Fiche du document numéro 25122

Num
25122
Date
Mardi 3 février 2004
Amj
Taille
366866
Titre
Le Procureur c. Théoneste Bagosora et al. Transcription de l'audience [Témoin : Brent Beardsley]
Nom cité
Lieu cité
Cote
ICTR-98-41-T
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA

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AFFAIRE N° ICTR-98-41-T
CHAMBRE I

LE PROCUREUR
C.
THÉONESTE BAGOSORA
GRATIEN KABILIGI
ALOYS NTABAKUZE
ANATOLE NSENGIYUMVA
PROCÈS
Mardi 3 février 2004
8 h 50

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Devant les Juges :

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Pour le Greffe :

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Pour le Bureau du Procureur :
Barbara Mulvaney ; Drew White ; Christine
Graham ; Segun Jegede ; Rashid Rashid ; Abdoulaye Seye

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Pour la défense de Théoneste Bagosora :
Me Raphaël Constant
Me Paul Skolnik

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Pour la défense de Gratien Kabiligi :
Me Jean-Yaovi Degli
Me Martin Sperry (absent)

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Pour la défense d’Aloys Ntabakuze :
Me Peter Erlinder
Me André Tremblay

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Pour la défense d’Anatole Nsengiyumva :
Me Kennedy Ogetto
Me Gershom Otachi Bw’omanwa

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Sténotypistes officiels :

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Erik Møse, Président
Jai Ram Reddy
Sergei A. Egorov
Nouhou Diallo
Edward Matemanga

Laure Ketchemen, Joëlle Dahan, Sandra Lebrun,
Pierre Cozette, Anne Laure Melingui,
Hélène Dolin, Virginie Jolibois, Nadège Ngo Biboum

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BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

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PRÉSENTATION DES MOYENS DE PREUVE À CHARGE

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TABLE DES MATIÈRES

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TÉMOIN : BRENT BEAERDSLEY

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Suite de l’interrogatoire principal du Bureau du Procureur, par M. White........................................................1

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Contre-interrogatoire de la Défense de Théoneste Bagosora, par M e Constant............................................51

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LAURE KETCHEMEN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page i

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BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

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(Début de l’audience : 8 h 50)

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M. LE PRÉSIDENT :
Bonjour, Mesdames et Messieurs.

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Bonjour, Monsieur… Bonjour, Major. Votre interrogatoire principal se poursuit.

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Monsieur White, s’il vous plaît.

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INTERROGATOIRE PRINCIPAL (suite)

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PAR M. WHITE :

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Major, lorsque nous avons suspendu vendredi, vous veniez de nous parler de votre troisième

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rencontre avec le colonel Bagosora, mi-décembre 1993.

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Q.

Je voudrais maintenant parler de votre quatrième rencontre avec lui, qui, selon vous, aurait eu lieu
le 22 décembre. Pouvez-vous nous dire où cette rencontre a eu lieu ?

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M. BEARDSLEY :

18

R.

La quatrième rencontre a eu lieu à un endroit que nous avons appelé « le kilomètre 64 », qui est situé

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dans la zone démilitarisée, au nord de Kigali, à 64 kilomètres de la ville. C’était un endroit qui se

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trouvait entre la ligne tenue par l’armée gouvernementale rwandaise et le FPR, un endroit tenu par

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les militaires tunisiens. Ce jour-là, le général Dallaire a convoqué une réunion, il y avait le colonel

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Bagosora et le commandant en chef de la Gendarmerie qui étaient là, Ruta… Rwabalinda et la

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délégation du FPR.

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M. LE PRÉSIDENT :

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Vous avez certainement entendu dire que vous parliez trop vite. D’abord, vous devrez réfléchir plus

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lentement et parler également lentement.

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Et Monsieur White, vous voudrez bien observer une pause chaque fois. Je vous remercie.

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M. WHITE :

30

Q.

observé, relativement à ce que Bagosora aurait dit et aurait fait avec l’autre délégation ?

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32

Vous dites qu’il y avait deux personnes dans la délégation de l’armée rwandaise ; qu’avez-vous

R.

Le colonel Bagosora, cette fois, était en tenue civile, contrairement à la réunion qui s’est tenue

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mi-décembre où il était en tenue militaire. Il a été… Il s’est montré très amical vis-à-vis du général

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Dallaire, il n’a pas eu le moindre contact social avec la délégation du FPR. À la table, il a été très

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professionnel, et à cette occasion, il s’est montré particulièrement agressif vis-à-vis de la délégation

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du FPR.

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Q.

Quel genre de propos le colonel Bagosora a-t-il tenus ?
LAURE KETCHEMEN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 1

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BAGOSORA ET AL.

R.

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Le général Dallaire l’a présenté comme le chef de cabinet, c’était le poste qu’il occupait au Ministère

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la défense. Il avait dit qu’il avait officiellement pris ses fonctions ou, plutôt, s’était retiré de ses

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fonctions dans l’armée rwandaise. Pendant toute la réunion — cette réunion qui a duré pratiquement

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jusqu’au matin du 23 —, je ne me rappelle pas qu’il ait dit quoi que ce soit.

5

Q.

La délégation de l’armée rwandaise est arrivée dans un véhicule militaire ou civil ?

6

R.

La délégation de l’armée rwandaise est arrivée dans un véhicule qui était plutôt civil. Je ne me

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souviens pas s’ils avaient une escorte armée, mais si cette escorte était là, je ne m’en souviens pas,

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de toutes les façons, elle ne s’est pas montrée. Et il y a eu… À part le chauffeur, il y avait Bagosora et

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Rwabalinda dans le véhicule.

10

Q.

À cette négociation, il y avait la MINUAR, l’armée rwandaise et le FPR ; c’est bien cela ?

11

R.

Oui, la délégation du FPR était composée de hauts commandants du FPR que nous avions déjà

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rencontrés par le passé, non pas par… nommément… nous ne les connaissions pas nommément

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mais par leurs prénoms.

14

Q.

Y a-t-il eu des individus ou des organisations qui ont pris part à cette rencontre ?

15

R.

Non. Il y avait la MINUAR, au nom « duquel » a parlé le général Dallaire ; il y avait l’armée rwandaise,

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pour qui parlait Bagosora ; et il y avait le FPR, composé de quatre ou cinq personnes, chacune d’elles

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a pris la parole à un moment donné. Et c’était tout.

18

Q.

particuliers ?

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20

Les négociations ont-elles porté sur les armes que détenaient des individus ou des groupes

R.

Oui. Le colonel Marchal, après avoir rencontré les deux parties belligérantes, avait rédigé un

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document sur la zone démilitarisée à Kigali. Il y avait des individus ou des groupes qui détenaient des

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armes. Si vous examinez le texte de l’Accord, vous constaterez que les groupes qui étaient autorisés

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à porter des armes étaient la MINUAR, l’armée gouvernementale, la Gendarmerie et la police et le

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bataillon du FPR, qui se… devaient se rendre à Kigali pour accompagner les membres du

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Gouvernement… les membres du Gouvernement à base élargie ; personne d’autre n’était autorisé à

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porter des armes, et les discussions ont longuement porté sur cette question.

27

Q.

Quelle a été l’issue des négociations sur ce point particulier ?

28

R.

Le FPR était d’avis que les armes ne devaient être détenues que par les membres des groupes que

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j’ai mentionnés, la MINUAR était du même avis, à savoir que seuls les membres de ces groupes

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devaient détenir des armes. Le colonel Bagosora a soutenu que certaines personnes — des

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individus — détenaient des armes pour des raisons de sécurité, qu’il y avait des groupes ou des

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organisations qui avaient besoin de détenir des armes, et les discussions ont tourné en rond sur cette

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question.

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Le général Dallaire a essayé d’amener le… d’amener Bagosora à indiquer… à préciser de quels

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groupes il parlait. Ce dernier ne s’est pas montré… n’a pas donné de précisions, et les discussions

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ont tourné en rond sur ce point jusqu’à tard dans la nuit, et le général Dallaire a dit qu’il n’accepterait

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LAURE KETCHEMEN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 2

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BAGOSORA ET AL.

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pas que des armes soient détenues par des individus ou même par des groupes quels qu’il soient.

2

Q.

Le projet d’accord rédigé par le général Marchal a-t-il été modifié, notamment en ce qui concerne les
individus ou les groupes qui pouvaient détenir des armes ?

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4

MARDI 3 FÉVRIER 2004

R.

Non, le général Dallaire est resté ferme sur sa position. À un moment donné, après minuit, frustré, le

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général Dallaire, qui a assuré la traduction — étant donné que la délégation du FPR ne parlait

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qu’anglais ; la délégation du Gouvernement rwandais parlait français, donc le général assurait la

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traduction dans les deux sens —, il a donc décidé… à un moment donné, il s’est retiré de la table de

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négociations et a élaboré un texte dans les deux langues, et la conclusion était qu’aucun individu,

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aucun groupe ne devait être autorisé à détenir des armes, mais si jamais ce besoin se faisait sentir
ultérieurement, alors la question devait être examinée dans le cadre de nouvelles négociations.

10
11

Q.

Qui a signé le texte de l’Accord au nom de l’armée gouvernementale ?

12

R.

Cette nuit, vers 2 heures, 3 heures du matin, Bagosora a donné son accord verbal au nom de l’armée

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gouvernementale, et le FPR a également donné son accord. Nous sommes retournés à Kigali, et ce

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matin-là, à 8 heures, je me suis rendu au Ministère des forces armées, j’ai, pendant une heure,

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rencontré les officiers qui étaient là ; on m’a dit que Bagosora n’était pas là, et quand il est revenu, le

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document a été signé par le Ministre de la défense. Il y a eu… Le texte a dû circuler pour recueillir les

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« signataires » nécessaires, c’était le 23 décembre vers 16 heures.

18

M. LE PRÉSIDENT :

19

Q.

Donc, les négociations ont commencé le 22 et ont continué jusqu’à 3 heures le 23, et l’Accord a été
signé dans cette matinée du 23 ; c’est bien cela ?

20
21

R.

Oui, Monsieur le Président.

22

M. WHITE :

23

Q.

Est-ce que le Ministre de la défense a été présent lors des deux négociations ?

24

R.

Non, il n’était pas… il n’était pas là, mais il était certainement informé par le colonel Bagosora qui

25

représentait le Gouvernement. Et le général Dallaire a eu probablement des discussions avec lui,

26

mais ces discussions n’étaient pas des négociations. Bref, le Ministre n’a pas participé directement

27

aux négociations.

28

Q.

Quand le Ministre de la défense a vu l’Accord que vous lui avez produit dans la matinée du 23, et
après l’avoir signé, a-t-il demandé des modifications ?

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30

R.

Non.

31

Q.

Les Accords comportaient des restrictions sur quels types d’armes ?

32

R.

Toutes les armes. Et il y avait… le texte comportait une définition des armes, et il s’agissait des armes

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de faible calibre jusqu’aux… jusqu’aux armes de grand calibre. Il y avait toutes sortes de restrictions

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sur les types armes, sur les personnes qui pouvaient les porter, etc.

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Q.

Je vais à présent vous poser des questions sur ce que vous avez observé avant et après la signature
de l’Accord.

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BAGOSORA ET AL.

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M. LE PRÉSIDENT :

2

Q.

Les négociations ont porté sur la zone sécurisée de Kigali ?

3

R.

Oui, Monsieur le Président.

4

Q.

Qu’en est-il des armes à l’extérieur de cette zone ?

5

R.

À l’extérieur de la zone, c’est qu’il y avait… il y avait un cessez-le-feu, mais les restrictions ne
portaient pas sur les armes qui se trouvaient hors de Kigali.

6
7

M. LE PRÉSIDENT :
Avez-vous versé aux débats le document sur la zone sécurisée de Kigali ?

8
9

M. WHITE :

10

Non.

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M. LE PRÉSIDENT :

12

Q.

Quand vous parlez d’armes, cela couvre également les machettes ou parlez-vous d’armes à feu ?

13

R.

L’on pensait sans doute aux armes telles que les machettes, mais l’accent était mis surtout sur les

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armes à feu, car il n’était pas possible de retirer leurs machettes aux membres de la population qui en

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avaient besoin. Donc, vous verrez, dans les paragraphes concernés, une définition assez large des

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armes. Mais les négociations ont porté de manière plus précise sur les armes à feu.

17

M. WHITE :

18

Q.

des armes, avez-vous vu des armes à feu entre les mains de civils ?

19
20

Avant la signature de l’Accord sur la zone sécurisée de Kigali et avant que ne… retenue la définition

R.

Je ne peux pas l’affirmer personnellement, car je ne « l’ai » pas vu, mais nous avions recueilli des

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informations selon lesquelles des quantités importantes d’armes à feu étaient détenues par des

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individus et par des groupes. Par exemple, de nombreux expatriés étaient mécontents de la zone

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sécurisée de Kigali, parce que c’est… les négociations concernaient également les civils, ces

24

populations, ces expatriés qui détenaient des armes. Mais vers novembre, dans la nuit, par exemple,

25

nous avons entendu une grenade exploser, car l’explosion d’une grenade émet un son particulier, et à

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certains moments, nous avons entendu deux, trois ou quatre explosions. Nous avons également

27

appris que les membres de l’armée gouvernementale détenaient de petites armes qui auraient été

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distribuées à des groupes de défense civile. Mais il n’était pas possible de quantifier les armes qui

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avaient été distribuées ni même à qui celles-ci avaient été distribuées. Et donc, nous avons consigné

30

ces éléments dans nos rapports. Nous disions, notamment, qu’il y avait des groupes qui détenaient

31

des armes.

32
33

L’Accord… L’objet, donc, de l’Accord était justement de confisquer ces armes aux personnes qui les

34

détenaient.

35

Q.

Vous auriez besoin d’aller plus lentement, Major.

36

R.

Très bien.

37

Q.

Je vous pose une… la même question, mais cette fois-ci, après la signature de l’Accord relatif à la

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BAGOSORA ET AL.

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zone sécurisée de Kigali, sachant que les armes à feu étaient… devaient être confisquées, avez-vous

2

vu de telles armes entre les mains de civils ?

3

R.

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Je ne me souviens pas en avoir vu personnellement, mais je sais que nous avons… nous en avons

4

confisqué au niveau des barrages routiers, au niveau des points de contrôle ou de recherche,

5

pendant les perquisitions.

6

Q.

Je passe au point suivant.

7
8

Pendant votre mission au Rwanda, avez-vous, à un moment donné, observé des civils subissant un

9

entraînement au maniement des armes ?

10

R.

de notre siège, nous avons reçu de nombreux rapports rédigés par nos représentants sur le terrain.

11
12

Jusqu’au moment où la guerre a commencé, je n’avais pas vu des civils en formation, mais au niveau

Me ERLINDER :

13

Monsieur le Président, la question était de savoir s’il avait personnellement observé de tels faits. Il a

14

répondu par la négative, et donc, au-delà de la réponse qui a été donnée, le reste ne correspond pas

15

à la question qui a été posée, à moins que le Procureur ne lui pose la question expressément.

16

M. WHITE :

17

Je suis désolé, Monsieur le Président, mon confrère a arrêté le témoin dans sa réponse. Il voulait

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fournir des informations… des informations sur la question qui lui a été posée, il n’a pas pu terminer

19

sa réponse. Je peux, bien sûr, poser les questions les unes après les autres, mais si le témoin peut

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donner des réponses complètes, ce serait tant mieux, mais là n’est pas ma préoccupation.

21

M. LE PRÉSIDENT :
Mais on devrait laisser le témoin terminer ses réponses. Ces interruptions ne sont pas acceptables.

22
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24

Maître Erlinder, c’est le témoin qui a choisi de fournir d’autres éléments d’information, vous l’avez

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interrompu indûment.

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Poursuivez, Monsieur le Témoin.

27
28

R.

Nous n’avons pas vu… Je n’ai pas vu des témoins (sic) subir une formation militaire, mais nous

29

avons reçu de diverses sources, y compris de nos informateurs et de nos collègues, qu’il y avait des

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groupes de jeunes qui étaient transportés par véhicules vers des camps militaires où ils subissaient

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une formation paramilitaire. Je pourrais vous donner des exemples précis, si vous le souhaitez.

32

M. WHITE :

33

Q.

Procédons étape par étape. Première étape : D’où provenaient ces rapports ?

34

R.

Ces rapports provenaient de diverses sources, y compris des informateurs non militaires et nos
observateurs militaires.

35
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37
2

Q.

Pouvez-vous estimer à peu près le nombre de rapports que vous avez reçus à votre QG sur cette
question ?
LAURE KETCHEMEN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 5

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BAGOSORA ET AL.

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1

R.

De nombre de rapports, je dirais plus d’une douzaine.

2

Q.

Parlons d’un ou de deux de ces rapports, comme exemple. Commençons par l’identification des
endroits où ces séances de formation militaire avaient lieu.

3
4

R.

L’une des équipes d’observateurs militaires s’est trouvée dans les environs de Butare et a vu des

5

jeunes… des jeunes qui ont été… qui étaient dans le camp de réfugiés du Burundi ; il y avait des

6

camps hutus et des camps tutsis, ils étaient séparés, et nos observateurs ont pu voir des jeunes

7

monter à bord d’autobus qui étaient utilisés à Kigali, de couleur vert et blanc ; ces bus ont pris la

8

direction du nord. Les observateurs ont essayé de suivre ces bus, à un moment donné, ils ont été

9

arrêtés par un barrage et ils n’ont pas pu continuer, mais ils ont deviné que ce bus se rendait dans un

10

camp militaire qui se trouvait dans le parc de l’Akagera, qui s’étendait de Kabungo jusqu’à la frontière

11

avec l’Ouganda.

12
13

Le général Dallaire a assuré le suivi de cette information et s’est rendu par hélicoptère pour essayer

14

de survoler le camp et de voir s’il y avait des jeunes en cours de formation militaire. Il y est arrivé par

15

surprise, il est entré dans le camp et il a vu des jeunes, de nombreux jeunes qui étaient en tenue

16

civile, on lui a répondu que c’étaient des jeunes… c’étaient des militaires qui étaient en tenue civile

17

parce que c’était un dimanche, il a également vu le bus de Kigali. Il en a donc conclu qu’il y avait des

18

civils qui subissaient une formation paramilitaire.

19
20

Nous avons également reçu des rapports selon lesquels, dans le camp de Bugesera, dans le sud-est

21

de Kigali, il y avait un autre grand centre de formation, il y avait également le camp de Bigogwe qui

22

recevait également des jeunes. Ces informations, nous les avons obtenues de nos observations (sic)

23

qui ont vu des autobus transporter des jeunes vers ces camps. On a pu vérifier et confirmer ces faits

24

par nos informateurs.

25

M. LE PRÉSIDENT :

26

Q.

Quand ces informations ont été faites ?

27

R.

C’était en décembre, mais je ne me rappelle pas la date.

28

Q.

Qu’en est-il de Bugesera ?

29

R.

C’était à peu près à la même période.

30

Q.

Et Bagogwe ?

31

R.

C’était également le même moment, et les rapports ont continué à nous parvenir tout au long des
mois de février et mars.

32
33

M. WHITE :

34

Q.

Comment saviez-vous que c’était le commandant du camp ? Parlez-vous du camp de Bagogwe ?

35

R.

C’était… Oui, il y a un camp de formation de commandos, plutôt, un camp de formation de

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commandos, parce que nous avons eu l’occasion de nous y rendre lorsque nous nous rendions dans

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la zone démilitarisée. Malheureusement, nous n’avons pas passé beaucoup de temps à Bagogwe,

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BAGOSORA ET AL.

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nous avons simplement eu le temps de regarder, car il se faisait tard, et il fallait que nous revenions à

2

Kigali avant la tombée de la nuit. Il s’agissait d’une mission tactique que nous avions menée, et je

3

crois que c’était le 24 août.

4

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Point suivant.

5
6

En tant qu’assistant exécutif du commandant de la MINUAR, avez-vous eu à rédiger des rapports qui

7

ont été envoyés au siège des Nations Unies à New York ?

8

R.

Oui, j’ai rédigé pratiquement toutes les correspondances du général Dallaire avec le siège des
Nations Unies, je ne me rappelle pas une seule correspondance qui n’ait pas été rédigée de mes

9

mains. Pendant tout le temps que j’étais au Rwanda, j’étais chargé de rédiger ces correspondances.

10
11

Q.

Avez-vous quelquefois eu à rédiger des télégrammes codés ?

12

R.

Oui.

13

Q.

Pourquoi des télégrammes codés ?

14

R.

Les télégrammes codés étaient envoyés par fax, par l’intermédiaire du satellite Inmarsat. C’était le

15

moyen de communication le plus sûr dont nous disposions pour communiquer avec le siège à

16

New York. Par ailleurs, les textes qui revêtaient la forme de télégrammes codés étaient « sujettes » à

17

une distribution très limitée. Ces télégrammes portaient en général sur les questions très sensibles,

18

les questions de sécurité, par exemple.

19

Q.

Rédigiez-vous ce type de correspondance de manière régulière ou ponctuelle ?

20

R.

Les deux : Régulièrement, nous le faisions sur une base hebdomadaire. Il y avait un rapport sur la

21

situation que nous envoyions toutes les semaines, ces rapports étaient signés par Monsieur

22

Booh-Booh, car ces rapports portaient également sur les questions administratives et politiques. Mais

23

il y avait également des rapports qui portaient sur la situation militaire, et ce, à l’intention de nos

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collaborateurs qui étaient au siège.

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26

Ensuite, lorsque notre mandat a été renouvelé, nous avons envoyé un rapport exhaustif au Secrétaire

27

général des Nations Unies. Ce rapport portait sur tout ce que nous avions fait sur trois mois, et ce que

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nous envisagions de faire sur les six mois à venir. Ces rapports, je les ai rédigés moi-même, avec le

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concours d’autres personnes, et nous les soumettions à la signature de Monsieur Booh-Booh.

30
31

Nous envoyions également des rapports ad hoc. Le général Dallaire tenait à informer le siège des

32

Nations Unies sur la situation qui prévalait sur le terrain, de manière à éviter des interprétations

33

erronées de certains faits. Donc, ces rapports étaient envoyés de manière régulière et chaque fois

34

que le général Dallaire le jugeait nécessaire.

35
36

Et enfin, il y avait des rapports que nous envoyions chaque fois qu’un fait particulier se produisait ou,

37

alors, lorsqu’il y avait une information précise que le général Dallaire entendait communiquer au siège

2

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1

BAGOSORA ET AL.

1

des Nations Unies.

2

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M. WHITE :

3

Peut-on présenter au témoin la pièce à conviction P. 170 ? Pouvez-vous présenter au témoin la pièce

4

à conviction P. 170 que vous avez devant vous ? Pouvez-vous le montrer au témoin ?

5

Q.

Major, je vous ai fait remettre la pièce à charge P. 170, il s’agit d’un ensemble de documents.
L’avez-vous sous les yeux ?

6
7

R.

Oui.

8

Q.

Numérotée de 1 à 11 ?

9

R.

C’est bien cela.

10

Q.

Avez-vous eu… par le passé, eu l’occasion d’examiner ces documents… ce jeu de documents ?

11

R.

Oui, j’en ai eu l’occasion.

12

Q.

Pouvez-vous nous dire si cet ensemble de documents émane en fait de la MINUAR ?

13

R.

Oui, c’est cela.

14

Q.

Le contenu de ces documents porte-t-il sur les faits qui se sont produits au Rwanda en 1993, 1994 ?

15

R.

Oui, c’est bien cela.

16

Q.

S’agit-il d’un… d’un jeu complet ou d’une partie seulement des correspondances ?

17

R.

Non, il s’agit d’une infime partie.

18

Q.

Pour être plus précis, dites-nous si vous avez rédigé l’un quelconque de ces 11 documents dans ce…
dans ce jeu de documents.

19
20

R.

Oui, j’ai rédigé pratiquement tous ces documents. Mais pour les documents 1 et 2, je n’étais pas

21

encore on Rwanda, j’étais au siège… non, je n’étais pas au Rwanda, j’étais en mission au siège des

22

Nations Unies. Mais j’ai pris connaissance de ces deux documents et j’ai eu à agir sur la base de

23

certaines informations que comportent ces documents 1 et 2.

24

Q.

Pouvez-vous nous dire si ces documents comportent des informations bien précises ?

25

R.

Absolument.

26

Q.

Je vous invite à prendre le document numéro 3, intercalaire numéro 3, il s’agit d’un télégramme codé
en date du 8… du 6 janvier 1994. Il s’agit d’un message adressé au Secrétaire général.

27
28

R.

Oui, au Département de maintien de la paix. Nous avons envoyé ce document aux personnes dont
les noms sont mentionnés sur ce document.

29
30

Q.

Soyons plus précis. Qui était Madame Rivero ?

31

R.

Il s’agissait du responsable des questions politiques au Département des… du maintien de la paix.

32

Elle était de nationalité cubaine, elle supervisait les missions techniques, et c’était elle qui s’occupait

33

du dossier du Rwanda au Département du maintien de la paix ; c’était donc notre homologue, pour

34

ainsi dire, au siège.

35

Q.

le paragraphe numéro 1, le premier paragraphe parle de groupes de voyous ; est-ce bien cela ?

36
37
2

Vous dites que ce document a été rédigé en réponse à une question qu’elle a posée. Si nous prenons

R.

Oui, c’est bien cela.
LAURE KETCHEMEN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 8

1
1

BAGOSORA ET AL.

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

J’attire votre attention au paragraphe numéro 4, la première phrase de ce paragraphe parle du

2

deuxième massacre qui a eu lieu à Kabatwa. À la ligne numéro 6 du même paragraphe, il y a une

3

autre phrase qui dit ceci : « Dans la journée qui a suivi cet incident », etc. Avez-vous vu cette

4

phrase ?

5

R.

Oui, je l’ai repérée.

6

Q.

Pour être plus précis, ce paragraphe numéro 4 parle-t-il d’un fait ou de plusieurs faits ?

7

R.

Ce paragraphe fait état de deux faits : Le premier, c’est la disparition d’enfants et un corps — vous

8

vous souvenez que je vous en avait parlé — ; le deuxième point concerne les enquêtes que nous

9

avons menées. Il s’agit de ces incidents-là.

10

M. LE PRÉSIDENT :

11

Q.

Quelle est la date ?

12

R.

29, 30 novembre.

13

M. WHITE :

14

Q.

Vous parlez du deuxième massacre qui s’est produit à Kabatwa ?

15

R.

Oui, c’est bien cela, les premiers massacres ont eu lieu le 22, le 23 novembre, et j’ai mené les
enquêtes sur la colline et j’ai retrouvé les corps de ces enfants le 26 novembre.

16
17

Q.

Pour être plus précis sur les enfants, les incidents que vous avez mentionnés relativement aux

18

enfants et qui auraient eu lieu le 26, est-ce le lendemain de cet incident que vous êtes… vous vous

19

êtes rendu sur le terrain et où il y a eu une mine antipersonnel qui a explosé ?

20

R.

Je suis désolé, mais je n’en suis pas sûr. Les enfants ont disparu la veille, la veille du jour où

21

les 18 personnes ont été tuées sur la colline. Le 25, un vendredi, les Tunisiens ont retrouvé les corps

22

des enfants sur la colline. Vous vous souvenez que j’ai dit que le général Dallaire, le 23 et le 24, s’est

23

aperçu que les enfants avaient disparu et en a conclu qu’ils avaient été enlevés. Dans la matinée

24

du 25, les Tunisiens ont retrouvé les corps des enfants, et cet après-midi, je me suis rendu sur la

25

colline et j’ai vu les corps, et j’ai mentionné certains de ces enfants ici ; quant aux autres, nous

26

n’avons jamais pu retrouver leurs corps.

27

Q.

Je voudrais vous faire apporter des précisions sur ce point. S’agit-il du même incident à la suite
duquel un homme a été tué pour avoir sauté sur une mine antipersonnel ?

28
29

R.

Oui, cet incident s’est produit le matin du 27, un samedi, le 27 novembre.

30

Q.

Et le chemin que vous avez été suivre pour arriver au lieu où se trouvaient les cadavres des enfants,
est-ce que vous pouvez dire quelle était la largeur de cette… ce chemin ?

31
32

R.

Oh ! Je… Ce n’était pas un chemin très large, mais c’était un endroit… un chemin très utilisé.

33

Q.

Pour arriver à l’endroit où se trouvaient les cadavres des enfants, avez-vous eu à passer près de
l’endroit où ils étaient allés chercher de l’eau ?

34
35

R.

Oui, nous l’avons fait.

36

Q.

À quelle distance se trouvait ce point où les enfants devaient chercher de l’eau et où se trouvaient

37
2

leurs canaris ? À quelle distance se trouvait ce point du lieu où se trouvaient les enfants ?
LAURE KETCHEMEN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 9

1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

R.

Un kilomètre et demi, je pense.

2

Q.

Lorsque le général Dallaire s’est rendu sur les lieux, avant que vous-même n’y arriviez, vous a-t-il dit
jusqu’à quel niveau du chemin il était arrivé ?

3
4

R.

Oui, il avait atteint le point où l’on avait trouvé les jerricans des enfants.

5

Q.

Ceci est clair, maintenant. Parlons maintenant des autres événements dont on parle dans ce

6

paragraphe. Vous… C’est l’incident que l’on appelait « le massacre de Kabatwa » qui avait eu lieu

7

peut-être une semaine auparavant. Que pouvez-vous nous dire de cet événement ?

8

R.

Ces deux événements sont survenus pendant la même semaine, la semaine
du 22 au 27 novembre 1993. Les enfants ont été porté disparus un certain jour, puis la nuit suivante,

9
10

des personnes inconnues ont… sont arrivées dans ce village de Kabatwa et ont tué… — ici, on

11

dit 18 personnes — il y a eu 18 personnes tuées, d’après mon souvenir. Les corps avaient été mutilés

12

et les… lorsqu’on est arrivé sur ces collines où ces meurtres avaient eu lieu « le » 16 et 17 novembre,

13

il y avait eu… les politiciens avaient exprimé leurs préoccupations, il y a eu beaucoup de remarques

14

incendiaires faites pendant les émissions de radio, c’est un événement qui avait attiré l’attention de

15

tout le pays, c’était un événement déstabilisant qu’il nous fallait… une énigme qu’il nous fallait

16

résoudre.

17

Q.

Est-ce que la MINUAR a mené des enquêtes sur les massacres de Kabatwa ?

18

R.

Oui, nous l’avons fait, tout comme les massacres du 17 et du 18, il y a eu une première enquête

19

menée, et ceci cadre bien avec les propositions faites par le général Dallaire après mon retour

20

le 26 novembre. Le général Dallaire a décidé qu’il… a pensé qu’il s’agissait d’une bonne occasion de

21

mener des enquêtes conjointes, c’est-à-dire avec les représentants du Gouvernement rwandais, avec

22

le Front patriotique et l’UNAMIR… la MINUAR. Il s’agissait de mener des enquêtes conjointement

23

pour que l’on trouve les responsables de ces meurtres.

24

Q.

Revenons-en au télégramme. Est-ce que ce télégramme envoyé… du 6 janvier a été envoyé ?

25

R.

Oui, il a été transmis.

