Fiche du document numéro 25702

Num
25702
Date
Samedi 21 décembre 2019
Amj
Taille
126634
Titre
En Belgique, une première condamnation pour génocide dans les enquêtes sur le Rwanda
Sous titre
La cour d’assises de Bruxelles a condamné Fabien Neretsé, ressortissant rwandais, à 25 ans de réclusion pour crimes de guerre et crime de génocide.
Nom cité
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Nom cité
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Lieu cité
Source
Type
Langue
FR
Citation
Coupable de génocide. Coupable de crimes de guerre. Le jury de la cour d’assises de Bruxelles n’aura pas vacillé, malgré les dénégations virulentes et contradictoires de Fabien Neretsé, ressortissant rwandais de 71 ans, condamné, vendredi 20 décembre, à 25 ans de réclusion. « La motivation du jury est une motivation de principe qui pourra être utilisée pour disqualifier l’idéologie génocidaire », pense Me Eric Gillet, au nom des parties civiles. C’est un procès « qui s’inscrit dans l’histoire de l’humanité », ajoute, vibrante, Me Michèle Hirsch, elle aussi avocate des parties civiles.

Le verdict rendu à l’encontre de Fabien Neretsé à l’issue de six semaines d’audiences est unique en son genre. C’est la première fois qu’un tribunal belge condamne un individu pour « crime de génocide », alors que des procès de génocidaires hutu se tiennent à Bruxelles depuis 2001 dans le cadre de la loi sur la compétence universelle et que, à chaque fois, c’est le chef d’accusation de « crimes de guerre » qui était retenu. Près de 800 000 Tutsi avaient été massacrés en 1994 au Rwanda.

Dans sa « formulation des motifs », le jury détaille le sens profond de cette peine, soupesant les mots, pour qu’ils collent à la gravité du moment. « Les faits (…) commis par Fabien Neretsé portent une atteinte irrémédiable à l’humanité tout entière. » Toujours selon les jurés, Fabien Neretsé a participé à un « génocide de proximité ». Il a « contribué à la banalisation du crime » et s’est servi du procès comme d’un tremplin pour « véhiculer l’idéologie génocidaire qui est la sienne ». Si le jury n’a pas suivi le procureur qui requérait trente ans de prison, c’est en raison de circonstances atténuantes, en l’occurrence l’âge de Fabien Neretsé.

Selon le jury, Fabien Neretsé s’est révélé « sans pitié et extrêmement organisé ». Les crimes de guerre qu’il a commis se sont d’abord déroulés à Kigali. Le 9 avril 1994, soit trois jours après l’assassinat du président rwandais Juvénal Habyarimana qui servit de signal de départ aux tueries, Fabien Neresté dénonçait des familles de son propre quartier, qui prenaient la fuite pour rejoindre la mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda. Il s’agissait des familles Sissi et Gakwaya ainsi que de la famille belgo-rwandaise composée de Claire Beckers, Isaïe Bucyana et de leur fille Katia.

« Ennemi intérieur »



Hommes, femmes, enfants. En tout, onze personnes furent assassinées d’une balle dans la tête, dans le jardin, derrière la maison de la famille Sissi. Au milieu des cadavres, deux enfants, frères et sœurs, se sont fait passer pour morts. Ils ont survécu. L’aînée des deux miraculés s’est exprimée lors du procès. Elle dit avoir reconnu Fabien Neretsé en train de la chercher, après sa fuite, en compagnie d’une milice Interhamwe – du nom des groupes armés créés par le parti du président Habyarimana. Auparavant, Gérard Gakwaya avait déjà vu ce même Fabien Neretsé montrer du doigt la maison dans laquelle sa femme et sa fille de huit mois ont été tuées de sang-froid.

C’est ensuite dans son fief, à Mataba, que Fabien Neretsé mit en place une milice, « dans le but de relancer le génocide en incitant des villageois à exterminer leurs voisins, des femmes, des enfants, des vieillards, explique Michèle Hirsch. Avec ce procès, nous nous sommes rendu compte de la façon dont des paysans, des agriculteurs ont été amenés à tuer leur voisin. » « Ses actes ont touché un nombre important de victimes, identifiées ou non identifiées », expliquent les jurés.

Cent trente témoins ont été entendus pendant ce procès. Des survivants, des criminels, des « justes » qui sauvèrent au péril de leur vie des Tutsi ou des Hutu opposants. Pendant toute la durée du procès, Fabien Neretsé a clamé son innocence. « J’ai tenté de cacher des gens, en mettant en péril ma propre famille », avait-il affirmé. « D’un autre côté, explique Eric Gillet, Neretsé développe son idéologie génocidaire, il s’appuie sur la notion d’ennemi extérieur et d’ennemi intérieur. A l’intérieur, tous les Tutsi étaient des ennemis. Dans sa conception négationniste, le génocide des Tutsi serait une forme de défense face à un génocide des Hutu. »


La première plainte visant Fabien Néretsé date de 1994. Martine Beckers, sœur de Claire Beckers, s’est battue pour que justice soit faite. Aux journalistes belges de la RTBF, elle déclarait : « Après le procès, je crois que je serai très contente d’éliminer, de brûler tous ces documents qui seront obsolètes pour moi. Ça fera de la place dans ma vie. »

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024