Fiche du document numéro 25443

Num
25443
Date
Vendredi 20 juillet 1991
Amj
Taille
87342
Titre
Entretiens de monsieur Paul Dijoud lors de sa visite à Kigali du 12 au 18 juillet 1991 [Extraits lus par Paul Dijoud lors de son audition par la Mission d'information parlementaire] [Date estimée]
Nom cité
Extrait de
MIP, Auditions, Audition de Paul Dijoud le 20 mai 1998
Type
Document diplomatique, TD
Langue
FR
Citation
M. Paul Dijoud, accompagné du Général Jean-Pierre Huchon, a visité le Rwanda du 18 au 20 juillet. Cette visite a été marquée par l'étape suivante :

Une première audience a été accordée par le Chef de l'Etat pendant près de deux heures, dans la matinée du 18. Elle a donné tout d'abord à celui-ci l'occasion de refaire l'historique détaillé de l'agression subie par son pays depuis le 1er octobre 1990, des origines politiques et ethniques de ce conflit, du rôle joué par l'Ouganda, des différentes tentatives de médiation faites à l'échelle régionale et, enfin, des appuis reçus par le Rwanda des pays amis, surtout de la France, qui ont eu un poids déterminant dans le redressement de la situation militaire.

Le Président est convaincu que Museveni ne renonce toujours pas à appuyer une rébellion formée essentiellement par ses anciens compagnons et frères de race. Il continue à leur fournir des armes, récemment des mortiers de 120 millimètres. Les Rwandais se demandent s'il ne va pas leur procurer des véhicules. De son côté, le groupe d'observateurs militaires créé par l'OUA apparaît tout à fait inefficace, et sa neutralité est douteuse en raison de sa composition ethnique. Ses membres ougandais sont suspects de collusion avec l'ennemi. Il en est de même des Burundais, même si le Président Habyarimana fait personnellement confiance au Président Buyoya.

Le Chef de l'Etat et M. Dijoud sont convenus qu'il fallait donner une suite rapide au projet de mini-sommet entre Etats de la zone. M. Bizimungu, Ministre des Affaires étrangères, était chargé d'une nouvelle tentative pour rencontrer le Président Mobutu et obtenir son adhésion à ce projet et son accord sur la date du 27 juillet, déjà acceptée par le Président Habyarimana.

Par delà cette action diplomatique à mener par le canal de l'OUA et avec l'appui des pays amis, M. Dijoud a insisté pour que se concrétisent les garanties promises pour favoriser le retour des réfugiés, en particulier l'engagement pris par le Président, de permettre à tous de recevoir un passeport rwandais. Il a exprimé la conviction que le Front patriotique rwandais serait privé d'argument lorsque tous les émigrés qui le souhaitaient pourraient jouir de la nationalité rwandaise sans aucune restriction et intervenir librement dans la vie politique du pays.

M. Dijoud a ensuite insisté sur le danger que constituait la perspective d'une conférence nationale qui se déclarerait inévitablement souveraine et permettrait à toutes sortes d'agitateurs de gagner le devant de la scène, conduisant ainsi au désordre et laissant ensuite le pays dans une situation économique et financière grave.

Il fallait, pour éviter cela, que le Chef de l'Etat prenne l'initiative, tant qu'il en est encore temps, de consulter les partis, et de leur soumettre une loi électorale, de préférence fondée sur le scrutin proportionnel, dont l'expérience a démontré qu'il permettait d'assurer l'équilibre le plus satisfaisant dans les pays comme le Rwanda où les facteurs ethniques et régionalistes avaient une grande importance.

[...]

Le 19 juillet a été réservé à la conférence des ambassadeurs de France de la zone. Cette conférence a permis à M. Dijoud d'exposer comment le département comptait relancer notre politique en Afrique, substituer une stratégie d'initiatives et d'actions à une diplomatie trop longtemps limitée jusqu'ici à réagir devant les événements et placer cette politique dans des cadres régionaux, la crise rwandaise fournissant l'exemple d'un problème qui ne pouvait être résolu sans concertation dans l'ensemble de la zone.

La rencontre des ambassadeurs de Kampala, de Bujumbura, de Nairobi, de Kinshasa et de Kigali s'est poursuivie ensuite pour procéder à une évaluation de la situation au Rwanda. La présence militaire française au Rwanda reste nécessaire à la stabilité du pays et aussi à l'ensemble de la zone, et il est souhaitable que les gouvernements voisins soient convaincus que la paix est notre seul objectif. La solution du problème des réfugiés ne peut être que régionale. Nous ne pouvons qu'appuyer les efforts de l'OUA.

La présence militaire française au Rwanda doit avoir pour corollaire la poursuite harmonieuse du processus de libéralisation. Celui-ci doit se réaliser dans le dialogue avec les partis et dans le renforcement de l'état de droit, en évitant un glissement catastrophique vers la conférence nationale.

L'idéal serait que le Chef d'Etat propose à ses opposants d'accepter une trêve qui pourrait être marquée par la formation d'un gouvernement d'union nationale, chargé d'assurer la conduite de la guerre et le rétablissement de la paix, en même temps que la préparation des élections.

La réconciliation doit être notre objectif majeur. Elle passe inévitablement par une négociation avec le FPR. Si cette négociation, par delà les efforts de l'OUA, doit recevoir l'appui des puissances occidentales, la conduite nous en revient et les initiatives américaines, en ce domaine, doivent être découragées. Par ailleurs, si Paris devenait un jour le lieu d'une rencontre, le secret de ses conclusions devrait être rigoureusement préservé.

[...]


Dans la soirée du 19 juillet, le Président Habyarimana a reçu une nouvelle fois M. Dijoud, l'ambassadeur ainsi que le Général Huchon et les ambassadeurs de la zone que M. Dijoud avait tenu à lui présenter. Cette rencontre a eu lieu exceptionnellement, pendant près de deux heures, dans la petite résidence que le Chef de l'Etat possède dans le centre de la ville et qu'il occupait au début de sa carrière alors qu'il n'était encore que Chef de la Garde nationale rwandaise.

Dans une ambiance particulièrement chaleureuse, Mme Habyarimana et ses filles ont offert des boissons. M. Dijoud a pu montrer au Président, par la présence de nos représentants dans les pays voisins l'importance que nous accordions à une solution régionale des problèmes rwandais.

En lui renouvelant l'assurance de notre appui, il a une seconde fois insisté sur le thème incontournable de la réconciliation intérieure et extérieure, et sur la nécessité de ne pas perdre l'initiative de cette réconciliation.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024