26

M. LE PRÉSIDENT :

27

Q.

Ces massacres de Kabatwa, est-ce que ce sont des massacres différents… ceux de la commune de
Nkumba ?

28
29

R.

Oui, à Nkumba, c’était le 17, 18 ; ce sont ceux dont on parle dans le paragraphe 2.

30

M. WHITE :

31

Q.

Major, je vous invite à regarder l’intercalaire 4, dans lequel vous retrouverez encore des télégrammes

32

codés. La date que je vois, c’est celle du 11 janvier 1994, le câble… le télégramme est envoyé par le

33

général Dallaire et il est destiné au général Baril du maintien de la paix à New York.

34

R.

Oui, c’est bien cela.

35

Q.

Reconnaissez-vous ce document ?

36

R.

Oui, je l’ai rédigé et je l’ai également transmis.

37

Q.

Vous connaissez un capitaine Frank Claeys ?

2

LAURE KETCHEMEN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 10

1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

R.

Oui, je le connais bien.

2

Q.

Est-ce que le capitaine Claeys a été impliqué dans la rédaction de ce câble ?

3

R.

Lui, le colonel Marchal et un autre major, et les forces belges nous ont fournit les informations sur la
base desquelles j’ai rédigé ce télégramme.

4
5

Q.

Je vais vous demander de retrouver le paragraphe 7, à la fin de la première ligne, on utilise le terme

6

« extermination », l’information (sic) déclare qu’il désapprouve l’extermination des Tutsis ; est-ce que

7

vous voyez cette phrase ?

8

R.

Oui, je la vois.

9

Q.

Pourquoi est-ce que ce terme, ce mot « extermination » a-t-il été utilisé ?

10

R.

C’est sur la base des informations que nous avions reçues de l’informateur. Il dit clairement qu’il

11

désapprouve l’extermination des Tutsis, et il explique que c’est la raison pour laquelle il est venu vers

12

la MINUAR pour fournir cette information.

13

Q.

s’agissant des tueries ?

14
15

Au moment de la rédaction de ce télégramme, quel était le mandat… quels étaient les termes utilisés,

R.

Le terme que nous utilisions, c’étaient les massacres tribaux, « ethniques » ou, alors, « le
nettoyage ».

16
17

Q.

Est-ce qu’il y a eu une réponse à ce télégramme codé ?

18

R.

Oui, nous avons reçu une réponse très, très rapide émanant de New York. J’ai terminé la rédaction de

19

ce câble, le général Dallaire l’a amélioré, finalisé, parce que je l’avais dactylographié à la maison, je

20

ne pouvais pas l’imprimer, donc, j’ai dû l’imprimer au quartier général. Je l’ai ramené à la maison, le

21

général Dallaire l’a lu, il l’a signé, je l’ai ramené au quartier général, et j’ai… je suis… j’ai appelé le

22

responsable de la communication, un civil, nous sommes allés au centre de transmission et j’ai

23

attendu jusqu’à avoir le rapport de transmission. J’ai gardé la copie originale, et bien sûr, le document

24

a été classé. Je suis rentré aux environs de 2 heures du matin et je me suis couché, et le matin

25

suivant, à 8 h 30, lorsque je suis arrivé au travail, très peu de temps après mon arrivée, nous avons

26

reçu la réponse de Monsieur Riz… à New York… Riza… Riza.

27

Q.

Avez-vous vu la réponse ?

28

R.

Oui, je l’ai vue. Le général Dallaire m’a appelé dans son bureau, il m’a demandé de lire la réponse, ce
que j’ai fait.

29
30

Q.

Avez-vous compris que dans cette réponse, il s’agissait simplement de directives qui vous

31

permettaient d’agir à votre discrétion ou, alors, est-ce que vous avez eu le sentiment qu’il s’agissait

32

d’ordres émanant de vos supérieurs qui vous imposaient de vous exécuter ?

33

R.

Oui, j’ai compris qu’il s’agissait d’ordres qu’il fallait exécuter.

34

Q.

Et au moment où vous avez rédigé et faxé ce télégramme, est-ce que vous recherchiez des ordres ou
des directives ?

35
36
37
2

R.

Non, Monsieur, ce que nous voulions savoir, c’est ce qu’il fallait faire de l’informateur. Il avait une
demande, il voulait être transféré… il voulait changer des francs rwandais en dollars, puis lui-même et
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1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

sa famille voulaient recevoir des passeports pour se rendre dans un pays occidental, et nous ne

2

savions pas comment procéder. Vous verrez donc dans ce rapport que nous reconnaissions que nous

3

n’avions pas beaucoup d’expérience dans ce domaine, nous demandions des instructions.

4
5

Au paragraphe 9, le général Dallaire demande clairement… dit… informe clairement qu’il avait

6

l’intention de prendre… de donner suite à certaines propositions dans les 36 heures.

7
8

Nous avons parlé des Accords de paix, de notre mandat, de la zone sécurisée de Kigali et des règles

9

d’engagement. Nous avions été autorisés, par les deux parties et par les Nations Unies, de prendre

10

ce genre de mesures, c’est-à-dire de recouvrer des armes qui se trouvaient entre les mains des civils,

11

et c’était l’intention du général Dallaire de le faire, mais il voulait tout d’abord vérifier l’information pour

12

être sûr qu’il ne s’agissait pas d’un piège.

13
14

Donc, on nous a demandé de mener deux actions de manière simultanée : Premièrement, vérifier

15

l’existence et localiser les caches d’armes ; et deuxièmement, le colonel Marchal avait pour mission

16

de préparer, de manière très secrète, de coordonner les opérations que nous avions l’intention de

17

mener.

18

Q.

Passons maintenant à cet informateur. Le premier paragraphe de ce télégramme codé du 11 janvier

19

parle du contact avec un informateur très… haut responsable politique du Gouvernement.

20

Pouvez-vous nous dire de qui il s’agissait, qui était cet homme politique qui vous avait mis en contact

21

avec l’informateur ?

22

R.

transition, c’est lui qui a mis… qui nous a mis en contact avec cet informateur.

23
24

Q.

En dehors de cette première fois au cours de laquelle Monsieur Twagiramungu a approché le général
Dallaire, savez-vous s’il y a eu d’autres contacts avec l’informateur ?

25
26

Il s’agissait de Monsieur Faustin Twagiramungu, Premier Ministre désigné du Gouvernement de

R.

Après cette première rencontre qui avait eu lieu le 10 janvier pendant la nuit, il y a eu d’autres

27

contacts avec l’informateur, c’est-à-dire entre le capitaine Frank Claeys, qui était un officier de

28

renseignements militaires — un espion, comme on dit —, il y avait aussi le capitaine Démé du

29

Sénégal, qui l’accompagnait à ces rencontres. À ma connaissance, après ce contact initial, le colonel

30

Marchal n’a pas eu à rencontrer l’informateur.

31

Q.

Sous quelle forme était fournie l’information : Forme écrite ? Enregistrement oral ?

32

R.

Oui, il s’agissait de renseignements oraux donnés par l’informateur au colonel Marchal, capitaine

33

Claeys. Je pense que l’informateur ne rencontrait… le colonel Marchal et Claeys rapportaient ces

34

informations, l’information était en fait rapportée au général Dallaire en ma présence, il y avait aussi le

35

capitaine de Kant, et il y avait ensuite des discussions menées au sujet de ce qu’il fallait faire de ces

36

informations.

37
2

Q.

Lorsque vous dites qu’il y avait des discussions sur la valeur à donner à ces informations, qui est-ce
LAURE KETCHEMEN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 12

1

BAGOSORA ET AL.

1

que cela concernait ?

2

R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

En général, la conversation se déroulait entre le général Dallaire et le colonel Marchal. De temps en

3

temps, d’autres personnes pouvaient participer. Je ne me souviens pas d’avoir contribué de quelque

4

manière que ce soit, j’écoutais simplement. Le capitaine Claeys, le major Kesteloot, qui avait

5

l’expérience du terrain au Congo, étaient des personnes qui pouvaient apporter une contribution,

6

mais la conversation se déroulait généralement entre le général Dallaire et le colonel Marchal.

7

Q.

informations fournies par l’informateur ?

8
9

Quelle était la politique quant à savoir si le général Dallaire devait être régulièrement informé des

R.

C’est le capitaine Claeys qui était le contact avec l’informateur, et toute information reçue devrait être

10

transmise directement au général Dallaire et au colonel Marchal, individuellement ou séparement,

11

mais ces deux personnes devaient être informées. Pour les autres, c’était selon les cas et sur

12

approbation… après approbation du général Dallaire.

13

Q.

que des contacts avec cet informateur ont été maintenus ?

14
15

En dehors de ce contact… du premier contact avec l’informateur, pendant combien de temps est-ce

R.

Vers la fin du mois de janvier, New York nous a demandé de cesser tout contact avec cet informateur,

16

mais je ne suis pas certain que Claeys ait cessé de rencontrer cet informateur aux fins d’obtenir des

17

renseignements, parce que nous avons continué à recevoir des informations verbales ou sous forme

18

écrite pendant toute la période, jusqu’au mois de mars. Donc, que Claeys ait arrêté ces contacts, je

19

n’en suis pas certain, mais je sais que nous avions reçu l’instruction de New York de le faire dès la fin

20

du mois de janvier.

21

Q.

Quelles étaient vos relations avec le capitaine Claeys ?

22

R.

C’était un ami proche, un camarade, nous avons travaillé… collaboré étroitement dans le domaine du

23

travail, mais en dehors du travail, effectivement, nous étions des amis, c’est quelqu’un qui avait reçu

24

une excellente formation et qui avait beaucoup d’expérience. Je le respecte.

25

Q.

Vous et le capitaine Claeys, avez-vous jamais discuté de la question de cet informateur, entre vous ?

26

R.

Oui, à maintes reprises, lorsque la situation l’exigeait.

27

Q.

Alors, suite à ces conversations avec le capitaine Claeys ou au vu des informations que vous aviez

28

obtenues dans le cadre de votre assistance au général Dallaire, avez-vous pu savoir quel était le

29

poste ou la profession de cet informateur ?

30

R.

renseignements selon lesquels il était un instructeur important qui entraînait les milices.

31
32

Q.

Lorsque vous dites qu’il a plus tard fourni d’autres informations ou que vous avez reçu d’autres
informations…

33
34

Oui, pendant la première réunion, il a donné une information et, plus tard, il a fourni d’autres

R.

Sur le fait qu’il était un instructeur à un niveau élevé dans l’armée… des Interahamwe, il y a eu deux

35

faits. Le général Dallaire… On avait demandé au général Dallaire de contacter le Président et les

36

ambassadeurs de certains pays au sujet des informations que nous avions reçues. Pendant la

37

réunion avec le Président, tenue en présence de Monsieur Booh-Booh, le général Dallaire a été

2

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surpris d’entendre le Président lui demander — à lui, le général Dallaire — de rencontrer « les

2

présidents » du parti MRND ; c’était… cela semblait assez étrange au général Dallaire. La réunion

3

était prévue pour l’après-midi, et à la fin de cette réunion, le général est retourné au siège et, plus

4

tard, dans la soirée, le capitaine Claeys a eu une rencontre avec Jean-Pierre, puis Claeys s’est rendu

5

généralement… immédiatement au domicile du général, parce que Jean-Pierre lui avait dit, pendant

6

cette conversation, pratiquement mot à mot ce que le général Dallaire avait entendu pendant la

7

réunion du matin. Il n’y avait aucun autre élément, pour Jean-Pierre, d’avoir obtenu cette information,

8

que s’il avait rencontré lui-même le Président du MRND, et il lui avait dit que l’on avait… qu’on avait

9

convoqué le général Dallaire… Non, il a relaté mot par mot la conversation. Il a également fourni au

10

capitaine Claeys une cassette vidéo, le capitaine Claeys a ramené cette vidéo à la maison le 16,

11

c’était un samedi après-midi, nous avions un magnétoscope, nous avons regardé, il s’agissait d’un

12

rassemblement du MRND qui était survenu une semaine plus tôt et, sur la cassette, sur cette vidéo,

13

Claeys m’a montré Jean-Pierre, qui était en costume, qui tenait une radio et qui, apparemment, parlait

14

en kinyarwanda dans cette radio. Et nous l’avons également vu en conversation avec des membres

15

de la milice Interahamwe qui étaient, eux, en uniforme et, apparemment, il leur donnait des

16

instructions et ils l’écoutaient et avaient l’air de s’exécuter. Donc, à compter de ce jour, nous avons

17

été convaincus que Jean-Pierre était également un instructeur à un niveau élevé de la milice

18

Interahamwe.

19

Q.

Lorsque vous parlez de « chez nous », « notre domicile », de quelle maison s’agit-il ?

20

R.

Celle du général Dallaire, dans laquelle j’habitais, dans laquelle habitaient également l’aide de camp
et le chauffeur belge des paracommandos. Nous partagions une même maison.

21
22

Q.

Major, je vais vous demander de passer à l’intercalaire 6… 7 — pardon — de la pièce P. 170, il s’agit

23

d’un télégramme codé daté du 7 avril 1994. Nous allons revenir à ce télégramme un peu plus tard,

24

pour de plus amples détails, mais pour l’instant, pouvez-vous confirmer qu’il s’agit d’un télégramme

25

codé du général Dallaire, adressé à Baril à New York, envoyé le 7 avril 94 ?

26

R.

Oui, je le reconnais, je l’ai non seulement rédigé et… mais je l’ai transmis et signé, parce que le

27

général Dallaire ne se trouvait pas au siège, et New York demandait ce rapport. Et donc, l’après-midi

28

du 7 avril, j’ai demandé au général Dallaire l’autorisation de signer ce rapport et de le transmettre,

29

parce qu’on nous le réclamait de manière répétée.

30

Q.

Donc, votre signature, c’est celle qu’on voit en haut, à droite de la première page ?

31

R.

Oui, c’est bien cela. Il était d’usage d’apposer sa signature lorsqu’on transmettait un document. Donc,
vous voyez le nom du général, et c’est pour cela que j’ai signé, sur ses instructions.

32
33

Q.

Laissons de côté, pour l’instant, ce télégramme codé.

34
35

Samedi, lorsque nous écoutions votre déposition, nous avons respecté un ordre chronologique. Vous

36

êtes arrivé à la fin 1993… Nous sommes… Nous avons déjà parlé de la fin 93, maintenant, passons

37

au mois de janvier 1994. La première question que je souhaite poser, s’agissant de ce mois de

2

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janvier 94, porte sur les tentatives d’installer le Gouvernement à base élargie.

2

Pouvez-vous nous dire quand la première tentative a eu lieu ?

3
4

R.

Oui, c’était le 5 janvier, un jour important parce que le 5 octobre, notre mandat a été approuvé par le

5

Conseil de sécurité des Nations unies, et l’on nous avait donné trois mois pour instaurer la phase 1, la

6

première phase, qui était la fin de… qui était l’instauration du Gouvernement de transition à base

7

élargie.

9

(Pages 1 à 15 prises et transcrites par Laure Ketchemen, s.o.)

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M. WHITE :

2

Q.

3

M. BEARDSLEY :

4

R.

Oui, j’étais là.

5

Q.

Pouvez-vous nous dire quand est-ce que vous êtes arrivé et ce qui s’est passé par la suite ?

6

R.

Nous devions assurer la sécurité pendant cette cérémonie d’installation et j’avais été posté à

Étiez-vous présent à cette tentative de faire prêter serment aux membres du Gouvernement ?

7

l’entrance… à l’entrée principale du CND avec d’autres officiers de la MINUAR, mais nous étions

8

séparés du général Dallaire qui, à différents moments, m’a demandé de me déplacer pour vérifier

9

certaines choses et lui faire rapport.

10

Q.

principale… de l’entrée principale du CND ?

11
12

Qu’avez-vous observé s’agissant des personnes qui se trouvaient à l’extérieur de la porte

R.

Le Président du Rwanda est arrivé, la MINUAR était déjà en position, bien avant que les gens

13

n’arrivent. Le Président est arrivé avec son escorte, avec une escorte de gardes… de la Garde

14

présidentielle très, très agressive. Ils l’ont accompagné au CND, et ces gardes présidentiels

15

grondaient les gens, ont presque écrasé certaines personnes, mais à l’entrée du CND, on n’a pas

16

autorisé cette escorte à pénétrer dans l’enceinte. Ils ont bloqué l’entrée, les… ils ont… ils sont sortis

17

de leurs véhicules, se sont mélangés à la foule, la foule est devenue agressive, et ils ont essayé de

18

stopper les véhicules en amont de l’entrée que nous contrôlions. Nous avons essayé de négocier

19

avec eux pour qu’ils se retirent, et je me souviens qu’un major de la Garde présidentielle — je pense

20

qu’il s’appelait Mpirnya — a élevé la voix ; la situation est devenue très tendue.

21
22

Le général nous a dit de rester calmes et de négocier leur départ, parce qu’il y avait des délégués et

23

des individus qui devaient être installés ce jour-là. Mais ces personnes ne sont pas arrivées ; ils se

24

sont échappés. Et je me souviens d’une personne, Monsieur Lando, et certaines personnes

25

appartenant à son parti avaient été attaquées et nous les avons mis en sécurité.

26
27

Pendant la cérémonie d’assermentation, le Président a prêté serment en tant que Président du

28

Rwanda, et à ce moment-là, le FPR a vu la répartition des ministères et, apparemment, n’était pas

29

« heureuse » de ce « qu’elle » a vu ; « elle » s’est retirée et les délégations des partis modérés se

30

sont aussi également retirées et la cérémonie a été annulée, et le Président a quitté les lieux.

31

Q.

que le FPR était cantonné au CND, combien d’entrées il y « en » avait ?

32
33

Vous avez fait référence à l’entrée principale du CND ; pouvez-vous nous dire pourquoi… pendant

R.

Il y avait une à l’ouest et une autre à l’ouest (sic). Le FPR possédait la moitié de l’enceinte,

34

c’est-à-dire l’endroit où se trouvait l’hôtel, de même que la cour autour de la partie est. Donc, ils… Il y

35

avait la troupe « du » MINUAR qui était à l’extérieur. La partie ouest du CND était l’endroit où se

36

trouvait le bâtiment de l’Assemblée nationale ainsi que d’autres salles de réunion que nous utilisions

37

comme baraquements pour les gardes, et nous, nous contrôlions la part… l’entrée ouest du CND.

2

JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 16

1

BAGOSORA ET AL.

1

Nous avons partagé le contrôle de… des endroits, mais lorsque de… lors de la cérémonie, le FPR

2

nous a remis le contrôle de ces bâtiments. À l’exception du FPR, toutes les personnes sont entrées

3

par l’entrée qui est sous le contrôle de la MINUAR pour assister à la cérémonie.

4

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

En dehors de l’événement que vous venez de relater, celui du 5 janvier, qui visait à faciliter la

5

cérémonie d’assertation… d’assermentation, avez-vous pu observer des incidents relatifs à la

6

sécurité ?

7

R.

Oui, j’ai pu l’observer à plusieurs reprises. Il y a eu des incidents autour du CND, notamment après

8

cette tentative vouée à un échec de cette cérémonie d’assermentation. Le 8 janvier, il y a eu un

9

incident important qui a eu lieu, de même que le 24 janvier.

10

Q.

Parlons alors de l’incident qui a eu lieu dans la nuit du 21 janvier. Pouvez-vous nous dire où vous
étiez lorsque cela s’est produit ?

11
12

R.

J’étais au QG de la force, au bureau du général ; je travaillais très tard.

13

Q.

Quand est-ce que vous avez quitté le quartier général et pour quelle raison ?

14

R.

Après la nuit tombée, un avion a atterri à l’aéroport… à l’aéroport de Kigali — un vol non prévu. Les

15

observateurs militaires placés à l’aéroport ont perquisitionné l’avion et ont constaté que cet avion était

16

chargé de munitions, notamment des munitions pour des mortiers. Et, par conséquent, l’avion a été

17

confisqué.

18
19

Le général Dallaire m’a donné comme instruction de me rendre à l’hôtel Méridien où le colonel

20

Marchal avait son quartier général ; il avait dit qu’il fallait confisquer les munitions. Il ne voulait pas

21

que ce message soit transmis par téléphone ou par radio, car tout le monde pouvait entendre les

22

communications que nous avions sur le système normal. Je suis donc monté à bord du véhicule du

23

général qui était conduit par son chauffeur. Nous sommes rentrés… Nous sommes partis en direction

24

du Méridien ; lorsque nous avons traversé… lorsque nous sommes passés en direction du CND,

25

nous avons vu qu’il y avait des gens qui étaient regroupés là. Et j’ai quand même poursuivi à l’hôtel

26

Méridien où j’ai trouvé le colonel Marchal et je lui ai transmis l’information. Et son officier chargé des

27

opérations était également là.

28
29

Lorsque je quittais l’hôtel pour me rendre au quartier général des forces, j’écoutais les informations

30

radio sur notre réseau et on a dit qu’il y a eu des meurtres qui ont été commis à l’entrée est du CND.

31

J’ai appelé le général Dallaire pour lui dire que j’allais voir ce qui se passait. Il a… Il a donc reçu

32

l’information. Nous sommes allés vers cet endroit, à l’entrée, il y avait cette foule, et de l’autre côté de

33

la route, donc avec cette foule, nous nous sommes mis de côté, nous avons garé le véhicule. Je suis

34

allé voir le commandant bangladeshi ; ils ont dit qu’ils avaient tué quelqu’un de l’autre côté de la

35

route, et lorsque je regardais du côté de l’enceinte du FPR, ils étaient debout et il y avait des

36

déplacements des troupes, il y avait beaucoup d’activités qui étaient conduites au sein de cette

37

enceinte ; il semblait que le FPR voulait sortir de son enceinte.

2

JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 17

1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

Je me suis rendu à l’entrée, il y avait un major que je connaissais comme étant le commandeur…

2

commandant adjoint du FPR à l’époque, et je lui ai dit qu’il n’était pas question qu’il quitte l’entrée.

3

Q.

Je vous demanderai d’assurer une pause pour la traduction, s’il vous plaît.

4

R.

Très bien.

5

Q.

Je vous remercie, Major. Veuillez poursuivre.

6

R.

J’ai donc traversé la rue avec le chauffeur belge, et j’étais… j’ai vu que derrière moi, il y avait la

7

section des Bangladeshi, et j’ai vu sur le sol qu’il y avait un homme qui était couché, on m’a dit que

8

cet homme était mort ; donc, je me suis rapproché du cadavre. En fait, son visage avait été sectionné

9

en deux parties : Il y avait une machette qui était… qui avait servi, donc, à couper son visage… à

10

sectionner son visage ; il y avait du sang en grande quantité. Et quand j’ai regardé le cadavre de plus

11

près, j’ai vu que ce cadavre bougeait, et donc, j’ai constaté que la personne n’était pas morte. Et à

12

côté de ce corps, il y avait une dame dont le bras avait été coupé à la machette, où on pouvait voir les

13

os.

14
15

J’ai dit au chauffeur de porter la femme, moi j’ai porté l’homme, que j’ai porté sur mon épaule comme

16

le font les pompiers, et nous sommes allés dans le véhicule et nous sommes allés directement à

17

l’hôpital… Enfin, nous nous rendions à l’hôpital et il y a quelqu’un qui s’est imposé entre nous, et dans

18

l’obscurité, il semblait que cette personne était armée d’une machette ou d’une… d’un gourdin, mais

19

je n’ai pas pu le voir. Et les gens criaient, je ne savais pas ce qu’ils disaient, je n’avais pas le temps

20

de discuter avec eux. Aussi, je lui envoyais un coup de poing de toutes mes forces pour pouvoir

21

l’amener à dégager le passage, et pendant ce temps, j’ai entouré le visage du blessé avec une

22

serviette ; et la dame qui était à côté parlait en kinyarwanda, on ne comprenait pas. Nous sommes

23

allés… Nous sommes allés à l’hôpital King Faysal. Lorsque nous sommes arrivés à l’hôpital, nous

24

avons fait entrer les blessés — c’est moi qui ai porté la femme cette fois-ci, tandis que le chauffeur a

25

porté l’homme. Nous sommes allés directement vers la salle d’opération que nous connaissions à

26

force d’avoir souvent visité cet hôpital. Et lorsqu’on a couché la femme sur la table, on a constaté que

27

cette femme était enceinte. Les médecins bangladeshi sont arrivés, ils se sont occupés des blessés.

28

Les Bangladeshi avaient recruté un jeune rwandais qui parlait anglais, et ce jeune homme est venu et

29

m’a demandé pourquoi nous avons laissé son enfant. Et je lui ai posé la question : « De quel bébé

30

parlez-vous ? » Et il a dit : « Non, c’était un bébé qui était à côté de l’entrée du CND. »

31
32

Donc, nous sommes remontés dans le véhicule avec le chauffeur. Lorsque nous sommes arrivés

33

là-bas, la Gendarmerie était enfin arrivée, alors qu’on avait, avec insistance, demandé que la

34

Gendarmerie se repositionne à l’entrée, de telle sorte qu’elle puisse repousser toute cette foule

35

agressive et empêcher « qu’elles entrent » dans le CND. Et, en fait, les gendarmes étaient là pour la

36

demi-journée, après disparaissaient.

37
2

JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 18

1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

Enfin, lorsque nous sommes arrivés, ces gendarmes étaient là. Et lorsque je suis arrivé vers la foule

2

qui était devant le CND, j’ai vu une dame qui portait un bébé. J’ai demandé à cette dame s’il s’agissait

3

du bébé de la blessée, elle a dit oui ; alors, nous avons pris cet enfant pour « la » ramener à sa

4

mère… pour le ramener à sa mère.

5
6

Donc, ce sont les incidents qui se sont produits très proche du CND et qui étaient des manoeuvres de

7

provocation du FPR. Et nous avons constaté que c’était une situation très délétère qui pouvait mener

8

à une dégradation totale de la situation ; et nous voulions le concours de la Gendarmerie — ce n’est

9

pas ce qu’on a pu observer souvent.

10

Q.

Au cours de cette occasion particulière, à savoir le 21 janvier, lorsque vous avez vu cette foule qui

11

était debout devant l’entrée est du CND, est-ce que vous avez pu savoir qui avait attaqué et blessé

12

cet homme et cette femme ?

13

R.

Oui, nous avons eu des indications. À ce moment-là, à cause des incidents du 5 et du 8, notre

14

troupe… nos troupes avaient pu identifier les civils qui étaient à la source des troubles et c’étaient des

15

Interahamwe, mais ce n’était pas souvent eux qui étaient à la base de ces troubles. Mais cependant,

16

au cours de cette occasion-là, il y a deux personnes qui se sont retirées de la foule et se sont

17

adressées à la troupe… aux troupes belges et à moi-même, et ils avaient dit que la personne qui était

18

responsable de ces actes était quelqu’un que nous connaissions, qui habitait entre… dans une

19

maison entre le CND et l’hôtel Lando, et un drapeau du… des partis politiques était donc planté

20

devant le domicile de cette personne. Donc j’ai demandé la permission au général Dallaire d’aller en

21

compagnie des gendarmes pour me rendre à ce domicile et arrêter cette personne, et de telle sorte

22

que les autorités puissent mener des enquêtes. Mais le général Dallaire a dit non, l’affaire s’est

23

arrêtée comme ça.

24

Q.

Rwanda ?

25
26

Abordons maintenant le mois de février. Je crois que vous êtes parti en… vous avez quitté le

R.

Oui, je suis parti du Rwanda dans la matinée du 5 février et je ne suis rentré que le 21 février

27

vers 19 heures. J’étais parti en… J’avais demandé un congé pour me rendre au Canada visiter ma

28

famille.

29

Q.

Très bien. Je voudrais vous poser des questions sur des événements qui se sont produits à votre
retour.

30
31

Est-ce que vous voulez qu’on aborde ce sujet à présent ou vous voulez qu’on observe une pause ?

32
33

R.

34

M. LE PRÉSIDENT :

35

J’aimerais bien qu’on observe une pause.
Très bien. Nous allons observer la pause à présent, nous n’allons pas l’observer à 11 heures.

36
37
2

Alors, à partir… Vingt minutes après, lorsque nous allons reprendre, nous allons poursuivre
JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 19

1

BAGOSORA ET AL.

1

jusqu’à 13 heures.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

2
3

(Suspension de l’audience : 10 h 15)

4
5

(Reprise de l’audience : 10 h 40)

6
7

M. WHITE :

8

Q.

Major, après votre retour de congé, le 21 février 1994, vers 19 heures, où vous êtes-vous rendu ?

9

R.

On est venu me chercher à l’aéroport ; c’est le chauffeur du général qui est venu. On m’a dit que le

10

général n’était pas à la maison, donc le chauffeur m’a amené chez moi… m’a conduit chez moi, il m’a

11

déposé avec mes bagages, de telle sorte que je puisse défaire mes valises, et il est parti retrouver le

12

général.

13

Q.

À quelle heure, approximativement, êtes-vous arrivé chez vous ?

14

R.

Je dirais à 20 heures, à peu près.

15

Q.

Êtes-vous resté chez vous toute la soirée ?

16

R.

Oui, je suis resté chez moi toute la soirée.

17

Q.

Pendant que vous étiez à votre domicile cette nuit-là, est-ce que quelque chose s’est produit en
dehors de votre domicile ou dans les environs, et en… et ce en rapport avec les événements ?

18
19

R.

Oui, après que le chauffeur soit parti, il était… il était… c’était entre 20 heures et 21 heures, je pense

20

que le temps était très court, j’ai entendu des coups de feu, et j’ai l’impression que ces coups de feu

21

étaient très proches de la maison, et j’ai cru qu’on attaquait la maison.

22

Q.

Quel type d’armement était utilisé ?

23

R.

Il y avait, en fait, une fusillade avec une arme automatique et, ensuite, il y a eu une pause suivie de

24

tirs à l’aide d’un pistolet. Donc, je me suis couché par terre parce que j’ai cru que la maison était

25

attaquée. Je me suis rendu dans la chambre de l’aide de camp, parce qu’il avait un pistolet dans son

26

placard, mais le pistolet n’y était pas ; donc ce que j’ai fait, c’est que je me suis armé d’une machette

27

et j’ai appelé le quartier général des forces de la MINUAR et je leur ai dit que la maison était

28

attaquée.

29

Q.

Est-ce que quelqu’un des forces… du quartier des forces de la MINUAR est arrivé ?

30

R.

Il y a eu un silence pendant un certain moment et, ensuite, le chauffeur, l’aide de camp et le général
Dallaire sont revenus. Et quelque temps après, un escadron de soldats belges est arrivé à la maison.

31
32

Q.

coups de fil ou avez-vous « fait » d’autres coups de fil ?

33
34

Outre le coup de fil que vous avez « fait » au QG des forces de la MINUAR, avez-vous reçu d’autres

R.

Oui. Avant, donc, l’arrivée du général Dallaire, le téléphone a sonné, je suis allé y répondre, et il y a

35

quelqu’un qui s’est présenté sous le nom de Gatabazi. Il parlait tellement vite, je croyais que c’était

36

peut-être un ami de Gatabazi, mais je crois qu’il disait que c’était Gatabazi. Il a dit qu’il avait reçu des

37

coups, on lui avait tiré dessus, et il a demandé que la MINUAR l’aide ; et il a raccroché. Donc, j’ai fait

2

JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 20

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BAGOSORA ET AL.

