Fiche du document numéro 26057

Num
26057
Date
Dimanche 8 mars 2020
Amj
Taille
85503
Titre
Des militants rwandais havrais s’invitent au Sénat et alimentent un incident diplomatique
Soustitre
Un « gouvernement du Rwanda en exil » participe à l’organisation d’un colloque au Sénat ce lundi. Le Sénat rwandais s’insurge.
Nom cité
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Nom cité
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Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Des militants rwandais havrais s’invitent au
Sénat et alimentent un incident diplomatique
Un « gouvernement du Rwanda en exil » participe à
l’organisation d’un colloque polémique au Sénat ce lundi. Le
Sénat rwandais s’insurge.
Par Theo Englebert | 08 Mar 2020
Ce lundi 9 mars, un colloque intitulé « L’Afrique des Grands Lacs, 60 ans de tragique
instabilité » se tient au Sénat. Plusieurs des intervenants suscitent une vive controverse
en raison des accusations de négationnisme et de révisionnisme dont ils font l’objet et
l’organisation s’est considérablement effritée en l’espace quelques jours.
Le naufrage, qui semblait déjà total, a pris ce week-end une dimension internationale avec
l’intervention outrée des parlementaires rwandais qui mentionnent notamment la présence
d’un « gouvernement du Rwanda en exil ».
Vendredi 6 mars, le Dr Augustin Iramuremye, président du Sénat rwandais, expédiait une
missive incendiaire à son homologue français, Gérard Larcher. Dans ce courrier, rédigé
« au nom du Sénat du Rwanda », il formule un « profond souci quant à cette liberté
d’expression reconnue aux négationnistes du Génocide des Tutsis, tout en regrettant les
actes de distorsion de l’histoire, ainsi que les manœuvres de propagation de l’idéologie de
haine anti Tutsi ».
Si le colloque se tient dans une salle réservée par Gérard Longuet, sénateur LR de la
Meuse, l’identité des organisateurs de l’événement demeure volontairement floue. Le club
Démocraties satellite du PS et l’association France-Turquoise marquée très à droite
semblent être de la partie.
À la fin de sa lettre, le Sénat rwandais souligne avoir pris connaissance de la présence
d’un « gouvernement du Rwanda en exil » parmi les organisateurs du colloque. Il conclut
que « l’appui ou la tolérance politiquement motivée de tels actes n’a d’autre but que de
freiner les efforts du Gouvernement du peuple rwandais pour la progression du pays dans
l’unité et la réconciliation ».

« Remplacer le Gouvernement de Paul Kagame »

À quel mystérieux « gouvernement du Rwanda en exil » le président du Sénat rwandais
fait-il référence ? Pour comprendre de quoi il s’agit, il faut revenir à échange sur Twitter
dans l’après-midi du jeudi 5 mars qui va mettre le feu aux poudres. Alors que des
journalistes protestent contre le refus initial des organisateurs d’accueillir la presse, un
dénommé Chaste Gahunde a répondu immédiatement en mentionnant également un
certain Thomas Nahimana. Il ressort de son message qu’il a connaissance du motif
invoqué dans le refus de nous laisser assister au colloque reçu un peu plus tôt par mail.

Thomas Ndahimana et Chaste Gahunde sont membres d’un minuscule parti d’opposition
nommé Ishema. « J’étais désigné par ce parti pour les élections de 2017. Je suis parti
avec mon équipe en janvier. Malheureusement, on ne nous a pas permis d’embarquer
pour Kigali », raconte Thomas Nahimana au téléphone. De nationalité française, il n’avait
en réalité pas de visa pour se rendre au Rwanda.
La réponse en apparence anodine de Chaste Gahunde sur Twitter va prendre une
dimension internationale. Car Thomas Nahimana et Chaste Gahunde sont également
membres d’un autoproclamé « gouvernement rwandais en exil » dont ils se présentent
respectivement comme président de la République et ministre de l’Information.
Dans un communiqué de presse lunaire publié le 22 février 2017 et signé par Chaste
Gahunde, ils déclaraient les autorités actuelles « gouvernement illégitime et indésirable »
et annonçaient « se préparer à remplacer le Gouvernement de Paul Kagame ». « Ce
gouvernement existe et j’en suis le président », confirme Thomas Nahimana au Poulpe.
« Nous avons estimé que notre droit était lésé en tant que citoyens rwandais et que les
forces de l’opposition pouvaient s’organiser dans un gouvernement en exil ».
Thomas Nahimana a bien été élu président de la République du Rwanda, mais seulement
par une quarantaine de personnes réunie « en conclave » à Paris. Cinq mois plus tard,
Paul Kagame était élu au Rwanda avec 98 % des voix, un score propice aux
polémiques. Le parti Ishema est adossé à l’association éponyme déposée au Havre en
2013. Certains membres du bureau initial sont révélateurs de l’orientation idéologique de
la structure, comme Jean-Baptiste Kabanda. « Il était parmi les fondateurs du parti
Ishema », confirme Thomas Nahimana.

Petit frère d’un ancien lieutenant-colonel mis en examen pour génocide, Le Poulpe a déjà
révélé ses liens avec des membres des Forces démocratiques de libération du Rwanda
(FDLR), un groupe armé criminel qui ensanglante l’est du Congo.
Si lors de notre premier appel Thomas Nahimana ne nie pas sa participation à
l’organisation du colloque, il revient ensuite dessus. « Je ne suis pas directement dans
l’organisation de la chose, mais je suis assez informé », minimise-t-il tout en confirmant sa
présence demain au Sénat.
Une présence qui ne doit pas occulter le fond du problème. « Le négationnisme n’est pas
une opinion ni un sujet d’échange. C’est inacceptable », martèle François-Xavier
Ngarambe, l’ambassadeur du Rwanda à Paris. « Je suis surpris et je trouve
incompréhensible que cette parole s’exprime dans l’enceinte du Sénat, le lieu sacré des
lois françaises ». En France, des lois punissent la négation la minoration ou la banalisation
du génocide des Tutsis du Rwanda.

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