Fiche du document numéro 26878

Num
26878
Date
Mardi 10 janvier 2012
Amj
Auteur
Taille
209084
Surtitre
 
Titre
« Sur le tarmac, Habyarimana a hésité… »
Soustitre
Senkeri Salathiel, ex-garde du corps du président rwandais témoigne d’une atmosphère de peur quand l’avion est parti de Dar es-Salaam, le 6 avril 1994.
Tres
 
Page
 
Nom cité
Lieu cité
Cote
 
Résumé
Senkeri Salathiel, former bodyguard of President Habyarimana, should also have taken the fatal flight back from the Dar es Salaam regional conference. It testifies to the tension that reigned that day shortly before boarding.
Source
Extrait de
 
Commentaire
 
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Senkeri Salathiel cultive aujourd’hui des pommes de terre dans le nord du Rwanda. C’est un paysan débonnaire qui fut longtemps officier de l’armée rwandaise. En 1994, il était même chargé de veiller sur la sécurité du président Habyarimana. Ce 6 avril, il accompagne son chef à la conférence régionale de Dar es-Salaam, en Tanzanie. La vie tient à peu de chose : le garde du corps aurait dû prendre lui aussi le vol fatal du retour. Mais au dernier moment, le président du Burundi s’invite à bord. Senkeri resté sur le tarmac apprendra quelques heures plus tard qu’il vient d’échapper à l’attentat. Mais il n’a pas oublié la tension qui régnait ce jour-là peu avant d’embarquer. Rumeurs d’attentat. En arrivant sur le tarmac, Habyarimana, surpris note la présence, au sein de la délégation, de Déogratias Nsabimana, le chef d’état-major. En principe, il n’aurait jamais dû embarquer en même temps que le Président, une règle édictée par simple précaution de sécurité. Devant Habyarimana et son entourage, le chef d’état-major explique qu’il a été prévenu la veille au soir par… le directeur de cabinet du ministre de la Défense. Il s’agit du colonel Théoneste Bagosora qui jouera un rôle décisif dans la prise de contrôle des ultras juste après l’attentat. Or le chef d’état-major était réputé opposé à un massacre de grande ampleur. «En le découvrant sur le tarmac, Habyarimana a hésité,se souvient l’ancien garde du corps, puis il s’est tourné vers son secrétaire particulier et lui a intimé l’ordre de monter lui aussi dans l’avion.»
Ce dernier, Elie Sagatwa, est un proche cousin de la femme d’Habyarimana, soupçonné d’être l’un des principaux pivots de l’Akazu («la petite maison»), ce cercle occulte qui refuse le partage du pouvoir. Ce jour-là, Sagatwa avait prévu de partir aux Etats-Unis. Pourquoi Habyarimana décide de l’emmener avec lui ? Senkeri l’ignore, mais il sait que le Président était informé de rumeurs sur un éventuel attentat. Habyarimana a-t-il tenté de se protéger en emmenant avec lui ce proche, réputé extrémiste ? A l’issue de la conférence de Dar es-Salaam, au moment du décollage, l’ambiance est encore plus nerveuse. Il fait déjà nuit et Senkeri se souvient que le pilote français avait essayé de convaincre le Président de reporter le vol au lendemain. «Il se tapait le visage avec les mains, désespéré ! Un ministre et son médecin personnel se sont même cachés sous une aile de l’avion, pour ne pas embarquer, mais Habyarimana est allé lui-même les chercher.» Seul semblait satisfait l’un des diplomates français qui avaient assisté à la conférence et qui raccompagne alors le président rwandais jusqu’à son avion. «Je lui disais que c’était un bon accord, les dernières restrictions à la transition politique avaient été levées», expliquera plus tard en substance Jean-Christophe Belliard auditionné par la misson parlementaire d’information. Senkeri, lui, a longtemps cru que les menaces d’attentat venaient du FPR. C’est ce que répétait la radio extrémiste des Mille Colline (RTLM) : «Ils veulent prendre le pouvoir par la voie des armes», tonnait encore le 3 avril, l’animateur de cette station très populaire. «Suspicion permanente». Bien des années plus tard, l’ancien garde du corps est conscient de la manipulation de ce matraquage, attribuant sans cesse des complots aux forces rebelles. En mars 1994, un journal extrémiste hutu n’avait-il pas titré sur la mort annoncée d’Habyarimana, en accusant le FPR ? «Nous vivions dans un climat de suspicion permanente», souligne l’ancien garde du corps du président, qui n’a regagné son pays qu’à la fin du génocide. Ce 3 avril, Senkeri Salathiel le sait, la radio extrémiste avait aussi annoncé : «Il va se passer un petit quelque chose, à la date du 7 ou du 8 avril.» Le 6 avril, l’avion explose, plus personne ne pouvait protéger Habyarimana.

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