Fiche du document numéro 26895

Num
26895
Date
Jeudi 12 janvier 2012
Amj
Taille
160518
Sur titre
RWANDA
Titre
Le démontage d’un dossier « enfumé »
Sous titre
Le rapport des experts sur l’attentat à Kigali le 6 avril 1994 dévoile de véritables réseaux de désinformation ayant opéré en marge de l’«enquête» du juge français Jean-Louis Bruguière
Tres
 
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Nom cité
Lieu cité
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Résumé
The deconstruction of Judge Bruguière's investigation is now underway. This goes through the questioning of witnesses, most of whom have retracted, but also through the unveiling of the real networks of disinformation that operated on the sidelines of the "investigation": academics have provided their scientific backing, journalists popularized the version, while many documents in the file demonstrate a total proximity between investigators, witnesses, translator and magistrate.
Source
Extrait de
 
Commentaire
 
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le rapport des experts sur l’attentat à Kigali le 6 avril 1994 dévoile de véritables réseaux de désinformation ayant opéré en marge de l’«enquête» du juge français Jean-Louis Bruguière
En désignant l’enceinte du camp de la garde présidentielle, bastion du pouvoir hutu, comme le lieu d’où ont été tirés les deux missiles qui ont abattu l’avion du président Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, les experts convoqués par le juge d’instruction Marc Trevidic ont secoué l’opinion française (LT du 11.1.12). Depuis une quinzaine d’années en effet, les ordonnances du juge Bruguière, largement relayées par des livres et des articles, avaient accrédité l’idée d’un attentat commis par le Front patriotique rwandais (FPR, pro-Tutsi), qui aurait ainsi déclenché le dernier génocide du siècle dernier.
Au lendemain de la communication du rapport d’expertise, qui exonère le FPR de cette accusation, les avocats des neuf personnalités rwandaises incriminées par le juge antiterroriste, Maîtres Lev Forster et Bernard Maingain, ont tiré les premières conclusions de ce revirement de l’enquête.
La première, c’est qu’ils espèrent que leurs clients, de hautes personnalités du régime de Kigali, dont James Kabarebe, l’actuel ministre de la Défense, bénéficieront d’un non-lieu lorsque, après trois mois environ, toutes les conclusions du rapport d’expertise auront été tirées.
La seconde constatation, c’est que l’enquête sur le terrain a été minutieuse et complète: six lieux de tirs possibles ont été visités, 56 missiles ont été examinés avant que le SA-16 d’origine russe soit désigné comme l’arme du crime. Une arme sophistiquée, dont la manipulation exige plus d’une centaine d’heures de pratique. Ce constat rejoint déjà la remarque de l’un des avocats de la famille Habyarimana, qui a rappelé que les Forces armées rwandaises (FAR) n’avaient pas été formées au maniement de tels engins.
Le troisième point qui a frappé les avocats, c’est que la déconstruction de l’enquête du juge Bruguière est désormais entamée. Rappelons que le célèbre magistrat avait instruit uniquement à charge et refusé de se rendre sur le terrain, au contraire de Marc Trevidic qui fut longtemps son disciple. Cette déconstruction passe par la remise en cause des témoins, dont la plupart (comme Abdul Ruzibiza ou Emmanuel Ruzindana) se sont rétractés, mais aussi par le dévoilement des véritables réseaux de désinformation ayant opéré en marge de l’«enquête»: des universitaires comme André Guichaoua ou Claudine Vidal ont apporté leur caution scientifique, des journalistes comme Pierre Péan ont vulgarisé la version, tandis que de nombreuses pièces du dossier démontrent une totale proximité entre enquêteurs, témoins, traducteur et magistrat.
C’est ainsi que Pierre Payebien, l’enquêteur principal de Jean-Louis Bruguière, a utilisé comme traducteur Fabien Singaye, un ami de Jean-Luc Habyarimana (l’un des fils de l’ex-président) et beau-fils de Félicien Kabuga, le financier du génocide. Fabien Singaye avait été présenté à Pierre Payebien
par l’ancien gendarme de l’Elysée, le capitaine Paul Barril, omniprésent dans les opérations de diversion (lire ci-dessous). Ce réseau de connivences, cet «enfumage» du dossier, suivant les termes de Me Maingain a d’ailleurs incité les avocats à déposer plainte pour «tentative d’escroquerie à jugement» et subornation de témoins.
Le rideau de fumée s’est étendu à la Belgique et Me Maingain a rappelé le rôle joué par le professeur anversois Filip Reyntjens qui aurait entre autres conseillé l’enquêteur Pierre Payebien et eu des contacts avec le colonel Bagosora à propos des missiles. Les manoeuvres ne sont sans doute pas terminées: on peut s’attendre à de prochaines «révélations» sur de possibles infiltrations de combattants du FPR à l’intérieur même du camp Kanombe, ce bastion hutu, et Théogène Rudasingwa, ancien secrétaire général du FPR, en rupture avec le président Paul Kagame, ainsi que d’autres ex-rebelles accusés de corruption, retrouvent soudain la mémoire et revendiquent l’attentat.
Les avocats ont aussi tenu à rappeler que les dix Casques bleus belges massacrés au camp Kigali ont été parmi les premières victimes de la désinformation: c’est une source française qui avait désigné les Belges comme les auteurs de l’attentat…
Chronologie
6 avril 1994 Le président Juvénal Habyarimana est tué après deux tirs de missile contre son avion à Kigali.
Avril-juillet Génocide des Tutsis accompagné d’assassinats de Hutus modérés: 800 000 morts.
Juin-août Intervention française (opération «Turquoise»).
17 novembre 2006 A l’issue de son instruction, le juge Jean-Louis Bruguière met en cause le régime de Paul Kagame, le président rwandais.

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