Fiche du document numéro 26968

Num
26968
Date
Samedi 4 avril 1998
Amj
Taille
0
Surtitre
 
Titre
La difficile cohabitation entre réfugiés rwandais
Soustitre
Depuis 1994, la Belgique a accueilli bon nombre de réfugiés tutsis d’abord, hutus ensuite. La présence d’auteurs du génocide compromet une coexistence déjà difficile.
Tres
 
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Lieu cité
Mot-clé
Cote
 
Résumé
The Rwandan community observes with some concern the arrival in Belgium of former refugees from camps in the Congo. Especially when, among them, slip the soldiers, notables of the former regime sometimes very closely involved in the genocide.
Source
Extrait de
 
Commentaire
 
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Depuis 1994, la Belgique a accueilli bon nombre de réfugiés tutsis d’abord, hutus ensuite. La présence d’auteurs du génocide compromet une coexistence déjà difficile.
C’était lors d’une belle soirée d’août dans un bistrot à Matonge, le quartier noir d’Ixelles. Augustine buvait un verre avec des amis belges et rwandais.
Soudain un type s’est penché vers moi, raconte-t-elle, et m’a dit en kinyarwanda : « Vous avez essayé de fuir mais on va vous tuer tous ». C’était un Hutu. J’ai eu l’impression que mon coeur cessait de battre. Je lui ai fait répéter ce qu’il venait de dire. Il a ajouté : « On n’en a pas tué assez. Dommage que la Belgique vous ait accueillis. » Je l’ai empoigné. Mon mari, belge, a dû s’interposer entre nous.
Augustine a encore vécu à deux autres reprises des menaces de ce genre. Au marché d’Anderlecht, un couple s’est planté devant moi. Le type a dit : Tu as vu la Tutsi ? La femme a répondu : Ça existe encore ? On ne les achèvera donc jamais ?
Augustine, rescapée du génocide en 1994, a peur. Elle n’est apparemment pas la seule. La communauté rwandaise observe avec une certaine inquiétude l’arrivée en Belgique des anciens réfugiés des camps du Congo. Surtout quand, parmi eux, se glissent des militaires, des notables de l’ancien régime mêlés parfois de très près au génocide.
Dès l’été 1997, certains quartiers, certains cafés à Bruxelles, ont ainsi vu leur population changer. C’est le cas notamment à l’est de Bruxelles, entre la rue du Noyer et le bas de la chaussée de Louvain.
On a vu des familles hutues occuper les logements habités auparavant par des Araméens, explique un habitant belge. Il y avait un va-et-vient continuel de voitures, d’hommes venant vérifier qui habitait où. Tout cela était à la fois très agité et très organisé.
Les maisons semblaient « réservées » selon des critères bien établis. Coïncidence ? Dans la rue du Noyer se trouve le centre Amani, geré par les Pères Blancs, qui abrite la revue catholique rwandaise « Dialogue », accusée par certains Rwandais de publier des réflexions plutôt « révisionnistes ». Il est très difficile d’avoir un contact avec ces Rwandais, poursuit l’habitant.
A Liège, la communauté africaine est encore sous le choc de la tragédie qui a frappé une famille installée dans le quartier populaire de Sainte-Marguerite. Le 27 février dernier, un jeune homme n’a pas hésité à tuer deux personnes dont son ex-compagne avant de se donner la mort. Ce Burundais n’avait pas supporté que la Rwandaise qu’il aimait le quitte. Une autre occupante de l’immeuble avait miraculeusement échappé à la mort. L’arme du tireur s’était enrayée...
Derrière le voile d’une dramatique histoire d’amour, les enquêteurs de la P.J. et de la police de Liège avaient deviné un problème ethnique. L’amoureux éconduit avait menti à sa bien-aimée quant à sa tribu d’origine.
Au parquet de Liège, hormis ce brutal accès de violence, on dit ne pas avoir remarqué une recrudescence des plaintes concernant des problèmes ethniques.
Même écho au commissariat de quartier de Sainte-Marguerite. Là, les policiers vivent au milieu de quarante nationalités différentes. C’est dire s’ils sont confrontés à des problèmes inhérents au voisinage de cultures aussi diverses : Nous avons eu, il y a quelques années, des ennuis avec des immigrés ghanéens, mais, une fois le dialogue établi, les rapports se sont améliorés, explique un commissaire. Actuellement, les ressortissants africains se montrent calmes et discrets. Nous n’avons enregistré aucune menace précise.
Dédramatisation donc ? Oui et non. Un Congolais installé à Liège depuis longtemps précise ainsi : « A l’instar de la plupart des communautés installées dans un pays étranger, la communauté africaine ou ses composantes préfèrent laver leur linge sale en famille. Il ne transpire que peu de choses des relations entre les gens... »
Les conflits entre Hutus et Tutsis pourraient-ils se déplacer dans notre pays ? Il serait exagéré de répondre par l’affirmative même si des plaintes, émanant des deux communautés, ont été déposées auprès des parquets de Bruxelles et de Liège pour menaces ou harcèlement téléphonique. Elles n’ont apparemment pas fait l’objet d’une instruction.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024