vicomte.
{ l'etudiant El Azemouri s'enfuit, ne porte pas plainte, mais avertit vers 1 heure du matin un responsable
de l'UNFP aupres des etudiants marocains.
{ A Fontenay, Souchon, Voitot et Lopez remettent Ben Barka a Boucheseiche et repartent sur Paris.
Boucheseiche et Dubail disent a Ben Barka qu'il va rencontrer le < patron >. Figon les rejoint.
{ Mohammed Oufkir et Ahmed Dlimi sont prevenus au Maroc par Lopez et par les comparses chez
Boucheseiche.
{ Samedi 30 octobre, Dlimi et Oufkir arrivent successivement a Orly et se font conduire chez Boucheseiche
a Fontenay-le-Vicomte. Dlimi dit qu'il faut liquider Ben Barka. Le Ny, Dubail, Boucheseiche,
Palisse rouent alors Ben Barka de coups de poings. Arrive Oufkir qui commence < a lui picoter la
gorge avec un poignard >.
{ pour "mouiller" Lopez ils transportent Ben Barka inanime chez Lopez et le ligotent dans la cave.
{ Lopez rentre chez lui < remarque > durant la nuit des allees et venues de voitures marocaines. Il
reconduit Oufkir et Dlimi le dimanche a 5h a Orly.
Sources : Jacques Derogy, Frederic Ploquin, Ils ont tue Ben Barka, Fayard, 1999 ; Robert Arnaud,
France-Inter, L'a aire Ben Barka, dimanche 25 octobre 2000 ; Gilles Perrault, Notre ami le Roi, Gallimard,
1990.
82 Octobre
Novembre
2 novembre 1965 : Enqu^ete sur la disparition de Ben Barka ou
l'appareil d'Etat francais est complice (Maroc)
L'etudiant marocain qui accompagnait Ben Barka au moment de son enlevement le 29 octobre 1965
a Paris, ne depose pas plainte. Declenchee samedi 30 par des journalistes et Abdelkader, le frere de
Ben Barka, l'enqu^ete policiere a des elements pour avancer rapidement mais ne se presse pas. D'ailleurs
c'est le week-end de la Toussaint. La presse signale que Oufkir, ministre de l'Interieur marocain, est de
passage a Paris le samedi 30. Elle sera souvent plus rapide et mieux informee que le juge Louis Zollinger,
charge de l'enqu^ete. Neanmoins, celle-ci menee par le commissaire Maurice Bouvier, a partir de mardi 2
novembre, fait appara^tre que Ben Barka a ete arr^ete par deux policiers Souchon et Voitot appartenant a
la brigade mondaine et qu'ils ont opere a la demande de Lopez, chef d'escale a Orly, egalement honorable
correspondant du SDECE et, leur semble-t-il, avec l'accord de leur hierarchie. Les maisons de Georges
Boucheseiche, un truand habitant a Fontenay, et de Lopez, a proximite, sont surveillees mardi 2 novembre,
les environs inspectes par helicopteres, a la recherche de Ben Barka. Les soupcons se tournent vers les
Marocains a qui les protagonistes ont remis Ben Barka dans l'idee, pretendent-ils, qu'il s'agissait d'une
rencontre dans la perspective du retour de Ben Barka au Maroc.
Cela ne perturbe en rien un cocktail reunissant Le 3 novembre place Beauvau, le general Oufkir,
ministre de l'Interieur marocain, Roger Frey, son homologue francais et Maurice Papon, prefet de police,
suivi d'une reception ocielle a l'ambassade du Maroc.
A la n de l'interrogatoire de Lopez, dans la nuit du 3 au 4, Roger Frey et Georges Pompidou avertis,
decident de ne pas retenir Oufkir et Dlimi qui s'envolent le 4 vers le Maroc. Le 5, Hassan II refuse a
l'ambassadeur de France la mise a l'ecart d'Oufkir. Le m^eme jour, Lopez est ecroue, Souchon et Voitot le
seront le 13 seulement. Le 8, un mandat d'extradition est lance contre Georges Boucheseiche qui a fui au
Maroc comme les autres protagonistes de l'enlevement. Philippe Bernier, le journaliste qui avait rendezvous
avec Ben Barka le 29 octobre pour discuter de la realisation d'un lm, est inculpe le 29 novembre.
Cependant, le commanditaire de ce lm, Georges Figon, un repris de justice, n'est quant a lui aucunement
inquiete, alors que la presse s'etend sur son implication dans l'enlevement. Des journalistes de Minute et
de Paris Match le rencontrent, tandis que la police peine a le retrouver. Le 10 janvier, l'Express publie
< J'ai vu tuer Ben Barka >, une confession de Georges Figon. C'est un < coup de telephone anonyme >
le 17 qui donne a la police l'adresse de Figon. D'importantes forces de police cernent son domicile. Il est
trouve mort. < Figon s'est donne la mort sans l'aide d'un tiers > conclura le juge charge de l'enqu^ete, le
parquet ayant pris soin de la con er a un autre que le juge Zollinger.
Deux policiers etant inculpes, le juge Zollinger ne peut plus recourir, d'apres la loi, aux services de
la police. Ceci va paralyser l'enqu^ete. Un mandat d'arr^et est lance le 20 janvier contre Oufkir et Dlimi.
Marcel Le Roy-Finville, superieur de Lopez au SDECE est inculpe.
Le proces en assises s'ouvre en septembre 1966. Il est interrompu le 19 par l'arrivee de Dlimi qui se
constitue prisonnier. Le proces s'ouvrira nalement le 5 juin 1967. Le tribunal condamne a la reclusion a
perpetuite Georges Boucheseiche, Jean Palisse, Julien Le Ny, Pierre Dubail ; Ahmed Dlimi, Ghali El-Mahi,
Roger Voitot, Marcel Le Roy-Finville, Philippe Bernier sont acquittes. Antoine Lopez et Louis Souchon
sont condamnes a 6 ans de reclusion criminelle, a 6. Mohammed Oufkir est condamne a perpetuite par
contumace. Un verdict qui arrange tout le monde.
En 1975, Bachir, ls de Mehdi Ben Barka, depose une nouvelle plainte. Le juge Pinsseau entend
83
84 Novembre
l'avocat Pierre Lemarchand auteur presume d'un papier trouve sur Figon. Lemarchand n'est pas inculpe.
En 1982, le juge obtient du gouvernement socialiste de consulter des documents du SDECE concernant
Ben Barka. Il n'aura guere le temps de les lire. Ils ne sont pas declassi es, sauf deux, sans doute arranges,
qui chargent uniquement Lopez et Leroy-Finville.
L'instruction est toujours en cours. Beaucoup d'acteurs et de temoins ont disparu :
Oufkir < s'est suicide > le 16 ao^ut 1972, a la suite de l'attaque de l'avion de Hassan II, Dlimi meurt
< dans un accident > en 1983 ; El Azemouri decede en 1970 ; Le Ny, Dubail, Boucheseiche en residence
surveillee au Maroc sont elimines apres la mort d'Oufkir. Palisse decede en 1979.
Bachir Ben Barka, sa famille et leur amis se reunissent chaque annee, le 29 octobre, devant la Brasserie
< Lipp > a 13 heures.
Implication de la France : L'Etat francais est pour le moins complice. La police est impliquee par
Souchon et Voitot, le SDECE par Antoine Lopez et Leroy-Finville. Ces hommes n'ont probablement pas
agi de leur propre initiative. Les Renseignements Generaux (RG) sont intervenus pour freiner l'enqu^ete
et peut-^etre pour faciliter l'elimination d'un acteur et temoin g^enant, Figon. Le commissaire Caille, chef
de la 2eme section des RG para^t couvrir Figon et semble tres bien renseigne sur l'a aire. Les reseaux
anti-OAS, les barbouzes de l'avocat gaulliste Pierre Lemarchand, depute de l'Yonne, sont intervenus, ils
ont implique la bande de truands de Jo Attia (Boucheseiche, Le Ny, Palisse) qu'ils avaient utilises pour
les basses oeuvres du regime gaulliste, en particulier l'enlevement de l'ex-colonel Argoud, le 25 fevrier
1963 a Munich. Lemarchand aurait active Figon dont il etait l'avocat mais n'est pas inquiete. Le ministre
de l'Interieur Roger Frey { qui passe une semaine de vacances au Maroc en septembre 1965 dans la
propriete d'Oufkir, un mois donc avant le crime123 {, le prefet de police Maurice Papon, le commissaire
Caille chargent les lampistes Lopez, Souchon, Voitot et Leroy-Finville. Jacques Foccart a l'Elysee < est
au parfum > mais ce n'est que Souchon qui le dit.
Les services marocains, responsables directs de la mort de Ben Barka, ont bene cie de toutes ces
aides. Certains veulent voir aussi la main du Mossad qui avait de bons rapports avec Oufkir. Sans avoir
de preuve, cette disparition sert les inter^ets des Etats-Unis et certains voient la CIA derriere toute cette
mise en scene complexe. Le dossier de la CIA sur cette a aire n'est pas declassi e. Rapellons qu'au
cours des annees soixante, en pleine guerre du Vietnam, beaucoup de leaders ou dirigeants, achant une
politique de non-alignement vis-a-vis des deux blocs sont elimines, Moumie (Cameroun, 1960), Lumumba
(Congo ex-belge, 1961), Olympio (Togo, 1963), Caamano (Saint-Domingue, 1965), Ben Bella (Algerie,
1965), Soekarno (Indonesie, 1968).
Il a egalement ete dit que la CIA voulait porter un coup au general De Gaulle avant l'election
presidentielle du 5 decembre (ou Mitterrand le mettra en ballottage).
Sources : Jacques Derogy, Frederic Ploquin, Ils ont tue Ben Barka, Fayard, 1999 ; Robert Arnaud,
France-Inter, L'a aire Ben Barka, dimanche 25 octobre 2000 ; Gilles Perrault, Notre ami le Roi, Gallimard,
1990.
