Fiche du document numéro 25739

Num
25739
Date
Vendredi 1er juin 2012
Amj
Taille
103576
Sur titre
Rwanda
Titre
Le troublant témoignage du sergent belge
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le 5 avril 1994, le Casque bleu Yves Teyssier aurait assisté
aux préparatifs de l'attentat.

Outre la possession de missiles Mistral par les forces armées
rwandaises, d'autres pistes demeurent encore inexplorées par la
justice. Notamment des témoignages d'anciens Casques bleus qui, en
avril 1994 se trouvaient incorporés au sein de la Mission des Nations
unies pour l'assistance au Rwanda (Minuar), dans le pays à partir
d'octobre 1993 pour veiller au respect des accords de paix signés entre
le régime de Habyarimana et les rebelles tutsis du FPR.

Même si la hache de guerre était officiellement enterrée depuis
août 1993, le partage du pouvoir et la mise en place des nouvelles
institutions butaient continuellement sur les manœuvres dilatoires
du camp présidentiel, peu pressé de céder ses prérogatives au FPR comme
à l'opposition interne. En raison de ces reports constants, la
situation était très tendue en ce début avril, marqué par des
assassinats et des explosions de violences qui compliquaient la tâche
de la Minuar.

Barrage. C'est dans ce contexte qu'Yves Teyssier, un para-commando
belge en poste à Kigali en avril 1994, a vécu une situation singulière
le 5 avril, soit vingt-quatre heures seulement avant l'attentat et le
début des massacres. A l'époque, sa mission principale consiste
à patrouiller autour de Kanombé, pour assurer une présence ostensible
de l'ONU dans un périmètre stratégique. Car Kanombé n'est pas un
endroit anodin à Kigali : c'est dans cette partie de la capitale que se
trouvent la résidence du chef de l'Etat, l'aéroport, mais aussi le
principal camp de la garde présidentielle. Jusqu'à cette fameuse
soirée, les patrouilles auxquelles participait le sergent Teyssier
s'étaient déroulées sans la moindre anicroche, malgré le climat tendu
qui prévalait ailleurs en ville.

Ce soir-là, le convoi qui inspecte la zone de Kanombé se compose d'un
petit camion avec neuf Casques bleus à bord et d'une Jeep. Sa
patrouille est prévue pour durer deux heures, de 20 heures à 22 heures.
La petite équipe se trouve déjà au niveau du camp de Kanombé quand on
lui refuse l'accès aux routes à voie unique menant vers la vallée en
contrebas. Un barrage a été curieusement érigé au milieu de la route,
comme si on voulait dissuader toute intrusion. Les Casques bleus
tentent bien de faire valoir le bien-fondé de leur mission, mais aucune
discussion ne semble possible : les militaires rwandais restent
intraitables.

Tranchées. A la porte principale du camp, Teyssier constate alors que
des pièces d'artillerie viennent d'être installées, ainsi que des
emplacements de mitrailleuses. Des soldats sont positionnés dans des
tranchées fraîchement creusées. Sur le coup pourtant, les Casques bleus
font demi-tour. Ils pensent peut-être avoir le temps d'analyser la
situation les jours suivants.

Teyssier, pour sa part, est envoyé en mission dès le lendemain dans le
nord du pays. C'est alors qu'il entend sur le réseau radio de la Minuar
la voix d'un de ses collègues. Ce dernier se trouve en faction à
l'aéroport de Kigali, plus précisément sur une plateforme du deuxième
étage de l'ancienne tour de contrôle. Nous sommes le 6 avril et il
vient de voir le premier missile manquer l'avion tandis que le second
touchait sa cible, un peu en dessous de l'aile gauche. Le sergent
Teyssier réalise que la situation dérape et repense à l'incident de la
veille au camp Kanombé.

Si son témoignage a pu échapper jusqu'à présent aux juges Trévidic et
Poux, en charge de l'enquête à Paris, son collègue de l'aéroport a été
entendu par les services militaires belges dès 1994. Il affirmait alors
déjà que les tirs provenaient du camp militaire de Kanombé. Bien avant
que les experts des juges parisiens privilégient cette piste eux aussi.

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