1

un rapport de cet événement au QG — je crois que… je ne sais pas si je l’ai fait par téléphone ou je

2

l’ai fait au moyen de la radio, je ne me souviens plus exactement « de » quel moyen j’ai utilisé, mais

3

je sais que j’ai transmis l’information.

4

Q.
R.
Q.
R.

Quinze minutes après la fusillade, c’était entre 20 heures et 21 heures — c’est dans cette tranche
horaire.

11
12

Pouvez-vous nous dire à quelle heure exactement vous avez entendu le coup de fil de la personne
qui a fait référence à Gatabazi ?

9
10

Non, je ne connaissais que le nom, mais je ne connaissais pas cette personne de visage. Je sais que
c’était un homme politique modéré qui militait au sein du Parti démocratique social.

7
8

Lorsque, par la voix, on a mentionné Gatabazi au téléphone, est-ce que vous saviez… vous
connaissiez quelqu’un qui répondait au nom de Gatabazi ?

5
6

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Q.

En dehors de Monsieur Gatabazi que vous avez décrit comme étant un homme politique, savez-vous

13

s’il y a eu d’autres personnalités importantes ou d’hommes politiques qui ont subi des menaces au

14

cours de la même période, vers le mois de février 1994 ?

15

R.

Oui, on m’avait dit que la nuit précédente, à savoir le dimanche nuit, le 20 février, il y avait eu une

16

atteinte à la vie du Premier Ministre désigné, à savoir Faustin Twagiramungu. Nous savions, sur la

17

base des rapports et des informateurs qui nous avaient communiqué ces informations, qu’en

18

janvier… en prenant compte également de l’émeute du 5 janvier, nous savions que Monsieur Lando

19

faisait l’objet de menaces sérieuses, et il semblait que les responsables, les leaders… les

20

responsables politiques modérés et qui devaient participer au Gouvernement de transition à base

21

élargie faisaient l’objet de menaces.

22

Q.

Est-ce que la MINUAR a pu assurer la protection de ces personnes-là ?

23

R.

Oui, le général Dallaire avait pris la décision se fondant sur les informations qu’il recevait

24

— informations qui étaient transmises par la personne concernée ou par l’informateur par le biais du

25

capitaine Claeys — où on ciblait les personnes qui devaient intervenir au sein du GTBE. Ce que nous

26

avons fait, c’est qu’à ces personnes-là, nous leur avons… nous avons mis à leur… nous les avons…

27

leur avons fourni une escorte ; et pour certaines de ces personnes, il y avait des gardes… des gardes

28

du corps qui étaient… qui résidaient à leur domicile. Et nous avons… Nous sommes… Nous avons

29

appris, par la suite, que les gardes qui étaient affectés à la sécurité de ces personnes-là bénéficiaient

30

d’un salaire supplémentaire pour s’assurer de leur fidélité.

31
32

Donc, ce que nous faisions, c’est que nous escortions les personnes concernées, et cette protection

33

a commencé au mois de janvier.

34

Q.

Bien. Laissons le mois de février et abordons celui du mois de mars.

35
36

Vous avez dit que, précédemment, vous avez rencontré à cinq reprises le colonel Bagosora.

37

Vous avez parlé des quatre premières rencontres. Je voudrais maintenant, à présent, que nous

2

JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 21

1

BAGOSORA ET AL.

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1

parlions de la cinquième rencontre avec le colonel Bagosora. Pouvez-vous nous dire à quelle date

2

cela a eu lieu ?

3

R.

C’était dans la nuit du 6 au 7 avril 1994.

4

Q.

Où cette rencontre a-t-elle eu lieu ?

5

R.

Dans la salle de conférence du quartier général des Forces armées rwandaises, au camp Kigali.

6

Q.

Le colonel Bagosora était-il présent à votre arrivée ?

7

R.

Oui, il était présent quand je suis arrivé.

8

Q.

Pouvez-vous nous dire ce que vous avez pu observer lorsque vous êtes entré dans la salle et que
vous avez vu le colonel Bagosora ?

9
10

R.

Je suis entré dans la salle en compagnie du général Dallaire — le général Dallaire était devant. Dans

11

la salle, il y avait des tables et des chaises qui étaient installées sous la forme d’un fer à cheval. Et le

12

Bagosora… Bagosora était au centre et c’était lui qui était à la tête de la réunion. Il portait des

13

vêtements civils. Il y avait un nombre important d’officiers de l’Armée gouvernementale rwandaise et

14

des gendarmes, et il y avait le major-général Ndindiliyimana, le chef d’état-major de la Gendarmerie.

15

Et on nous a affectés à gauche de la table, où nous nous sommes assis.

16

Q.

Est-ce que le colonel Marchal était là ?

17

R.

Non, il n’était pas là. C’était le colonel Rwabalinda qui nous avait convoqués pour cette réunion et il y

18

avait eu de nombreuses communications téléphoniques relatives à l’accident d’avion… à l’attentat

19

d’avion du Président et qui n’avait pas encore été élucidé et… de telle sorte que le secteur de Kigali

20

était en alerte rouge.

21
22

Le colonel Marchal devait faire le décompte de toutes ses troupes, et le général Dallaire avait dit au

23

général Marchal d’envoyer une troupe à… au site de l’attentat. Le colonel Marchal était très occupé,

24

de telle sorte qu’il n’était pas présent quand nous sommes arrivés.

25

Q.

À quelle heure êtes-vous arrivés dans la salle de réunion ?

26

R.

Vingt-deux heures environ.

27

Q.

Pouvez-vous nous dire si, lorsque vous êtes entrés dans la salle, la réunion allait commencer à se
tenir ou bien elle s’est tenue avant votre arrivée ?

28
29

R.

Il se peut qu’il y ait eu une réunion avant que nous n’arrivions, mais lorsque nous sommes arrivés,

30

tout le monde s’est tu, y compris le colonel Bagosora. Tout le monde était debout ; après, les gens se

31

sont rassis et nous avons commencé la réunion. Ce qui s’est passé avant, je ne suis pas au courant.

32

Q.

Ou qu’a-t-il fait ?

33
34

Après que le colonel Bagosora vous ait dit de vous asseoir, est-ce qu’il s’est adressé à quelqu’un ?

R.

En fait, c’est lui qui a pris la parole la plupart du temps ; il nous a informés de l’accident d’avion du

35

Président à l’aéroport Kanombe. Il nous a montré les… Il nous a présenté les officiers supérieurs de

36

l’armée ; il a dit qu’il était important qu’ils prennent le pouvoir, qu’ils contrôlent la situation afin que

37

cette situation soit stabilisée et remise entre les mains des hommes politiques.

2

JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 22

1
1

BAGOSORA ET AL.

Q.

Avez-vous pu observer la manière dont les officiers supérieurs s’adressaient au colonel Bagosora au
cours de cette réunion ?

2
3

MARDI 3 FÉVRIER 2004

R.

Vous parlez de tous les officiers supérieurs ?

4
5

En fait, tous les officiers supérieurs faisaient preuve de déférence à l’endroit du colonel Bagosora.

6

Le général Ndindiliyimana a été… Le général Bagosora a demandé au général Ndindiliyimana de

7

prendre la parole pour nous tenir informés de la situation, et c’est le général Bagosora qui entretenait

8

principalement l’assemblée. Et même quand Ndindiliyimana s’adressait à l’assemblée, il attendait

9

l’approbation du… de Bagosora.

10

Q.

Le troisième officier qui a pris la parole après qu’il ait pris… qu’il ait répondu au téléphone, est-ce que
vous connaissez le nom de cet officier ?

11
12

R.

Non, je ne le connais pas.

13

Q.

Qu’a-t-il dit après avoir pris le téléphone… répondu au téléphone ?

14

R.

En fait, le téléphone a sonné très fort, il a répondu en parlant en kinyarwanda, et lorsqu’il a raccroché,

15

il a dit en français qu’il y avait… que l’avion du Président s’était écrasé dans sa cour, et à la fin de

16

l’information qu’il nous donnait, il a presque ri, et après un regard que lui a jeté Bagosora, l’officier

17

s’est rassis.

18

Q.

Au cours de cette réunion, est-ce que le général Dallaire s’est exprimé ?

19

R.

Oui, il s’est exprimé. Après qu’il ait présenté les officiers supérieurs et qu’il avait dit qu’il était

20

important que l’armée et la Gendarmerie prennent le contrôle de la situation, il avait dit que… le

21

général Dallaire avait dit que malgré la situation, c’était le Premier Ministre Agathe qui devait contrôler

22

la situation et ils devaient attendre qu’elle leur communique… qu’elle leur donne des instructions. Et

23

le général Dallaire a même dit que le Premier Ministre Agathe devrait s’adresser à la nation pour

24

essayer de calmer les esprits.

25

Q.

Est-ce que le colonel Bagosora a réagi aux propos du général Dallaire ?

26

R.

Oui, il a réagi ; donc, il y a eu un échange de paroles entre les deux. Bagosora a dit que le Premier

27

Ministre Agathe ne jouissait d’aucune crédibilité aux yeux de la nation et qu’elle ne pouvait pas être à

28

la tête de la nation. Par conséquent, c’étaient les officiers supérieurs qui devraient prendre le contrôle

29

de la situation. Le général Dallaire, au contraire, a insisté en disant que le Premier Ministre était le

30

chef du gouvernement légal et ça devrait être elle qui devrait maîtriser la situation et ils devraient

31

attendre les instructions de sa part. Je sais que la discussion a évolué autour de ces deux points.

32
33

À un moment donné, le général… colonel Bagosora s’est levé et il a dit que Agathe n’était pas

34

appropriée… n’était pas la personne appropriée pour exercer de telles fonctions.

35
36

Bagosora était à côté de moi, il y avait des effluves d’alcool qui sortaient de son haleine à chaque fois

37

qu’il s’adressait à moi ; il était assez en colère.

2

JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 23

1
1

BAGOSORA ET AL.

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Major, revenons donc à la pièce P. 170, intercalaire 7. Il s’agit du message câblé du 7 avril 1994
— j’avais dit qu’on allait y revenir.

2
3

Je voudrais attirer votre attention sur, tout d’abord, la deuxième page.

4
5
6

Aux fins du procès-verbal, en anglais, il s’agit de la page — en anglais — L002825. Pour les

7

francophones, il s’agit du L018554.

8

Je voudrais que vous vous reportiez au paragraphe 8, en attirant votre attention à la troisième

9
10

phrase… la troisième ligne qui commence avec « Le commandant des forces est arrivé à 22 h 50 ».

11

Est-ce que vous voyez ce passage ?

12

R.

Oui.

13

Q.

Lorsqu’on parle du « FC », il s’agit du commandant Dallaire ?

14

R.

C’est cela.

15

Q.

Et ensuite, on fait référence au chef de cabinet ; de qui s’agit-il ?

16

R.

Il s’agit de Bagosora.

17
18

(Pages 16 à 24 prises et transcrites par Joëlle Dahan, s.o)

19
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M. WHITE :

2

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Dans ce paragraphe, la toute dernière phrase de ce paragraphe dit ceci : « Le chef d’état-major… Le

3

chef de cabinet a parlé au nom du groupe… » La dernière phrase : « Le chef du cabinet a parlé au

4

nom du groupe. » Est-ce que cela correspond à la réalité ?

5

M. BEARDSLEY :

6

R.

Oui, c’est cela.

7

Q.

Est-ce qu’il s’agit ici d’un câble que vous avez rédigé vous-même ?

8

R.

Oui.

9

Q.

Et en fait, c’est le même message câblé que vous avez signé en l’absence du général Dallaire, c’est
cela ?

10
11

R.

Oui, lorsque le général Dallaire a quitté le QG vers 9 heures, 10 heures du matin, ce message câblé

12

n’était pas complété et le général Dallaire a dit d’attendre son retour avant de le signer. Aussi, j’ai

13

ajouté la dernière partie de ce message en faisant un compte rendu de la situation qui prévalait,

14

informations que j’obtenais à travers des appels téléphoniques provenant de notre chargé

15

d’opérations. Et les appels téléphoniques n’arrêtaient pas de venir, et on avait… il avait demandé que

16

nous fassions un rapport de la situation. Et j’ai appelé le général Dallaire « où » je lui ai dit qu’il fallait

17

que nous rédigions le rapport de situation et que nous l’envoyions, et il a dit qu’il était d’accord.

18

Q.

Alors, cela nous explique à quel moment vous avez fini de rédiger ce rapport… ce message codé.

19

Mais est-ce que vous pouvez nous dire quand est-ce que vous avez commencé à rédiger ce

20

message ?

21

R.

À notre retour après la réunion au quartier général des FAR, et après que le général Dallaire ait eu

22

une réunion avec Monsieur Booh-Booh et Bagosora, c’était… il était environ 3 heures du matin, et

23

c’est à partir de là, lorsque nous sommes retournés, que nous avons commencé… que j’ai

24

commencé à rédiger ce message codé. Et quand le véhicule m’a déposé pour retourner au quartier

25

général des FAR, moi, j’ai rédigé ce rapport.

26

Q.

Donc, exploitons d’autres passages de ce rapport… de ce message — pardon — notamment le
paragraphe 10.

27
28
29

La deuxième phrase du paragraphe 10, où il est dit : « Le chef a déclaré que l’armée et la

30

Gendarmerie étaient prêts à rester à leur poste pour le pays et la paix. »

31

Cette phrase, « prêts à rester à leur poste », quel est le sens de cette phrase ?

32
33

R.

Tout le long de la réunion… Tout au long de la réunion, Bagosora a dit qu’il voulait maintenir les

34

Accords d’Arusha et il ne voulait pas que leurs actions soient interprétées comme étant en infraction

35

avec les Accords d’Arusha, au contraire. Il avait dit qu’avec le comité de crise, il fallait convaincre le

36

FPR qu’il ne s’agissait pas d’un coup d’État. Donc, il a maintenu ce point de vue et il l’a exprimé à

37

plusieurs reprises.

2

ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 25

1
1

BAGOSORA ET AL.

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

La phrase qui suit celle « que » je viens donner lecture et qui commence avec cette phrase :

2
3

« Sans Président, il n’y a pas de Gouvernement — selon lui —, et la population avait besoin d’être

4

rassurée pour maintenir la sécurité dans la Nation. »

5
6

Est-ce que vous vous souvenez des propos exacts… des propos particuliers qu’auraient utilisés

7

Bagosora lorsqu’il fait référence au fait qu’il n’y avait pas de Gouvernement ?

8

R.

pas de la confiance de la Nation. Il l’a répété à maintes reprises, lors de la discussion entre le général

9

et Bagosora.

10
11

Q.

Trois phrases plus bas, vous en avez une autre qui dit : « Le commandant a déclaré qu’il y avait un
Gouvernement intérimaire en place ».

12
13

C’était son sentiment que sans Président, il n’y avait pas de Gouvernement, qu’Agathe ne jouissait

R.

Oui, c’est ce qu’a soutenu le général Dallaire que même si le Président avait été tué, il y avait un

14

Premier Ministre, que ce Premier Ministre était Agathe et que celle-ci devait s’adresser à la Nation. Le

15

général l’a dit à maintes reprises à Bagosora.

16

Q.

Quand le général Dallaire a tenu ces propos, où étiez-vous assis par rapport à lui ?

17

R.

J’étais assis à sa droite.

18

Q.

Pouvez-vous nous décrire sur quel ton le général Dallaire a fait ces affirmations, à savoir qu’il existait
un Gouvernement sous la direction d’Agathe ?

19
20

R.

Il l’a dit avec fermeté et à plusieurs reprises.

21

Q.

Passons maintenant au paragraphe 10, il y a une phrase qui dit ceci… que : « Les officiers se sont
esclaffés et ont dit qu’il n’y avait pas de Gouvernement. »

22
23

Est-ce que vous vous en souvenez ?

24
25

R.

Oui, Bagosora n’a cessé de le répéter, et même les autres officiers manifestaient leur

26

mécontentement dès qu’ils entendaient le nom d’Agathe, en particulier l’officier qui était assis à ma

27

droite et qui avait une haleine chargée d’alcool. Il réagissait chaque fois que le nom d’Agathe était

28

prononcé.

29

Q.

Examinons deux autres paragraphes, notamment le paragraphe qui, dans le texte en langue

30

anglaise, commence au bas de la page. Et dans le texte français, c’est la page L0018556. Je

31

voudrais attirer votre attention sur la troisième phrase : « Il a également demandé si quelqu’un avait

32

parlé avec le Premier Ministre et le cabinet. »

34

Vous rappelez-vous de ces propos ?

35

R.

Oui, le général Dallaire a répété maintes fois que le Premier Ministre devait s’adresser à la population

36

et nous savons qu’il y avait des rumeurs à travers le pays que les… la tension montait et qu’Agathe

37

devait s’adresser à la population.

2

ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 26

1
1

BAGOSORA ET AL.

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Toujours au paragraphe 17, vers la fin de ce paragraphe, voyez-vous cette phrase qui commence par
« Before leaving » ?

2
3

R.

Je suis désolé, vous avez dit le paragraphe 17 ?

4

Q.

Oui, paragraphe 17, dernière phrase de cette page : « On leur a demandé d’envisager la

5

possibilité… » « Avant de partir, le commandant des Forces leur a demandé de réexaminer la

6

possibilité de parler avec le Premier Ministre Agathe. »

7

R.

(Intervention non interprétée)

8

Q.

Le paragraphe suivant porte le n° 19. Pourquoi expliquez-vous… Comment expliquez qu’il n’y ait
pas de paragraphe 18 ?

9
10

R.

le n° 18, mais je ne pense pas qu’il existait un paragraphe 18.

11
12

Oui, c’est de ma faute, c’est une erreur de ma part. Dans la numérotation des paragraphes, j’ai sauté

Q.

Au paragraphe 19, septième ligne, vous avez une phrase qui commence par ceci : « Le chef a
demandé que l’on prépare un communiqué pour la radio et la presse. »

13
14
15

Ma question est celle-ci : Vous souvenez-vous que les discussions, ce soir-là, ont porté sur un

16

communiqué ?

17

R.

Non, car la deuxième réunion s’est tenue après le retour du général Dallaire du… de la résidence du

18

Représentant du Secrétaire général, en compagnie du chef de cabinet. Le général avait eu une

19

discussion rapide avec le colonel Marchal qui venait d’arriver du quartier général, et il est parti ; et

20

quand il est revenu, il est entré dans la salle avec le colonel Marchal pendant que moi, je suis resté

21

dans le véhicule pour écouter la radio. Mais je sais que lorsque nous sommes retournés au quartier

22

général, j’ai appris du général Dallaire que les discussions ont porté effectivement sur les

23

communiqués et il nous a fait savoir qu’il avait insisté lui-même pour que Madame Agathe intervienne

24

sur les ondes de la radio.

25

Q.

pouvez-vous nous dire ce qu’il a fait dans ce sens ?

26
27

Quand vous dites que le général Dallaire insistait pour que Madame Agathe se rende à la radio,

R.

Lors de la première réunion à laquelle j’ai assisté, le général Dallaire a, à plusieurs fois, répété que

28

malgré la mort du Président, le Gouvernement était en place avec à sa tête un Premier Ministre et

29

que le Premier Ministre… on devait contacter le Premier Ministre et recueillir ses instructions. Quand

30

il est venu… il est sorti de la deuxième réunion alors que j’étais là moi-même, il a demandé au colonel

31

Marchal d’envoyer une escorte à la résidence de Madame Agathe pour que celle-ci se rende à Radio

32

Rwanda et s’adresse à la Nation, et le général Marchal s’est exécuté.

33

Q.

Major, je voudrais attirer votre attention sur le paragraphe 23 de ce message, première phrase : « Les

34

tentatives du commandant des Forces pour que les stations de radio transmettent les messages du

35

Premier Ministre ou de la MINUAR par téléphone ont été vaines. » Est-ce que c’est exact ?

36

R.

Oui, c’est exact.

37

Q.

Quand en avez-vous parlé dans votre message ?

2

ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 27

1
1

BAGOSORA ET AL.

R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Lorsque je suis retourné au quartier général pour rédiger ce message, le général Dallaire s’est

2

adressé à Agathe pour lui dire qu’une escorte viendrait la chercher pour l’emmener à Radio Rwanda.

3

Elle était disposée à le faire, mais lorsque nous avons appelé la radio et avons eu… nous avons eu

4

deux entretiens : D’abord, le directeur de la radio n’était pas sûr et il disait qu’il avait besoin que sa

5

famille soit protégée. Puis, pendant le second entretien, il nous a dit que la Garde présidentielle était

6

venue à la radio et qu’il ne pouvait pas laisser Madame Agathe accéder à la radio.

7
8

Le général Dallaire a alors appelé la RTLM. Nous savions que la RTLM était une radio extrémiste et

9

hostile à la MINUAR, mais le général Dallaire s’est entretenu avec ces journalistes au téléphone et
les journalistes lui ont ri au nez. L’entretien a duré un certain temps et puis s’est interrompu.

10
11

Q.

Major, deux autres points sur ce câble du 7. Je voudrais attirer votre attention sur le paragraphe 29,

12

deuxième phrase, qui dit ceci… que : « Le commandant en chef devait se rendre au quartier général

13

de l’armée pour se réunir avec le groupe de l’armée et de la Gendarmerie afin d’insister sur le fait que

14

la Garde présidentielle devait rentrer dans ses casernes, les ministres devaient être relâchés et le

15

Premier Ministre devait être reconnu chef de l’État. »

16
17

D’après ce paragraphe, le général Dallaire a eu une réunion au quartier général de l’armée et a fait

18

une déclaration, cette déclaration qui est rapportée ici. Ce paragraphe reprend-il… Cette phrase

19

— plutôt — reprend-elle fidèlement les propos que le général Dallaire vous a répétés ?

20

R.

Oui, exactement.

21

Q.

Dernier point pour obtenir des précisions. Au paragraphe 34, dans la première et la deuxième phrase,
on parle d’un appel fait par le général Dallaire au quartier général. Est-ce bien le quartier général ?

22
23

R.

Oui.

24

Q.

Et dans la deuxième phrase, il est dit qu’on ne pouvait pas confirmer qu’Agathe faisait partie du

25

groupe. La question que je voudrais vous poser est la suivante, Major : D’abord, savez-vous à qui

26

s’est adressé le général Dallaire quand il a appelé le quartier général ce 7 avril ?

27

R.

Je n’en suis pas sûr, car il y a eu un certain nombre d’entretiens cet après-midi ; j’étais là avec
quelqu’un d’autre, Anyidoho.

28
29

Q.

Le général Dallaire savait-il si Madame le Premier Ministre était vivante ou morte ?

30

R.

Oui, il y avait un observateur militaire de nationalité togolaise que… des militaires ont été amenés au

31

domicile d’Agathe, il y avait des Ghanéens qui étaient en poste à ce domicile ; on nous a dit

32

qu’Agathe avait… a pu s’échapper de son domicile, que les Belges ont été enlevés. Le général était

33

au courant de la situation, nous recevions toutes ces informations et nous essayions de les exploiter,

34

mais nous savions que Madame Agathe avait pu s’échapper de son domicile.

35

M. WHITE :

36

Nous en avons fini avec ce câble pour le moment.

37

Peut-on montrer au témoin… Peut-on présenter au témoin le document D. B 66 qui parle de la

2

ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 28

1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

réunion avec le directeur de cabinet dans la nuit du 6 au 7 avril ?

2

Monsieur Matemanga, j’ai un… auriez-vous une copie supplémentaire ?

3
4
5

(Le document est remis au témoin)

7

Q.

Major, le document que je vous fais présenter porte la cote D. B 66 A, la page de garde porte la
mention suivante : « RO2, phase O2 ».

8
9

R.

Celui que j’ai porte le n° D. B 66 B.

10

Q.

C’est sur cela que je voulais attirer votre attention. Il s’agit en fait de la version anglaise de l’original
qui porte le n° D. B 66 A. Vous avez une copie en français ?

11
12

R.

Oui.

13

Q.

Je vais vous faire présenter une photocopie de l’anglais.

14

Major, prenez la version anglaise de ce document.

15
16

R.

(Intervention non interprétée)

17

Q.

Avez-vous déjà eu l’occasion de lire ce document ?

18

R.

Oui.

19

Q.

Quand en avez-vous pris connaissance ?

20

R.

On me l’a montré avant ma comparution.

21

Q.

J’attire votre attention au paragraphe 2 qui comporte cinq points sous le titre : « Les mesures

22

suivantes ont été prises ». Je voudrais que vous regardiez ces cinq points avant de répondre à ma

23

question suivante. Ces points… Ces cinq points ont-ils fait l’objet de discussion lors de la réunion à

24

laquelle vous avez assisté dans la nuit du 6 au 7 ?

25
26

R.

Le premier point sur les patrouilles conjointes a été examiné, le général Dallaire a proposé que la
Gendarmerie et la MINUAR mènent ces patrouilles pour rassurer la population.

27
28

Le deuxième point qui concerne les gardes supplémentaires que devraient fournir la MINUAR et la

29

Gendarmerie, ce point a également été examiné.

30
31

L’inspection des camps, ce n’est pas… En fait, il s’agissait pour les militaires de rester dans leur

32

cantonnement. En fait, le général Dallaire a insisté pour que la Garde présidentielle soit consignée

33

dans son cantonnement. Et avant même la fin de la réunion, nous avions appris que la Garde

34

présidentielle érigeait des barrages, c’était… effrayait les gens du côté de l’aéroport, et que l’endroit

35

où l’avion présidentiel s’est écrasé avait été ceinturé par la Gendarmerie et personne ne pouvait s’y

36

présenter.

37
2

ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 29

1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

Le point suivant, le colonel Gatsinzi n’était pas commandant en chef des Forces armées puisque…

2

tout ce qu’on savait, c’est qu’il était décédé dans l’accident de l’avion.

3
4

Dernier point : Le message à adresser à la Nation et qui devait être lu par Madame le Premier

5

Ministre.

6

Q.

J’attire votre attention, maintenant, au paragraphe 3 qui dit que : « Le commandant de la MINUAR a
fait les recommandations et les suggestions suivantes… », et on fait état de trois points.

7
8

Je vous demande donc d’examiner ces trois points et de répondre à ma question : Est-ce là les seuls

9

points dont le général Dallaire a parlé ?

10
11

R.

Non, absolument pas.

12

Q.

Qu’est-ce qui manque dans ces conditions ?

13

R.

Un, le général Dallaire n’a jamais parlé des partis politiques ou des milices, car nous ne

14

reconnaissions pas ces milices, « ils » ne faisaient pas partie de l’accord relatif à la zone sécurisée de

15

Kigali.

16
17

Le deuxième point est exact, le général a effectivement insisté pour que l’on contrôle la Garde

18

présidentielle.

19
20

Sous le troisième point, le général Dallaire a dit qu’il voulait être associé à toutes les réunions et qu’il

21

voulait rester proche du général… du colonel Bagosora et être associé à toutes les initiatives qui

22

viendraient à être prises. Il l’a dit et il a insisté dessus.

23
24

Ce qui n’a pas été repris ici, c’est que Madame le Premier Ministre Agathe était chef de

25

Gouvernement ; on devait prendre contact avec elle, recueillir ses instructions et lui laisser la

26

possibilité de s’adresser à la population pour rassurer celle-ci.

27

Q.

a pris fin, quand êtes-vous parti ?

28
29

Cette réunion à laquelle vous avez assisté avec Bagosora dans la nuit du 6 au 7, au moment où elle

R.

Le général Dallaire a demandé à appeler le Représentant spécial du Secrétaire général pour

30

l’informer de ce qui s’est passé. Avant de quitter son domicile, le général Dallaire a appelé le

31

Représentant du Secrétaire général pour lui dire qu’il a assisté à… qu’il a une réunion avec le comité

32

de crise. Monsieur Booh-Booh lui a dit d’aller à cette réunion et de le tenir informé. Le général Dallaire

33

a demandé un téléphone pour pouvoir communiquer avec le Représentant du Secrétaire général

34

après la réunion. Lorsque nous sommes partis, nous… on nous a emmenés dans une pièce où il y

35

avait un téléphone… un appareil téléphonique. Nous pensions que c’était le bureau d’un des

36

conseillers militaires belges, car il y en avait quelques-uns qui étaient affectés auprès de l’armée

37

rwandaise. Le secrétaire… Le général Dallaire était au téléphone lorsque Bagosora s’est présenté et

2

ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 30

1

BAGOSORA ET AL.

1

a demandé à rencontrer le Représentant du Secrétaire général. Ce dernier en a été informé et le

2

groupe est parti immédiatement pour aller… le Représentant du Secrétaire général.

3

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

À ce moment, et même avant que Bagosora n’arrive et ne demande au général de rencontrer le

4

Représentant du Secrétaire général, selon ce que vous avez observé lors de cette réunion, avez-

5

vous eu le sentiment que les militaires avaient pris le contrôle du Rwanda ?

6

R.

Ils ont dit qu’ils avaient le contrôle et qu’ils avaient l’intention, en tout cas, de le faire. Mais ils ont dit

7

qu’ils avaient des difficultés avec la Garde présidentielle qui était choquée par la mort du Président,

8

mais que toutes les mesures seraient prises pour ramener la discipline. Lorsque nous avons quitté

9

cette réunion, nous avons eu le sentiment que le colonel Bagosora assurait le contrôle de ce comité

10

de crise et le comité de crise disait exercer le contrôle nécessaire sur l’armée rwandaise et la

11

Gendarmerie.

12

M. LE PRÉSIDENT :

13

Q.

Ce document intitulé « Compte rendu de la réunion », c’est le document D. B. 66 A, ce texte

14

comporte de nombreuses abréviations qui ne sont pas nécessairement claires pour les profanes que

15

nous sommes. Pouvez-vous nous dire ce qui en est ?

16

R.

Je ferai de mon mieux.

17

Q.

Je vois l’abréviation « EM », après « chef ». « Chef EM ».

18

R.

Ça signifie « chef d’état-major ». Ensuite, « Gendarmerie nationale » pour « GN ».

19

Q.

(Intervention non interprétée)

20

R.

L’abréviation suivante signifie « officier ». « MINADEF » signifie « Ministère de la défense ».

21

Q.

Il y a « EM ».

22

R.

« EM » signifie « état-major ». « AR » signifie Armée rwandaise. Plus loin « EM », c’est état-major.
« GDN », c’est encore une fois la « Gendarmerie nationale ».

23
24

M. LE PRÉSIDENT :

25

Merci. Je suppose que nous retrouvons les mêmes abréviations dans le corps même du texte. Ces

26

explications nous permettront de mieux nous y retrouver. Je vous remercie.

27

M. WHITE :

28

Q.

Représentant du Secrétaire général, qu’avez-vous fait ?

29
30

Major, après que le colonel Bagosora ait demandé au général Dallaire la possibilité de parler au

R.

J’ai… Je me suis rendu au quartier général, j’ai ouvert le bureau, je suis sorti à l’extérieur pour fumer
une cigarette — à l’extérieur, sur un balcon qui donnait sur le quartier général de l’armée rwandaise.