7 novembre 1805 : Le Code Civil : < La distinction des couleurs
est indispensable. > (Colonies)
L'arr^ete du 16 brumaire an XIV (7 novembre 1805) ou Napoleon Ier promulgue le Code Civil aux
colonies dit en son article 3 : < Les Lois du Code Civil relatives au mariage, a l'adoption, a la reconnaissance
des enfans (sic) naturels, aux droits des enfans dans la succession de leurs pere et mere, aux
liberalites faites par testament ou donations, aux tutelles ocieuses ou datives, ne seront executees dans
la colonie que des blancs aux blancs entre eux, et des a ranchis ou des descendants d'a ranchis entre
eux, sans que par aucune voie directe ou indirecte aucune des dites dispositions puisse avoir lieu d'une
classe a l'autre. > Schoelcher indique en note que le considerant de cet article est digne de la decision :
< Considerant que de tout temps on a connu dans les colonies la distinction des couleurs, qu'elle est
indispensable dans les pays d'esclaves, et qu'il est necessaire d'y maintenir la ligne de demarcation qui a
toujours existe entre la classe blanche et celle de leurs a ranchis ou de leurs descendans, etc. >
Commentaires : On notera qu'il s'agit d'une ligne de demarcation entre blancs et a ranchis, les
esclaves, etant des biens meubles d'apres le Code Noir, remis en vigueur, n'ont aucun droit.
123Derogy p 60
Novembre 85
Sources : Victor Schoelcher, Des colonies francaises, abolition immediate de l'esclavage, 1842, reedite
par C.T.H.S., 1998,page 189.
18 novembre 1892 : Le colonel Dodds pille et incendie Abomey
(Dahomey)
Le royaume d'Abomey est tres organise et dispose d'une armee puissante. Les Francais pretendent
avoir obtenu la cession de Cotonou puis s'installent a Porto-Novo en 1882. Le roi Behanzin remet en cause
cette presence francaise. En reponse, la marine francaise bombarde Cotonou. Behanzin devra s'incliner.
Mais le ministre Etienne a Paris veut la guerre. Behanzin est en con
it avec ses voisins. La canonniere
Topaze qui remonte le
euve Oueme en mars 1892 avec a son bord le gouverneur francais Victor Ballot
essuie le feu des Dahomeens. Le pretexte est trouve.
Jean Suret-Canale ecrit : < Avec 3 000 hommes, la colonne Dodds [...] est chargee d'experimenter
le materiel militaire le plus moderne, balles explosives et obus a la melinite. La marche sur Abomey
sera extraordinairement dure ; en vain, Behanzin multiplie les o res de paix ; au fur et a mesure qu'il
accepte les exigences de Dodds, ce dernier en pose de nouvelles. Ainsi Behanzin laisse, en gage de bonne
volonte, la colonne Dodds entrer a Cana et envoie m^eme des boeufs pour son ravitaillement : quand il a
accepte les conditions francaises, y compris l'occupation d'Abomey, et commence a livrer son materiel de
guerre, Dodds exige subitement la remise des armes et de l'indemnite de 15 millions prevue par l'accord
dans les vingt quatre heures ! Cette nouvelle exigence n'ayant pu ^etre satisfaite { et pour cause ! { Dodds
declare aussit^ot l'accord rompu et reprend l'attaque contre son adversaire partiellement desarme. En n,
Abomey, evacuee par Behanzin est livree aux
ammes et occupee. La colonne Dodds met au pillage palais
et tombeaux. Dodds proclame la decheance de Behanzin. >
Behanzin tiendra encore deux ans dans la brousse. Trahi par son frere, il se livrera et sera exile a la
Martinique, puis en Algerie.
Sources : Jean Suret-Canale, Afrique Noire, Occidentale et Centrale, Editions sociales, 1968, p. 288 ;
Gilbert Comte, L'empire triomphant, Denoel, 1988, p. 98-103.
18 novembre 1801 : Bonaparte entreprend d'aneantir a Saint-
Domingue le gouvernement des Noirs (Hati)
Toussaint Louverture, general en chef de l'armee de Saint-Domingue, envoie en France pour approbation
une Constitution qui stipule en son article III < Il ne peut exister d'esclavage sur ce territoire ;
la servitude y est a jamais abolie. Tous les hommes y naissent, vivent et meurent libres et francais >.
Napoleon Bonaparte repond a cet < esclave revolte > par une lettre du 27 Brumaire an X, annoncant
l'expedition de reconqu^ete de la partie francaise de Saint-Domingue.
Dans cette lettre a Toussaint Louverture, il joue tout autant de la menace, de la
atterie et du
mensonge.
De la menace : < Nous y envoyons [a St Domingue] le citoyen Leclerc, notre beau-frere, en qualite
de capitaine general, comme premier magistrat de la colonie. Il est accompagne de forces respectables
[54 navires, 23.000 hommes] pour faire respecter la souverainete du peuple francais... Nous nous plaisons
a esperer que vous allez nous prouver, et a la France entiere, la sincerite des sentiments que vous avez
constamment exprimes dans les di erentes lettres que vous nous avez ecrites.[...] La constitution que vous
avez faites, en reunissant beaucoup de bonnes choses, en contient qui sont contraires a la dignite et a la
souverainete du peuple francais, dont Saint-Domingue n'est qu'une portion.[...] Une conduite contraire
serait inconciliable avec l'idee que nous avons concue de vous. Elle vous ferait perdre les droits nombreux
a la reconnaissance et aux bienfaits de la Republique, et creuserait sous vos pas un precipice qui, en vous
engloutissant, pourrait contribuer au malheur de ces braves noirs dont nous aimons le courage ; et dont
nous nous verrions avec peine obliges de punir la rebellion. >124
De la
atterie :
124Cesaire p. 288
86 Novembre
< Nous avons concu pour vous de l'estime, et nous nous plaisons a reconna^tre et a proclamer les
grands services que vous avez rendu au peuple francais. Si son pavillon
otte sur Saint-Domingue, c'est
a vous et aux braves noirs qu'il le doit. >
Du mensonge :
< Que pourriez-vous desirer ? La liberte des noirs ? Vous savez que dans tous les pays ou nous avons
ete, nous l'avons donnee aux peuples qui ne l'avaient pas. > 125
Une autre lettre du Premier Consul, en date du 8 novembre 1801, adressee, elle, aux habitants de
Saint-Domingue declare : < Quelles que soit votre origine et votre couleur, vous ^etes francais, vous ^etes
tous egaux devant Dieu et devant la Republique.[...] Si on vous dit : "Ces forces sont destinees a vous
ravir votre liberte." Repondez : "La Republique ne sou rira pas qu'elle nous soit enlevee." >
Dans le m^eme temps, Bonaparte fait savoir a la Grande-Bretagne, via Talleyrand, que c'est dans son
inter^et a elle qu'il a < pris le parti d'aneantir a Saint-Domingue le gouvernement des noirs. >
Fouche dans ses Memoires dit tout uniment : < On decida qu'apres la conqu^ete, on maintiendrait
l'esclavage, conformement aux lois et reglements anterieurs a 1789, et que la traite des noirs et leur
importation auraient lieu suivant les lois existantes a cette epoque. >
Toussaint n'est pas dupe.
La fourberie de Napoleon est con rmee par le retablissement de l'esclavage, le 20 mai 1802.
Commentaires : Avec Schoelcher qui s'ecrie : < Quel malfaiteur que cet homme >, nous reconnaissons
en ces textes un concentre de la mauvaise foi dont les colonisateurs francais feront preuve plus tard pour
signer des accords avec les chefs locaux les soumettant de fait, eux, leurs peuples et les richesses de leur
pays a la cupidite et a la cruaute des Europeens.
Sources : Victor Schoelcher, Vie de Toussaint Louverture, Ollendorf, 1889, Karthala, 1982, page
316,321 ; Aime Cesaire Toussaint Louverture, la Revolution francaise et le probleme colonial., Presence
africaine, 1981, page 287.
23 novembre 1946 : Bombardement de Haphong : 6000 morts
(Vietnam)
Le 9 mars 1945, les Japonais s'emparent de tous les pouvoirs en Indochine, alors qu'ils avaient,
auparavant, laisse l'amiral Decoux, nomme par le gouvernement de Vichy, maintenir l'ordre. Bao Da,
empereur d'Annam, proclame L'abolition du protectorat francais. Le Vietminh, mouvement nationaliste
d'inspiration communiste, declenche une insurrection en ao^ut 1945. En juillet, il est convenu aux accords
de Potsdam, que les Chinois desarmeront les Japonais au nord du 16eme parallele, les Anglais au sud.
Le 15 ao^ut, de Gaulle nomme l'amiral Thierry d'Argenlieu, haut-commissaire de France en Indochine, et
Leclerc general commandant superieur des troupes. Le dirigeant du Vietminh, H^o Chi-Minh, proclame
l'independance du Vietnam le 2 septembre 1945, en presence du general Leclerc, charge par de Gaulle
de reoccuper l'Indochine. Le Laos et le Cambodge font de m^eme, Bao Da abdique. Le 23 septembre,
le colonel Cedile obtint du general anglais Gracey le rearmement des ex-prisonniers francais et reprend
les b^atiments publics de Sagon aux representants du gouvernement vietnamien. En octobre, les troupes
du general Leclerc debarquent et reoccupent le Sud Annam, le Laos, le Cambodge. Le 6 janvier 1946, le
Vietminh remporte largement les elections dans le territoire contr^ole par le gouvernement vietnamien. De
Gaulle quitte le pouvoir a Paris le 21 janvier. Le 6 mars 1946 a Hano, ou se trouvent toujours des troupes
chinoises, Sainteny signe au nom de la France avec H^o Chi-Minh, qui contrairement a d'autres nationalistes
reste ouvert au dialogue, un accord ou celle-ci < reconna^t la Republique du Vietnam comme un  Etat
libre ayant son gouvernement, son parlement, son armee et ses nances faisant partie de la Federation
Indochinoise et de l'Union francaise > et s'engage dans un accord annexe, a retirer ses troupes dans cinq
ans. L'organisation d'un referendum est prevue au Sud. Les troupes francaises debarquent a Haphong
le 8, ou Leclerc rencontre Giap. Il est le 15 a Hano. L'accord est tres critique en France. D'Argenlieu
conteste les dispositions militaires de l'accord annexe. H^o Chi-Minh est invite a venir discuter en France.
