Fiche du document numéro 2508

Num
2508
Date
Dimanche 18 novembre 2012
Amj
Taille
94255
Sur titre
Destin
Titre
Agathe Habyarimana, ex-première dame sans papiers
Sous titre
Paris lui a refusé sa demande d'asile mais ne veut pas pour autant l'extrader vers le Rwanda. Kigali affirme pourtant détenir « un dossier accablant » sur sa responsabilité dans le génocide. Une situation plus que délicate pour l'ex-première dame Agathe Habyarimana, qui vit en France depuis 1994.
Cote
n° 2706
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Plusieurs fois par semaine et tous les dimanches, dans un pavillon
ordinaire de Courcouronnes, en banlieue parisienne, une femme de 70
ans sort de chez elle avant de prendre le chemin de la cathédrale
d'Évry, à quelques kilomètres. Depuis quatorze ans qu'elle habite en
France de manière permanente, Agathe Habyarimana, l'ancienne première
dame du Rwanda soupçonnée d'avoir participé à la planification du
génocide des Tutsis en 1994, a eu le temps de prendre ses habitudes.



Sa piété n'est pas nouvelle. Dans l'ancienne résidence présidentielle
de Kigali, elle avait fait aménager une chapelle où elle s'est
précipitée, le soir du 6 avril 1994, après avoir entendu le crash de
l'avion de son mari, Juvénal Habyarimana, à quelques mètres de là. Les
tueries ont immédiatement commencé. Certains témoins affirment qu'elle
donnait des instructions.


Extrême discrétion



Au Rwanda, elle est accusée d'être un des piliers de l'Akazu, « la
petite maison » en kinyarwanda, le nom donné au cercle très fermé des
ultras du « Hutu power ». Une dépêche française confidentielle de 1991
décrit ses membres comme les « détenteurs exclusifs de tous les
pouvoirs »*. C'est donc en connaissance de cause que la France a
exfiltré Agathe Habyarimana dès le 9 avril. Recevant un mois plus tard
une délégation de l'ONG Médecins sans frontières, le président
François Mitterrand aurait lâché cette phrase : « Elle a le diable au
corps. Si elle le pouvait, elle continuerait à lancer des appels au
massacre à partir des radios françaises. »

Elle a le diable au corps.
(Francois Mitterrand, avril 1994)



Mais son implication dans le génocide est difficile à
prouver. Première dame d'une extrême discrétion, elle ne prenait
jamais la parole en public et n'était pas au Rwanda pendant la majeure
partie des massacres. La très secrète Akazu, dont Agathe Habyarimana
conteste encore l'existence, n'avait pas pour habitude de laisser des
traces. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a
renoncé à la poursuivre après avoir mené l'enquête jusqu'en
2004. Quant à la justice rwandaise, qui dit disposer d'un « dossier
accablant », elle se heurte au refus de la justice française de
l'extrader.


Pour autant, la situation d'Agathe Habyarimana en France s'est
dégradée. Sans papiers depuis que la France lui a refusé l'asile
politique puis l'obtention d'un titre de séjour, elle est visée par
une plainte déposée par le Collectif des parties civiles pour le
Rwanda en 2007. Une information judiciaire est ouverte depuis 2008,
mais Agathe Habyarimana n'est pas, à ce jour, mise en examen.



* « Quinze jours dans la vie de ``Madame'' », Maria Malagardis, Revue XXI, n° 10.

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