31
32

Q.

Combien de temps êtes-vous resté au balcon ?

33

R.

À peu près une heure.

34

Q.

De quelle heure à quelle heure, à peu près ?

35

R.

Le général Dallaire est parti à 23 h 30 environ, il est revenu une heure, une heure et demie plus tard,
peut-être vers une heure du matin, et je suis resté à l’extérieur tout ce temps.

36
37
2

Q.

À partir de cet endroit, avez-vous pu observer une partie du camp Kigali ?
ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 31

1
1

BAGOSORA ET AL.

R.
Q.

Pendant que vous étiez sur le balcon, avez-vous observé certaines activités au sol autour ou à
l’intérieur de ce camp ?

4
5

Oui, à partir de ce balcon, on avait une bonne vue sur le camp Kigali et, en particulier, l’entrée du
camp.

2
3

MARDI 3 FÉVRIER 2004

R.

Oui, cette… ce camp avait été fortement… extrêmement fortifié, il y avait des canons, des blindés

6

tout autour de ce camp. Il y avait une forte concentration de forces ; il y avait également des

7

véhicules… des véhicules blindés qui sont sortis d’ailleurs du camp. Ce qui constituait une violation

8

des accords, car ces véhicules ne devaient pas sortir du camp sans une escorte de la MINUAR.

9
10

Le colonel Marchal était dans son véhicule, était avec… avec sa radio, il est allé parler à un des

11

officiers, je ne sais pas ce qui s’est dit, mais je suppose qu’il protestait du fait que les blindés sont

12

sortis du camp.

13
14

Je pouvais voir beaucoup de mouvements dans le camp, les militaires étaient armés, ils étaient en

15

rang, les officiers s’adressaient à eux dans leur langue, ils se déplaçaient d’un point à un autre du

16

camp.

17

Q.

autrement ? Y avait-il… S’agissait-il de mouvements bien ordonnés ou désordonnés ?

18
19

Quand vous dites que ces forces se déplaçaient d’une manière bien connue, pouvez-vous l’exprimer

R.

Non, c’étaient des troupes en rang, en formation, bien disciplinées et se déplaçaient calmement vers
des destinations bien précises.

20
21

Q.

Avez-vous pu estimer le nombre des troupes ?

22

R.

Plus d’une centaine, à mon avis.

23

M. LE PRÉSIDENT :

24

Q.

Vous avez dit 100 militaires… 100 soldats ?

25

R.

Oui, c’est ce que… c’est bien ce que j’ai dit.

26

M. WHITE :

27

Q.

Pouvez-vous nous dire le type d’armes dont ils étaient équipés ?

28

R.

Il y avait trois militaires pratiquement en dessous de mon… du balcon où je me tenais, je leur parlais

29

mais ils n’ont pas voulu me parler ; ils avaient l’air triste, probablement du fait de la mort du Président.

30

J’ai… Je n’ai pas pu leur parler, ils ne voulaient pas me parler ; ils portaient une arme de fabrication

31

sud-africaine toute neuve. Toute neuve parce que les armes neuves ont une apparence bien précise,

32

et de par mon expérience, je pouvais le dire. C’étaient des armes qui étaient de couleur légèrement

33

bleutée et la graisse d’emballage était encore sur les canons. Ceci marquait une nette différence par

34

rapport aux armes habituelles qui, en général, étaient mal entretenues, or ces armes… ces

35

« R4 » étaient toutes neuves et étaient en très très bon état. Je l’ai observé et j’en ai parlé par la suite

36

au général Dallaire.

37
2

ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 32

1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

M. LE PRÉSIDENT :

2

Q.

Avez-vous vu ces militaires de près ?

3

R.

Oui, il y a les trois que j’ai vus de près et, ensuite, il y avait un peu plus d’une centaine de militaires

4

qui étaient dans l’enceinte et autour de l’enceinte. Ils étaient tous équipés d’armes R4… de type R4 ;

5

des fusils d’assaut.

6

Q.

Vous avez dit avoir vu une centaine de militaires.

7

R.

Oui, c’est bien cela.

8

M. WHITE :

9

Q.

Connaissez-vous la zone que l’on appelle « le deuxième portail du camp Kigali » ?

10

R.

Oui, je « le » connais. Lorsque j’étais au siège de l’armée, j’ai généralement utilisé l’entrée principale.

11

Q.

La centaine de militaires que vous avez vus, de quel côté du camp Kigali se trouvaient-ils par rapport
au premier et au second portail ?

12
13

R.

Ils étaient plutôt du côté de l’entrée principale, car je n’avais pas une bonne vue sur le second portail.

14

Q.

Pouvez-vous dire si la présence d’une centaine de militaires armés d’armes toutes neuves de type
R4 suffirait à assurer la défense de la zone du camp que vous pouviez observer ?

15
16

Me ERLINDER :

17

Objection. Je ne pense pas que le témoin ait déclaré qu’il a vu les armes dont étaient équipés la

18

centaine de militaires. Il a uniquement parlé des trois militaires qui étaient sous son… pratiquement

19

sous son balcon. Il dit avoir pu observer une centaine de militaires qui étaient armés, mais à aucun

20

moment, il n’a affirmé que ces armes étaient toutes neuves parce qu’il ne pouvait pas en juger d’où il

21

était.

22

Je demanderais au Procureur de reformuler sa question.

23
24

R.

Ce qui a été dit n’est pas exact. Non, je pouvais voir que ces 100 militaires portaient des armes de

25

type R4. Et étant donné qu’il y avait des projecteurs… de puissants projecteurs qui illuminaient cette

26

zone, je pouvais constater qu’il s’agissait d’armes neuves. La distance par rapport au siège de la

27

MINUAR n’était pas bien grande. Et une quinzaine de ces militaires auraient pu raisonnablement

28

défendre le camp.

29

M. WHITE :

30

Q.

Major, vous dites qu’il y avait également des officiers en compagnie de cette centaine de militaires

31

que vous avez observés, avez-vous eu l’impression que ces officiers exerçaient effectivement un

32

commandement sur ces militaires ?

33

R.

Oui, ils avaient un contrôle total sur ces militaires. Tout se passait dans l’ordre et la discipline.

34

Q.

Nous allons avancer un petit peu.

35
36

Vous avez dit qu’à un moment, vous avez quitté le camp Kigali, vous êtes retourné à votre quartier

37

général, vous êtes allé rédiger le fax daté du 7 avril. Je vais maintenant vous poser des questions sur

2

ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 33

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BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

ce qui s’est passé pendant que vous vous trouvez maintenant au quartier général de la MINUAR.

2

R.

Oui, Maître.

3

Q.

Pendant que vous êtes au quartier général de la MINUAR, en dehors du général Dallaire, avez-vous
appelé ou reçu des coups de téléphone ?

4
5

R.

Oui, j’ai fait un certain nombre d’appels avant l’aurore. J’ai appelé des ambassadeurs, la femme de

6

Lando, un certain nombre de personnes ; et à compter de l’aube, je pense que pendant les 12 heures

7

suivantes, mon téléphone n’a pas sonné (sic). Le général m’a laissé au quartier général pour être son

8

contact pour New York et ce téléphone a sonné sans cesse pendant les 12 heures qui ont suivi. J’ai

9

reçu des centaines et des centaines et des centaines de coups de fil.

10

Q.

Pouvez-vous nous dire ce qu’elle… quelle a été la teneur de cette communication ?

11
12

Parlons brièvement de certains de ces appels. Vous dites avoir reçu un appel de Madame Agathe.

R.

Le général Dallaire a eu plusieurs échanges avec le Premier Ministre Agathe. Il s’agissait de

13

l’emmener à la radio pour qu’elle parle aux populations et, à un moment, elle a dit que les troupes

14

rwandaises étaient arrivées à l’extérieur de sa maison et qu’elle allait quitter la maison. Et au cours de

15

la conversation précédente, le général l’a informée qu’il ne serait pas possible pour elle de se rendre

16

à la radio, parler à la Nation puis, toute communication avec elle a cessé.

17
18

Bien que je me souvienne d’avoir reçu un appel du PNUD, appel de Moustache qui était… qui nous a

19

dit qu’il se trouvait une personne très importante dans leur concession et qu’il fallait que nous venions

20

la chercher. Il ne voulait pas mentionner le nom de la personne au téléphone, au cas où quelqu’un

21

écouterait cette communication. Et l’on a donc envoyé du personnel au PNUD pour chercher cette

22

personne. Il ne s’agissait pas en fait de l’endroit où se trouvaient les bureaux du PNUD, il s’agissait

23

d’une résidence privée où habitait le personnel du PNUD. La zone était ceinturée par l’armée, plus

24

particulièrement la Garde présidentielle, si bien que nos soldats n’ont pas pu atteindre cet endroit.

25
26

Ça, c’est le genre d’informations que je recevais, au fur et à mesure que le temps s’écoulait, par voie

27

de téléphone ou de radio.

28

Q.

domicile, vers quelle heure l’avez-vous reçu ?

29
30

R.
Q.
R.

37
2

Quelques minutes plus tard, quelques minutes après la conversation avec le Premier Ministre Agathe,
mais à l’époque, je n’ai pas fait le lien entre les deux.

35
36

Et l’appel de Moustache au PNUD… dans la résidence du PNUD, à quelle heure approximative
l’avez-vous reçu ?

33
34

Je pense pouvoir dire que c’était avant que le général Dallaire ne quitte le siège, c’était autour
de 12 heures.

31
32

Cet appel de Madame Agathe qui disait que les troupes rwandaises étaient présentes près de son

Q.

Vous avez déclaré avoir reçu un appel concernant Monsieur Lando. Pouvez-vous nous dire à
quelle heure vous avez reçu cet appel et quelle était la teneur de cette communication ?
ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 34

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BAGOSORA ET AL.

R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Oui, il y a eu plusieurs appels des Lando — le mari et l’épouse —, cela, c’était à l’aube à peu près,

2

jusqu’à 9 heures, 10 heures ; ils voulaient savoir ce qui se passait ; ils étaient préoccupés, ils

3

entendaient que l’on kidnappait… que l’on enlevait des personnes de leur domicile ; ils craignaient

4

d’être tués, ils ont demandé une protection accrue de la MINUAR. Le général Dallaire leur a dit qu’ils

5

avaient… qu’ils étaient protégés à leur domicile, et il leur a recommandé de ne pas se déplacer et de

6

rester à leur domicile parce que s’ils se déplaçaient, c’était plus susceptible d’être attaqué.

7
8

Et selon la nature des demandes, il nous fallait transmettre ces demandes par voie de radio du

9

réseau radio qui était de plus en plus bloqué parce que tout le monde essayait d’y accéder en même

10

temps, et nous avons également eu des communications téléphoniques, mais les demandes devaient

11

être transmises au siège du secteur de Kigali qui avait une capacité en communication, surtout la

12

capacité de communiquer avec les soldats, parce que tout le réseau appartient… appartenait au

13

secteur de Kigali… au siège du secteur de Kigali. Donc, nous n’aurions pas pu communiquer avec

14

Kigali parce que notre capacité était réduite. Donc, toutes les demandes qui me parvenaient ou qui

15

parvenaient au siège devaient être transmises au secteur de Kigali qui était le plus approprié.

16

Q.

En dehors de ces appels dont vous avez parlé — vous avez dit par exemple que Madame Agathe et
Monsieur Lando vous ont appelé —, en fait, vous avez reçu de très nombreux appels.

17
18

Sans entrer dans les détails, pouvez-vous résumer quelle était la nature de ces appels ?

19
20

R.

En fait, c’était toujours la même chose. Les gens réclamaient de l’aide, disaient que leur maison ou

21

leur domicile était attaqué, ou alors qu’il y avait des tueries qui avaient lieu dans leur voisinage, et

22

demandaient que nos troupes viennent les secourir. Et à chaque fois… je recevais un appel, je le

23

transmettais, et un autre appel parvenait. Il y a eu des centaines d’appels, et la plupart des cas, les

24

gens suppliaient qu’on vienne les secourir, parce que je comprends le français. Ce n’est que lorsque

25

les appels étaient en kinyarwanda que je ne comprenais pas. Et quelques fois… Une fois, j’ai même

26

entendu une personne que l’on a tuée pendant qu’elle était au téléphone, j’ai entendu des coups de

27

feu et puis l’appel a été coupé.

28

Q.

Est-ce que des individus se sont présentés au quartier général de la MINUAR ?

29

R.

Oui, avant midi, ce jour-là, un certain nombre de personnes se sont présentées dont Monsieur

30

Faustin Twagiramungu. Lorsque… Il a déclaré que la Garde présidentielle était venue pour le tuer,

31

mais qu’il s’était rendu dans une maison qui n’était pas la sienne, et parce qu’il les a vus, il s’est enfui

32

et a sauté dans un véhicule de la MINUAR. En fait, nous avions envoyé le chercher, mais… On l’avait

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envoyé chercher mais la garde s’était trompée, et c’est ainsi qu’il est allé au secteur de Kigali puis il a

34

été emmené au quartier général, et je l’ai mis dans un bureau opposé au mien où il a attendu jusqu’à

35

son évacuation du Rwanda.

36

Q.

Quand avez-vous eu votre dernier contact avec Faustin Twagiramungu ?

37

R.

La dernière fois où je l’ai rencontré au Rwanda, c’était le 17 avril 94 puis je l’ai revu une fois à

2

ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 35

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BAGOSORA ET AL.

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Montréal, au quartier général du général Dallaire ; lorsque le général commandait la région du

2

Québec, je l’y ai rencontré. J’étais au quartier général du général Dallaire puis, nous avons reçu un

3

appel disant que Monsieur Twagiramungu était en ville, et nous avons déjeuné ensemble. Je crois

4

que c’était en 1996, pendant l’automne 96.

5

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Me CONSTANT :
Monsieur le Président ?

6
7
8

Simplement, pour les besoins du procès-verbal, est-ce qu’on peut noter que le témoin a,

9

apparemment, une feuille avec laquelle il s’aide pour retrouver les dates ?

10
11

(Le témoin montre un document à la Cour)

12
13

M. LE PRÉSIDENT :

14

Q.

S’agit-il du calendrier dont vous nous aviez parlé ?

15

R.

Oui, c’est ce calendrier que l’on a distribué, il s’agit du document que…

16

M. LE PRÉSIDENT :

17

Vous souvenez-vous de la deuxième question de Maître White ? Il lui a demandé : « Est-ce que, si

18

vous aviez un calendrier sous les yeux, cela vous aiderait ? » Et il a dit « Oui », et on lui a présenté

19

ce calendrier téléchargé de l’Internet.

20

Question suivante.

21
22

M. WHITE :

23

Q.

Vous nous avez déjà parlé de certaines informations que recevait la MINUAR par le biais de

24

l’informateur présenté par Monsieur Twagiramungu. Maintenant, j’aimerais vous demander si, à

25

quelque moment que ce soit, après la présentation de cet informateur à la MINUAR, si Twagiramungu

26

vous a informés du fait que l’information qu’il avait fournie à l’origine était incorrecte sur cet

27

informateur ?

28

Me SKOLNIK :

29

Objection. En fait, c’est plus tard qu’il a contesté ces informations. Je ne sais pas pourquoi il faut

30

poser cette question à ce témoin.

31

M. LE PRÉSIDENT :
Nous voulons entendre la version du témoin sur ce point.

32
33

R.

Monsieur le Président, je ne savais pas que le Premier Ministre Faustin Twagiramungu ait jamais…

34

soit jamais revenu sur la qualité de l’informateur. Je ne l’ai appris que cette année, en janvier, le 6 ou

35

le… le 7 ou le 8.

36

M. WHITE :

37

Q.

2

En dehors de Monsieur Twagiramungu, est-ce qu’il y a eu d’autres personnes qui se sont présentées
ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 36

1

BAGOSORA ET AL.

1

au quartier général de la MINUAR dans l’immeuble Amahoro, après ce jour du 7 avril ?

2

R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Oui. En fait, le soir, dans tout Kigali, les gens se sont rués vers le siège… le quartier général, y

3

compris dans l’immeuble Amahoro. Et, en fait, il y a eu peut-être quatre… 200 hommes, femmes

4

civils, même les familles qui se sont présentées. Nous les avons fouillés pour être sûrs qu’ils ne

5

portaient pas d’armes. Une fois que nous les avions laissés entrer, nous ne les avons pas autorisés à

6

sortir. Et nous leur avons fourni de l’eau, ils avaient accès aux toilettes et cætera. Et toutes les

7

concessions des Nations Unies dans Kigali se sont vues prises d’assaut par des personnes qui

8

voulaient y trouver refuge.

9

Q.

restés sur le terrain ?

10
11

Et pendant cette période, savez-vous si oui ou non les observateurs militaires de la MINUAR sont

R.

Oui, les observateurs… ces observateurs dont le patron était le colonel Ikokatakichi (sic) étaient

12

basés à Kimihurura dans un bâtiment où se trouvait leur siège, et de ce quartier général, l’on

13

commandait tous les observateurs militaires.

14
15

La matinée du 7 avril, du balcon du troisième étage de ce bâtiment où il y avait une très bonne vue de

16

Kimihurura, ils ont observé la Garde présidentielle, la Gendarmerie et des milices se déplaçant de

17

maison en maison, cassant… brisant les portails, entrant dans les maisons, tirant sur les… ils

18

entendaient des coups de feu et des cris. Une fois qu’ils avaient terminé avec une maison, ils se

19

rendaient à une autre maison.

20
21

Donc, de cet endroit, le colonel Tikoca a pris la décision — parce que ses officiers n’étaient pas

22

armés et n’étaient pas en mesure de se défendre, il a décidé d’abandonner leur quartier général. Ils

23

ont chargé leur personnel et leur équipement dans un convoi et se sont rendus à l’hôtel Amahoro. Ils

24

sont arrivés environ à midi, le 7 avril, et nous leur avons laissé une zone… un endroit où ils pouvaient

25

remettre… réinstaller leur quartier général.

26
27

Ces explications m’ont été données directement par le colonel Tikoca qui était le commandant de

28

cette force. Le commandant des Forces n’était pas là, et c’est ainsi que Tikoca m’a expliqué ce qu’il a

29

vu et ce qu’il a fait puis, j’ai eu l’occasion d’expliquer plus tard au général Dallaire les actions prises…

30

les mesures décidées par Tikoca.

31

Q.

Pendant que les gens essayaient de se réfugier dans le complexe Amahoro où se trouvait la

32

MINUAR, avez-vous reçu la visite d’éléments des parties belligérantes ? C’est-à-dire le FPR ou les

33

forces gouvernementales.

34

R.

À quel moment ?

35

Q.

Je parle de la journée du 7 avril, par exemple dans la matinée du 7 avril, avant que vous ne partiez à

36

la fin du mois d’avril.

37
2

ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 37

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BAGOSORA ET AL.

1

Entre le 7 et la fin du mois d’avril, est-ce que vous avez reçu la visite des soldats d’une des deux

2

parties dans l’immeuble Amahoro ?

3

R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Oui, à compter de la nuit du 6 et celle du 7 et toute la journée du 8, la zone qui entourait notre siège

4

était sous le contrôle des forces du Gouvernement rwandais. Mais surtout, il y avait une foule… une

5

foule qui s’était rassemblée à compter du 7, qui bloquait l’accès aux personnes qui essayaient

6

d’arriver à nous. On avait bloqué l’accès au stade Amahoro et à l’hôtel Amahoro, et on a essayé de

7

bloquer les convois que nous utilisions pour déplacer les personnes.

8

La nuit du 8 avril, le Front patriotique rwandais basé au CND a sécurisé la zone autour de notre

9
10

quartier général et autour de l’hôtel Lando, et le 9, un officier du FPR que j’ai immédiatement reconnu

11

— parce que je le connaissais —, à la tête du groupe… d’un groupe d’environ 30 soldats du FPR est

12

arrivé à notre portail, je suis descendu, il portait un casque des Nations Unies — ce qui m’a

13

contrarié —, il m’a dit qu’il avait un message pour le Premier Ministre Faustin, je lui ai dit de se

14

désarmer et que ses troupes restent en dehors de notre concession. Je l’ai fait entrer, et il m’a dit qu’il

15

« avait » autorisé par le FPR pour contacter… pour protéger Monsieur Faustin. Je me suis rendu à

16

l’étage, j’ai informé le général Dallaire qui, lui-même, a informé Monsieur Faustin, et Faustin a refusé

17

d’accéder à la demande, il a dit qu’il préférait rester neutre et impartial en restant avec les Nations

18

Unies et ne voulait pas de la protection du FPR. Le général Dallaire est retourné au rez-de-chaussée

19

et transmis ce message au FPR, et j’ai escorté cet officier hors de notre quartier général.

20
21

Plus tard, nous avons eu le FPR et des officiers rwandais, comme Rwabalinda qui est régulièrement

22

venu à notre siège et qui nous a aidé pour communiquer avec les forces du Gouvernement rwandais.

23

Nous avons également reçu les officiers de liaison du FPR qui n’étaient pas là le 7 ou le 8, mais plus

24

tard, lorsque le FPR a pris contrôle de la zone, ils sont venus nous voir.

25
26

Ils avaient donc une zone restreinte à partir de laquelle ils opéraient et étaient disponibles chaque fois

27

que le général Dallaire voulait leur parler, mais ils sont restés en dehors de notre concession.

28

Voilà pour les visites.

29
30

Q.

L’officier du FPR qui s’est présenté au portail du quartier général de la MINUAR ayant sur la tête un

31

casque bleu et qui a demandé à parler à Faustin Twagiramungu, cet officier vous a-t-il expliqué

32

pourquoi il voulait parler à Faustin Twagiramungu ?

33

R.

Oui, il a dit qu’il savait que le Premier Ministre Faustin se trouvait dans notre… à notre quartier

34

général — comment il le savait, je ne sais pas —, et il m’a dit qu’il avait… qu’ils avaient intercepté un

35

message selon lequel il y avait des ordres aux fins d’attaquer… les paracommandos voulaient

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attaquer le quartier général de la MINUAR pour prendre Faustin Twagiramungu.

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2

Q.

(Intervention non interprétée)
ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 38

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R.

Cela s’est passé la nuit du 8 ou très tôt le matin du 9. En fait, j’ai été réveillé au milieu de la nuit et j’ai
dû me rendre en bas pour le rencontrer.

2
3

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Q.

Entre ce moment et le moment où vous avez quitté le Rwanda au mois d’avril… à la fin du mois

4

d’avril, avez-vous eu l’occasion de quitter le QG de la MINUAR, et pour quelle raison avez-vous quitté

5

cet endroit ?

6

R.

Oui, à maintes reprises. À compter de la nuit du 7 avril, j’ai reçu des appels de l’Ambassade

7

canadienne à Nairobi disant qu’il y avait un certain nombre de Canadiens qui se trouvaient au

8

Rwanda. Et comme j’étais le seul Canadien sur le terrain — en dehors du général Dallaire —, ils me

9

demandaient d’essayer de retrouver ces Canadiens et de veiller à leur évacuation. Bien sûr, je

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travaillais toujours sous les ordres du général Dallaire et il m’a envoyé effectuer d’autres missions.

11

C’étaient souvent des missions où il fallait emmener des personnes… des gens, des missionnaires,

12

des membres des ONG, du personnel diplomatique. Et donc, à compter du 8, j’ai effectué un certain

13

nombre de telles missions… des missions de cette nature.

15

Ce que le général avait dit, c’était que lorsque lui se trouvait hors du QG, je devais être au QG pour

16

répondre aux coups de téléphone. Et lorsque lui s’y trouvait, je pouvais alors aller mener… effectuer

17

ces opérations.

18
19

Dès le début, c’est-à-dire du 8 jusqu’au 15 à peu près, en fait, j’étais responsable de ces missions de

20

sauvetage et, ensuite, cette tâche a été affectée à d’autres groupes.

21

Q.

Vous a-t-on jamais demandé d’accompagner d’autres soldats d’autres nationalités pour aider à
l’évacuation dans le cadre de ces missions de sauvetage ?

22
23

R.

Oui, à plusieurs reprises.

24

Q. Est-il arrivé une fois où vous avez accompagné un major polonais sur un site ?

R. Oui, les ordres avaient été donnés le 9 avril 1994, le samedi matin. Nous avions déjà effectué une mission avant le déjeuner, et c’est dans l’après-midi que nous avions donc mené cette deuxième mission.

Q. Où vous êtes-vous rendus au cours de cette deuxième mission ?


R. En fait, les officiers polonais — il y en avait cinq au sein de la MINUAR, il y en avait un qui était hors du pays, deux vivaient dans un endroit que nous avions appelé « la mission polonaise », près de la paroisse de Gikongoro (sic), les deux autres, le major Patrick et Stefan s’étaient rendus au quartier général de la Force, le 7. Dans la matinée, vers midi, le 9, ils avaient reçu un message radio pas très clair de leurs compatriotes à la mission polonaise où on leur disait qu’il y avait des meurtres qui étaient commis. Les deux personnes sont venues pour demander au général Dallaire que l’on puisse organiser une mission pour les sauver. J’ai posé la question au général Dallaire, il était d’accord parce que nous étions en effectif très réduit, et cet effectif correspondait… répondait directement au général Dallaire.


ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 39

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Donc, je suis parti avec un Bangladeshi, un Ghanéen, un militaire… deux soldats. Stefan et Patrick sont rentrés… montés à bord de l’APC et nous nous sommes rendus vers la paroisse de Gikondo.

(Pages 25 à 40 prises et transcrites par Anne Laure Melingui, s.o.)


ANNE LAURE MELINGUI, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 40

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M. WHITE :

Q. Où se trouve Gikondo relativement au QG de la MINUAR ?

M. BEARDSLEY :

R. C’est au sud de la ville, dans le secteur de Kagondo (sic).

Q. Combien de temps vous a-t-il fallu pour arriver à cet endroit-là ?

R. Pas plus de 30 minutes. La ligne de front du FPR était très proche du carrefour Lando. Nous avons pu franchir cette ligne sans problème, nous avons traversé une zone désertée, en fait, une zone qui séparait le front du FPR et celle de l’armée gouvernementale. Nous avons également franchi cette ligne de front de l’armée gouvernementale sans problème, il n’y avait pas de fusil à ce moment-là. Nous avons franchi un barrage routier de l’armée ; ensuite, un autre de la Gendarmerie, suivi par un nombre important de barrages routiers qui étaient tenus par des miliciens. Il a fallu discuter avec ces miliciens et nous étions armés, et grâce à cela, nous avons pu franchir lentement, mais sûrement, ces barrages routiers. Donc, il nous a fallu 30 minutes pour arriver à la paroisse de Kagondo (sic).

Q. Arrivés à cette paroisse, est-ce que quelqu’un vous a accueilli à cet endroit ?

R. Non, il n’y avait personne. Lorsque nous sommes arrivés au bâtiment de l’église, il y avait comme une sorte de parking, il y avait des bâtiments où vivaient les prêtres polonais. De l’autre côté de la route, il y avait un bâtiment qui, selon nous, était une école — c’était peut-être pas une école, mais nous avons pensé que c’était une école —, il y avait un nombre important de cadavres sur la route… le long de la route et qui étaient pas très loin de ce bâtiment. Lorsque nous sommes sortis de l’APC,

Mark Patrick a pris un soldat bangladeshi et s’est rendu dans les quartiers résidentiels pour rechercher l’observateur polonais et le prêtre polonais. Je suis parti avec Stefan pour voir ce qui se passait. On a vu… À l’entrée de l’allée, il y avait le corps d’une femme et il y avait des cadavres des enfants tout le long de l’allée. Et il semble que ces enfants ont été tués par des machettes, il y avait… ils étaient… leurs corps étaient sectionnés.

Q. Lorsque vous êtes arrivé à la… dans les locaux de la paroisse de Kigondo, étaient-ce les seuls cadavres que vous avez pu voir sur les lieux ?

R. Non. Nous sommes… Nous avons franchi la route, et puis, il y avait une haie le long de la route. Nous avons donc sauté cette haie, nous avons vu des gens qui… en civil qui s’enfuyaient, on ne savait pas qui c’était. Nous sommes allés vers l’église, cette église, nous la connaissions parce qu’il y a eu… nous avions assisté à des funérailles au mois de mars ; c’était l’une de nos secrétaires, à l’époque, qui était décédée suite au paludisme, et nous avions donc assisté à ses funérailles dans
cette église.

Donc, j’ai fait marche arrière et je couvrais la zone avec mon pistolet, et on gardait un contact visuel avec mon collègue pour se couvrir. Stefan est entré dans l’église et, moi, je suis allé à l’entrée — je suis pas entré dans l’église, mais j’étais à l’entrée et je voyais —, et on a vu que des corps jonchaient

2

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cette église. Je crois que c’était environ 150. Il y en a qui m’ont… j’ai même entendu le chiffre de 160 corps. Il y avait des hommes, des femmes et des enfants, tous vêtus de vêtements civils, en fait, les restes de vêtements civils et ils avaient été tués. Et il me semble qu’ils ont été tués à l’aide de machettes. C’était une scène horrible. Il y avait encore des gens qui étaient encore en vie, mais qui souffraient énormément, et le prêtre essayait de les aider.

À ce moment-là, après nous être concentrés pendant un certain temps sur cette scène, j’ai fait marche arrière et j’ai vu où était placé l’APC et où se trouvait ce soldat bangladeshi, et j’ai constaté qu’il revenait avec deux observateurs militaires polonais, plus le prêtre. Donc, je me suis avancé vers eux et, à ce moment-là, Stefan m’a rejoint — je crois qu’il devait venir de l’arrière de l’église —, nous avons eu une conversation très longue — qui était une conversation en polonais, qui a été par la suite traduite en anglais — de ce qui s’était passé avant notre arrivée à la paroisse.

Q. Et que vous a-t-on dit ? Que s’est-il passé les heures précédant votre arrivée ?

R. Ce qu’ils nous ont dit, c’est que le 7, ils avaient pris la décision de rester à la mission ; ils avaient dit que dans la matinée du 8, la zone avait été — comme on dit — quadrillée, à savoir que les principales… les principaux accès étaient bloqués… c’était bloqué par l’armée rwandaise ; ils ont dit que la Gendarmerie… ils avaient observé le déplacement méthodique d’éléments de la Gendarmerie vers la zone de Gikondo, près de l’église, ils avaient une liste et ils regroupaient les gens qu’ils escortaient dans l’église. Il y avait d’autres personnes qui, en fait, ont cherché refuge dans l’église. La seule chose qu’ils partageaient en commun, c’était qu’ils étaient d’ethnie tutsie, ethnie qu’on pouvait voir sur la carte d’identité. Et une fois que ces personnes étaient regroupées dans l’église — je parle de la Gendarmerie —, donc les gens ont commencé à crier et à pleurer, et les observateurs et le
prêtre ont décidé de traverser l’enceinte pour aller vers l’église pour voir ce qui s’y passait.