Alors que ce dernier est en route pour Paris, d'Argenlieu en accord avec Moutet fait proclamer le 1er
juin, la Republique autonome de Cochinchine, en violation des accords du 6 mars. La conference de
125Cesaire p. 289
Novembre 87
Fontainebleau s'ouvre le 22 juin, entre H^o Chi-Minh et le gouvernement provisoire preside par Georges
Bidault. Le 14 septembre, H^o Chi-Minh signe un accord de < modus vivendi > avant de rentrer.
Le 10 septembre, les Francais reprennent le service des douanes alors que la gestion de ce secteur
devait ^etre negociee. Les Vietnamiens protestent. Leclerc est reparti, d'Argenlieu est a Paris.
A
Haphong, le 20 novembre, les Vietnamiens s'opposent a un contr^ole douanier. H^o Chi-Minh propose
de reunir immediatement la commission mixte des douanes. Mais le general Valluy, remplacant d'Argenlieu,
apres avoir c^able au colonel Debes le 22 : < Suite evenement du 20, estime indispensable pro ter
incident pour ameliorer notre position Haphong > lui donne l'ordre suivant : < Le moment est venu de
donner une dure lecon a ceux qui nous ont tra^treusement attaques. Par tous les moyens a votre disposition
vous devez vous rendre ma^tre completement d'Haphong et amener le Gouvernement et l'armee
vietnamienne a resipiscence. >
Debes attaque le 23 novembre et fait bombarder Haphong par trois navires de guerre. D'apres Paul
Mus (conseiller politique de Leclerc) qui cite une enqu^ete de l'amiral Battet, il y aura 6 000 morts,
essentiellement des civils. C'est le debut de la guerre d'Indochine qui, pour ce qui est de la France, durera
sept ans et demi.
Implication de la France : Il ne fait desormais pas de doute, que ce bombardement fait partie
des provocations francaises visant a mettre un terme a l'independance que le Vietnam etait en train
d'acquerir. C'est le general Valluy qui, sans doute en accord avec d'Argenlieu, a mis le gouvernement
francais devant le fait accompli. Sa directive du 10 avril : < transformer le scenario, qui est celui d'une
simple operation militaire, en un scenario de coup d'  Etat >126 montre que la premeditation etait du c^ote
francais et non du c^ote de Ho Chi-Minh. La France crut, avec le parti colonial des administrateurs et
de leurs amis, qu'il serait possible, comme en 1885, de reinstaller, a la t^ete du Vietnam reconquis, des
fantoches.
Alfred Grosser remarque : < L'occultation de ce que fut la guerre d'Indochine se retrouve dans le
choix de la date ocielle du declenchement de la guerre, que l'on retrouve dans tous les manuels ; le 19
decembre, o ensive des troupes vi^etminh sur Hano, au lieu du 28 novembre, bombardement du port de
Haphong par la marine francaise. >
Imagine-t-on le nombre de vies sauvees si la France avait respecte l'accord du 6 mars 1946 ?
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, pages 97-108 ; Philippe Devillers,
Paris, Sagon, Hano, Archives, Gallimard ; Alfred Grosser et Al., La morale de l'histoire, Autrement,
Oublier nos crimes, n 144, avril 1994, page 221 ; Paul Mus, Temoignage Chretien, 10 fevrier 1950 ;
Einaudi, Jean-Luc, Vietnam ! La guerre d'Indochine 1945-1954, Le Cherche-Midi, 2001.
27 novembre 1954 : < Bient^ot un malheur terri ant s'abattra sur
la t^ete des rebelles. > (Algerie)
Apres les actes d'insurrection survenus le 1er novembre en Algerie, ou les < indigenes > etaient toujours
tenus pour des citoyens de seconde zone, depossedes pour la plupart de leurs terres, sou rant de la famine,
n'accedant qu'exceptionnellement a l'ecole, soumis au mepris des Europeens et a l'arbitraire de bachagas
ou cads instruments du colonisateur, le 5 novembre, Francois Mitterrand, ministre de l'Interieur, parle
de la repression < necessaire et impitoyable des troubles > puis declare le 7 : < L'Algerie c'est la France
et la France ne reconna^tra pas chez elle d'autre autorite que la sienne. > Le MTLD qui n'est responsable
en rien de l'insurrection est dissout le 5 et ses membres sont arr^etes. Mitterrand arme le 20 : < Les trois
departements d'Algerie sont des territoires francais. Le gouvernement francais ne peut pas, ne veut pas
tolerer que les revendications presentees par la population depassent certaines limites telles que l'integrite
et la souverainete nationale. >
Des tracts sont jetes par avion dans les Aures gagnes des le 1er novembre a l'insurrection :
< Appel a la population
Des agitateurs, parmi lesquels des etrangers, ont provoque des troubles sanglants dans notre pays [...]
Musulmans !
Vous ne les suivrez pas et vous rallierez immediatement, et avant le dimanche 21 novembre a 18
heures, les zones de securite avec vos familles et vos biens. L'emplacement de ces zones de securite vous
126Devillers p.179
88 Novembre
sera indique par les troupes francaises stationnees dans votre region et par les autorites administratives
des douars.
Hommes qui vous ^etes engages sans re
echir, si vous n'avez aucun crime a vous reprocher, rejoignez
immediatement les zones avec vos armes et il ne vous sera fait aucun mal.
Bient^ot un malheur terri ant s'abattra sur la t^ete des rebelles.
Apres quoi regnera a nouveau la paix francaise. >
On voit appara^tre dans ce texte des 1954, les notions de < zone interdite > et < zone de regroupement
>.
Malgre ces menaces, la population ne bouge pas.
Le 26 novembre, Mitterrand commence une tournee d'inspection. Ce jour-la, dans les Aures, cinq
bataillons sont engages dans une vaste operation de ratissage. Un millier de personnes du douar Yabous,
parmi lesquelles des femmes, des vieillards, des enfants, sont transferees dans un endroit desert, sans eau
potable, Boussaha.
Arrivant a Batna le 27, Mitterrand declare < Nos soldats sont des paci cateurs > . Ce jour-la, neuf
avions de chasse decollent de l'aeroport de Batna. Pendant ce temps, a la mechta Thagit, du linge seche
sur des piquets ; des gens vont et viennent ; le betail cherche sa nourriture. Tout a coup, les fellahs voient
les chasseurs briller au soleil. Le premier chasseur pique puis ouvre le feu sur une maison. Il y a une rafale.
Puis une deuxieme. Puis tous les avions mitraillent. Les gens se refugient dans les maisons ou les balles
penetrent. Madame Zaaf Essaouba, une femme de soixante ans est tuee. Une jeune lle de seize ans est
atteinte a deux reprises. tout le betail est abattu.
A
T'Kout, apres avoir inspecte un detachement de parachutistes coloniaux et visite la gendarmerie,
le ministre declare :
< L'Aures n'est pas en etat d'insurrection. Il y a dans la montagne quelques centaines de "durs" et
une population consentante, soumise et peureuse. >
A
Batna, la piscine est transformee en lieu de detention. Des camions charges de suspects circulent
dans la ville.
Des villages sont detruits au lance-
ammes. Le 8 decembre, les habitants de la mechta Meradsa sont
avertis qu'ils devront avoir quitte les lieux pour le lendemain. Le 9, avant que le jour soit leve, avant
que les habitants aient pu demenager leurs a aires, la mechta est envahie et les maisons
ambent. Le 31
decembre, les mechtas Boukhrouf et Ti ertassine sont incendiees au lance-
ammes. Les six cents habitants
s'enfuient.
La < paci cation > debute.
Sources : Pierre Vidal-Naquet, La raison d'  Etat, Editions de Minuit, 1962, page 51-52 ; Jean-Luc
Einaudi, Pour l'exemple, l'a aire Fernand Iveton, L'Harmattan, 1986, page 39-41 ; Bernard Droz, Evelyne
Lever, Histoire de la guerre d'Algerie, Seuil, Points Histoire, 1984, page 62-63.
30 novembre 1900 : < Tout porteur leve pour la corvee ne revoit
jamais son village. > (Soudan)
Lors du debat a l'Assemblee du 30 novembre 1900, a propos de l'a aire Voulet-Chanoine, Le Myre de
Vilers, ancien resident a Madagascar declare :
< Vous le voyez, je suis completement d'accord avec M. Vigne d'Octon sur le principe m^eme ; mais nous
di erons absolument sur les responsabilites. Notre honorable collegue s'en prend a des agents d'execution ;
moi j'accuse les gouvernements ; ils ne peuvent ignorer qu'en envoyant des troupes a plusieurs milliers de
kilometres de leur base d'operation, sans moyens de transports, sans vivres, sans marchandises d'echange,
les troupes sont obligees de vivre sur l'habitant, de requisitionner d'innombrables porteurs, qui sement les
sentiers de leurs cadavres.
Un de nos explorateurs les plus distingues, chef d'escadron d'artillerie, me disait : tout porteur leve
pour la corvee ne revoit jamais son village ; (exclamations a gauche) ou il meurt en route, ou arrive a
destination, il est abandonne sans vivres, sans argent, sans moyen d'existence. >
Sources : Annales de la Chambre des Deputes, 1900, p. 580 ; cite par : Jean Suret-Canale, Afrique
Noire, Occidentale et Centrale, Editions sociales, 1968, page 280-281 ; Jean-Pierre Biondi, Gilles Morin,
Les anticolonialistes (1881-1962), Pluriel, La ont, 1992, p. 55.
Decembre
1er decembre 1944 : Massacre de Thiaroye (Senegal)
Des tirailleurs sont liberes des camps de prisonniers de guerre allemands et demobilises. Debarques le
21 novembre 1944 a Dakar, ils sont rassembles au camp de Thiaroye a quelques kilometres de la capitale.
Mais ils attendent de recevoir les arrieres de leur solde et de pouvoir echanger leurs marks. Cela leur avait
ete refuse en France sous divers pretextes, malgre leurs reclamations. Tout devait se faire au Senegal.
