Fiche du document numéro 2683

Num
2683
Date
Jeudi 17 décembre 1998
Amj
Taille
31094
Titre
La «drôle de guerre» des militaires français
Sous titre
Ils se sont parfois retrouvés impliqués dans les combats contre les rebelles tutsis.
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Les militaires français ont mené une drôle de guerre au Rwanda en se retrouvant directement impliqués dans des combats contre les « rebelles » tutsis du FPR, notamment en 1993. Le rapport de la Mission d'information parlementaire, publié lundi (Libération du 16/12/98), permet aujourd'hui de mieux cerner ce qu'a été concrètement cette intervention « aux limites de l'engagement militaire direct ».

Le colonel Didier Tauzin, issu du 1er RPIMa, le régiment des forces spéciales, a très clairement expliqué aux députés comment les choses se passaient. Bien que son audition à huis clos n'ait pas été rendue publique, l'essentiel de ses propos sont cependant cités dans le corps du rapport. Cet officier, qui a notamment commandé le très discret « détachement d'assistance militaire et d'instruction (Dami) Panda », a justifié la « proximité des instructeurs » avec l'armée rwandaise au cours d'opérations défensives. « L'armée se doit d'être soudée et la profondeur du dispositif est forcément réduite », de l'ordre de « cinq cents mètres ». « Même si l'instruction se déroule à l'arrière », a-t-il expliqué, elle se situe « à proximité du front », avec la logistique « à un ou deux kilomètres maximum ». La cinquantaine de bérets rouges français n'étaient ainsi qu'à quelques centaines de mètres des « rebelles » Qu'y faisaient-ils? L'exemple des artilleurs est assez
cocasse. Lors d'une opération connue sous le nom de Chimère (22 février-28 mars 1993), les instructeurs français furent chargés d'une « mission de conseil en vue de l'utilisation des batteries de 122D30 et de 105 mm » qui sont des canons de forte puissance. « Les artilleurs (français, ndlr) n'étaient pas au pied de la pièce en train de tirer », a assuré le colonel Tauzin, mais, « éventuellement, si l'artilleur local était perdu dans ses comptes, ceux-ci l'aidaient, pour se retirer ensuite à l'arrière ». Dans l'artillerie, la principale difficulté n'est pas de glisser un obus dans un canon puis de tirer, mais de connaître la position exacte des cibles et d'orienter précisément le tube de l'obusier. C'est une affaire d'équation dont se chargeaient les Français, lorsque les Rwandais étaient « perdus dans leurs comptes ». Pas besoin en effet d'être « au pied de la pièce », surtout si elle est à moins d'un kilomètre.

Lors de cette même opération Chimère, des instructeurs du génie furent également engagés « à proximité souvent immédiate des contacts ». En
jargon militaire, ils étaient en charge de l'« organisation défensive du terrain ». C'est-à-dire qu'ils enseignaient les « techniques de piégeage et de minage, suggérant pour cela les emplacements les plus appropriés ». Ce qui revient à dire que des mines antipersonnel ont été posées au Rwanda sous la responsabilité de militaires français, alors même que l'armée jurait ses grands dieux qu'elle n'en utilisait plus depuis les opérations au Liban, dix ans plus tôt.

Comme l'écrivent les rapporteurs, peu avares en circonlocutions: « La Mission parlementaire ne peut totalement écarter l'idée qu'un instructeur français aurait pu, pour des raisons diverses, apporter ponctuellement un concours plus effectif lors de l'aide au maniement d'une pièce de mortier ou dans une autre situation. »

Lorsque les militaires français ne faisaient pas la guerre, ils faisaient la police. En procédant notamment à des contrôles d'identité sur les citoyens rwandais. Selon le rapport, « entre février et mars 1993, les forces françaises ont mis en place, sur ordre de l'état-major des armées, un dispositif de surveillance des accès de Kigali très développé ». Une « surveillance active, sous forme de patrouilles et de check-points » qui « conduit incontestablement à pratiquer des contrôles sur les personnes ».

Toute cette affaire avait pourtant débuté dans un véritable climat d'amateurisme, révèle le général Thomann, premier patron de l'opération Noroit. « A son départ de France, son détachement n'avait reçu aucune carte du Rwanda. Le 8e RPIMa a pu remédier à cette déficience, grâce à une carte récupérée à la mairie de Castres (sa ville de garnison, ndlr), ville jumelée avec la ville rwandaise de Huye. »

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