Lorsqu’ils sont arrivés, la Gendarmerie les a saisis, les a menacés en mettant leurs pistolets sous la gorge. Les gendarmes ont retiré les cartes d’identité des adultes et ils essayaient de les comparer par rapport à la liste des noms qu’ils avaient sur eux. Et, ensuite, un nombre important de personnes qu’ils avaient identifiées comme étant des Interahamwe, des miliciens, sont entrés dans l’église, ont pris des machettes et des gourdins. Ils ont commencé à tuer les hommes, les femmes et les enfants qui étaient à l’intérieur de cette mission. Cela a duré des heures et des heures et, pendant ce temps, on tenait à distance les militaires… le prêtre et les observateurs ; on les obligeait à ouvrir… à garder les yeux ouverts pour regarder les femmes enceintes se faire éventrer, les foetus sortis.

Je sais… Je me souviens d’un corps où la mère était morte et avait l’enfant qui était encore… essayait de téter le sein de sa mère ; cette femme avait les vêtements déchirés. Selon eux, ces… les assaillants n’avaient pas l’intention de les tuer immédiatement, au contraire, la tuerie devait se faire
très lentement et méthodiquement. On commençait par sectionner les seins des femmes, ensuite, on

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s’en prenait, après, à d’autres membres de leurs corps ; en plus de ces meurtres, on violait les femmes. Et à un moment donné, dans la matinée, ce groupe d’assaillants épuisés a quitté l’endroit avec les militaires… avec les gendarmes ; et je crois qu’à leur départ, les personnes qui sont restées là « a » essayé de sauver la vie aux personnes qui étaient encore en vie.

Il nous a fallu prendre une décision très difficile, car nous n’avions pas de véhicule qui pourrait accommoder 15 personnes. La police avait refusé de partir à moins de pouvoir emporter toutes les personnes avec eux, et on avait dit qu’avec l’APC, nous n’avions pas suffisamment de place. On a pris tout ce que nous avions comme approvisionnement, à savoir eau, etc. Et ils ont dit qu’ils ne pensaient pas que ces émeutiers allaient revenir, ils avaient dit qu’ils pouvaient attendre. On leur avait dit qu’il fallait que nous, nous puissions retourner au quartier général avant la tombée de la nuit, et on s’est dit qu’on pouvait organiser un sauvetage la journée suivante avec… qui serait composé de médecins, etc., mais cela ne pourrait être fait que le jour suivant. Et les heures passaient et il nous fallait absolument retourner au quartier général.


Aussi, nous avons pris la décision de les laisser là avec les équipements et nous avons pris les observateurs militaires avec nous. Étant… Un des observateurs militaires était tellement choqué, a subi un tel traumatisme qu’il n’avait même plus la possibilité de parler, et c’était l’autre observateur militaire qui a pu nous donner des descriptions et qui a quitté la mission le jour suivant. Il dit qu’il avait été membre d’un certain nombre de missions, il était parti au Cambodge, mais c’était la chose la plus horrible qu’il ait pu… dont il ait pu être témoin au Rwanda. Il a quitté le Rwanda.

Donc, nous sommes retournés au quartier général, nous avons fait un rapport au général Dallaire de ce que nous avons vu, et suite à une conversation importante que nous avons eue avec le général Dallaire — conversation qui était en anglais et en polonais —, c’était quelque chose de complètement différent et qui différait de la perception que nous avions eue il y a deux jours. Le 7 jusqu’au 8, il nous semblait que les cibles des assaillants étaient les hommes politiques modérés, des fonctionnaires modérés, cela concernait à la fois les Tutsis et les Hutus. On a vu… Et il semblait que les gens étaient particulièrement ciblés en raison des fonctions qu’ils exerçaient ou de leurs origines. Mais il semblait… Mais la différence, c’est qu’en ce qui concerne les meurtres suivants, c’étaient des hommes, des femmes, des enfants, des civils qui avaient pour seul point commun le fait d’être nés tutsis. Et alors, les mots… les propos de Jean-Pierre ont raisonné très fort dans notre tête et qui portaient sur l’élimination des Tutsis, et on a utilisé le mot de « massacre ethnique » pour pouvoir décrire ces massacres. C’était un vocable qu’on n’utilisait pas à l’époque et c’était, en fait, des mots dont on parlait et qui faisaient simplement référence à ce qui s’était passé en Bosnie, et on n’arrêtait pas d’informer New York en disant que les gens se faisaient tuer sur la base de leur


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appartenance ethnique.


Le jour suivant, le général Dallaire m’a confié une autre mission. Les prêtres nous ont appelés, ils ont dit que les miliciens sont revenus, ils ont tué tout le monde. La patrouille de la MINUAR a été envoyée à l’église, les miliciens étaient revenus. Je pense que… plutôt, pendant qu’on avait la conversation, la nuit précédente… le jour précédent avec l’observateur polonais, et on avait vu des Jeeps circuler, ils nous ont vus embarquer ces polonais, donc ils ont vu les mouvements que nous faisions. Et ces personnes-là ne se sont pas arrêtées pour regarder tous les corps qui étaient couverts… qui couvraient les rues, ils regardaient, ils conduisaient simplement.

Donc, le prêtre polonais, lorsqu’il nous a appelés, il a dit que dans la nuit, les émeutiers sont revenus, ils ont tué tous les survivants et ils avaient des camions dans lesquels ils ont chargé tous les cadavres. Le prêtre avait le coeur brisé, il fallait qu’il quitte le Rwanda et, à l’époque, l’aéroport était encore ouvert. Il avait dit que c’étaient des paroissiens… c’étaient tous des paroissiens qui avaient été tués, et les meurtriers étaient également des paroissiens. Et le prêtre avait été tellement choqué que les jours suivants, il a quitté le Rwanda.

Q. Major, parlons d’un événement. J’ai cru comprendre que vous aviez des contacts avec des nonnes dans la région de Remera ; est-ce exact ?


R. Oui, j’ai mené un certain nombre de missions de sauvetage visant à recueillir des nonnes pour les conduire à l’aéroport… des religieuses.

Q. Est-il arrivé un moment où vous avez essayé de rencontrer ces religieuses lorsqu’il y avait, dans les environs, des militaires de l’armée gouvernementale militaire ?

22
23



20
21



R.

Oui, à deux reprises. Au jour… Un jour… Entre le 10 et le 11, l’ambassade canadienne à Nairobi m’a

24

appelé au téléphone en me disant qu’il y avait des religieuses canadiennes qui se trouvaient dans ce

25

couvent et qu’il fallait aller les chercher pour les exfiltrer du Rwanda. Et, à ce moment-là, la France

26

était arrivée, de même que les Belges, ils étaient tous… de même que les Canadiens, ils étaient

27

venus au Rwanda pour évacuer leurs ressortissants. Les restrictions étaient qu’il fallait simplement

28

faire évacuer les étrangers ; et les Kenyans refusaient d’accepter des Rwandais, car ils avaient dit

29

que de toute façon, si jamais on essayait de faire évacuer des Rwandais, ils allaient repartir avec le

30

premier avion au Rwanda. Donc, on ne voulait pas prendre ce type de responsabilité, alors, un

31

contrôle étroit était mené à l’aéroport pour vérifier l’identité des personnes.

32
33

Stefan et moi-même, nous… dans une camionnette, avec un autre officier ghanéen dont je ne me

34

souviens pas le nom, à bord de deux camionnettes, nous sommes allés vers le camp Kanombe et,

35

avant l’aéroport, nous avons tourné vers une route qui mène vers le couvent. Le couvent se trouvait à

36

côté d’un petit passage devant la route et, devant nous, il y avait un barrage routier submergé d’une

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quinzaine de jeunes gens dans… qui avaient 15 ans, 20 ans. Il y avait un soldat de l’armée

2

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gouvernementale rwandaise qui portait le casque des paracommandos. Donc, ils nous ont demandé

2

de nous arrêter. Ce que nous avons fait, c’est que nous avons franchi ce barrage routier sans nous

3

arrêter, ce qui fait qu’ils se sont écartés et, 100 mètres plus loin, nous avons constaté que nous étions

4

tombés dans une impasse. Donc, nous avons fait marche arrière, nous avons discuté avec le militaire

5

qui tenait ce barrage routier parce qu’il était armé. Il est venu nous parler, les autres nous criaient

6

dessus, ils s’exprimaient en kinyarwanda, ils portaient des machettes et des gourdins, ils ne portaient

7

pas d’armes. Ils nous ont posé la question de savoir si nous étions belges, nous avons dit : Non, nous

8

étions canadiens et polonais. Et il a dit : « Heureusement que vous n’êtes pas belges, car on allait

9

vous trancher la gorge. » De toute façon, moi j’avais mon pistolet sur les genoux, je m’apprêtais à

10

MARDI 3 FÉVRIER 2004

tirer en cas de mouvement suspect, et on a constaté que Patrick nous couvrait avec son AK47.

11
12

Nous nous sommes rendus à l’endroit où se trouvait le couvent, on a ouvert les portes et les

13

religieuses sont sorties. Il y en avait environ 20 et il y avait également des stagiaires. Et je crois qu’il y

14

en avait quatre… il y en avait trois qui étaient canadiennes, une qui était française, je crois. On leur a

15

dit qu’il fallait « qu’ils » quittent les lieux et que la situation se détériorait, et leur ordre avait demandé

16

qu’on les évacue. C’était pas forcément la vérité, mais on ne voulait pas « qu’ils » nous désobéissent,

17

alors c’est les informations qu’on leur avait données. On les a donc conduites à l’aéroport, elles ont

18

pu… Elles sont sorties du Rwanda en avion et nous, ils nous avaient dit… Une fois hors du Rwanda,

19

ils nous avaient dit que… qu’on n’avait pas reçu ce type d’ordre, mais qu’on était responsable de

20

leurs congénères, on avait dit d’accord.

21
22

Ensuite, nous sommes revenus sur les lieux. Le 28, j’ai fait un rapport sur les personnes qui étaient…

23

qui avaient quitté le Rwanda. J’ai fait le rapport au général Dallaire et, dans l’après-midi, avec un

24

autre canadien, le général MacNiel, nous avons décidé d’aller voir les religieuses qui étaient au

25

couvent. Lorsque nous sommes arrivés au couvent, dehors, il y avait des éléments de l’armée

26

régulière qui étaient devant, ils ont ouvert le portail, nous sommes entrés, nous avons vu les

27

religieuses africaines. On leur a posé la question de savoir « s’ils » avaient des problèmes avec les

28

milices ; « ils » ont dit : Oui, que les miliciens étaient arrivés ce matin-là et ils avaient vérifié toutes les

29

cartes d’identité, ils avaient séparé les Tutsies des Hutues. Les femmes tutsies, les religieuses tutsies

30

ont été… elles ont dû se mettre à genoux et ils avaient pris les machettes pour les tuer. Alors, les

31

religieuses ont prié, les ont suppliés de ne pas les tuer, c’est ce qu’ils ont fait, ils ne les ont pas tuées.

32

Et quand on est arrivés, les religieuses étaient très heureuses de nous voir.

33
34

Il y a un officier du régiment des paracommandos qui est également arrivé au couvent. Il a dit qu’il

35

était dégoûté de ce que son armée et ses unités faisaient au Rwanda, et il avait dit qu’il allait placer

36

des gardes pour s’assurer qu’on ne vienne plus importuner les religieuses. Nous leur avons déposé

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de l’eau… donné de l’eau, si je m’en souviens. Je suis remonté dans mon véhicule, nous sommes

2

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retournés au quartier général des forces de la MINUAR et, plus tard, dans l’après-midi, je suis tombé

2

malade, c’était le 29, et j’ai été évacué.

3

Q.

Après votre évacuation, avez-vous eu des nouvelles de ces religieuses ?

4

R.

Oui, très fréquemment. J’ai eu la soeur Monique, c’était une personne qui ne pouvait pas parler… qui

5

parlait pas anglais, mais qui parlait le français, mais pendant longtemps, elle nous a appelés, et puis,

6

elle nous a fait un compte rendu sur le sort qui a été réservé à ces religieuses. Elle nous a dit

7

notamment que lorsque ces religieuses ont été abandonnées, les paracommandos ont pris ces

8

religieuses, les ont envoyées vers le sud, ils sont tombés sur un barrage routier où les Interahamwe

9

ont fait la distinction entre les Hutus et les Tutsis. Et il y a deux versions : Alors, selon une version,

10

on… les religieuses ont été tuées ; dans un autre cas, il y a une tentative d’assassinat de ces

11

religieuses, mais la personne qui était chargée de tuer ces personnes n’a pas pu, parce qu’elle

12

croyait en Dieu. Donc, on a deux versions, je ne sais pas quelle est la vraie.

13

Q.

Abordons les tous derniers points, Major. Vous avez donné une description d’un certain nombre de
barrages routiers et, aux fins de précision, je voudrais vous poser des questions suivantes :

14
15

Quand est-ce que vous êtes tombé sur le tout premier barrage routier au Rwanda ?

16
17

R.

Je crois que c’était dans les premiers jours de la mission technique, c’étaient des barrages routiers

18

qui étaient tenus par la gendarmerie et les forces gouvernementales rwandaises et, à un moment

19

donné, des militaires français tenaient, en fait, ces barrages routiers autour de la ville de Kigali.

20

Q.

Et le tout dernier barrage routier que vous avez franchi, quand est-ce que cela a eu lieu ?

21

R.

Le dernier barrage routier que j’ai franchi, je crois que c’est le jour où j’ai quitté le Rwanda. En nous

22

rendant à l’aéroport, il nous a fallu franchir un certain nombre de barrages routiers lors de mon

23

évacuation.

24

Q.

Entre le premier barrage routier et le dernier barrage routier que vous avez franchi tout le long de

25

votre séjour, avez-vous observé des changements quelconques quant à l’usage des barrages routiers

26

qui était fait ?

27

R.

Au début, il y avait les barrages routiers qui étaient montés par des… les militaires pour contrôler le

28

secteur. Dans le… Dans le secteur sous contrôle du FPR, il y avait des barrages routiers partout.

29

C’était… Ces barrages routiers étaient tenus par un ou deux militaires, toujours sobres, bien

30

déterminés… bien disciplinés, toujours en état d’alerte. Lorsqu’on devait passer, ils regardaient, ils

31

soulevaient la barrière et on passait. Et quand ils disaient qu’on devait pas franchir le barrage, on ne

32

franchissait pas le barrage. Mais en ce qui concerne le barrage… En ce qui concerne les barrages

33

tenus par le FPR, il semble que les personnes qui tenaient ces barrages étaient très disciplinées.

34
35

Du côté de l’armée gouvernementale rwandaise, près de la ligne de front notamment, il y avait les

36

militaires, derrière, il y avait les gendarmes qui étaient responsables des barrages routiers et, au

37

cours de la période janvier… de janvier à avril, au moment des troubles politiques et des

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manifestations, les Interahamwe et les milices de civils tenaient également ces barrages routiers. On

2

est tombés sur ce type de barrages de civils jusqu’à la fin du mois de mars, car c’était une période où

3

il y avait… où la ville était en proie aux émeutes, etc.

4
5

Après le 7 avril, la disposition était différente. Il y avait donc le FPR qui avait des barrages routiers

6

devant leurs lignes pour contrôler… pour contrôler le passage des gens, parce qu’on on leur disait :

7

Après cette ligne de front, il y avait des combats, donc si vous vouliez partir, c’était à votre propre

8

risque.

9
10

Ensuite, il y avait, à côté, les barrages routiers montés par l’armée gouvernementale rwandaise, qui

11

étaient tenus par des militaires et, notamment à la tête, c’étaient des sous-officiers. Et derrière cela,

12

100 mètres plus loin, il y avait le barrage de la Gendarmerie qui était, en général, tenu par des

13

gendarmes et, en général, c’était un sous-officier qui était responsable de ce barrage. Et derrière la

14

Gendarmerie, il y avait toute une série de barrages routiers tenus par des civils, des miliciens, des

15

Interahamwe.

16
17

Je ne veux pas dire… Je ne veux pas dire qu’il y avait simplement que ces trois unités. On a vu

18

souvent des gendarmes, des militaires et des civils dans des barrages qui étaient tenus par des civils,

19

mais ils semblaient avoir un… une description assez semblable en ce qui concerne tous ces barrages

20

routiers.

21
22

En ce qui concerne les barrages routiers tenus par les civils, il semblait qu’il n’y avait aucun contrôle

23

qui était exercé. À chaque fois qu’il y avait quelqu’un qui était responsable… qui tenait ces barrages,

24

on essayait de trouver un responsable pour discuter avec eux et c’étaient ces barrages-là qui étaient

25

les plus dangereux.

26
27

Et un peu plus tard, on a pu voir un grand nombre important de barrages qui étaient, en fait, des lieux

28

de massacres. Cela, à partir du 9. Souvent, on voyait des corps, des cadavres d’hommes, de femmes

29

et d’enfants pas très loin de ces barrages routiers. On voyait souvent un barrage routier un jour donné

30

et, le jour suivant, il n’y avait pas ce barrage-là. Et, en fait, ces barrages étaient déplacés à cause de

31

l’odeur nauséabonde que dégageaient les cadavres des personnes tuées. Et d’un côté… d’une

32

extrémité à l’autre de la ville, on pouvait tomber sur une vingtaine de barrages routiers de ce type.

33
34

Il y avait toujours quelqu’un qui était responsable et cette personne, généralement, était armée.

35

Lorsque c’était un gendarme ou un militaire, c’étaient des sous-officiers, et lorsque c’étaient des

36

Interahamwe, il y avait toujours un gendarme, un militaire ou même un civil qui était armé ;

37

quelquefois, il pouvait être armé d’une grenade. Ils portaient quelquefois les uniformes des

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Interahamwe. Il y avait également d’autres personnes qui portaient des armes : Des enfants, des

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personnes de tous âges qui avaient des machettes ou des armes traditionnelles. Donc, il y avait

3

toujours quelqu’un. Lorsque nous arrivions… nous arrivions à un endroit, à un barrage, nous mettions

4

une arme sur la poitrine d’un individu, et la personne comprenait que s’il y avait difficulté, cette

5

personne serait la première à tomber. Une approche qui a toujours fonctionné. La personne qui était

6

responsable, qu’il soit policier, qu’il soit militaire, gendarme ou Interahamwe, était généralement

7

équipée d’un… d’une radio Motorola. Mais il y avait également les radios FM… des appareils radio

8

FM à pratiquement tous les barrages routiers.

9

Q.

Autour des barrages que vous avez rencontrés sur votre chemin, avez-vous observé… avez-vous vu
des massacres se dérouler sous vos yeux ?

10
11

MARDI 3 FÉVRIER 2004

R.

Autour du 12 ou le 13 avril, ou même du 19, quand je suis parti, pendant cette période, lorsque vous

12

arriviez à un barrage, il y avait toujours une montagne de cadavres à côté. Je n’ai pas été témoin

13

oculaire de la mise à mort d’un individu, mais j’ai toujours vu vérifier les cartes d’identité — ils

14

parlaient toujours des cartes d’identité —, et je me souviens être arrivé à des barrages où on venait…

15

les personnes venaient d’être fraîchement mises à mort. C’est ce que j’ai pu voir personnellement…

16

pu vivre personnellement.

17

Q.

en désordre par terre ou étaient disposés de manière ordonnée ?

18
19

Diriez-vous, en général, que les corps que vous avez observés autour des barrages routiers gisaient

Me SKOLNIK :

20

Objection ! Je ne pense pas qu’il soit de la compétence de ce témoin, à partir de ce qu’il a vu, de tirer

21

une telle conclusion. Qu’il y ait un système… un comportement systématique ou non, il ne peut pas le

22

savoir.

23

M. LE PRÉSIDENT :

24

Q.

Est-ce que vous avez eu l’impression qu’il y avait un type d’organisation ?

25

R.

Oui. Les corps gisaient en désordre autour des barrages. Par exemple, les victimes tombaient où

26

elles avaient été tuées et les corps restaient là. On ne déplaçait pas les corps pour les aligner comme

27

on l’a fait, par exemple, en Croatie. Non, c’étaient des corps qui gisaient en désordre et, souvent, il

28

était impossible de les dénombrer. Très souvent, certaines de ces victimes étaient mutilées, une

29

jambe coupée, la tête amputée ou même… C’était généralement une masse qu’il fallait enjamber ou

30

à côté « desquelles » passer. Donc, il n’y avait pas d’organisation systématique des corps.

31

M. WHITE :

32

Q.

S’agissant des victimes de sexe féminin, avez-vous observé quelque chose de particulier sur elles ?

33

R.

Oui, deux choses. D’abord, quand ils tuaient une femme, généralement, le coup mortel qui leur a

34

été… il paraissait que le coup mortel qui avait été porté était généralement aux parties sexuelles.

35

Deuxièmement, nous avons observé que, généralement, les victimes de sexe féminin étaient

36

éventrées, couchées sur le dos. Pour les femmes ou les jeunes filles de 7, 8 ans, on… les parties

37

sexuelles étaient gonflées suite à des… à un viol répétitif.

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Le viol… Les cas de viol au Rwanda ont porté un coup très important à notre moral au Rwanda. Nous

2

avons eu plusieurs fois à en discuter au quartier général autour d’une tasse de café. Il y avait, certes,

3

des assassinats, ce n’est pas que les assassinats soient quelque chose de souhaitable, mais les

4

viols, les viols à répétition, constituaient pour nous un véritable défi majeur. À partir du 9 jusqu’à la

5

date à laquelle j’ai quitté, les cas de viol étaient quasiment systématiques.

6

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Major, j’ai deux points à examiner avec vous et qui porteraient sur des points géographiques dans la
ville de Kigali. Nous serons donc… Je vous demanderais donc d’être très bref.

7
8

Connaissez-vous le Mont Rebero ?

9
10

R.

Oui, je connais, j’en ai entendu parler.

11

Q.

Début avril 1994, savez-vous ce qu’il y avait au sommet de cette colline ?

12

R.

Je crois que c’est la colline au… sur laquelle étaient les antennes utilisées par Radio Rwanda, mais
également par la RTLM.

13
14

Q.

SPG, dans la ville Kigali ?

15
16

R.
Q.

La station SPG joue-t-elle un rôle particulier… particulièrement important pour la MINUAR, à l’époque
des faits ?

19
20

Oui. Cette station se trouve dans le sud, sur la route qui se trouve au sud de la ville. C’est une station
d’essence assez grande.

17
18

Connaissez-vous certaines stations essence… une certaine station essence qui portait le nom de

R.

Je me rappelle ce jour où je me suis rendu à cette station d’essence où… que lorsque je faisais la

21

patrouille, je passais par là, j’y trouvais toujours un ensemble… un groupe très important de militaires

22

ou d’Interahamwe. Je crois qu’ils utilisaient cette… ils allaient s’alimenter en carburant à cette station

23

d’essence. On y trouvait toujours une foule de personnes.

24

Q.

jouait… avait un certain… une certaine importance militaire ?

25
26

Et enfin, savez-vous dans quel quartier… Savez-vous si l’emplacement de la station d’essence SPG

R.

Oui, la station se trouvait à un carrefour… à un carrefour qui… à partir duquel on pouvait se rendre

27

dans diverses parties du pays. Il y a toujours eu des signes de combats entre le FPR et l’armée

28

gouvernementale rwandaise.

29

M. WHITE :

30

Je vous remercie, Major. J’en ai terminé avec les questions que je voulais vous poser dans le cadre

31

de mon interrogatoire principal.

32

M. LE PRÉSIDENT :

33

Q.

comprise : « APC ».

34
35

Nous avons pu comprendre toutes vos abréviations, mais il y a une abréviation que nous n’avons pas

R.

Oui, c’est une abréviation… une abréviation militaire qui signifie « un véhicule blindé de transport de

36

personnel. » C’est un véhicule que nous utilisions pour transporter le personnel pour nous défendre.

37

Nous en avions huit à la MINUAR, ces véhicules étaient de fabrication soviétique. Cinq de ces

2

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1

véhicules étaient en état de fonctionnement. Nous avions également des véhicules similaires qui

2

étaient venus avec le contingent belge et qui étaient de fabrication anglaise. « Elles » étaient sur

3

chenilles. Et nous avions quatre ou six M113 qui sont des véhicules de transport de personnel de

4

fabrication américaine. Nous les avons obtenus de la Somalie et ils nous ont été offerts par les

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Américains.

6

MARDI 3 FÉVRIER 2004

M. LE PRÉSIDENT :

7

J’ai quelques questions pratiques à discuter avec les parties. Je demanderais au témoin de quitter le

8

prétoire, le contre-interrogatoire devant commencer à 14 h 30.

9
10

Nous vous remercions, Major. Nous vous reverrons cet après-midi.

11
12

(Le témoin quitte le prétoire)

13
14

La Défense nous a saisis d’une requête en date du mois de décembre, mais qui a été reçue en

15

janvier. Il s’agit des mesures de protection à l’intention des témoins A et BY. Ces témoins vont-ils

16

comparaître lors de cette session ?

17
18
19

M. WHITE :
Non, ce ne sera pas le cas.
M. LE PRÉSIDENT :

20

Ceci nous permettra de planifier les choses. Vous nous direz quand ces témoins pourront venir, la

21

Défense pourra également prendre ses dispositions.

22
23

S’il n’y a pas de questions particulières à examiner, des questions pratiques, nous pouvons

24

suspendre et reprendre à 14 h 30, comme d’habitude.

25
26

L’audience est suspendue.

27
28

(Suspension de l’audience : 12 h 45)

29
30

(Pages 41 à 50 prises et transcrites par Hélène Dolin, s.o.)

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2

HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 50

1
1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

(Reprise de l’audience : 14 h 45)

2
3

M. LE PRÉSIDENT :

4

Malheureusement, nous sommes en train d’accuser un petit retard, mais il y avait des questions à

5

régler urgemment. Qui sera le premier à prendre la parole parmi les équipes de la Défense ?

6

Monsieur le Témoin, c’est Maître Constant qui va à présent mener son contre-interrogatoire.

7

M. BEARDSLEY :
Très bien, Monsieur le Président.

8
9

Me CONSTANT :

10

Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je tiens à dire que le contenu de l’interrogatoire principal du

11

témoin m’a un peu surpris par rapport à cette déclaration que je possédais, si bien qu’il y a un certain

12

nombre de pièces auxquelles je devrais être obligé de me référer. J’ai essayé de m’en tenir à celles

13

que j’avais utilisées pour le général Dallaire, mais il est possible qu’il y en ait d’autres qui sont des

14

pièces produites mais que je n’avais pas annoncées.

15

CONTRE-INTERROGATOIRE

16
17

PAR Me CONSTANT :

18

Bonjour, Major.

19

M. BEARDSLEY :
Bonjour, Maître.

20
21

Me CONSTANT :

22

Q.

Deux petites choses préalables. Quand vous avez indiqué votre cursus à mon confrère Drew White,
vous avez dit que vous avez fait, entre autres, des études d’histoire, c’est exact ?

23
24

R.

C’est exact. J’ai une licence en histoire de l’Université de Concordia, Montréal.

25

Q.

Vous pouvez nous dire sur quels domaines vous avez fait ces études d’histoire ? À part les données
générales, est-ce qu’il y a une spécialisation particulière ?

26
27

R.

spécialisation.

28
29

Non. C’était « histoire générale » portant sur le Canada, les États-Unis, l’Europe et l’Afrique. Aucune

Q.

Et dans le cadre de ces études d’histoire, puisque ça portait de manière générale, y compris sur

30

l’Afrique, vous avez eu l’occasion de connaître ou d’avoir des éléments sur l’histoire du Rwanda à ce

31

moment-là ?

32

R.

Non. À l’époque, le point central en Afrique, c’était en fait les pays en guerre, à savoir : Angola,

33

l’ancienne Rhodésie, le Zimbabwe, Mozambique et très peu sur les régions des Grands Lacs en

34

Afrique.

35

Q.

général Dallaire — dans la réalisation de son ouvrage, c’est exact ?

36
37
2

D’autre part, si j’ai bien compris, vous avez eu l’occasion d’aider le général Dallaire — le lieutenant

R.

C’est exact.
PIERRE COZETTE, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 51

1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

Q.

Vous avez indiqué aussi que vous l’avez aidé pour la relecture de l’ouvrage ?

2

R.

Oui. Lorsque nous avons fait la dernière révision du livre.

3

Q.

Est-ce que vous êtes en accord avec tout ce qui a été écrit ou il y a des éléments sur lesquels vous
ne seriez pas d’accord, étant donné que vous avez eu l’occasion de lire le manuscrit ?

4
5

R.

Lorsque le général Dallaire et moi-même écrivions ce livre, il y avait un certain nombre de points,

6

notamment les fax, où on n’avait pas le même souvenir de l’incident ou des événements. On avait

7

tendance à rechercher les rapports pour pouvoir éclaircir ces points, et s’il y avait toujours des points

8

de désaccord c’est… on se fiait aux souvenirs du général Dallaire. Quatre vingt dix-neuf pour cent...

9

je suis à 99% d’accord avec ce qui est mentionné dans le rapport, mais je ne suis pas d’accord avec
le général Dallaire sur des points me concernant… certains points, en fait.

10
11

Q.

Vous dites qu’il y a apparemment des désaccords concernant les fax, c’est bien ça que j’ai compris ?

12

R.

Pas tant les fax, les faits ; en fait, la conclusion des faits, la conclusion de ce qui s’est passé des
événements.

13
14

Me CONSTANT :
Ce n’était pas « fax » F-A-X, c’était « facts ».

15
16

L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Correction de l’interprète « faits ».

17
18

Me CONSTANT :
Merci beaucoup.

19
20

Q.

donner des exemples de désaccord ?

21
22

Vous dites que vous êtes d’accord… vous êtes en désaccord à 1%. Est-ce que vous pourriez nous

R.

Oui. Je crois que le général Dallaire est un peu trop dur par rapport à lui-même. Il… En fait, il assume

23

trop… une trop grande responsabilité… par rapport aux événements du Rwanda, et je pense,

24

personnellement, que le général Dallaire a fait de son mieux avec le peu de soutien qu’il avait au

25

cours des événements qui se sont produits au Rwanda. Et, notamment, pendant la guerre et pendant

26

la période du génocide. Et je suis pas d’accord avec les points où le général Dallaire veut assumer

27

une certaine responsabilité. En fait, c’est un des domaines… des points de désaccord que j’ai avec

28

lui.

29

Q.

D’accord… Je comprends, c’est donc une appréciation subjective sur le rôle que s’attribue le général

30

Dallaire, mais vous n’avez pas de désaccord sur des faits, c’est éventuellement sur les événements

31

d’analyse du rôle du général Dallaire ?

32

R.

disposition et en se fondant sur les souvenirs que nous avons des événements.

33
34

Q.

37
2

Vous avez dit que, quand vous aviez, vous deux, si j’ai bien compris, un certain nombre de
divergences dans vos souvenirs, vous vous rameniez aux rapports que vous aviez, c’est bien ça ?

35
36

Oui, je pense que les faits sont corrects. En se fondant sur les événements qui étaient à notre

R.

Oui. Le général Dallaire et moi-même, quand nous n’étions pas d’accord sur le déroulement dans un
événement, parfois je lui rappelle qu’il avait raison et parfois je lui dis que c’est moi qui avais raison,
PIERRE COZETTE, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 52

1

BAGOSORA ET AL.