Mais ici rien ne se fait non plus. On leur propose l'echange de leur argent a la moitie de sa valeur, ils
recoivent un nouvel ordre de depart... C'en est trop. Les tirailleurs protestent, manifestent sans doute. Ils
sequestrent un general qui, pour ^etre rel^ache, leur donne satisfaction ... La nuit suivante, le 1er decembre
1944, l'armee francaise bombarde et mitraille le camp. Les tirailleurs n'ont pas d'armes. Combien de
morts ? 25, 38, 60 ou plus ? Quelques-uns parmi les survivants passent en jugement et sont emprisonnes
jusqu'a ce qu'une gr^ace presidentielle leur soit accordee en avril 1947, lors du voyage de Vincent Auriol
en AOF. En France, on ignore tout. Senghor en parle dans un numero d'Esprit de juillet 1945 et Lamine
Gueye rapporte ces faits en mars 1946 a la premiere Constituante.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994 ; Sembene Ousmane, Le camp de
Thiaroye, lm, 1988.
5 decembre 1952 : Assassinat de Farhat Hached (Tunisie)
Apres l'arrestation des dirigeants nationalistes et leur eviction du gouvernement, Farhat Hached est
assassine par les terroristes de "la Main Rouge". Il dirigeait l'UGTT (Union Generale des Travailleurs
Tunisiens), syndicat sur lequel s'appuyait Habib Bourguiba et le Neo Destour (parti nationaliste).
L'execution de l'attentat et l'enqu^ete qui suit revelent que ses auteurs ont de solides protections.
Selon son ls, Nourredine Hached, les senateurs Antoine Colonna et Gabriel Puaux ne cachaient
nullement leurs intentions d'en nir avec Farhat Hached.
Yves Benot ecrit : < Sans doute, l'organisation secrete connue sous le nom de < la Main Rouge > qui
revendiqua ces crimes, etait-elle en fait une emanation des services secrets, des fameuses polices paralleles.
Mais sur le coup, ces assassinats paraissent attester la capacite de reaction sanglante des coloniaux. Et
on y vit aussi le signe que les forces de l'ordre laissaient faire ce terrorisme la. >
Pascal Krop fait un lien entre cette Main Rouge et l'organisation qui a assassine l'industriel Lemaigre-
Dubreuil, partisan de l'independance, a Casablanca le 11 juin 1955. Cette derniere serait liee au SDECE.
Jo Attia aurait travaille pour le SDECE a Tanger a l'elimination de leaders nationalistes. On retrouvera
les amis de Jo Attia dans l'enlevement du colonel Argoud et dans celui de Ben Barka.
Les aveux du general Aussaresses en mai 2001 suscite une lettre du ls de Farhat Hached dans le
journal Le Monde denoncant un crime d'Etat et demandant qu'en soient devoiles les ordonnateurs et les
auteurs.
Sources : Yves Benot,Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, page 161, 186 ; Noureddine Hached,
L'inoubliable sourire de la liberte, Le Monde, 18 mai 2001 ; Pascal Krop, Roger Faligot, DST Police secrete,
Flammarion, 1999, p. 166, 168 ; Paul Aussaresses, Services Speciaux Algerie 1955-1957, Perrin, 2001, p.
101-102 ; Jacques Derogy, Frederic Ploquin, Ils ont tue Ben Barka, Fayard, 1999, p. 103-105 ; Charles-
Andre Julien, L'Afrique du Nord en marche, Julliard, 1952, Omnibus, 2002, p. 232-233.
89
90 Decembre
8 decembre 1952 : Repression des manifestations de Casablanca
(Maroc)
A
la suite de l'assassinat du syndicaliste tunisien Farhat Hached par des terroristes francais, des
manifestations de protestation sont organisees a Casablanca. Le resident, le general Guillaume les reprime
dans le sang, interdit l'Istiqlal, parti nationaliste, et ferme la Bourse du Travail.
Sources : Yves Benot, Massacres coloniaux, La Decouverte, 1994, p. 186 ; Charles-Andre Julien,
L'Afrique du Nord en marche, Julliard, 1952, Omnibus, 2002, p. 336-339.
14 decembre 1871 : Renan : < Une race de ma^tres et de soldats,
c'est la race europeenne. > (France)
Ernest Renan ecrit apres la defaite en 1871 dans Reforme intellectuelle et morale :
< Une nation qui ne colonise pas est irrevocablement vouee au socialisme, a la guerre du riche au
pauvre. La conqu^ete d'un pays de race inferieure, par une race superieure, qui s'y etablit pour le gouverner,
n'a rien de choquant... Autant les conqu^etes entre races egales doivent ^etre bl^amees, autant la regeneration
des races inferieures par les races superieures est dans l'ordre providentiel de l'humanite. L'homme du
peuple est presque toujours chez nous un noble declasse ; sa lourde main est mieux faite pour manier l'epee
que l'outil servile... Versez cette devorante activite sur des pays qui comme la Chine, appellent la conqu^ete
etrangere... chacun sera dans son r^ole. La nature a fait une race d'ouvriers ; c'est la race chinoise, d'une
dexterite de main merveilleuse sans presque aucun sentiment de l'honneur... gouvernez-la avec justice...
elle sera satisfaite ; { une race de travailleurs de la terre, c'est le negre, soyez bon pour lui et humain et
tout sera dans l'ordre ; { une race de ma^tres et de soldats, c'est la race europeenne. >
Commentaires : La date du 14 decembre est choisie arbitrairement.
Comme le dit Gilbert Comte, il faut lire cet ecrit dans le contexte de son epoque. Ce qui est plus
g^enant, c'est de constater la permanence jusqu'a aujourd'hui de telles idees de hierarchie des races, de
remarquer combien elles sont intrinsequement liees a l'idee que les Francais se font de la Republique et
donc ne sont pas speci ques d'un groupuscule extremiste. On est frappe par la similitude, ^o combien
douloureuse, avec la pensee et l'histoire d'outre-Rhin.
Sources : Ernest Renan, Reforme intellectuelle et morale, Callmann Levy, 1871 ; Gilbert Comte,
L'Empire triomphant, Denoel, 1988, page 13.
15 decembre 1958 : Corvee de bois : < On nettoie le pays de toute
la racaille. > (Algerie)
Pierre Vidal-Naquet rapporte une lettre d'un jeune soldat, rendue publique en 1958 par les pr^etresouvriers
de la Mission de France : < On demandait des volontaires pour descendre les gars qu'on avait
tortures (comme ca il ne restait pas de trace et on ne risquait pas d'histoires). Moi, je n'aimais pas ca.
C'est vrai, vous savez : descendre un gars a cent metres dans le combat, ca ne me faisait rien, parce que le
gars etant loin, on ne le voit pas trop. Il est arme, et puis il peut se defendre ou se barrer au besoin. Mais
descendre un gars comme ca, sans defense, froidement ... non ! Alors je n'etais jamais volontaire et il est
arrive que j'etais devenu le seul dans la section qui n'avait pas descendu < son > gars. On m'appelait la
< p'tite lle > . Un jour, le capitaine m'a appele en me disant : < Je n'aime pas les p'tites lles... Prepare
toi, le prochain sera pour toi ! > Alors, quelques jours apres, on avait huit prisonniers qu'on a tortures,
a descendre. On m'a appele et, devant les copains, on m'a dit : < A toi, la p'tite lle ! Vas-y ! > Je me
suis approche du gars : il me regardait. je vois encore ses yeux qui me regardaient... ca me dego^utait...
J'ai tire... Les copains ont descendu les autres. Apres, ca me faisait moins dr^ole... C'est peut-^etre pas
du boulot tres propre ; mais, au fond, tous ces gars-la, ce sont des criminels quand on y re
echit. Si on
les rel^ache, ils recommencent ; ils tuent les vieillards, les femmes, les enfants. On ne peut quand m^eme
pas les laisser faire cela ... Alors, au fond, on nettoie le pays de toute la racaille... Et puis ces gars-la, ils
veulent le communisme, alors vous comprenez... ? >
Commentaires : La date du 15 decembre est choisie arbitrairement.
Decembre 91
Sources : Pierre Vidal-Naquet, La torture dans la Republique, Paris, 1972, Maspero, page 137-138.
16 decembre 1805 : Le Code Civil rearme le maintien du Code
Noir (Colonies)
En 1805, le < Code Napoleon > est publie. Mais pour les Antilles, < sont maintenues toutes les lois qui
ont regle la condition des esclaves. > Sauf modi cation mineure, rien ne change juridiquement jusqu'en
1848. A titre d'exemple : 600 condamnations a mort prononcees a la Martinique entre 1822 et 1827 sur
des soupcons d'empoisonnement.
Commentaires : La date du 16 decembre est choisie arbitrairement.
Sources : Louis Sala-Molins, Le Code Noir, PUF, 1998, page 17, 274.
31 decembre 1926 : Gide : < Le CFCO est un e royable consommateur
de vies humaines. > (Tchad)
En raison des chutes du Congo, les Francais doivent utiliser le chemin de fer Leopoldville-Matadi,
construit en face par les Belges pour le transport en partance et en direction de l'ocean. Le gouverneur
general Augagneur entreprend en 1921 la construction du chemin de fer Brazzaville-Pointe Noire long de
502 kilometres, poursuivi par le gouverneur Antonetti. Il sera inaugure en 1934.
Andre Gide lors de son voyage africain a croise des hommes requisitionnes - et deportes - pour
la construction du Chemin de Fer Congo-Ocean (CFCO) : < Le chemin de fer Brazzaville-Ocean est
un e royable consommateur de vies humaines. Voici Fort-Archambault (Sud du Tchad) tenu d'envoyer
de nouveau mille Saras. Cette circonscription, l'une des plus vastes et des mieux peuplees d'AEF, est
particulierement mise a contribution pour la main d'oeuvre indigene. Les premiers contingents envoyes
par elle ont eu beaucoup a sou rir, tant durant le trajet, a cause du mauvais amenagement des bateaux qui
les transportaient (certains se noient dans le
euve et nombreux sont ceux qui decedent de pneumonie),
que sur les chantiers m^emes, ou les dicultes de logement et surtout de ravitaillement ne semblent
pas avoir ete prealablement etudiees de maniere satisfaisante. La mortalite a depasse les previsions les
plus pessimistes. A combien de deces nouveaux la colonie devra-t-elle son bien-^etre futur ? De toutes
les obligations qui incombent a l'administrateur, celle du recrutement des < engages volontaires > est
assurement la plus penible. >
Il fait l'eloge de ses amis gouverneurs, Lamblin a Bangui pour avoir amenage un camp de repos et
de triage pour les recrutes et Marcel De Coppet a Fort-Archambault, pour avoir autorise 1500 recrutes a
participer aux f^etes du 1er janvier.