1

et si on n’arrive pas à se mettre d’accord, on consulte des documents, notamment les rapports de

2

situation, les recherches pour pouvoir établir… apprécier la réalité. Et si on n’est pas d’accord, alors

3

on se base sur la version du général Dallaire puisque c’était lui qui rédigeait son livre.

4

Q.
R.

Non. En ce qui concerne Jean-Pierre, les souvenirs que nous avions étaient très clairs, entre le
premier jet et la version définitive de l’ouvrage.

7
8

Est-ce que sur la question de l’informateur Jean-Pierre, il y a eu entre vous deux des divergences qui
vous ont obligé de vous ramener aux rapports, ou non ?

5
6

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Q.

Est-ce que, entre le 6 et le 9 avril il y a des éléments de faits sur lesquels vos souvenirs étaient
divergents ?

9
10

R.

Quelle période, s’il vous plaît ?

11

Q.

Excusez-moi. Sur la période du 6 au 9 avril 94.

12

R.

Oui. Il y a un problème qui continuait à nous préoccuper, à savoir dans la matinée du 7, lorsque le

13

général Dallaire a quitté le QG, il était dans un véhicule avec un major, Peter Maggen avec l’aide qui

14

était le capitaine Robert Van Putten. Il y a eu de longues périodes au cours de cette journée où on n’a

15

pas pu communiquer avec le général Dallaire. Et je crois qu’il n’avait pas de radio, notamment, dans

16

la matinée, toute la matinée, dès le moment où il a quitté le quartier général jusqu’au déjeuner et

17

pendant une certaine période aussi, dans l’après-midi, le général Dallaire n’est pas certain s’il était en

18

possession d’une radio. Et cela a fait l’objet de discussions entre nous.

19

Q.

Pour les besoins du procès-verbal sous votre contrôle. Maggen, c’est : « M-A-G-G-E-N » ?

20

R.

Non, je crois que ça s’écrit autrement : M-A-G-G-E-N, major Peter, belge.

21

M. WHITE :
C’est le numéro 45 sur la liste des noms propres.

22
23

Me CONSTANT :

24

Q.

C’est bien ce que j’avais dit. Et concernant Monsieur Van Putten, c’est : V-A-N, plus loin
P-U-T-T-E-N ?

25
26

R.

Oui, c’est exact.

27

Q.

OK. Bon, on va retourner sur ce point de votre divergence avec le lieutenant général Dallaire, mais

28

rapidement pour… vous, vous soutenez que le général Dallaire n’a pas pu être en contact avec vous

29

qui étiez au QG pendant cette journée, c’est ça ?

30

R.

Non. J’étais pas en mesure de mettre la main sur lui à un moment donné, dans la matinée, autour du

31

déjeuner. Ce n’est que par contact téléphonique, vers 13 heures, qu’il nous a contactés. Il y avait un

32

certain nombre de points pour lesquels j’ai essayé de le contacter par la radio, il a fallu que je

33

transmette… lui transmette un message en passant par Peter, et, notamment, en ce qui concerne les

34

messages provenant du général Kagame portant sur les actions que voulait entreprendre le FPR.

35

M. LE JUGE REDDY :

36

Q.

Quelle date est-ce ?

37

R.

Le 7 avril.

2

PIERRE COZETTE, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 53

1
1

BAGOSORA ET AL.

Me CONSTANT :
On va y retourner.

2
3

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Q.

Est-ce qu’il y aurait eu des divergences entre vous et le général Dallaire concernant la question de la

4

mise sur pied du Gouvernement de transition à base élargie. Je dis par-là les différentes négociations

5

qui auraient eu lieu pour la mise sur pied de ce Gouvernement ?

6

R.

7

M. LE PRÉSIDENT :
La question est de savoir s’il y avait des divergences concernant la mise sur pied du « GTBE » ?

8
9

Je ne comprends pas quelle est la question.

R.

Non, Maître, il n’y en avait pas. Pas à ma connaissance.

10

Me CONSTANT :

11

Q.

Parfait. Je voudrais revenir sur votre premier voyage au Rwanda en août 1993. Votre délégation était
composée de… la délégation de l’ONU était composée de combien de personnes environ ?

12
13

R.

Une vingtaine environ.

14

Q.

Concernant les réunions du 22 et du 27 août, vous dites que mon client était présent, je voudrais

15

savoir, pour la réunion du 22, qui représentait la… ce qui n’était pas encore la MINUAR mais la

16

délégation de l’ONU ?

17

R.

À deux reprises c’était le général Dallaire ainsi qu’un nombre important des éléments de la mission
technique… tactique.

18
19

Q.

Il y avait le général Dallaire, donc, si je comprends bien, il y avait vous aussi. C’est exact ?

20

R.

Non. Il y avait plus de personnes que cela. Il y avait Rivero, notre service des affaires politiques, il y

21

avait également le colonel Tikoca, au cours de la deuxième réunion, je crois que le major Miguel

22

Martin, qui est venu de New York, est venu, Madame Barrillon-Pomes, le directeur des affaires

23

politiques était également là ; je crois qu’il y avait deux secrétaires qui venaient du DOMP, et je crois

24

qu’il y avait deux autres personnes. Je crois qu’il y avait un groupe assez important du côté des…

25

dans la délégation des Nations Unies.

26

M. LE PRÉSIDENT :

27

Q.

Vous avez mentionné un certain nombre de noms qui n’ont pas été mentionnés dans le cadre de

28

cette session, et, les sténotypistes risquent d’avoir des problèmes avec l’épellation de ces noms.

29

Pouvez-vous nous aider, s’il vous plaît ?

30

R.

Très bien. Le colonel Tikoca, c’est : T-I-K-O-K-A (sic) — si je ne me trompe pas, il venait de Fidji, il

31

était le chef des observateurs militaires. Le major Miguel Martin : M-A-R-T-I-N, « Miguel » :

32

M-I-G-E-L… U-E-L —, pardon, Isel Rivero : I-S-E-L R-I-B-E-R-O (sic) —, Madame Barrillon-Pores

33

(sic) : B-A-R-R-I-L-L-O-N, P-O-R-E… P-O-M-E-S —, il y avait également deux secrétaires, mais je ne

34

me souviens plus de leurs noms, mais si vous regardez le rapport de la mission technique, vous

35

verrez les noms des personnes que j’ai mentionnées.

36
37
2

Me CONSTANT :
Monsieur Matemanga, est-ce que vous pouvez remettre au témoin la pièce D. B 71 qui est le rapport
PIERRE COZETTE, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 54

1

BAGOSORA ET AL.

1

en question ?

MARDI 3 FÉVRIER 2004

2
3

(Distribution des documents au témoin)

4
5

Q.

Vous l’avez, Major ?

6

R.

Yes.

7

Q.

Est-ce que nous sommes d’accord que, dans le document en question — ou si tel n’est pas le cas,

8

veuillez m’indiquer où — il n’y a pas de procès-verbal d’aucune des deux réunions, ni du 22 ni

9

du 27 août ?

10

R.

Non, c’est inexact. Si vous regardez l’annexe 10, qui dans l’anglais c’est L0022733. Vous verrez qu’il

11

y a là notre résumé de ce qui s’est passé pendant ces deux réunions. La date c’est le 26 août, et, en

12

fait, à mon souvenir, c’était le 27 août.

13

Q.

J’ai une question de terminologie. Là, c’est un résumé des réunions, nous sommes d’accord qu’il
n’est pas mentionné qui était présent aux réunions ?

14
15

R.

C’est exact.

16

Q.

Donc ma question était : Est-ce qu’il existe un procès-verbal — c’est-à-dire non pas un résumé, mais

17

un document qui dit l’heure où ça commence — qui est présent pour les différentes parties ? Est-ce

18

que nous sommes d’accord que ce document n’existe pas dans le rapport ?

19

R.

que j’ai essayé de retrouver certains faits… que j’ai fait ce rapport.

20
21

Q.

Donc, vous nous dites qu’il y a un endroit qu’il faudra qu’on détermine où existe le rapport de
ces deux réunions, c’est exact ?

22
23

Ce document a existé, mais il n’est pas présent ici parce que c’est à partir d’un tel… de ce document

R.

Oui. Je pense qu’il existe dans les archives des Nations Unies, les archives de la Mission ; peut-être
faudra-t-il vérifier au siège si ce document existe toujours, mais il devrait y être.

24
25

Q.

Mais, vous-même, vous n’en avez pas possession ?

26

R.

Non, Maître.

27

Q.

Vous ne savez pas si le général Dallaire en aurait possession, par hasard ?

28

R.

Je suis sûr qu’il ne détient pas ce document.

29

Q.

Si j’ai bien compris — si ce n’est pas le cas, corrigez-moi —, ces deux réunions étaient convoquées
pour clarifier un certain nombre de points des Accords d’Arusha, c’est bien ça ?

30
31

R.

Oui. Il s’agissait de clarifications, effectivement.

32

Q.

Si j’ai bien compris, entre autres, il y avait la question de l’amnistie ?

33

R.

Je ne me souviens pas que cette question ait été abordée parce qu’elle n’était pas mentionnée dans

34

les Accords, mais c’est une question dont nous avons débattu entre nous parce qu’elle ne figurait pas

35

dans les Accords. Mais je ne me souviens pas que « vous en ayez parlé » avec les deux parties. Je

36

ne pense pas que les membres de la mission technique aient abordé la question avec

37

les deux parties.

2

PIERRE COZETTE, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 55

1
1

BAGOSORA ET AL.

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

J’avais cru comprendre, quand vous avez répondu à mon confrère Drew White des problèmes qui se
posaient dans les Accords, il y a aussi… Vous avez parlé de la question de la zone démilitarisée ?

2
3

R.

Oui. Nous l’avons… Nous avons abordé cette question.

4

Q.

La question des réfugiés ?

5

R.

Oui.

6

Q.

Et la question du financement de la retraite des militaires des deux camps qui devaient être
démobilisés ?

7
8

R.

Oui. Nous avons parlé de ce financement.

9

Q.

Donc, apparemment, vous avez abordé tant des problèmes politiques que militaires, c’est bien ça ?

10

R.

Et il faudrait être plus précis s’agissant du « politique » et du « militaire ». Nous parlions des articles

11

et nous demandions à chaque partie de nous dire ce qu’elle entendait par tel article, et il faudrait être

12

plus précis lorsque vous parlez des affaires politiques et militaires, Maître.

13

Q.

Par exemple, est-ce que nous sommes d’accord que la zone démilitarisée, les questions qui portent
sur la zone démilitarisée sont plutôt de nature militaire ?

14
15

R.

Oui.

16

Q.

Est-ce que nous sommes d’accord que sur la question des réfugiés qui fait l’objet d’un accord précis
dans les Accords d’Arusha, c’est plus un problème politique que militaire ?

17
18
19

R.

Oui mais, en fait, c’était un peu des deux. C’était un problème politique mais c’était aussi un problème
militaire parce qu’il s’agit de sécurité.

20
21

(Pages 51 à 56 prises et transcrites par Pierre Cozette, s.o.)

22
23
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2

PIERRE COZETTE, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 56

1

BAGOSORA ET AL.

1

Me CONSTANT :

2

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Si j’ai bien vu dans le résumé qui a été fait, vous abordez donc — dans ce que vous appelez « les

3

clarifications » — toute une série d’éléments qui portent sur tous les aspects des Accords d’Arusha,

4

c’est-à-dire les différents Accords ?

5

M. BEARDSLEY :

6

R.

lesquels nous voulions des éclaircissements.

7
8

Oui, nous avons parlé des différents protocoles des Accords d’Arusha et surtout des points pour

Q.

D’accord. Pour qu’on soit clairs — parce que, peut-être… et c’est un problème qui n’a pas été encore
abordé véritablement par le Tribunal —, donc, dans les Accords d’Arusha, il y a une partie qui

9

concerne les états de… l’État de droit ; nous sommes d’accord ?

10
11

R.

Oui.

12

Q.

Il y a une partie qui concerne la question militaire ?

13

R.

Oui.

14

Q.

Il y a une partie qui concerne la question du partage du pouvoir ?

15

R.

Oui, pour le Gouvernement de transition à base élargie.

16

Q.

Donc, sans continuer la liste, votre mission, sur place, c’était de demander à ceux qui avaient signé
les Accords de clarifier certains points de l’ensemble de ces éléments ?

17
18

R.

Oui.

19

Q.

Est-ce que vous savez qui a été invité à ces deux réunions ?

20

R.

Oui. Il y avait le Gouvernement rwandais… Un instant… Il a été invité à la réunion du 18 novembre, le

21

jour de notre arrivée. Le Gouvernement rwandais devait envoyer une délégation pour cette réunion.

22

Puis le samedi… — correction, j’ai donné une mauvaise date — le 19 août, nous avons eu une

23

séance plénière avec de très nombreux membres du Gouvernement rwandais. Nous avons demandé

24

qu’il y ait une délégation pour leur expliquer ce que nous venions faire, ce que nous… comment nous

25

allions le faire. Puis le 21, nous avons rencontré la direction du FPR à Mulindi et nous leur avons

26

également demandé d’envoyer une délégation, ce qu’ils ont fait.

27

Q.

Donc, vous dites que le 18 août, vous avez eu une rencontre avec le Gouvernement rwandais et vous
leur avez demandé d’envoyer une délégation à la réunion qui aura lieu le 22 ; c’est bien ça ?

28
29

R.

Oui, mais c’était le 19 ; c’était un jeudi sur le calendrier.

30

Q.

Excusez-moi ! Donc, le 19 ?

31

R.

Yes, Sir.

32

Q.

Et, à cette réunion du 19, est-ce que vous vous souvenez de qui était présent ? À qui vous avez fait
cette demande ?

33
34

R.

Oui. À cette époque, nous connaissions très peu de membres du Gouvernement. Nous connaissions

35

Anastase Gasana qui était un ancien Ministre du Rwanda, dont on nous avait dit qu’il était

36

responsable de notre visite, c’était le point de contact du Gouvernement. Il y avait l’Ambassadeur du

37

Rwanda aux Nations Unies qui siégeait, à l’époque, au Conseil de sécurité ; l’Ambassadeur du

2

SANDRA LEBRUN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 57

1

BAGOSORA ET AL.

1

Rwanda en Ouganda. Il y avait également un certain nombre d’autres personnes — des civils — dont

2

je ne me souviens pas des noms, mais ils étaient assez nombreux, des personnes importantes : Des

3

hauts cadres et des ministres. Et il y avait aussi un certain nombre de personnes en uniforme : Des

4

officiers de l’armée et de la Gendarmerie.

5

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Attendez, si je comprends bien, la principale personne que vous rencontriez c’était Monsieur
Anastase Gasana qui était le Ministre des affaires étrangères du Gouvernement ; c’est exact ?

6
7

R.

Oui, c’est exact.

8

Q.

Madame Agathe n’était pas présente ?

9

R.

Je ne peux pas vous le dire parce que je ne l’ai jamais rencontrée. Pendant tout mon séjour au

10

Rwanda, je n’ai jamais vu son visage, je lui ai parlé plusieurs fois au téléphone, mais nous n’avons

11

jamais été face à face. Donc, je ne pourrais pas vous dire si elle était présente.

12

Q.

Est-ce que vous savez, puisque vous avez étudié les Accords, que c’est Monsieur Gasana qui a

13

toujours dirigé la délégation du Gouvernement pour les Accords d’Arusha… pour la négociation des

14

Accords d’Arusha, de juillet 92 à août 93 ?

15

R.

Non, je ne pense pas que ce que vous dites soit exact. Du Gouvernement… Du côté du

16

Gouvernement, il y a eu plusieurs chefs de délégation selon les matières discutées… débattues, et

17

nous avons rencontré plusieurs ministres juste avant cela. Monsieur Gasana était, en fait, un nouveau

18

Premier… le nouveau Premier Ministre… Ministre des affaires extérieures… des affaires étrangères

19

au Rwanda.

20

Q.

étrangères depuis le début des Accords… de la négociation des Accords d’Arusha ?

21
22

R.
Q.

Je vais vérifier ce point par la suite. Mais est-ce que vous êtes d’accord que c’est le Ministre des
affaires étrangères du Gouvernement qui dirigeait la délégation à Arusha ?

25
26

Oui, je pense qu’il y a eu un autre Ministre des affaires étrangères et que Gasana est entré en scène
un peu plus tard.

23
24

Vous dites que Gasana n’était pas Ministre depuis le début… n’était pas Ministre des affaires

R.

Non, ce n’est pas ainsi que j’ai compris que ces négociations étaient menées. Ce que j’ai compris,

27

c’est que, selon les protocoles — parce que les négociations se sont faites autour de différents

28

protocoles —, différentes missions ont été envoyées pour débattre… pour négocier différents points

29

particuliers, par exemple, pour les réfugiés, c’était Monsieur Lando, puisqu’il était Ministre des affaires

30

sociales. Et lorsqu’il s’agissait de questions relatives à la Défense, c’était le Ministère de la défense

31

qui envoyait sa délégation. Donc, je pense qu’il y a eu différents individus qui ont mené des

32

délégations, en fonction des sujets qui étaient débattus, mais je n’étais pas à Arusha. Ce que je sais,

33

c’est ce que le colonel Tikoca — observateur militaire — m’avait dit. Il y avait aussi Monsieur

34

Pedonou (sic) qui était l’observateur militaire des Nations Unies au cours de ces pourparlers.

35
36

L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
« Pedanou ».

37
2

SANDRA LEBRUN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 58

1

BAGOSORA ET AL.

1

Me CONSTANT :

2

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Donc, dans la réunion qui a eu lieu le 19 août, vous demandez une délégation et la délégation qui

3

vous a été envoyée, c’est une délégation qui était composée et dirigée… qui était dirigée par le

4

colonel Bagosora ; c’est bien ça ?

5

R.

Oui, c’est bien cela.

6

Q.

En résumé, vous nous dites que vous avez demandé à Monsieur Atanase (sic) Gasana d’envoyer des
gens pour interpréter les Accords d’Arusha et il a envoyé le colonel Bagosora ; c’est ça ?

7
8

R.

Je ne sais pas, mais… qui il a envoyé, mais je sais que c’est lui qui est arrivé comme chef de cette
délégation. Qui l’a envoyé ? Le Premier Ministre ? Le Ministre de la défense ? Je ne saurais vous le

9
10

dire ! Mais au cours de cette réunion du 19 août et ainsi que celles du 21 et du 22 (sic) à Kinihira,

11

c’est le colonel Bagosora qui menait la délégation.

12

Q.

Attendez, dans la traduction, on parle bien des réunions du 22 et du 27 août ?

13

R.

Oui, les réunions qui se sont tenues à Kinihira.

14

Q.

D’accord. Et si je comprends bien, dans ces réunions, vous dites que le colonel Bagosora s’est

15

exprimé sur tous les points en litige qui existaient dans les Accords d’Arusha, qu’ils portent sur les

16

questions militaires ou qu’ils ne portent pas sur les questions militaires ; c’est bien ça ?

17

R.

Oui, c’est bien cela. Je ne me souviens pas avoir vu un autre membre de la délégation prendre la

18

parole pendant ces deux jours. Il se peut que je me trompe, mais je me souviens que c’est le colonel

19

Bagosora qui a apporté tous les éclaircissements de la part du Gouvernement.

20

Q.

autres membres de la délégation du Gouvernement ?

21
22

Une question : Est-ce que vous avez souvenir — puisque nous n’avons pas de procès-verbal — des

R.

Je pense que le chef d’état-major de la Gendarmerie était là. À l’époque, c’était le… il était colonel,

23

Augustin Ndindiliyimana. Il y avait un autre officier qui était le chef des renseignements extérieurs

24

pour la Gendarmerie, mais je ne me souviens pas de son nom, et il y avait cinq ou six autres officiers

25

dont je ne connaissais pas les noms, mais ils appartenaient aux Forces armées et à la Gendarmerie.

26

Q.

Si j’ai bien compris, toute la délégation est militaire ?

27

R.

Oui, il y avait des militaires et des gendarmes, tous en uniforme. Je ne me souviens pas d’un civil qui
aurait fait partie de cette délégation.

28
29

Q.

Nous sommes d’accord qu’en face, il y avait, dans la délégation du FPR, à sa tête, Pasteur
Bizimungu ; c’est exact ?

30
31

R.

Oui, c’est exact, et il était habillé en civil.

32

Q.

Est-ce que nous sommes d’accord sur le fait que Pasteur Bizimungu était celui qui, pour le FPR, a
amené la négociation aux Accords d’Arusha… de l’ensemble des Accords d’Arusha ?

33
34

R.

Non, ce n’est pas exact. Ce que j’ai compris, c’est que le FPR, à Arusha, a agi comme l’avait…

35

comme avait agi le Gouvernement, c’est-à-dire que des individus particuliers étaient envoyés pour

36

discuter de sujets particuliers. Par exemple, le capitaine Murimbaka — qui est un Rwandais, mais qui

37

avait vécu au Canada pendant un certain moment — a été la personne déléguée pour mener les

2

SANDRA LEBRUN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 59

1

BAGOSORA ET AL.

1

discussions militaires. Donc, je ne pense pas qu’il y ait eu le même chef de délégation pour toute la

2

série de négociations.

3

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Est-ce que nous serions d’accord sur le fait que même si pour chaque… si de négociations, il y avait

4

une commission d’experts et des spécialistes, que la délégation politique ou les deux délégations

5

politiques à Arusha étaient, d’un côté, dirigées par le Ministre des affaires étrangères du

6

Gouvernement rwandais et, de l’autre côté, par Monsieur Pasteur Bizimungu ?

7

R.

Écoutez, je n’étais pas à Arusha, je ne peux pas confirmer que ce que vous dites est vrai, je rapporte

8

simplement les informations que l’on m’a données. On m’a dit qu’à différents niveaux dans la

9

négociation ou, du moins, pour les différents sujets négociés, il y avait des responsables différents.

10

Q.

Tout à l’heure… Enfin — excusez-moi —, dans l’interrogatoire principal de mon confrère Drew White,

11

vous avez, à sa demande, précisé que l’ensemble des personnalités que vous aviez rencontrées

12

n’étaient pas citées dans le rapport ; c’est bien ce que j’ai compris ?

13

R.

En fait, je ne comprends pas très bien la question, pouvez-vous la reformuler ?

14

Q.

Je la reformule d’une manière différente.

15
16

Est-ce que vous pouvez prendre, dans l’Accord, la page 2000… — excusez-moi —, « 22630…

17

L0022630 » ?

18

R.

Oui, j’ai le document.

19

Q.

D’accord. Nous sommes d’accord que c’est la liste d’un certain nombre de contacts, de contacts qu’a
eus la délégation lors de son voyage au Rwanda ; c’est bien ça ?

20
21

R.

Oui.

22

Q.

D’accord. Et si on prend la page 0022713, nous sommes d’accord que c’est une liste officielle des
officiels contactés ?

23
24

R.

Oui.

25

Q.

Est-ce que nous sommes d’accord sur le fait que le colonel Bagosora n’apparaît pas dans cette
liste… dans aucune de ces deux listes ?

26
27

R.

C’est vrai.

28

Q.

Est-ce que nous sommes d’accord que, en revanche, Monsieur Pasteur Bizimungu apparaît dans les
deux listes ?

29
30

R.

Effectivement.

31

Q.

Est-ce que nous sommes d’accord que Monsieur Gasana Anastase, le Ministre des affaires
étrangères du Gouvernement rwandais, apparaît dans les deux listes ?

32
33

R.

C’est vrai.

34

Q.

Est-ce que vous ne trouveriez pas étrange ou est-ce que vous ne trouvez pas étrange que, alors que

35

vous demandez à Monsieur Gasana, qui est considéré comme un modéré, d’envoyer une délégation

36

pour interpréter ou clarifier certains aspects des Accords d’Arusha, qu’il vous enverrait une délégation

37

conduite par le colonel Bagosora ? Est-ce que ça ne vous paraît pas étonnant ?

2

SANDRA LEBRUN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 60

1
1

BAGOSORA ET AL.

R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Peut-être maintenant avec du recul. Mais, à l’époque, nous avons seulement formulé la demande au

2

Gouvernement rwandais et il a envoyé une délégation. Qui était effectivement le chef de la

3

délégation ? Je ne peux pas en être certain.

4

Q.

Est-ce que ça ne vous paraît pas étrange que le chef de la délégation du Gouvernement, dans deux

5

réunions qui ont pour but de clarifier les Accords d’Arusha, n’est pas mentionné parmi les

6

personnalités rencontrées alors que son homologue du FPR l’est ?

7

R.

deux bords — pendant cette réunion et dont les noms ne figurent pas sur cette liste.

8
9

Il s’agit d’une omission, parce qu’il y a beaucoup de personnes que nous avons rencontrées — des

M. LE JUGE REDDY :

10

Q.

Savez-vous comment s’est « fait » la sélection au sein de la représentation gouvernementale ?

11

R.

Non, je ne le sais pas.

12

M. LE PRÉSIDENT :

13

La question est de savoir si le colonel Bagosora était, en fait, présent au cours des réunions du 26 ou

14

du 27 ? Est-ce là le sens de la question ou bien la question est-elle de savoir s’il n’est pas étrange

15

qu’il s’agit de quelqu’un d’important qui n’est pas mentionné sur la liste ?

16
17

Est-ce que vous pouvez nous expliquer cela, Maître Constant, s’il vous plaît, au moment où vous le

18

jugerez opportun ?

19

Me CONSTANT :
Je peux le faire. Mon client conteste avoir été à cette réunion.

20
21
22

Pour que ça soit clair, Monsieur le Président, il semble que ces réunions auraient été dirigées du côté

23

gouvernemental par Monsieur Gasana ; mais j’entends le point de vue du témoin, mais c’est en gros

24

l’objet de ma demande.

25
26

Pour clarifier les choses, je voudrais vous donner au moins, sur ça, gain de cause, Monsieur

27

Beardsley : Monsieur Gasana venait d’être nommé Ministre des affaires étrangères en juillet 93 et

28

celui qui l’avait précédé était l’ancien Ministre des affaires étrangères, à savoir Boniface Ngulinzira :

29

N-G-U-L-I-N-Z-I-R-A.

30

Q.

Est-ce que vous pouvez, pour en terminer sur ce point des réunions du 22 et 27 août, m’indiquer

31

est-ce que vous auriez rencontré d’autres chefs de délégation gouvernementale et vous auriez

32

— vous ou ceux qui l’ont rédigé, le rapport — omis de mettre le nom parmi les personnalités

33

rencontrées ?

34

R.

Non. Le chef de la délégation gouvernementale du 22 et 27 août était le colonel Bagosora qui était en

35

uniforme, qui était en compagnie d’autres officiers supérieurs de l’armée des… et de la Gendarmerie.

36

La seule personne dont je me souviens le nom, c’est Augustin Ndindiliyimana, le chef d’état-major de

37

la Gendarmerie.

2

SANDRA LEBRUN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 61

1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

M. LE JUGE REDDY :

2

Q.

Qu’en dites-vous de la suggestion selon laquelle le colonel Bagosora n’était pas à la réunion du 22 ?

3

R.

Non, ce n’est pas la réalité. Il était là au cours des deux réunions et c’est lui qui a mené la délégation.

4

Q.

Avez-vous des doutes à propos de cela ?

5

R.

Non, je n’ai aucun doute. Même au moment de la pause-café, le colonel Bagosora s’est entretenu

6

essentiellement avec nous. Donc, je sais que je discutais avec le général et puis, je regardais ce qui

7

se passait.

8

Q.

réunion, est-ce qu’il y a une feuille de participants… une liste des participants ?

9
10

R.

M. LE JUGE REDDY :
Je vous remercie.

13
14

Oui, il y avait une liste qui avait été… circulait, de telle sorte que les participants inscrivent leur nom et
signent la feuille.

11
12

Et la note que vous avez prise, la note que l’on a considérée comme étant le compte rendu de la

Me CONSTANT :

15

D’accord. Nous allons passer à une autre ligne de questions ; nous espérons avoir le rapport, et le

16

problème sera tranché.

17

Q.

Toujours concernant ce rapport, mais sur quelques petits points, par rapport à ce que vous avez dit à
mon confrère Drew White, que je n’ai pas très bien saisis.

18
19

Est-ce que vous pouvez aller à la page 0022664 ?

20
21

R.

Oui, j’y suis : « 22664 ».

22

Q.

Quand mon confrère vous a demandé à propos du paragraphe 82 ce que vous en pensiez, vous avez

23

dit qu’il y avait deux erreurs : La première parce qu’il manquait le MDR ; c’est bien ça que vous avez

24

dit ?

25

R.

à l’époque.

26
27

Q.

D’accord. Donc, vous dites que le MDR avait aussi une milice… une milice, c’est bien ça ? Parce que
c’est ce qui est écrit.

28
29

Oui, c’est cela, le MDR n’est pas mentionné sur la liste. C’était un parti politique important au Rwanda

R.

Oui, c’est exact. Et si j’ai bien compris, tous les partis, y compris le MDR, avaient une aile jeunesse,
une aile jeunesse qui était… en fait, des milices qui portaient des noms particuliers.

30
31

Q.

D’accord, o.k. Donc, il est clair que le MDR avait une milice ; c’est bien ça ?

32

R.

Oui, le MDR avait une aile jeunesse, et on faisait souvent référence à la milice comme… à l’aile
jeunesse comme étant la milice du MDR.

33
34

Q.

Et nous sommes d’accord que les Interahamwe, c’étaient l’aile de jeunesse du MRND ?

35

R.

C’est exact. Les Interahamwe étaient les… la milice du MRND.

36

Q.

D’accord. Et vous vous souvenez du nom des autres milices des différentes organisations ?

37

R.

Je ne connais que le nom de la milice de la CDR, les Impuzamugambi ; les autres avaient un nom

2

SANDRA LEBRUN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 62

1

BAGOSORA ET AL.

1

— un nom en kinyarwanda —, je ne me souviens plus de leurs noms. Je les connaissais à l’époque,

2

mais je ne m’en souviens plus, Maître.

3

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Parfait. Et la deuxième chose que vous avez dit qu’il y aurait comme erreur, là, c’est qu’il aurait été

4

écrit que le Parti libéral était à prédominance tutsie. Vous avez dit que ce serait, selon vous, une

5

erreur.

6

R.

Oui, tout à fait, c’est ce qu’on nous a dit. On nous a dit que le Parti libéral avait en son sein des Hutus

7

et des Tutsis, que c’était pas un parti à prédominance tutsie. C’était basé à Kigali urbain et, à la tête,

8

c’était une majorité hutue.

9

Q.

D’accord. Une question : Quand vous dites que c’est une erreur, c’est qu’au moment donné où on

10

vous a donné l’information, en août 93, on l’a mal reprise en écrivant que c’est un parti à

11

prédominance tutsie ou bien c’est par la suite que vous vous seriez rendu compte que c’est une

12

erreur ?

13

R.

Non, Maître. En fait, sur les questions d’ordre politique telles que celles-là, les informations

14

provenaient du responsable des affaires politiques, Madame Barrillon-Pomes, et la plupart des

15

informations, lorsqu’on les avait… lorsqu’elles ne corroboraient pas, on s’adressait à cette personne.

16

Et par la suite, lorsqu’à l’époque, on pensait qu’il s’agissait d’erreurs, on se reportait vers elle pour

17

pouvoir essayer d’établir la véracité des informations que nous avions. Et c’est comme ça que nous

18

avons procédé tout le temps que nous étions au Rwanda.

19

Q.

Excusez-moi, je n’ai pas compris ! L’information que le Parti libéral était à prédominance tutsie, c’est

20

une information de Madame Barrillon ou bien c’est une information que quelqu’un d’autre vous a

21

donnée ? Je n’ai pas très bien compris — excusez-moi — votre réponse !

22

R.

rédigions ces paragraphes, c’est elle qui nous fournissait cette information.

23
24

Q.

Et pourquoi vous dites aujourd’hui qu’elle était fausse l’information ? C’est ça que je ne comprends
pas.

25
26

C’est une information que nous avait transmise Barrillon-Pomes, au fur et à mesure que nous

R.

Même à l’époque, Maître, il y avait des désaccords sur les informations qu’elle nous donnait parce

27

qu’elle nous communiquait les informations. On avait des doutes sur sa spécialité parce que nous,

28

nous étions des militaires, on mettait l’accent sur les rapports ; elle était censée être une diplomate,

29

donc, il y avait des points sur lesquels on n’était pas d’accord. Pour les questions d’ordre politique, on

30

se référait à elle, mais pour l’information, à l’époque, nous avons pensé que l’information n’était pas

31

correcte et elle s’est avérée incorrecte par la suite.

32

Q.

mais les militaires, vous n’étiez pas d’accord avec celle-ci ; c’est bien ça ?

33
34

Donc, si j’ai bien compris, quand le rapport a été rédigé, Madame Barrillon a donné cette information,

R.

Pas toutes les informations, certaines informations. Mais, évidemment, il y avait certaines parties où

35

l’on pensait qu’il y avait des erreurs dans son rapport. Lorsque je lui posais des questions, elle était

36

très nerveuse et très arrogante, elle ne voulait pas répondre aux questions que je lui posais et

37

j’essayais de… lorsque j’essayais de formuler ce paragraphe et que je l’ai contactée pour avoir des

2

SANDRA LEBRUN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 63

1

BAGOSORA ET AL.

1

informations, elle m’a donné l’information assez sèchement, elle ne voulait pas qu’on lui pose des

2

questions, notamment des questions qu’un militaire, tel que moi, lui pose des questions. C’était

3

quelqu’un de très difficile à traiter avec.

4

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Vous m’avez indiqué… Vous avez indiqué dans votre interrogatoire principal que vous, vous vous

5

êtes occupé que de la partie militaire du rapport ; c’est bien ça ou bien vous vous êtes occupé de tout

6

le rapport ?

7

R.

En fait, je m’occupais des deux parties. À partir de rien, j’ai donc rédigé le rapport sur les questions

8

militaires que j’ai soumis au général Dallaire pour qu’il apporte sa contribution. Pour les autres

9

aspects du rapport — l’aspect politique, l’aspect humanitaire, l’aspect logistique —, j’ai reçu des

10

rapports des différents spécialistes au sein de l’équipe. Avant de quitter le Rwanda, j’étais censé

11

compiler toutes ces informations… tous ces rapports en un seul document ; c’est ce que j’ai essayé

12

de faire. Mais lorsque j’ai parcouru les différents rapports militaires… politiques, humanitaires et

13

logistiques, il y avait des points sur lesquels je n’étais pas d’accord, que je ne comprenais pas.

14
15

Donc, je contactais les personnes responsables de ces rapports-là pour leur poser des questions et

16

pour rechercher les informations. En ce qui concerne les questions politiques, lorsqu’il y avait des

17

points sur lesquels nous n’étions pas d’accord, on contactait Barrillon-Pomes parce qu’elle était au

18

sein du Département des opérations de maintien de la paix et chargée des questions politiques. Et

19

ma tâche était de collecter tous ces rapports, de les emmener à New York, de les finaliser, d’en faire

20

des copies et les distribuer après l’approbation du général Dallaire, ce qu’il a fait avant qu’ils ne soient

21

distribués.

22

Q.

employer cette expression ?

23
24

D’accord. Donc, en fin de compte, vous avez supervisé la rédaction de la totalité du rapport ; on peut

R.

Non. Lorsque vous dites « superviser », ça veut dire que j’avais des subordonnés, ce qui n’était pas
le cas, c’est moi qui ai tout fait tout seul.

25
26

Q.

Donc, c’est encore mieux ! C’est vous qui l’avez rédigé complètement ?

27

R.

Non. Les rapports concernant l’aspect politique, humanitaire, logistique, ce sont les spécialistes qui

28

ont fait ces rapports. Lorsque je les ai compilés, j’ai essayé de voir les petites lacunes, éclaircir les

29

questions et je les ai combinés avec le rapport militaire que, moi-même, j’avais la charge de rédiger.

30

Je les ai donc compilés, que j’ai soumis… j’ai soumis l’ensemble de ces rapports au général Dallaire

31

avant de les remettre au Secrétaire général.

32

Q.

D’accord. La partie qui nous intéresse, là, la page 22664 concernant le Parti libéral, l’information qui
dit que c’est un parti à prédominance tutsie vient de Madame Barrillon ; est-ce que c’est exact ?

33
34

R.

C’est exact, Maître.

35

Q.

Mais vous aviez des doutes sur cette information dès août 93 ; c’est ça ?

36

R.

C’est exact, Maître.

37

Q.

Et vous voulez dire que, par la suite, vos doutes se sont confirmés ; c’est cela ?

2

SANDRA LEBRUN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 64

1
1

BAGOSORA ET AL.

R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Tout à fait. Peu de temps après… Au cours de la mission tactique, nous avons organisé un cocktail et,

2

au cours de ce cocktail, étant donné que j’étais pas un officier supérieur, il y a différentes personnes

3

qui se sont entretenues avec moi : Il y avait Monsieur Lando et son épouse Hélène Pinsky qui était

4

canadienne. Donc, on a échangé des informations relevant du Canada, parce que Monsieur Lando

5

avait passé un certain nombre d’années au Canada, et puis moi, j’ai grandi à Montréal. Donc, on avait

6

une conversation sur cela et, au cours des discussions, j’ai appris que Monsieur Lando était le

7

dirigeant du Parti libéral, il était également le seul Ministre au sein de cette mission d’une

8

reconnaissance technique qui a parlé des Tutsis et des Hutus ; il en a parlé ouvertement. Il a parlé

9

des problèmes ethniques auxquels était confronté le pays, de même que son épouse. C’est ainsi que

10

j’ai appris que le Parti libéral tentait à regrouper les deux ethnies au sein d’un seul parti, et il était

11

vraiment fier du fait que c’était un pays à majorité… en grande partie, hutue… à majorité hutue, et qui

12

avait… que c’était donc un parti multiethnique.

13
14

(Pages 57 à 65 prises et transcrites par Sandra Lebrun, s.o.)

15
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37
2

SANDRA LEBRUN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 65

1

BAGOSORA ET AL.

1

Me CONSTANT :

2

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Vous voulez dire que les doutes que vous avez eus c’est à partir d’une discussion que vous avez eue
avec Lando ; c’est ça ?

3
4

M. BEARDSLEY :

5

R.

C’est exact, Maître.

6

Q.

Madame Barrillon vous donne une information mais vous la mettez en doute parce que vous
rencontrez un représentant du parti libéral ; c’est bien ça ?

7
8

R.

raison pour laquelle j’ai mis en doute l’information que m’avait communiquée Madame Barrillon.

9
10

Q.

Vous ne pensez pas qu’il est quand même abusif de fonder une opinion à partir d’une simple
rencontre avec une seule personne ?

11
12

C’est exact. Je lui avais soumis cela et il m’avait dit que cette information n’était pas correcte. C’est la

R.

Oui. C’est une des raisons pour laquelle je me suis simplement soumis à la sagesse de Madame

13

Barrillon-Pomes je me suis dis que, peut-être, l’information n’était pas correcte étant donné qu’il

14

s’agissait d’une question d’ordre politique. Je me suis soumis à l’expertise de Madame

15

Barrillon-Pomes qui était conseiller politique des Nations Unies.

16

Q.

Et pourquoi vous dites aujourd’hui que cette information était fausse ?

17

R.

Parce qu’à l’époque je pensais que cette information n’était pas correcte et par la suite, lorsqu’il y a

18

eu cette scission au sein du parti politique, cette scission s’est faite sur des lignes politiques…

19

ethniques au moment de mon… lorsque je suis retourné en novembre, il y a eu donc cette scission ; il

20

y a une aile qui est partie du côté de Monsieur Lando qui était principalement tutsie et ensuite la

21

partie hutue était… avait à sa tête Monsieur Justin Mugenzi…la faction.

22

Q.

aujourd’hui que le parti libéral va à prédominance tutsie?

23
24

Je ne comprends pas la relation entre la scission qui intervient en octobre et le fait que vous estimez

R.

En fait, le parti était constitué de Tutsis et de Hutus. D’après ce que je peux comprendre, en août,

25

Monsieur Lando m’a expliqué que le parti avait… voulait en fait, regrouper les deux partis au sein du

26

Parti libéral afin de faire… de préconiser des valeurs libérales. Il avait dit qu’il y avait un certain

27

nombre de Tutsis qui s’étaient joints au pays, qui avaient adhéré au pays… au parti — pardon —

28

mais le parti était majoritairement hutu, mais les deux groupes ethniques s’entendaient très bien et

29

qu’il avait beaucoup d’espoir en l’avenir et il essayait de faire valoir donc la vision de son parti.

30

Lorsque je suis retourné au mois de novembre, il y a une scission qui s’est opérée le long de lignes

31

ethniques. Il y avait donc la faction « Lando » du Parti libéral qui était composée de Tutsis et il y avait

32

la faction « Mugenzi » qui était composée de Hutus, et je crois qu’il n’y a jamais eu de réconciliation

33

au sein de ce parti-là jusqu’au moment de la guerre 1994.

34

M. LE PRÉSIDENT :

35

Nous avons consacré un certain nombre de temps pour savoir si le paragraphe 82, point C,

36

correspondait à la vérité ou pas. Pouvons-nous peut-être aborder le point D ou E ou un autre

37

paragraphe, Maître ?

2

VIRGINIE JOLIBOIS, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 66

1
1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Me CONSTANT :
(Intervention inaudible : micro fermé)

2
3

L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :

4

Votre micro, s’il vous plaît !

5

Me CONSTANT :

6

Je vous jure que je serai moins long que mon Confrère Drew White sur le rapport. Je passe

7

directement à la page 20661(sic) — 0-0-22-661, Monsieur le Témoin.

8

R.

Oui, il s’agit bien du « L 0022661 », j’y suis.

9

Q.

Est-ce que nous sommes d’accord que c’est la partie qui concerne les armements du FPR ?

10

R.

Oui, vous avez raison, aux paragraphes 62, 63, 64, effectivement.

11

Q.

On a beaucoup parlé des armements des Forces armées rwandaises, donc quelques mots quand

12

même sur celles du FPR ; si j’ai bien compris, votre raisonnement a été d’enregistrer les informations

13

qui vous ont été données et vous n’aviez aucun moyen de vérifier pour aucune des parties ; c’est

14

cela ?

15

R.

Tout à fait. C’est bien le cas. Le FPR nous communiquait ses informations et au moment où nous

16

nous sommes rendus à Mulindi, nous avons fait un tour… au niveau de leur section, nous avons

17

essayé de vérifier les informations qu’ils nous donnaient, mais évidemment nous n’avons pas pu le

18

faire dans les détails.

19

Q.

Si j’ai bien compris, vous nous avez longuement décrit que vous êtes allé au camp de Kigali, c’est
exact ?

20
21

R.

Oui, oui, le jour où j’ai fait le tour des différents camps, je me suis rendu au camp Kigali, oui.

22

Q.

Vous êtes allé aussi au camp de Kanombe ?

23

R.

C’est exact ; camp Kanombe, le camp de la Garde Présidentielle, le camp Kanombe et le camp Kami

24

— c’était le 25 août 1993, si mes souvenirs sont bons. Le 23 août 1993, j’ai effectué un tour de la

25

partie est du FPR… sous le contrôle du FPR.

26

Q.

D’accord. Est-ce que vous pensez que les armes qui vous ont été déclarées par le FPR
correspondaient à la réalité telle que vous l’avez connue par la suite ?

27
28

R.

Non. Elles ne correspondaient pas à la réalité.

29

Q.

Est-ce que quand vous avez eu des contacts avec le FPR, vous avez discuté avec eux de l’existence
de leurs bases arrière qui se trouvaient en Ouganda ?

30
31

R.

Non, Maître, car le FPR n’aurait jamais admis qu’ils avaient des bases arrière en Ouganda. Ils

32

disaient qu’ils étaient des… qu’ils étaient originaires de l’Ouganda… du Rwanda. C’est vrai qu’ils

33

venaient de l’Ouganda mais qu’ils étaient originaires du Rwanda ; mais nous savions, sur la base des

34

informations communiquées par la MONUOR, que ce n’était pas le cas et qu’on savait que le FPR

35

n’allait pas admettre qu’ils avaient des bases arrière en Ouganda, de même que des camps

36

d’entraînement en Ouganda.

37
2

Q.

Mais selon vos informations, il y avait des camps et des bases arrière en Ouganda ?
VIRGINIE JOLIBOIS, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 67

1
1

BAGOSORA ET AL.

R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Oui, il y avait des lieux en Ouganda où nous avions des soupçons où le FPR réunissait des éléments

2

pour pouvoir transporter des éléments au Rwanda. Mais compte tenu des équipements et des

3

(inaudible) que nous avons eus, nous n’avons pas pu vraiment effectuer un contrôle effectif de cela,

4

mais nous savions que le FPR effectuait des déplacements entre les frontières.

5

Q.

Quand vous me dites que vous ne pouviez pas… le FPR ne pouvait pas admettre qu’il avait des

6

structures en Ouganda, est-ce que ça ne pose pas un problème, c’est-à-dire que d’un côté pour les

7

forces gouvernementales, dans le cadre des Accords, vous avez accès à où vous voulez sur le

8

territoire rwandais, mais, pour le FPR, manifestement vous n’avez pas accès à tous les lieux où le

9

FPR est implanté ? Est-ce que vous pensez… Est-ce que dire cela n’est pas conforme à la réalité ?

10

R.

Nous avions accès à l’ensemble du territoire rwandais, y compris la zone sous contrôle du FPR. Le

11

long de la frontière, il y avait la MONUOR qui a essayé de perquisitionner les régions en Ouganda.

12

Mais compte tenu des limites techniques et des limites imposées par notre mandat nous n’avons pas

13

pu effectuer des tours dans ces camps-là, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé, Maître.

14

Q.

Je ne veux pas me défendre, mais… je ne vous mets pas en cause, croyez bien, mais ce que je suis

15

d’accord, c’est un fait objectif que vous aviez des moyens de vérification plus amples du côté des

16

forces gouvernementales que du côté du FPR, du fait de la situation ; est-ce que vous êtes d’accord

17

avec cette affirmation ?

18

R.

Non. Je ne partage pas ce point de vue. Il y avait des problèmes le long de la frontière du Rwanda et

19

de l’Ouganda. C’est que c’était… il y avait un relief assez difficile, très montagneux. Nous avions des

20

militaires le long de cette frontière mais on ne pouvait pas couvrir toute cette région. Dans son

21

rapport, le général Dallaire avait demandé qu’on lui envoie des hélicoptères avec une capacité

22

thermale de telle sorte qu’on puisse survoler cette frontière, pour pouvoir déterminer les mouvements

23

le long de cette frontière et pouvoir y mettre un terme, ce qui était le mandat de la MONUOR. Nous

24

avons essayé de nous servir des hélicoptères que nous utilisions… que nous allions utiliser pour la

25

zone démilitarisée ; on n’a jamais reçu ces hélicoptères. Lorsqu’ils sont en fait arrivés, avant la

26

guerre, il y avait pas de vision… ces hélicoptères n’étaient pas équipés pour effectuer ce type de

27

mission.

28
29

Donc nous avons pensé qu’on pouvait… il aurait fallu effectuer des patrouilles et c’était avec un grand

30

risque et nous n’avions pas d’instrument pour effectuer des détections. Par conséquent, étant donné

31

que nous n’étions pas suffisamment armés poux protéger nos propres troupes, c’est la raison pour

32

laquelle nous n’avons pas pu effectuer ce type de contrôle. On n’a pas essayé de forcer les contrôles

33

du côté de l’armée gouvernementale rwandaise ni du côté du FPR. On voulait être partiaux, on… on

34

ne voulait pas le faire sans avoir les capacités nécessaires et on ne les a pas eues malgré toutes les

35

demandes que nous avions faites.

36
37
2

Q.

Pour finir sur ce point, est-ce que vous seriez d’accord — j’ai interrogé le général Dallaire qui a admis,
— je parle sous le contrôle de la Chambre —, que le contrôle de la MONUAR (sic) pour la zone à la
VIRGINIE JOLIBOIS, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 68

1

BAGOSORA ET AL.

1

frontière rwandaise et l’Ouganda et du Rwanda était un contrôle purement symbolique ?

2

R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Oui, si on se penche selon le point de vue selon lequel on n’avait pas tous les moyens pour effectuer

3

ce type de contrôle. Il y avait cinq accès de l’Ouganda pour venir au Rwanda. Nous avons

4

perquisitionné tous les véhicules. On a pu, en fait, fermer ces routes mais les régions autour de ces

5

routes-là étaient très montagneuses, donc, on n’était pas en mesure d’effectuer ce type de contrôle et

6

c’est vrai que parfois c’était purement symbolique.

7

Q.

Enfin, vous avez dit que vous aviez le sentiment que les gens qui étaient dans la délégation, dans les

8

réunions du 22 au 27 août — où vous avez employé la même expression pour les réunions du mois

9

de décembre —, que les membres de la délégation gouvernementale avaient une attitude déférente à
l’égard du colonel Bagosora ; vous avez bien dit ça ?

10
11

R.

décembre, il y avait cette attitude déférente du subordonné vis-à-vis de son supérieur.

12
13

Q.

Est-ce que vous pouvez nous dire concrètement comment ça se manifestait, d’autant plus que vous
nous avez dit que ces gens parlaient en kinyarwanda ?

14
15

Oui, j’ai bien dit cela. Pour les deux jours, le 22 et le 27, et pour les autres réunions qui ont eu lieu en

R.

Oui. Le colonel Bagosora, c’est lui qui a pris la parole au nom du Gouvernement. Il ne s’est pas

16

tourné vers d’autres personnes pour les inviter à participer. Lorsqu’ils avaient quelque chose à lui

17

dire, ils allaient… ils murmuraient ce qu’ils avaient à lui dire à son oreille et il « dirait » oui ou non en

18

réponse à cela. Pendant les événements sociaux lorsqu’il était avec eux — j’ai passé toute ma

19

carrière dans l’armée, donc je sais reconnaître les liens de subordination et la manière dont ils se

20

tenaient —, la manière dont ils s’adressaient à lui, je savais qu’ils s’adressaient à leur patron.

21

Q.

D’accord. Vous avez cette appréciation parce que vous dites que vous passiez votre temps dans
l’armée, c’est ça ?

22
23

R.

Tout à fait.

24

Q.

Pour vous, la manière dont ça se passait dans l’armée rwandaise c’était exactement… que l’armée
canadienne ; c’est ça ?

25
26

R.

27

L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Erreur de l’interprète, l’orateur n’a pas encore répondu.

28
29

Oui.

R.

J’ai aussi passé un certain temps dans différentes armées, j’ai passé un certain temps en Allemagne,

30

à Chypre avec des Grecs et les Turcs. Je connais les protocoles militaires quelles que soient les

31

armées, que ce soit le FPR ou une autre armée rebelle. Dès que vous comprenez… Même si vous ne

32

comprenez pas une langue, vous savez très bien lorsqu’un subordonné s’adresse à son supérieur.

33

Q.

Donc vous m’avez donné les deux éléments : Le premier, vous m’avez dit c’est parce que Bagosora

34

s’exprimait sans en référer aux membres de la délégation ; c’est ça, le premier élément que vous

35

avez avancé ?

36

R.

Oui.

37

Q.

Parce que vous avez déjà vu des délégations qui arrivaient à une réunion, se mettre brusquement à

2

VIRGINIE JOLIBOIS, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 69

1

BAGOSORA ET AL.

1

débattre des problèmes posés devant tout le monde. C’est ça votre conception des délégations

2

militaires, ou bien celui qui est chargé… le porte-parole s’exprime au nom de la délégation ?

3

R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Il y a eu cette réunion du 19 au cours de laquelle nous avons rencontré le Ministre des affaires

4

étrangères et puis… avec une délégation forte et variée, parce qu’un certain nombre d’entre eux

5

avaient pris la parole ce jour-là. Différents ministres, différents individus avaient différentes choses à

6

dire. Cette réunion, vous avez raison, était celle qui portait sur la clarification des documents et

7

Bagosora était chef de délégation, c’est lui qui a pris la parole ; c’était son choix, s’il avait choisi d’être

8

le seul à parler, eh bien, il parlait seul. Nous lui avons posé toutes les questions et il a répondu. De

9

l’autre côté, la délégation du FPR a fonctionné différemment. Pour nous, ça n’a pas fait de

10

différences, toutes les informations nous étaient utiles. Mais ce que je veux dire, c’est que dans mon

11

esprit, il ne faisait aucun doute que le reste de la délégation lui était subordonné.

12

Q.

Attendez, entendons-nous bien sur les mots. Nous parlons deux langues différentes. Entre dire que la

13

délégation lui était subordonnée et que la délégation lui était déférente, il y a, en tout cas en français,

14

deux mondes tout à fait différents. Est-ce que nous sommes d’accord de ces deux notions

15

différentes ?

16

R.

Pas à mon sens. Ils lui portaient déférence dans le sens où eux ne prenaient pas la parole, c’est lui

17

qui donnait toutes les réponses. Le général Dallaire posait des questions — article 17, paragraphe 1 :

18

« Les Accords disent ceci ; pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là ? ». Et lorsqu’on

19

se tourne vers la délégation du Gouvernement, c’est Bagosora qui répond ; lorsqu’il se tourne vers le

20

FPR, ce sont les… ces gens discutent d’abord entre eux, ils consultent un ou deux cadres avant de

21

donner une réponse. Donc, Bagosora agissait comme s’il comprenait de quoi il retournait et nous

22

étions satisfaits dès que les deux parties avaient l’air d’avoir la même compréhension des choses.

23

Q.

Vous avez dit — je parle non seulement des réunions d’août que je conteste, mais aussi celles de

24

décembre puisque vous avez dit que vous avez assisté à deux réunions avec Bagosora en

25

décembre —, mais vous avez dit qu’un autre signe de cette déférence serait le fait que les gens

26

venaient parler, murmurer à l’oreille de Bagosora, c’est bien ça ?

27

R.

Oui, c’est vrai. Il y a aussi les deux réunions au mois de décembre. La première… Pour la première

28

réunion, je ne peux pas me souvenir de la taille de la délégation. Pour la deuxième réunion, au cours

29

de la réunion… la deuxième réunion également, c’est lui seul qui prenait la parole. Les gens venaient

30

effectivement murmurer des choses à son oreille ou alors avaient l’air de simplement se soumettre à

31

ce qu’il disait.

32

Q.

Est-ce que vous ne présentez pas de manière tout à fait négative les faits ? Parce qu’il y a une

33

délégation qui arrive, elle a déjà discuté éventuellement des points à l’ordre du jour et dans ce cas-là

34

elle désigne un porte-parole. Pourquoi vous dites que la délégation se soumet ? Pourquoi vous

35

employez ces mots aussi négatifs ?

36
37
2

R.

Je parle… Est-ce que vous parlez des réunions des 22 et 27 août ,ou est-ce que vous parlez des
réunions de décembre, ou vous parlez de toutes les réunions ?
VIRGINIE JOLIBOIS, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 70

1
1

BAGOSORA ET AL.

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Nous allons mettre à part la réunion du 6 au 7 avril, vous avez dit que vous avez rencontré le colonel
Bagosora cinq (sic) fois, deux fois en août, deux fois en décembre ; c’est exact ?

2
3

R.

(Signe affirmatif du témoin)

4

Q.

D’accord. À cette occasion, vous avez répondu à mon confrère Drew White que vous aviez le

5

sentiment que les membres de la délégation étaient déférents à l’égard de Bagosora. Donc je vous

6

pose… je vous ai demandé pourquoi ils étaient déférents, vous avez dit premièrement parce que

7

c’est Bagosora qui parlait seul, et que, deuxièmement les gens « leur » murmuraient aux oreilles ;

8

c’est sur ce point que je vous interroge. Donc, je vous demande est-ce que vous ne pensez pas que

9

vous avez une vision négative des choses ? Parce qu’il est assez normal que quand une délégation

10

se présente, qu’il y ait un porte-parole, ce qui ne signifie pas que ce soit lui qui décide, mais qui

11

transmet la décision déjà prise ?

12

R.

Je ne pense pas qu’il y ait une connotation négative. Je relate de manière exacte ce qui s’est passé.

13

Je suis un soldat. Pour moi, la déférence n’a rien de négatif ; la déférence elle est due au supérieur.

14

C’est le rapport normal entre subordonné et supérieur hiérarchique. Il était certainement en train de

15

faire son devoir pendant cette réunion et je décris simplement de manière aussi précise que possible

16

ce à quoi j’ai assisté, et pour moi c’est ainsi que je peux définir les relations entre le colonel Bagosora

17

et les autres membres de sa délégation. Je n’essaie pas d’y mettre une connotation négative

18

Maintenant, Monsieur le Président, est-ce que je peux demander une brève pause ?

19
20

M. LE PRÉSIDENT :
Nous prenons une pause de 15 minutes.

21
22
23

(Suspension de l’audience : 16 h 10)

24
25

(Reprise de l’audience : 16 h 30)

26
27

M. LE PRÉSIDENT :
Maître Constant.

28
29

Me CONSTANT :

30

Q.

Major, pour revenir rapidement à un point qu’on a abordé tout à l’heure concernant les Accords

31

d’Arusha, sur les huit Accords d’Arusha qui ont été signés, six ont été signés par le chef de

32

délégation, c’est-à-dire le Ministre des affaires étrangères ; qu’est-ce que vous en pensez ?

33

R.

c’est bien lui qui les a signés.

34
35

Je pense qu’il faudrait d’abord que j’aie sous les yeux une copie des Accords et que je vérifie que

Q.

Je vous les remettrai demain, je les ferai tirer. Mais à titre d’information, mis à part le document dit

36

« dispositions générales » qui est signé par Habyarimana et le document sur les réfugiés qui est

37

signé par Lando, ils sont tous signés par le Ministre des affaires étrangères de l’époque.

2

VIRGINIE JOLIBOIS, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 71

1

BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

Je voudrais distribuer un certain nombre de documents avant de revenir sur la question. Monsieur

2

Matemanga vous pouvez m’aider ?

3

Avant de retourner sur la question des négociations.

4
5
6

(Le greffier s’exécute)

7

C’est le même document qui est en version française et en version anglaise.

8
9
10

Pendant qu’il est en train de distribuer, Major, un moment donné dans votre interrogatoire principal

11

vous avez déclaré — en parlant des négociations de décembre où a participé le colonel Bagosora —

12

que vous aviez eu des informations qu’il avait un double visage et qu’il y aurait eu une évolution dans

13

son attitude. J’ai bien compris ?

14

R.

Oui. Je ne pense pas que j’aie dit « double visage » ; j’ai dit qu’il présentait deux aspects dans sa

15

personnalité. Premièrement, il y a eu la réunion d’août puis celle de décembre. Lorsqu’il est dans un

16

milieu informel, par exemple pendant les pauses café, etc. il était très aimable, très cordial avec les

17

membres de la MINUAR, il était correct avec sa délégation et je ne me souviens pas l’avoir jamais vu

18

côtoyer le FPR. Mais une fois qu’il était assis à la table pour affaires, alors il s’occupait réellement

19

d’affaires. Il ne souriait pas, il ne riait pas, il ne faisait rien d’autre que de dire ce qu’il pensait.

20
21

En août nous l’avons trouvé prêt à collaborer, fournir des éclaircissements. Et d’après les

22

éclaircissements qu’il nous a fournis, nous avons eu l’impression qu’il y avait eu un accord total entre

23

lui et le FPR au sujet des Accords d’Arusha et nous avions le sentiment qu’il y avait une

24

compréhension mutuelle entre les deux parties, et c’est ce que nous avons rapporté à New York.

25

Nous leur avons dit que c’était un bon accord de paix qu’il serait facile d’appliquer.

26
27

Mais, au mois de décembre, nous avons trouvé l’atmosphère qui penchait beaucoup plus vers la

28

confrontation et en décembre, il y avait des litiges sérieux entre lui et le FPR, par exemple comment

29

est-ce que le bataillon du FPR allait bénéficier d’un appui en vivres, en eau, etc., et également le fait

30

que l’endroit où le bataillon devrait être posté à Kigali, et la dispute s’est prolongée.

31
32

Pendant la deuxième réunion de décembre, on discutait de la zone sécurisée de Kigali et il s’est

33

montré très têtu au sujet des armes détenues par des personnes privées ou des individus ou des

34

groupes organisés. Et là aussi, la discussion s’est enlisée. Est-ce que j’ai répondu à votre question ?

35

Q.

Si je comprends bien, vous dites qu’en août, il y avait… vous aviez le sentiment qu’il y avait un accord

36

général sur tout, mais qu’en décembre, vous avez le sentiment au contraire qu’il n’y avait plus la

37

volonté de le faire en accord. C’est cela ?

2

VIRGINIE JOLIBOIS, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 72

1
1

BAGOSORA ET AL.

R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Ce n’est pas seulement la question de l’accord en août. Bien que ce que vous dites soit vrai. Mais en

2

décembre, il y a eu des litiges sur des questions extrêmement mineures, sur des points par exemple

3

sur le bataillon du FPR, la bureaucratie du FPR au sein de Kigali ; à chaque fois il faisait obstacle,

4

sans raison valable et c’est cette obstination qui a fait que ces négociations durent beaucoup plus

5

longtemps qu’il n’aurait fallu ; c’est l’opinion que j’ai.

6

Q.

Si j’ai bien compris, les négociations de décembre portent d’une part sur la question du bataillon du

7

FPR qui doit s’installer à Kigali et d’autre part sur la question du fait de faire de Kigali une zone

8

démilitarisée ou sous contrôle ; c’est bien ça ?

9

R.

Il s’agissait pas seulement du FPR, il s’agissait de questions absolument mineures par exemple sur le

10

mouvement du bataillon, sa direction ; tout ceci était inscrit dans les Accords, c’était dans… cela

11

faisait partie du plan de mission ; rien de tout cela n’était pas un programme… un problème. Les

12

problèmes mineurs c’était comment fournir de l’eau, de l’électricité, des vivres au bataillon du FPR ou

13

alors le lieu où devait être posté ce bâtiment. Le FPR avait formulé certaines demandes, les forces

14

gouvernementales disaient des choses différentes et c’était sur ces points mineurs qu’il a fallu

15

débattre longtemps. Pour démilitariser Kigali cela ne posait pas de problème parce que les Accords

16

demandaient cela, et… mais ce qui posait problème, c’est le fait que le colonel insiste pour que l’on

17

permette à des individus ou des groupes privés de détenir des armes. Mais sinon, sur le fond,

18

c’est-à-dire la zone sécurisée de Kigali, il n’y avait pas de problème. Mais par exemple sur la

19

détention des armes par des privés, ça a été un domaine sur lequel il a fallu aller, venir et discuter

20

longuement.