Sources : Andre Gide, Voyage au Congo, Gallimard, 1927, Idees-Gallimard n 443 page 200.
92 Decembre
Index chronologique
1099
15/07 : Sac de Jerusalem par les Croises (Palestine)
1671
13/10 : Repression du marronnage (Martinique)
1672
13/01 : Prime de 13 livres pour chaque t^ete de negres importes (Colonies)
1687
06/05 : Promulgation du Code Noir (Hati)
1730
13/08 : Dictionnaire de Trevoux : < Les Negres vendent quelquefois leurs propres femmes > (France)
1743
01/02 : Loi contre le marronnage (Colonies)
1791
25/02 : Le mul^atre Oge subit le supplice de la roue pour avoir cru a l'egalite (Hati)
1801
18/11 : Bonaparte entreprend d'aneantir a Saint-Domingue le gouvernement des Noirs (Hati)
1802
17/05 : Retablissement de l'esclavage (Antilles)
07/06 : Toussaint Louverture arr^ete par tra^trise (Hati)
1803
05/04 : Rochambeau : < Vous devez leur donner des negres a manger >. (Hati)
07/04 : Mort de Toussaint Louverture emprisonne au fort de Joux (Hati)
93
94 Index chronologique
1805
07/11 : Le Code Civil : < La distinction des couleurs est indispensable > (Colonies)
16/12 : Le Code Civil rearme le maintien du Code Noir (Colonies)
1825
17/04 : La France reconna^t Hati, contre l'indemnisation des planteurs (Hati)
1831
19/03 : Esclaves a vendre (Reunion (^Ile de la))
1843
15/03 : De Montagnac : < Aneantir tout ce qui ne rampera pas a nos pieds comme des chiens >
(Algerie)
1845
24/01 : Bugeaud : < Je br^ulerai vos villages et vos moissons > (Algerie)
18/06 : < Enfumades > de la grotte de Ghar-el-Frechih (Algerie)
1856
26/06 : Renan : < L'immixtion des races tout a fait inferieures aux grandes races ne ferait qu'empoisonner
l'espece humaine > (France)
1870
06/08 : Sacri ce des tirailleurs a la bataille de Froeschwiller (Algerie)
1871
09/07 : L'Illustration : < Avec les kabyles, la superiorite du chassepot est e rayante > (Algerie)
15/07 : L'Illustration : < A la n du siecle, la race des Kanaks aura sans doute disparu > (Nouvelle-
Caledonie)
22/08 : L'Illustration : < Une severe lecon qu'il etait grand temps de donner a ces populations turbulentes
et incorrigibles > (Algerie)
14/12 : Renan : < Une race de ma^tres et de soldats, c'est la race europeenne > (France)
1878
10/07 : < Ils ne reclament rien moins que l'extermination en masse par tous les moyens de la race
indigene > (Nouvelle-Caledonie)
01/09 : Le grand chef Ata est tue par un tra^tre canaque (Nouvelle-Caledonie)
1885
26/02 : Conference de Berlin : l'Europe met l'Afrique en tutelle (Congo (Etat independant du))
28/07 : Jules Ferry : < Les races superieures ont un droit sur les races inferieures > (France)
1890
25/04 : Prise et carnage d'Ouossebougou par le commandant Archinard (Soudan)
Index chronologique 95
1892
18/11 : Le colonel Dodds pille et incendie Abomey (Dahomey)
1896
15/10 : Execution sur ordre de Gallieni du ministre Rainandriamampandry (Madagascar)
1898
01/05 : Sac de Sikasso par le colonel Audeoud (Soudan)
1899
09/01 : Sac de Sansanne-Haoussa (Soudan)
02/05 : Massacre de Birni-N'Konni (Soudan)
08/08 : Les tirailleurs sont payes avec des captifs (Soudan)
1900
30/11 : < Tout porteur leve pour la corvee ne revoit jamais son village > (Soudan)
1904
14/07 : La cartouche sanglante du 14 juillet a Fort-Crampel (Oubangui-Chari)
1909
25/03 : Bloy : < Ces equarisseurs d'indigenes, incapables, en France, de saigner le moindre cochon >
(Vietnam)
1915
09/10 : Decret de mobilisation de tout indigene de dix-huit ans (AOF)
1917
16/04 : Mangin broie du Noir au Chemin des Dames (France)
1926
08/09 : Ceux qui refusent de recolter le caoutchouc sont convies au < bal de Bambio > (Oubangui-
Chari)
21/10 : Massacre de Bodembere (Oubangui-Chari)
31/12 : Gide : < Le CFCO est un e royable consommateur de vies humaines > (Tchad)
1928
07/08 : < Les travaux du chemin de fer Congo-Ocean se poursuivent avec methode > (Congo)
1930
13/09 : Les a ames revendiquent la baisse des imp^ots, on envoie des avions les bombarder (Vietnam)
1943
25/07 : Repression de l'emeute de Philippeville (Algerie)
96 Index chronologique
1944
29/01 : Repression de Rabat-Sale et Fes (Maroc)
01/12 : Massacre de Thiaroye (Senegal)
1945
08/05 : Evenements de Setif (Algerie)
09/05 : Repression de l'insurrection de Setif et Guelma (Algerie)
24/09 : Les colons tirent sur les grevistes (Cameroun)
16/10 : Repression de Conakry (Guinee)
1946
23/03 : Le travail force se perpetue, cent ans apres l'abolition de l'esclavage (AOF)
23/11 : Bombardement de Haphong : 6000 morts (Vietnam)
1947
30/03 : Massacre de Moramanga par l'armee francaise, 2000 morts ? (Madagascar)
07/04 : Emeute des tirailleurs senegalais a Casablanca : plus de 60 morts (Maroc)
05/05 : Massacre de Moramanga par l'armee francaise, 165 morts (Madagascar)
1948
11/04 : Naegelen est charge de faire de < bonnes elections > (Algerie)
20/07 : Le dirigeant des insurges du Sud, Michel Radaoroson, est tue (Madagascar)
04/10 : Condamnation des parlementaires malgaches du MDRM (Madagascar)
1949
29/07 : Un ocier francais : < On tourne et le prisonnier crache > (Vietnam)
1950
30/01 : Fusillade de Dimbokro (C^ote d'Ivoire)
02/02 : Fusillade de Seguela (C^ote d'Ivoire)
1951
08/08 : Henri Martin, ancien resistant FTP, condamne a 5 ans de prison pour < tentative de
demoralisation de l'armee > (Vietnam)
1952
22/01 : Jean de Hautecloque : < Jusqu'ici, nous avons bande mou, maintenant, il nous faut bander
dur > (Tunisie)
05/12 : Assassinat de Farhat Hached (Tunisie)
08/12 : Repression des manifestations de Casablanca (Maroc)
1953
14/07 : A Paris, la police tire sur des Algeriens, six morts (Algerie)
20/08 : Deposition du sultan Mohammed V (Maroc)
Index chronologique 97
1954
27/11 : < Bient^ot un malheur terri ant s'abattra sur la t^ete des rebelles. > (Algerie)
1955
13/01 : Claude Bourdet : < Votre Gestapo d'Algerie > (Algerie)
20/08 : Executions sommaires a El-Halia (Algerie)
22/08 : Repression des emeutes dans le Constantinois (Algerie)
1956
26/10 : La paix des Nementchas : Les blesses sont egorges au couteau de cuisine (Algerie)
1957
14/03 : Asphyxies dans un chai a vin (Algerie)
21/06 : L'assassinat de Maurice Audin par les paras est maquille en evasion (Algerie)
28/09 : Torturee par les paras en presence du colonel Bigeard (Algerie)
1958
03/09 : Ruben Um Nyobe, dirigeant de l'UPC, est abattu (Cameroun)
15/12 : Corvee de bois : < On nettoie le pays de toute la racaille > (Algerie)
1960
24/05 : Les forces de l'ordre egorgent les prisonniers (Algerie)
15/10 : Assassinat de Felix Moumie, chef de l'UPC (Cameroun)
1961
17/01 : Assassinat de Patrice Lumumba a Elizabethville (Congo ex-belge)
17/10 : Massacre des algeriens par la police parisienne sous les ordres de Papon (Algerie)
25/10 : Chant du deshonneur (Algerie)
1962
01/02 : Asphyxies dans un wagon (Cameroun)
1963
13/01 : Assassinat de Sylvanus Olympio, premier president elu du Togo (Togo)
1964
19/02 : Repression du putsch militaire par les troupes francaises (Gabon)
1965
29/10 : Enlevement de Ben Barka a Paris par deux policiers francais (Maroc)
02/11 : Enqu^ete sur la disparition de Ben Barka ou l'appareil d'Etat francais est complice (Maroc)
1966
10/03 : Ossende Afana est tue par les forces de repression franco-camerounaises (Cameroun)
98 Index chronologique
1971
15/01 : Execution publique de Ernest Ouandie, leader de l'UPC (Cameroun)
1972
19/07 : Planter du blanc (Nouvelle-Caledonie)
1973
26/08 : Assassinat d'Outel Bono a Paris (Tchad)
1987
15/10 : Assassinat du president Thomas Sankara (Burkina-Faso)
1988
29/03 : Assassinat de Dulcie September, representante de l'ANC en France (Afrique du Sud)
1993
28/01 : Assassinat de Philippe Bernard, ambassadeur de France a Kinshasa (Congo (Zare))
1994
08/04 : La France reconna^t de facto le gouvernement interimaire rwandais qui organise le genocide
(Rwanda)
27/04 : Paris recoit les organisateurs du genocide (Rwanda)
Index des pays concernes
AOF
9 octobre 1915 : Decret de mobilisation de tout indigene de dix-huit ans
23 mars 1946 : Le travail force se perpetue, cent ans apres l'abolition de l'esclavage
Afrique du Sud
29 mars 1988 : Assassinat de Dulcie September, representante de l'ANC en France
Algerie
15 mars 1843 : De Montagnac : < Aneantir tout ce qui ne rampera pas a nos pieds comme des chiens >
24 janvier 1845 : Bugeaud : < Je br^ulerai vos villages et vos moissons >
18 juin 1845 : < Enfumades > de la grotte de Ghar-el-Frechih
6 ao^ut 1870 : Sacri ce des tirailleurs a la bataille de Froeschwiller
9 juillet 1871 : L'Illustration : < Avec les kabyles, la superiorite du chassepot est e rayante >
22 ao^ut 1871 : L'Illustration : < Une severe lecon qu'il etait grand temps de donner a ces populations
turbulentes et incorrigibles >
25 juillet 1943 : Repression de l'emeute de Philippeville
8 mai 1945 : Evenements de Setif
9 mai 1945 : Repression de l'insurrection de Setif et Guelma
11 avril 1948 : Naegelen est charge de faire de < bonnes elections >
14 juillet 1953 : A Paris, la police tire sur des Algeriens, six morts
27 novembre 1954 : < Bient^ot un malheur terri ant s'abattra sur la t^ete des rebelles. >
13 janvier 1955 : Claude Bourdet : < Votre Gestapo d'Algerie >
20 ao^ut 1955 : Executions sommaires a El-Halia
22 ao^ut 1955 : Repression des emeutes dans le Constantinois
26 octobre 1956 : La paix des Nementchas : Les blesses sont egorges au couteau de cuisine
14 mars 1957 : Asphyxies dans un chai a vin
21 juin 1957 : L'assassinat de Maurice Audin par les paras est maquille en evasion
28 septembre 1957 : Torturee par les paras en presence du colonel Bigeard
15 decembre 1958 : Corvee de bois : < On nettoie le pays de toute la racaille >
24 mai 1960 : Les forces de l'ordre egorgent les prisonniers
17 octobre 1961 : Massacre des algeriens par la police parisienne sous les ordres de Papon
25 octobre 1961 : Chant du deshonneur
Antilles
17 mai 1802 : Retablissement de l'esclavage
Burkina-Faso
15 octobre 1987 : Assassinat du president Thomas Sankara
99
100 Index des pays concernes
Cameroun
24 septembre 1945 : Les colons tirent sur les grevistes
3 septembre 1958 : Ruben Um Nyobe, dirigeant de l'UPC, est abattu
15 octobre 1960 : Assassinat de Felix Moumie, chef de l'UPC
1er fevrier 1962 : Asphyxies dans un wagon
10 mars 1966 : Ossende Afana est tue par les forces de repression franco-camerounaises
15 janvier 1971 : Execution publique de Ernest Ouandie, leader de l'UPC
Colonies
13 janvier 1672 : Prime de 13 livres pour chaque t^ete de negres importes
1er fevrier 1743 : Loi contre le marronnage
7 novembre 1805 : Le Code Civil : < La distinction des couleurs est indispensable >
16 decembre 1805 : Le Code Civil rearme le maintien du Code Noir
Congo
7 ao^ut 1928 : < Les travaux du chemin de fer Congo-Ocean se poursuivent avec methode >
Congo (Zare)
28 janvier 1993 : Assassinat de Philippe Bernard, ambassadeur de France a Kinshasa
Congo (Etat independant du)
26 fevrier 1885 : Conference de Berlin : l'Europe met l'Afrique en tutelle
Congo ex-belge
17 janvier 1961 : Assassinat de Patrice Lumumba a Elizabethville
C^ote d'Ivoire
30 janvier 1950 : Fusillade de Dimbokro
2 fevrier 1950 : Fusillade de Seguela
Dahomey
18 novembre 1892 : Le colonel Dodds pille et incendie Abomey
France
13 ao^ut 1730 : Dictionnaire de Trevoux : < Les Negres vendent quelquefois leurs propres femmes >
26 juin 1856 : Renan : < L'immixtion des races tout a fait inferieures aux grandes races ne ferait
qu'empoisonner l'espece humaine >
14 decembre 1871 : Renan : < Une race de ma^tres et de soldats, c'est la race europeenne >
28 juillet 1885 : Jules Ferry : < Les races superieures ont un droit sur les races inferieures >
16 avril 1917 : Mangin broie du Noir au Chemin des Dames
Gabon
19 fevrier 1964 : Repression du putsch militaire par les troupes francaises
Index des pays concernes 101
Guinee
16 octobre 1945 : Repression de Conakry
Hati
6 mai 1687 : Promulgation du Code Noir
25 fevrier 1791 : Le mul^atre Oge subit le supplice de la roue pour avoir cru a l'egalite
18 novembre 1801 : Bonaparte entreprend d'aneantir a Saint-Domingue le gouvernement des Noirs
7 juin 1802 : Toussaint Louverture arr^ete par tra^trise
5 avril 1803 : Rochambeau : < Vous devez leur donner des negres a manger >.
7 avril 1803 : Mort de Toussaint Louverture emprisonne au fort de Joux
17 avril 1825 : La France reconna^t Hati, contre l'indemnisation des planteurs
Madagascar
15 octobre 1896 : Execution sur ordre de Gallieni du ministre Rainandriamampandry
30 mars 1947 : Massacre de Moramanga par l'armee francaise, 2000 morts ?
5 mai 1947 : Massacre de Moramanga par l'armee francaise, 165 morts
20 juillet 1948 : Le dirigeant des insurges du Sud, Michel Radaoroson, est tue
4 octobre 1948 : Condamnation des parlementaires malgaches du MDRM
Maroc
29 janvier 1944 : Repression de Rabat-Sale et Fes
7 avril 1947 : Emeute des tirailleurs senegalais a Casablanca : plus de 60 morts
8 decembre 1952 : Repression des manifestations de Casablanca
20 ao^ut 1953 : Deposition du sultan Mohammed V
29 octobre 1965 : Enlevement de Ben Barka a Paris par deux policiers francais
2 novembre 1965 : Enqu^ete sur la disparition de Ben Barka ou l'appareil d'Etat francais est complice
Martinique
13 octobre 1671 : Repression du marronnage
Nouvelle-Caledonie
15 juillet 1871 : L'Illustration : < A la n du siecle, la race des Kanaks aura sans doute disparu >
10 juillet 1878 : < Ils ne reclament rien moins que l'extermination en masse par tous les moyens de la
race indigene >
1er septembre 1878 : Le grand chef Ata est tue par un tra^tre canaque
19 juillet 1972 : Planter du blanc
Oubangui-Chari
14 juillet 1904 : La cartouche sanglante du 14 juillet a Fort-Crampel
8 septembre 1926 : Ceux qui refusent de recolter le caoutchouc sont convies au < bal de Bambio >
21 octobre 1926 : Massacre de Bodembere
Palestine
15 juillet 1099 : Sac de Jerusalem par les Croises
102 Index des pays concernes
Rwanda
8 avril 1994 : La France reconna^t de facto le gouvernement interimaire rwandais qui organise le
genocide
27 avril 1994 : Paris recoit les organisateurs du genocide
Reunion (^Ile de la)
19 mars 1831 : Esclaves a vendre
Soudan
25 avril 1890 : Prise et carnage d'Ouossebougou par le commandant Archinard
1er mai 1898 : Sac de Sikasso par le colonel Audeoud
9 janvier 1899 : Sac de Sansanne-Haoussa
2 mai 1899 : Massacre de Birni-N'Konni
8 ao^ut 1899 : Les tirailleurs sont payes avec des captifs
30 novembre 1900 : < Tout porteur leve pour la corvee ne revoit jamais son village >
Senegal
1er decembre 1944 : Massacre de Thiaroye
Tchad
26 ao^ut 1973 : Assassinat d'Outel Bono a Paris
Togo
13 janvier 1963 : Assassinat de Sylvanus Olympio, premier president elu du Togo
Tunisie