21

Q.

l’approvisionnement en eau, l’approvisionnement en chauffage ; c’est bien ce que j’ai compris ?

22
23
24

Concernant le problème du bataillon du FPR, vous dites qu’il y avait des problèmes concernant

R.

Oui. Ce sont des petits problèmes administratifs plus le problème du lieu où devait être posté ce
bataillon dans Kigali.

25
26

(Pages 66 à 73 prises et transcrites par Virginie Jolibois, s.o.)

27
28
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36
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2

VIRGINIE JOLIBOIS, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 73

1

BAGOSORA ET AL.

1

Me CONSTANT :

2

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Est-ce que ce n’est pas le FPR qui a refusé les quatre premiers lieux qu’on lui avait proposés pour
après accepter le CND ?

3
4

M. BEARDSLEY :

5

R.

J’ai essayé de comprendre les deux parties ; n’oubliez pas que j’ai assisté à la dernière réunion. Ce

6

qui s’est passé… le détail de ce qui s’est passé les jours qui précèdent, je ne suis pas au courant ;

7

mais le FPR était content d’aller au CND, il voulait y être. Le général Dallaire, à un moment, a

8

proposé le stade Amahoro, et je sais qu’il y a d’autres endroits qui avaient été proposés.

9
10

Mais au cours de la réunion à laquelle j’ai assisté à la mi-décembre, je n’ai pas eu l’impression que le

11

colonel Bagosora avait proposé un endroit correct, c’est le général Dallaire qui a dû pousser les

12

choses.

13

Q.

Non, je vous demande, vous me dites que vous n’êtes pas au courant, que vous êtes au courant. Estce que, oui ou non, le FPR a refusé quatre endroits avant le CND ?

14
15

R.

Je ne suis pas au courant.

16

Q.

Est-ce que vous êtes au courant que la partie gouvernementale avait proposé l’approvisionnement du

17

bataillon du FPR en eau, en chauffage, etc., tout ce qu’il voulait, et que le FPR a refusé voulant que

18

ça soit de la zone qu’il contrôlait que vienne l’ensemble de son approvisionnement ?

19

R.

Maître, ce que je sais, c’est qu’il y a eu de longs débats sur cette question. Le… La… Le refus du

20

FPR était fondé sur le fait qu’il voulait s’assurer que les vivres ou l’eau n’étaient pas empoisonnés, et

21

puis, il n’était pas d’accord avec les méthodes d’approvisionnement du Gouvernement, parce qu’il ne

22

voulait pas voir certains individus, membres du Gouvernement ou du côté du Gouvernement, qui

23

allaient s’enrichir du seul fait de la présence du FPR. Et c’est donc ainsi que les choses se sont

24

passées. Le FPR a eu l’autorisation de transporter des vivres, du bois de chauffage à partir de la

25

zone qu’il contrôlait, et le Gouvernement a fourni l’électricité, et… etc.

26

Q.

Donc, nous sommes d’accord pour admettre qu’il n’y avait pas, d’un côté, une partie qui était prête à

27

tout céder, à tout admettre le FPR et, de l’autre, une partie gouvernementale représentée par

28

Bagosora qui refusait tout, mais que c’était une négociation comme une autre ?

29

R.

Oui, il y a eu des va-et-vient.

30

Q.

Une question rapide sur ce point : Est-ce que ça ne vous a pas étonné, vous, en tant que militaire,

31

que le FPR réclame de pouvoir ramener de sa zone l’ensemble de ses moyens d’approvisionnement

32

dont… y compris le bois de chauffage ?

33

R.

Je ne me souviens pas qu’ils aient demandé à transporter tout, tout ce qui devait les appuyer. Je

34

pense qu’il s’agissait surtout de l’eau. Je sais que le bois de chauffage venait de leur région, encore

35

que cela faisait un long chemin, mais je sais qu’ils étaient tout à fait fermes quant à l’idée que des

36

amis ou des membres du Gouvernement ne profitent pas par le biais des contrats… ne profitent pas

37

pour s’enrichir du fait de la présence du FPR.

2

NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 74

1
1

BAGOSORA ET AL.

Q.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Vous n’avez pas répondu à ma question. Est-ce que vous, en tant que militaire, ça ne vous a pas

2

étonné de l’insistance du FPR de faire venir le bois de chauffage de la zone qu’il contrôlait, puisque

3

c’est un moyen de pouvoir introduire un certain nombre de choses à Kigali ?

4

R.

Vous parlez simplement du bois de chauffage ? Du bois de chauffage ? Oui, le bois de chauffage.

5

Cette insistance, j’ai été surpris ; pour l’eau et les vivres, je pouvais comprendre, parce que ce sont là

6

des éléments qui auraient pu être empoisonnés.

7
8

S’agissant de la nourriture, des vivres, je ne sais pas s’ils les ont… s’ils ont ramené les vivres de leur

9

zone ou de la ville, mais j’ai été surpris par le bois de chauffage.

10

Q.

Ce que je veux dire, vous qui faites partie de la MINUAR donc qui êtes en charge de vérifier que les

11

Accords de paix soient appliqués de manière correcte, est-ce que cette insistance ne vous a pas

12

étonné, interpellé pour vous demander qu’est-ce que voulait exactement faire le FPR ?

13

R.

Maître, je vous ai expliqué que la position du FPR était que certains membres du Gouvernement

14

allaient profiter de certains contrats, et ils voulaient éviter que cela se fasse ; c’est pour cela qu’ils ont

15

dit qu’ils étaient prêts à se fournir eux-mêmes, dans une certaine mesure. Oui, le fait qu’ils aient

16

réellement insisté sur ce point, oui, je l’ai constaté ; mais Bagosora était également têtu sur sa

17

position. Donc, il a fallu discuter pendant longtemps jusqu’à ce que nous ayons un accord, et plus

18

tard, le 22, nous avons progressé en parlant des armes.

19

M. LE PRÉSIDENT :

20

Q.

Est-ce que dans une situation où il y a deux parties qui sont plus ou moins (inaudible) depuis la

21

guerre en 1990, ils sont maintenant à la table de négociation, et ils sont en train de discuter et

22

négocier, et ce que vous voulez dire, c’est que les… des deux côtés, il y avait des difficultés ; c’est

23

cela ?

24

R.

Oui.

25

Me CONSTANT :

26

C’est ce que j’essaie de faire le témoin dire mais, manifestement, il estime que c’est mon client qui

27

serait le responsable des blocages.

28

Q.

du FPR à Kigali et la zone démilitarisée ?

29
30

Est-ce que nous sommes d’accord, Major, qu’il y a eu un accord signé sur les deux points : L’arrivée

R.

Oui, il y a eu un accord. Il y a eu un accord sur la future zone démilitarisée, et il y a… et il y a eu un
accord sur la manière dont nous arriverions à instaurer cette zone démilitarisée.

31
32

Q.

Est-ce que vous avez les documents qu’on vous a distribués ?

33

R.

Oui.

34

Q.

Ce sont vos… C’est une déclaration à vous ; c’est exact ? Avec un original en anglais et une copie en
français, une traduction ; nous sommes d’accord ?

35
36

R.

Je préfère lire la copie en anglais.

37

Q.

Si vous attendez lire la copie en anglais, je préfère qu’on en parle demain, parce qu’étant donné

2

NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 75

1

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1

qu’elle a une quarantaine de pages, ça pourrait prendre du temps.

2

R.

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Je souhaiterais regarder la copie anglaise, il s’agit d’une traduction, mais je ne suis pas sûr

3

qu’en 20 ou 30 minutes, je peux reconnaître la déclaration que j’ai fournie au Tribunal, et je préfère,

4

bien sûr, m’attacher à l’original.

5

M. LE PRÉSIDENT :

6

Q.

Vous disposez de la version anglaise sous les yeux ?

7

R.

Oui, en fait, c’est le deuxième document.

8

M. LE PRÉSIDENT :
Il s’agit de ce document.

9
10

L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Le Président montre le document.

11
12

R.

13

Me CONSTANT :

14

Q.
R.
Q.

Est-ce que vous pouvez nous… Est-ce que vous pouvez nous préciser à quelle occasion vous avez
fait cette déclaration ?

19
20

Je parcours les pages, et c’est une copie qui n’est pas très lisible. Oui, Maître, il s’agit de la
déclaration que j’ai faite ; je pense que la date était celle du 8 mars 2000.

17
18

Est-ce que vous pouvez vérifier le contenu de la déclaration avant que nous en parlions au fur et à
mesure ou vous êtes prêt à admettre que c’est la déclaration que vous avez signée ?

15
16

Oui, en fait, on m’a présenté le document en français, mais j’ai la version anglaise aussi.

R.

Oui. Plusieurs fois depuis 1995 environ, des enquêteurs du Tribunal et différents membres du Bureau

21

du Procureur qui — je pense — travaillaient pour ce procès ont demandé à m’interroger. Et chaque

22

groupe qui s’est présenté semblait poser les mêmes questions, je leur donnais mes réponses, je

23

passais en général une journée avec eux — le colonel Watkin était mon conseil juridique. À la fin de

24

ces entretiens, ils me remerciaient, ils s’en allaient, quelquefois, ils demandaient des questions qui

25

découlaient de ce que j’avais dit, je répondais. Puis, six mois ou un an plus tard, d’autres personnes

26

se présentaient.

27
28

Donc, je ne peux pas vous dire exactement de quand date quelle déclaration. À un certain moment,

29

on m’a demandé de fournir une déclaration sur certains des points que nous avions abordés. C’est ce

30

document que j’ai signé à l’époque.

31
32

J’ai reconnu devant vous et devant le Procureur qu’il y avait certaines erreurs dans cette déclaration

33

que j’ai trouvées plus tard, lorsque j’ai obtenu une copie. Et lorsque je les ai découvertes, je vous ai…

34

j’ai informé toutes les parties et j’ai transmis cette déclaration au Tribunal par le biais du colonel

35

Watkin.

36
37
2

Q.

Attendons, reprenons pas à pas, parce que je suis un peu perdu par ce que vous venez de dire. La
première : Vous avez fait une déclaration aux enquêteurs du Bureau du Procureur ou vous avez fait
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1

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1

plusieurs déclarations ?

2

R.

Plusieurs. Par écrit, c’est la seule dont je me souviens, c’est la seule que je pense avoir faite, mais il y
a eu des entretiens, des entretiens avec différentes équipes du Procureur, différents enquêteurs.

3
4

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Q.

Si je comprends bien, vous avez rencontré, de nombreuses fois, des enquêteurs du Bureau du

5

Procureur, mais ils prenaient des notes sans que vous, vous ne relisiez et signiez une déclaration ;

6

c’est bien ça ?

7

R.

je l’aie fait, mais je n’en ai pas le souvenir.

8
9

Oui, je ne me souviens pas avoir rédigé une déclaration et l’avoir signée ; ça, c’est sûr. Il se peut que

Q.

Excusez-moi de vous faire… de vous demander de faire un effort de mémoire, c’est quand même

10

important pour moi de savoir si le Bureau du Procureur ne possède qu’une ou plusieurs déclarations

11

de vous. Est-ce que vous pouvez savoir, vous souvenir si, mis à part cette déclaration sur laquelle on

12

va revenir, vous avez souvenir d’avoir signé d’autres déclarations ?

13

R.

Non, je ne me souviens pas avoir fourni d’autres déclarations écrites au Procureur. Peut-être l’ai-je

14

fait, mais je ne m’en souviens pas. Le problème, c’est qu’en fait, j’ai été interrogé par un très grand

15

nombre de personnes ; quelquefois, ils demandaient des informations par écrit, certaines, d’autre fois,

16

ils ne le faisaient pas ; mais à ma connaissance, ceci est la seule déclaration que j’ai jamais fournie

17

par écrit. Mais j’ai fait des déclarations orales, j’ai eu des entretiens à plus d’une reprise.

18

Q.

Mais quand vous avez eu ces entretiens, on ne vous a pas… les enquêteurs ne vous ont pas fait

19

signer, à ce moment-là, de procès-verbaux ; c’est ce que j’ai compris ou vous n’en avez pas

20

souvenir ?

21

R.

d’entretien.

22
23

Je ne me souviens pas avoir signé quelque document qu’ils auraient apporté à la fin d’une journée

Q.

Vous avez dit tout à l’heure — mais c’est peut-être un problème de traduction — qu’il y a des
moments donnés où ils vous demandaient des précisions écrites ?

24
25

R.

Oui, c’est bien cela.

26

Q.

Mais mis à part la déclaration que je viens de distribuer, vous n’avez pas eu l’occasion de faire
d’autres précisions écrites au Bureau du Procureur ou bien vous pensez en avoir fait ?

27
28

R.

Je ne me souviens pas avoir envoyé de déclarations écrites hormis pour certains documents. J’ai été

29

contacté par le biais du colonel Watkin, on m’a demandé des notes, on m’a demandé si je pouvais

30

trouver une copie de l’accord sur Kigali, zone démilitarisée ; on m’a donc demandé de fournir des

31

documents, et cela a donc nécessité des correspondances entre le colonel Watkin et moi. Mais

32

s’agissant vraiment d’une déclaration en tant que telle, je ne me souviens pas d’autres documents

33

signés par moi que cette déclaration.

34

Q.

Parfait. Concernant cette déclaration, c’est vous spontanément qui l’avez faite ou c’est la suite d’un

35

questionnaire qu’on vous a envoyé ou c’est vous qui avez écrit un texte, que vous l’avez signé, que

36

vous l’avez remis à votre avocat ?

37
2

R.

Non, Maître. On m’a demandé de rédiger une déclaration qui donnait un compte rendu du temps que
NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 77

1

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MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

j’avais passé à la MINUAR. Les événements sur lesquels j’ai insisté ici semblent être ceux qui

2

intéressaient ces hommes et ces femmes.

3
4

Voilà donc un document de 27 pages, j’aurais pu faire un document de 700 pages, mais j’ai rédigé

5

ceci sur la base des questions qu’ils avaient posées, et je… mais c’est une « relation » libre des

6

événements.

7

Q.

Fort heureusement, nous n’avons que 27 pages. Mais ce que je veux savoir, Major, vous avez donc

8

rencontré des enquêteurs qui vous ont posé des questions, vous les avez notées, et par la suite, vous

9

avez rédigé ce texte ; c’est ça l’esprit et la démarche, c’est ça ?

10

R.

Oui, c’est ça.

11

Q.

Mais vous n’avez pas la liste des questions que vous a posées le Bureau… les enquêteurs en
question ?

12
13

R.

Non, Maître.

14

Q.

Est-ce qu’on vous a dit que ce qu’on vous demandait, c’était dans le cadre du procès du colonel
Bagosora ?

15
16

R.

Oui, je pense. Je pense que cela était clair dès le début, ils ont expliqué qu’ils menaient des enquêtes

17

et se sont présentés comme étant les membres du Bureau du Procureur travaillant sur l’affaire

18

Bagosora.

19

Q.

D’accord. Donc, c’est dans l’esprit de témoigner dans l’affaire Bagosora que vous avez écrit ce
texte ?

20
21

R.

Oui.

22

Q.

De toute façon, malheureusement, je n’ai pas la version anglaise, je n’ai que la version française,

23

mais elle doit exister en anglais, vous verrez dans la version de la traduction française, il y a la

24

traduction de la lettre de mon confrère Watkin du 13 mars 2000.

25

R.

Oui, je vois sa lettre.

26

Q.

Où mon confrère indique qu’on transmet ce témoignage en rapport avec l’affaire Bagosora ; donc,
nous sommes d’accord dessus ; c’est bien ça ?

27
28

R.

Oui.

29

Q.

Pour en terminer, il faut que je comprenne bien : Vous nous dites qu’à un moment donné, vous avez
informé les parties d’erreurs qu’il y aurait dans le document ?

30
31

R.

Oui, c’est vrai.

32

Q.

Alors, il se fait que ça, c’est une nouveauté complète pour moi, ce que vous venez de dire. Est-ce que

33
34

vous pouvez m’expliquer exactement ce que vous avez fait et ce qui s’est passé ?
M. LE PRÉSIDENT :

35

Maître Constant, nous n’avons pas entendu la réponse. Je pense que l’interprète n’a pas eu le temps.

36

Quelle a été la réponse précédente ? Pouvez-vous répéter ce que vous avez dit ?

2

NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 78

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1

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R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

Je ne sais plus de quelle question il s’agit.

2
3

Ce n’est pas vrai, Maître Constant. Vous vous souvenez que le 8 janvier à Montréal, à la fin d’un

4

entretien, je vous ai dit qu’il y avait des erreurs, et j’ai transmis la même information à Maître White.

5

J’ai dit qu’il y avait des erreurs mineures pour… dont j’étais responsable, j’acceptais la responsabilité

6

de ces erreurs et je comptais les corriger.

7

Me CONSTANT :

8

Aucun des membres de mon équipe ne se rappelle, hein. Bon, ben, si vous le dites, ça doit être vrai ;

9

nous allons vérifier la bande sonore et ce sera plus simple.

10

Q.

Mais ce que je veux comprendre…

11

R.

Non, Maître, non. Lorsque vous dites cela, c’est comme si vous me traitiez de menteur. Regardez à la

12

page 2, il y a un paragraphe que j’ai écrit une date « le lundi 29 1993 », et je vous ai dit que non, il y

13

avait une erreur, que c’était le 22 novembre. Et vous m’avez demandé comment je savais que je me

14

trompais, je vous ai dit que c’est parce que c’était la date de mon anniversaire, et que j’avais passé

15

mon anniversaire avec ma famille avant de quitter ; et vous m’avez demandé : « Est-ce que votre

16

femme est très gentille ? » Et j’ai dit : « Oui, elle est bien meilleure que je ne le suis… que moi. »

17
18

Page 2 de la déclaration, quatrième paragraphe : « Je suis arrivé au Rwanda le lundi 29 novembre. »

19

C’est l’erreur.

20

Q.

Il est exact que vous m’avez donné une indication. Ce que je vous dis, vous m’avez dit tout à l’heure
qu’à la fin de l’entretien, vous avez dit que vous auriez fait des erreurs…

21
22

R.

Merci, Maître.

23

Q.

D’accord. Je n’ai pas souvenir que vous ayez dit à la fin de l’entretien que vous aviez commis des

24

erreurs mineures dans le texte ; ce que je vous dis et je le répète, et je vais vérifier à ce niveau que

25

vous m’auriez dit ça à la fin de l’entretien que nous avons eu à Montréal.

26
27

Ce que je veux savoir, c’est est-ce que vous avez écrit un texte sur les erreurs que vous avez faites

28

ou bien vous allez nous les indiquer au fur à mesure de l’audition ?

29

R.

Non, j’ai corrigé ces erreurs à Montréal le 8 janvier avec vous-même et vos assistants

30

— Monsieur Skolnik, je crois, est venu à la fin de l’entretien —, et j’ai également corrigé ces erreurs

31

lorsque je suis arrivé ici avec Monsieur White. Ce sont des erreurs extrêmement mineures. Mais au fil

32

des ans, à force de relire, j’ai reconnu ces erreurs, et je… j’ai informé les deux parties. Je n’ai pas

33

soumis de document écrit, mais j’ai parlé aux deux parties en présence du colonel Watkin, mon

34

conseiller juridique.

35

Q.

D’accord. Donc, mis à part quelques erreurs mineures, ceci correspond à ce que vous avez vécu au

36

Rwanda à cette période, dans le cadre de votre témoignage dans le procès du colonel Bagosora ?

37

Nous sommes d’accord ?

2

NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 79

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MARDI 3 FÉVRIER 2004

1

R.

Oui.

2

Q.

Est-ce que nous sommes d’accord — mais vous me direz que vous n’en parlez pas du tout — que
vous ne parlez pas de la rencontre avec Bagosora au cours du mois d’août ?

3
4

R.

Non, je n’en parle pas dans ma déclaration.

5

Q.

Est-ce que ceci s’explique par le fait que vous commencez votre déclaration par votre voyage au
mois de novembre et vous n’évoquiez pas la mission au mois d’août ?

6
7

R.

À la première page, vous constaterez que je parle de la mission tactique d’août. Dans le premier

8

paragraphe : « J’avais séjourné pendant deux semaines en août 1993 en compagnie d’une équipe

9

pluridisciplinaire », etc. Il s’agit du premier paragraphe de la déclaration.

10

M. LE PRÉSIDENT :

11

Nous l’avons.

12

R.

Donc, j’en ai parlé.

13

Me CONSTANT :

14

Q.

Là, il apparaît, en tout cas, dans la version française, que vous présentez le colonel Bagosora non

15

pas comme le chef de la délégation du Gouvernement mais comme le chef de ce qui est traduit en

16

français les FGR, c’est-à-dire Forces gouvernementales rwandaises où après, c’est marqué, « il y a

17

un certain nombres de délégués des FAR », donc les Forces armées rwandaises.

18

R.

français, je ne peux pas en parler, parce que là, je m’en suis tenu au texte anglais.

19
20

M. LE PRÉSIDENT :
Maître Constant, [ en français] « Virgule, la délégation du FGR. »

21
22

Me CONSTANT :
Nous sommes d’accord, Monsieur le Président.

23
24

C’est bien cela. J’ai rédigé cette déclaration en anglais, et s’il existe un problème de traduction vers le

M. LE PRÉSIDENT :
[ en français] Oui, le mot « conduisait ».

25
26

Me CONSTANT :

27

Q.

Oui, oui, oui. Non, mon problème qui se pose est la chose suivante, tant dans la version française

28

— en tout cas, la traduction — que semble-t-il dans la version anglaise, Bagosora n’est pas

29

représenté comme le chef de la délégation du Gouvernement qui serait venue à la réunion mais

30

comme le chef de la délégation des Forces armées rwandaises. Est-ce que nous sommes d’accord

31

que c’est comme ça que vous avez présenté cela ?

32

R.

Non, je m’en tiens à ce que j’ai dit. Le colonel Bagosora dirigeait la délégation du Rwanda…

33

rwandaise. Il est vrai que nous appelons l’Armée patriotique rwandaise APR… APF ; ce que je voulais

34

dire ici, c’était que c’est le colonel Bagosora qui dirigeait la délégation du Gouvernement qui s’est

35

présentée à cette réunion organisée en 1993 aux fins de clarifier les Accords de paix.

36
37
2

Q.

Major, ce que je lis, moi, c’est « RGF delegation », ce n’est pas la délégation du Gouvernement.
« RGF », ça signifie « Gouvernement » pour vous ?
NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR – CHAMBRE I - page 80

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1

BAGOSORA ET AL.

R.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

C’étaient les… la délégation des Forces armées rwandaises. Je sais ce que je voulais dire lorsque

2

j’écrivais cela, et c’est une situation que je décrivais. Le colonel Bagosora conduisait la délégation

3

des Forces gouvernementales rwandaises.

4

Q.

Attendez. Major, tout à l’heure, nous avons longuement parlé du fait que vous nous dites que

5

le 19 août, vous avez une réunion où il y a Monsieur Gasana et, à cette réunion, vous avez demandé

6

à… que le Gouvernement envoie une délégation pour clarifier les Accords d’Arusha, et là, il est écrit

7

que c’est une délégation des Forces armées rwandaises. Vous admettrez qu’il y a une différence ?

8

R.

Non, je ne l’admets pas. Nous avons demandé au Ministre des affaires étrangères et à tous ces

9

autres ministres et dirigeants du Rwanda d’envoyer une délégation, et ils ont demandé quel était le

10

but de la réunion, j’ai dit qu’il fallait une délégation pour parler des Accords de paix. Et ils ont envoyé

11

une délégation militaire qui était menée par le colonel Bagosora, c’est la décision du Gouvernement.

12

Ils l’ont envoyée pour représenter le Gouvernement rwandais. Le fait qu’il ait été en uniforme, un

13

militaire avec les gendarmes, importe peu.

14

M. LE PRÉSIDENT :
Nous avons compris la question et nous avons aussi compris la réponse.

15
16

Me CONSTANT :
Je n’allais pas insister, Monsieur le Président.

17
18

Q.

Je voudrais passer sur la question…

19

Monsieur le Président, on va jusqu’à 5 heures et demie ? Qu’est-ce qu’on fait ?

20
21

M. LE PRÉSIDENT :
Comme promis, 5 h 15.

22
23

Me CONSTANT :

24

Q.

Vous avez dit à mon confrère Drew White dans l’interrogatoire principal, qu’entre le moment donné de

25

la mission du mois d’août et votre arrivée en novembre, il y avait eu des changements importants.

26

Vous vous souvenez de ce passage de votre déclaration ?

27

L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :

28

Le micro de… du témoin.

29

R.

Oui.

30

Me CONSTANT :

31

Q.

Bien. Et quand mon confrère vous a demandé de lister les évènements importants qui étaient

32

intervenus, vous en avez listé — et je les ai notés — ; le premier évènement que vous avez cité, c’est

33

la non-installation du GTBE, du Gouvernement de transition à base élargie ; nous sommes d’accord ?

34

R.

Le Gouvernement de transition était censé entrer en fonction le 10 septembre, mais la force

35

internationale est arrivée avant le 10 septembre. Donc, en fait, nous savions donc que son installation

36

n’allait pas avoir lieu à la date prévue. Il fallait qu’ils attendent que nous arrivions, et il a fallu tout ce

37

temps pour que les choses se passent à New York, que nous obtenions notre mandat, etc., etc.

2

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1

C’était l’un des changements, l’un des événements qui étaient intervenus à l’époque.

2

Q.

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C’est bien ça donc, la non-installation du GTBE était un élément qui était un élément qui a fait un

3

changement radical — c’est le terme que vous avez employé, en tout cas, quand on a eu la

4

traduction française.

5

R.

Oui, cela a été une grande déception pour les deux parties, en fait, pour toutes les parties, mais ils

6

avaient établi une date pour l’application des Accords, mais ils n’étaient… il était carrément

7

impossible qu’une force internationale soit présente sur les lieux à la date du 10 septembre. Nous

8

avons néanmoins fait de notre mieux. Mais le 15 décembre, une délégation a été envoyée à New

9

York pour que les choses se passent un peu plus vite, et je vous assure que c’était très difficile pour

10

que nous levions tous les obstacles rencontrés à New York, mais nous n’avons pas pu être présents

11

à cette date-là, nous ne pouvions pas être là si nous n’avions pas de mandat.

12

Q.

Le deuxième élément que vous avez cité, c’est RTLM, comme élément de changement radical entre

13

août et votre arrivée au mois de novembre ou l’installation de la MINUAR à partir d’octobre ; c’est

14

exact ?

15

R.

Oui, c’est exact. En fait, il s’agissait plutôt du ton. La RTLM existait bien avant, mais c’est son ton qui
est devenu très très tribal.

16
17
18

Et deuxièmement, il y avait aussi ces attaques sur les Belges, les Belges qui revenaient par le biais

19

de l’UNAMIR, le ton était très provocateur.

20

Q.

D’accord. Vous dites aussi que le troisième élément, c’était la scission du MDR et du Parti libéral ;
c’est ça ?

21
22

R.

Oui, c’est vrai, ces deux partis se sont scindés en deux factions.

23

Q.

Est-ce que vous ne pensez pas que le MDR était déjà en scission depuis juillet… juin-juillet 1993,
c’est-à-dire avant la mission d’août ?

24
25

R.

Nous n’en… Nous ne savions pas. Monsieur Faustin était le dirigeant du parti, il avait été désigné à…

26

au poste de Premier Ministre, et il était parti (sic) de nombreuses réunions que le général Dallaire

27

avait eu pendant la mission technique… tactique. Je n’étais pas au courant de cette scission en

28

octobre.

29

Q.

vous saviez déjà qu’elles existaient.

30
31

Comme quatrième point, vous avez parlé de l’existence des milices ; pourtant, je pense qu’en août,

R.

Oui, nous le savions, mais en août, on nous a simplement dit qu’il s’agissait des ailes des jeunes du

32

parti ; ils portaient des uniformes paramilitaires, des chemises colorées, des bérets, etc., ils

33

s’occupaient de la sécurité pendant les rassemblements, les conventions, les congrès des partis.

34

Certains d’entre eux étaient armés, et le fait que certains d’entre eux étaient armés ou subissaient

35

des entraînements militaires, cela, nous ne le savions pas en août ; c’est lorsque nous sommes

36

revenus que nous avons vu que leur position était plus forte.

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1

Dans la journée, on pouvait rencontrer des Interahamwe habillés en uniforme, et c’étaient des

2

groupes de gens organisés, et pour nous, on les considérait comme des groupes de clowns.

3
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5
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7

MARDI 3 FÉVRIER 2004

M. LE PRÉSIDENT :
Est-ce le moment approprié pour s’arrêter, Maître Constant ?
Me CONSTANT :
Oui, Monsieur le Président.
M. LE PRÉSIDENT :

8

J’aimerais donc… Parce que, demain, vous allez continuer votre contre-interrogatoire, j’aimerais que

9

nous réglions certains problèmes. Allons-nous… Nous allons commencer à 8 h 45, mais à 9 h 30, il

10

me faudra rencontrer une délégation d’ambassadeurs à un autre titre que celui de Président de cette

11

Chambre ; et à compter de cette réunion, je vais devoir être absent parce que j’aurai

12

deux ou trois autres réunions.

13
14

La Chambre siégera donc conformément à l’Article 15 bis parce que je ne serai pas présent pendant

15

le reste du contre-interrogatoire.

16
17
18

Pas d’inconvénient, Maître Constant ?
Me CONSTANT :

19

C’est un plaisir d’avance, puisque je pense que c’est le Juge Reddy qui présidera, de l’avoir comme

20

Président d’audience.

21
22

M. LE PRÉSIDENT :
Je vous remercie. Rendez-vous demain à l’heure normale, 8 h 45.

23
24

L’audience est levée.

25
26

(Levée de l’audience : 17 h 15)

27
28

(Pages 74 à 83 prises et transcrites par Nadège Ngo Biboum, s.o.)

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BAGOSORA ET AL.

MARDI 3 FÉVRIER 2004

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SERMENT D’OFFICE

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Nous, sténotypistes officiels, en service au Tribunal pénal international pour le Rwanda, certifions,

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sous notre serment d’office, que les pages qui précèdent ont été prises au moyen de la sténotypie et

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transcrites par ordinateur, et que ces pages contiennent la transcription fidèle et exacte des notes

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recueillies au mieux de notre compréhension.

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ET NOUS AVONS SIGNÉ :

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Laure Ketchemen

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Joëlle Dahan

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Anne Laure Melingui

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Hélène Dolin

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Pierre Cozette

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Sandra Lebrun

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Virginie Jolibois

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Nadège Ngo Biboum

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NADÈGE NGO BIBOUM, S.O. - TPIR – CHAMBRE I

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