22 janvier 1952 : Jean de Hautecloque : < Jusqu'ici, nous avons bande mou, maintenant, il nous faut
bander dur >
5 decembre 1952 : Assassinat de Farhat Hached
Vietnam
25 mars 1909 : Bloy : < Ces equarisseurs d'indigenes, incapables, en France, de saigner le moindre
cochon >
13 septembre 1930 : Les a ames revendiquent la baisse des imp^ots, on envoie des avions les bombarder
23 novembre 1946 : Bombardement de Haphong : 6000 morts
29 juillet 1949 : Un ocier francais : < On tourne et le prisonnier crache >
8 ao^ut 1951 : Henri Martin, ancien resistant FTP, condamne a 5 ans de prison pour < tentative de
demoralisation de l'armee >
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Index
Abbas, Fehrat, 12, 34, 43, 44, 56
Abbas, Ferhat, 42
Abd el Kader (Emir), 16
Achiary, Andre, 42{44
Adad, Ali, 12
Adad, Ali, 12
Afana, Ossende, 23
Ageron, Charles-Robert, 34, 42, 44, 48
Ahidjo, Ahmadou, 70
Ahidjo, Ahmadou, 14, 76
Ahmadou, 36
Alexis Comnene, 54
Algerie-Actualite, 43
Alger Republicain, 42
Alger Republicain, 34, 48
Alleg, Henri, 43, 48{50
ALN, 65, 72
AML, 42
ANC, 26
Antonetti, Raphael, 60, 91
Arafa, Mohamed (Ibn), 63
Archinard, Louis, 36
Argenlieu, Thierry d', 86
Argenlieu, Thierry d', 86, 87
Argoud, Antoine, 84
Argoud, Antoine (colonel), 89
Arnaud, Robert, 81, 84
Ata, 69
Attia, Jo, 84, 89
Aubanne, Jean-Hilaire, 20
Audeoud, Rene, colonel, 39
Audin (Comite), 49
Audin, Josette, 48, 49
Audin, Maurice, 48, 49
Augagneur, Victor, 60, 91
Aurillac, Michel, 77
Auriol, Vincent, 15, 89
Aussaresses, Paul, 49, 64, 65
Aussaresses, Paul (general), 89
Behanzin, 85
Bagosora, Theoneste, 31
Bakayoko, Sidiki, 20
Balafredj, Ahmed, 17
Balladur, Edouard, 36
Ballot, Victor, 85
Bandiougou, Diara, 36
Bao Da, 86
Barayagwiza, Jean-Bosco, 33, 36{38
Bari, 29
Baron, Marcel, 26
Batignolles (les), 60
Battet, Robert, 87
Baylot, Jean, 52
Bayonne, Henri, 67
BCRA, 67
Bechtel, William, 76
Belliard, Jean-Christophe, 33
Belliard, Jean-Christophe, 33
Bemba, Ba, 39
Ben Bella Ahmed, 84
Ben Barka, Abdelkader, 83
Ben Barka, Bachir, 83
Ben Barka, Medhi, 89
Ben Barka, Mehdi, 81, 83, 84
Ben Bella, Ahmed, 42, 65
Benot, Yves, 15, 17, 18, 20, 27, 29, 40, 42, 44, 48,
56, 63, 70, 72, 78, 87, 89, 90
Benquet-Crevaux, 64, 65
Bensa, Alban, 55, 56
Berge, 44
Bernard, Augustin, 55
Bernard, Philippe, 16
Bernard,Alain Bernard , 67
Bernier, Philippe, 81, 83
Bertrand, 59
Besson, Maurice, 40
Beti, Mongo, 14, 19, 23, 70, 72, 76
Biassou, 47
Bicamumpaka, Jer^ome, 36{38
Bidault, Georges, 15, 29, 34, 63, 87
Bigeard, Marcel, 72
Bismark, Otto von, 21
Bizimana, Jean-Damascene, 31
Bloch, Etienne, 17
Bloch, Marc, 17
Blum, Leon, 42
Blum, Leon, 80
Bocquel, Jacques, 67
Bokassa, Jean-Bedel, 67
Bonaparte, Napoleon, 35, 47, 85, 86
107
108 Index des personnes citees
Bongo, Omar, 20
Boniface, Philippe, 17, 29
Bonjo, 79
Bonnaud, Robert, 80
Bono, Nadine, 67
Bono, Outel, 67
Booh-Booh, Jacques-Roger, 32
Borel, 20
Bou Maza, 47
Boucheseiche, Georges, 81, 83, 84
Boudarel, Georges, 79
Boukman, 47
Boulanouar, Ahcene, 79
Bouquet, 70
Bourdet, Claude, 12, 13
Bourdonnaye-Montluc, de la, 15
Bourges Maunoury, 13
Bourguiba, Habib, 15, 89
Boutros-Ghali, Boutros, 32, 37
Bouvier, Maurice, 83
Boyer, Jean-Pierre, 35
Braeckmann, Colette, 16
Brazza, Pierre Savorgnan de, 53
Bretonnet (capitaine), 40
Briand, Max, 19
Briand, Max, 19
Brunot, gouverneur, 25
Bugeaud, Thomas (general), 47
Bugeaud, Thomas (general), 16, 23, 47
C.F.S.O., 70, 80
Cedile, Jean (colonel), 86
Cenac, Rene, 49
Cesaire, Aime, 21, 30, 47, 86
Caamano, 84
Caen, Raoul de, 54
Caille, Jean, 84
Camus, Albert, 42
Casseville (general), 40
Cavaignac, 47
Cazeel, Pierre, 26
CCI, 13
CDR, 33, 36, 37, 77
CGT, 52, 69, 72
Cha ard, Georges, 70
Challaye, Felicien, 53
Cham, 7
Chanoine, Julien, 11, 39, 40
Charbonnier, Andre, Maurice, Leon, 49
Charbonnier, Andre-Maurice-Leon, 49
Charles X, 35
Chataigneau, Yves, 34
Chavannes, Jean-Baptiste, 20
Chenik, M'hamed, 15
Cherabil, Hachemi, 79
Chevenement, Jean-Pierre, 78
Chevanton, Le, 40
Chirac, Jacques, 77
Chirac, Jacques, 77
Chouadria, Mohamed, 43
Chretien, Jean-Pierre, 33, 38
Christophe, 35, 47
Chtouki, 81
CIA, 14, 84
Clemenceau, Georges, 35
Claes, Willy Claes, 32
Clauzel, Bertrand (marechal), 15
Cobele, 79
Colonna, Antoine, 89
Compaore, Blaise, 77
Compaore, Blaise, 77
Comte, Gilbert, 21, 35, 36, 39, 40, 53, 60, 61, 76,
85, 90
Conan, Georges, 19, 20
Coppet, Marcel de, 26, 91
Cornevin, Marianne, 14, 18, 35, 44, 70
Cornevin, Robert, 35, 44
Cortambert, Richard, 53, 54
Coty, Rene, 73
Courriere, Yves, 64
Couve de Murville, Maurice, 14
Croix (la), 14
Cuomo, Yves, 50
Curutchet, Jean (lieutenant), 23
Debes, 87
Dabezies, Pierre, 15
Dallaire, Romeo, 32
Damas, Leon-Gontran, 17, 20
Dauxion-Lavaysse, 35
Decoux, Jean (amiral), 86
Deferre, Gaston, 69
Delauney, Maurice, 70
Delaye, Bruno, 36
Delpit, 24
Denard, Bob, 15, 26
Deniau, Jean-Francois, 55
Derogy, Jacques, 78, 81, 84
Desforges, Alison, 38
Desjardins, Thierry, 67
Deslozieres, B., 44
Dessalines, 47
Devillers, Philippe, 87
Devis, 48
DGSE, 26
Diagne, Blaise, 35
Diallo, Yacine, 78
Djiguimbaye, 67
Index des personnes citees 109
Dlimi, Ahmed, 81, 83, 84
Dodds, 85
Donnat, Gaston, 72
DOP, 13
Douay (general), 59
Dousset-Leenhardt, Roselene, 52, 69
Dreyfus, Michel, 25
Droz, Bernard, 34, 66, 88
Dubail, Pierre, 81, 83, 84
Duchemin, Jacques, 15
Duclos, Jacques, 48
Durand, 15
Einaudi, Jean-Luc, 13, 16, 78, 79, 88
El Azemouri, Thami, 81, 84
El-Hadj Omar Tall, 36
El-Mahi, Ghali, 83
Ellis, Stephen, 77
Erulin, 48
Etienne, Eugene, 85
Express (l'), 48, 83
Eyadema, Etienne Gnassingbe, 11, 77
Feraud, Charles, 66, 67
Faulques, Roger, 15
Faure, Edgar, 63
Felice (de), 14
Ferry, Jules, 56
FIDH, 36, 38
Figaro, le, 24, 67
Figon, Georges, 81
Figon, Georges, 84
Figon, Georges, 81, 83, 84
FLN, 65, 78
Foccart, Jacques, 14
Foccart, Jacques, 11, 19, 20, 64, 67, 76, 84
Fochive, Jean, 19
Fouche, Joseph, 86
Foureau, Fernand, 11, 40
FPR, 30, 31, 37, 38
Franju, Georges, 81
Frey, Roger, 83, 84
Gallet, 69
Gallieni, Joseph Simon, 36, 77
Gallouedec, 55, 56
Galopin (commandant), 67
Gambetta, Leon, 59
Garbay, Pierre (general), 15, 56
Garnier, Jules, 53
Garron, 70
Gat, Julien, 14
Gatsinzi, Marcel, 31
Gaud, Leopold, 53
Gaud, Leopold, 52, 53
Gaulle, Charles de, 17, 20, 42, 63, 78, 84, 86
Gentil, Emile, 40
Giap, Vo Nguyen (general), 86
Gide, Andre, 60, 70, 71, 79, 80, 91
Gillet, Eric, 36, 38
GIR, 31, 32, 36, 37
Glaoui, Thami (El), 63
GLNF, 67
Gobineau Arthur (de), 7
Gobineau, Arthur de, 50
Godard, 48
Golleur (Le), 69
Goundi, 70
Gourvenec, Camille, 67
Gourvenec, Camille (colonel), 67
Gracey (major general), 86
Grandval, Gilbert, 29
Grange, Gerard, 79
Graziani, Jean (capitaine), 73
Graziani, Jean (capitaine), 72
Groeninck, Evelyn, 26
Grosser, Alfred, 87
Grunitzky, Nicolas, 11
Guerrier, Jean-Paul, 26
Gueye, Lamine, 89
Guillaume, Augustin (general), 63, 90
H^o Chi-Minh, Nguyen Tat Thanh (dit), 87
H^o Chi-Minh, Nguyen Tat Thanh (dit), 87
H^o Chi-Minh, Nguyen Tat Thanh (dit), 86, 87
Habre, Hissene, 67
Habyarimana, Juvenal, 32
Habyarimana, Juvenal, 36
Hached, Farhat, 89, 90
Hached, Nourredine, 89
Hadjaj, 49
Hanouz, 43
Harovelo, Janine, 77
Hassan II, 83, 84
Hautecloque (de), Jean, 15
Hitler, Adolf, 13
Hochschild, Adam, 21
Hondo, Med, 40
Houphouet-Boigny, Felix, 69
Houphouet-Boigny, Felix, 17, 24, 77
Huchon, Jean-Pierre, 37
Humanite (l'), 14, 48, 72, 73
Humanite, L', 8
Ighilahriz, Louisette, 72
Illustration (l'), 54
Illustration (l'), 51, 53, 54, 66, 67
Issolah, 64
Istiqlal, 17, 63, 90
110 Index des personnes citees
Jacoby, Daniel, 36
Jacquet, Maurice, 49
Jean-Francois, 47
Jeune Afrique, 15, 67
Jina, 75
Joalland, 40
Joalland, Jules, 39
Journal Ociel, 56
Journal, (Le Petit), 77
Juin, Alphonse, 63
Juin, Alphonse (marechal), 34
Julien, Charles-Andre, 15, 57
Juppe, Alain, 36
Kadha , Muammar, 77
Kagan, Elie, 78
Kaldor, Pierre, 67
Kalonji, Albert, 14
Kana, 75
Kangura, 32, 37
Kasa Vubu, Joseph, 14
Kavaruganda, Joseph, 31, 36
Kayumba, Cyprien, 37
Ki-Zerbo, Joseph, 36
Klobb, Jean-Francois (colonel), 39
Klobb, Jean-Francois (colonel), 61
Kohler, Jean-Marie, 55, 56
Komadja (lieutenant), 16
Krop, Pascal, 12, 16, 89
Leopold II, 15, 21
Labonne, Eirik, 63
Lacoste, Robert, 13, 48
Lacroix (de), 66, 67
Lagarosse, 17
Lalaurie, 72
Lallaoui, Mehdi, 16, 59, 67
Lamblin, 91
Lammerz, 59
Lamy, 11, 40
Laniel, Joseph, 63
Lasnet, 60
Lattre de Tassigny, Jean de, 17
Laveaux, (general), 47
Lavoquer, 24
Le Myre de Vilers, 88
Le Ny, Julien, 81, 83, 84
Le Roy-Finville, Marcel, 83, 84
Leclerc (de Hautecloque), 86, 87
Leclerc, Charles Victor Emmanuel, 29, 47, 85
Lejeune, Max, 65
Lemaigre-Dubreuil, Jacques, 89
Lemarchand, Pierre, 84
Lestrade-Carbonnel, 44
Lever, Evelyne, 34, 66, 88
Liberation, 26, 77, 110
Liberation 31/10/87, 77
Liberte, 44
Ligue Arabe, 29, 63
Lindqvist, Sven, 40
Lissika, Lemy (colonel), 16
Londres, Albert, 60, 61
Lopez, Antoine, 81
Lopez, Antoine, 81, 83, 84
Lorillot, general, 65
Loubet, Emile, 53
Louis IX, 55
Louis XIV, 40
Louverture, Toussaint, 47
Louverture, Toussaint, 29, 30, 47, 85, 86
Louzon, Robert, 16, 48
Lumumba, Patrice, 14, 84
Lumumba, Patrice, 14
Lyautey, Hubert, 39
M'ba, Leon, 20
M'Polo, Maurice, 14
Merimee, Jean-Bernard, 32
Ma^trier, Georges, 12
Maalouf, Amin, 55
Mac-Mahon, 59
Main Rouge (la), 89
Mairey, Jean, 66
Maisonneuve, 48
Malet, Albert, 59
Malingue, 70
Malouet, Pierre-Victor, 35
Mameri (Si), 29
Mandelkern, 78
Mandouze, Andre, 34
Mangin, Charles, 34, 75
Marchand, Jean-Baptiste, 75
Marchessou, 79
Marlaud, Jean-Michel, 37
Marlaud, Jean-Michel, 31, 36
Marrou, Henri-Irenee, 13
Martin, Henri, 61
Martinet, Gilles, 13
Massu, Jacques, 49
Massu, Jacques, 13, 15, 48, 49, 65, 72
Massu, Jacques (general), 73
Matin, le, 11
Maudurier, 70
Mauger, M.-J., 51, 52
Mayer, Arno, 55
Mayer, Georges, 48
Mayer, Georges, colonel, 64
Mazoyer, Henri, 11
Mbida, Andre-Marie, 69, 70
Index des personnes citees 111
MDRM, 26, 40, 75
MDRT, 67
Medina, Franco de,, 35
Mekhaled, Boucif, 42, 44, 56
Mermet, Daniel, 79
Messali Hadj, 42
Messali, Hadj, 34, 52
Messmer, Pierre, 55
Messmer, Pierre, 15, 55
Meynier, O. (lieutenant), 39, 40, 61
Michel, Marc, 48
Miquel, Pierre, 35
Misiry, Pierre, 49
Mitterrand, Francois, 12
Mitterrand, Francois, 11, 17, 18, 33, 36, 38, 49,
84, 87, 88
Mobutu, Joseph-Desire, 14
Mobutu, Joseph-Desire, 14, 16
Mohammed V, 17, 29, 63
Molard, 76
Mollet, Guy, 13, 48, 49, 65
Monde, le, 13, 36, 38, 48{50, 52, 73, 77{79
Montagnac, de, 23
Monteil, Adhemar de, 54
Moriciere, Christophe (de la), general, 16
Morisson, capitaine, 39
Moskowa, prince de la, 48
Moumie, Felix, 76, 84
Mourin, 76
Moutet, Marius, 26, 86
MRND, 33
MRP, 20
MTLD, 34, 52, 87
Mus, Paul, 87
N'Goto, Samba, 79, 80
Neo Destour, 89
Naegelen, Marcel-Edmond, 12, 34
Nahimana, Ferdinand, 37
Napoleon III, 55
Napoleon Ier, 29, 84
Napoleon III, 57
Ndasingwa, Landouald, 31
Ndongmo, Albert, 14
Nectoux, lieutenant, 64
Ney, (marechal), 48
Ngango, Felicien, 31
Ngeze, Hassan, 37
Nicolas, 72
Nivelle, Robert, 35
Noe, 7
OAS, 23, 26, 49
anti, 84
Oge, Vincent, 20
Okito, Joseph, 14
Oldenburg, Zoe, 55
Olry, 52, 69
Olympio, Sylvanus, 11, 84
ONU, 11, 14, 15, 17, 26, 30{32, 37, 38, 77
Commission des Droits de l'Homme, 37
Conseil de Securite, 32, 37, 38
Orselli, 17
Ouandie, Ernest, 14
Oufkir, Mohammed, 81, 83, 84
Ousmane, Sembene, 89
Pean, Pierre, 15, 20, 76
Pechoux, (gouverneur), 17
Pedron (general), 23
Pelissier, 48
Pelissier, Aimable-Jean-Jacques, 48
Perillier, Louis, 15
Peteau, Louis Alexandre, 11
Petion, 47
Petion, Alexandre Sabes, dit Petion, 35
Pacha, 70, 79, 80
PADESM, 26
Pain, Olivier, 59
Palisse, Jean, 81, 83, 84
Papka, 52
Papon, Maurice, 52, 78, 79, 83, 84
Pasqua, Charles, 26
PCA, 48, 50
PCF, 61, 63, 67
PDCI, 17
Perrault, Gilles, 81, 84
Perrier, Leon, 60
Peyrouton, Marcel, 42
Philippe Auguste, 55
Pinsseau, 67, 83
Pleven, Rene, 17
Pompidou, Georges, 83
Ponte, Carla del, 37
Populaire (Le), 80
PPA, 42
Prevert, Jacques, 61, 63
Prunier, Gerard, 36, 38
Prusse, Prince Royal de, 59
Puaux, Gabriel, 17, 89
Rabah, 40
Rabemananjara, 75
Radaoroson, Michel, 56
Raherivelo, 75
Rainandriamampandry, 77
Raison-Jourde, Francoise, 40
Rakotondrabe, Samuel, 75
Rakotoniaima, 40
Ramel, 29
112 Index des personnes citees
Ramel (general), 29
Ranaivo, 75
Ranavalona, 76
Raseta, 75
Ratsimamanga, 77
Ravelonahina, 75
Ravoahangy, 75
Raymond, 43, 44
Raza ndrabe, Victorien, 56
RDA, 17{20, 24, 69
Renan, Ernest, 50, 90
Rey, Benoist, 44, 45, 80
Reyntjens, Philip, 31, 36, 38
Richaud, 73
Richaud (commandant), 72
Rigaud, 47
Riley-Smith, Jonathan, 55
Robert, Maurice, 19, 20
Rochambeau, Donatien Marie Joseph, 47
Rochambeau, Donatien Marie Joseph (general),
29
Roman, Joel, 50
RPF, 20
RTLM, 33, 36{38
Rusatira, Leonidas, 31
Ruscio, Alain, 15, 24
Rwabalinda, Ephrem, 37
Saal, Bouzid, 42
Sabes, Alexandre dit Petion, 35
Saci, Benhamla, 43
Sagatwa, Elie, 31
Saint (Le), L., 48
Saint-Arnaud, Achille (de), 48
Saint-Arnaud, Achille (marechal), 15
Sainteny, Jean, 86
Sala-Molins, Louis, 7, 19, 40, 42, 44, 91
Salan, Raoul (general), 73
Samory, 36
Samory Toure, 39
Sanago, Sekou, 19
Sankara, Thomas, 77, 78
Sartre, Jean-Paul, 61
Schemoul, 43, 44
Schoelcher, Victor, 19, 21, 29, 35, 47, 76, 84{86
Schradec, 55, 56
Schuman, Robert, 15
Schwartz, Laurent, 7
SDEC, 89
SDECE, 12, 20, 49, 64, 67, 76, 83, 84
SEDOC, 19
Senghor, Leopold Sedar, 89
September, Dulcie, 26
SFIO, 17, 34
Soekarno, 84
Sonthonax, Leger-Felicite, 47
Souchon, Louis, 81
Souchon, Louis, 83
Souchon, Louis, 81, 83, 84
Soustelle, Jacques, 12, 65
Stanley, Henry Morton, 21
Stibbe, Pierre, 12
Stora, Benjamin, 52
Suret-Canale, Jean, 11, 36, 39, 40, 57, 61, 85, 88
Swinnen, Johan, 31
Swinnen, Johan, 31
Temoignage chretien, 57
Talleyrand, 86
Teitgen, Paul, 48
Tieba, 39
Tombalbaye, Francois, 67
Toque, Georges, 52, 53
Toque, Georges, 52, 53
Torre, Xavier, 70
TPIR, 36
Trevoux (dictionnaire), 63
Trinquier, Roger, 15, 48
Tronchon, Jacques, 27, 40, 75
Tshisekedi, Etienne, 16
Tshombe, Mose, 14, 15
Tubert, Paul, 44
Twagiramungu, Faustin, 31
UDMA, 34
UDSR, 18
UGTT, 89
Um Nyobe, Ruben, 69
UNFP, 81
UPC, 14, 19, 23, 69, 70, 76
Urbain II, 54
USCC, 72
Uwilingiyimana, Agathe, 31
Verite Liberte, 80
Vacher de Lapouge, 7
Valery, Edouard, 65, 66
Valat, 79
Valette, 20
Valluy, 87
Valluy (general), 87
Vernhes, 57
Verschave, Francois-Xavier, 12, 14, 19, 20, 23, 26,
38, 68, 70, 72, 76, 78
Verscheure, Frans, 14
Vidal-Naquet, Pierre, 13, 23, 50, 57, 66, 75, 88,
90, 91
Vietminh, 17, 86
Vigne d'Octon, Paul-Etienne, 40
Index des personnes citees 113
Vigne d'Octon, P., 11, 39, 61, 88
Viollette, Maurice, 42
Voitot, Roger, 81, 83, 84
Voulet, Paul, 11, 39, 40, 61
Wells, Melissa, 16
Wesseling, Henri, 21
Witte,Ludo De, 15
Wuillaume, Roger, 12
Yacine, Kateb, 43
Yemba, 79
Yulu, Fulbert, 15
Zaaf, Essaouba, 88
Zerrouk, 73
Zighoud, Youssef, 64, 65
Zollinger, Louis, 83

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