Fiche du document numéro 24918

Num
24918
Date
Mardi 17 janvier 2012
Amj
Auteur
Taille
104382
Titre
Sur le clivage Hutu-Tutsi
Nom cité
Source
Type
Langue
FR
Citation
Les enfants d’Imana. Histoire sociale et culturelle du Rwanda ancien, de Jean-Luc Galabert. Izuba éditions, 2011, 550 pages, 30 euros. L’Afrique est une terre sans histoire, prétendait Nicolas Sarkozy lors de son célèbre et fort gaffeur discours de Dakar. Dans cette optique, les sociétés précoloniales sont aisées à connaître : il suffit d’analyser les contradictions et problèmes structurant celles existant aujourd’hui et de les promouvoir au rang de vérités intemporelles. Dernier exemple en date, le discours sur l’antagonisme « ethnique » Hutu-Tutsi qui caractériserait le Rwanda avant de culminer avec le génocide de 1994.

Le gigantesque travail de collecte et de compilation produit par Jean-Luc Galabert contredit ce langage né durant la période de domination allemande, codifié sous la belge et repris à leur compte, après l’indépendance de 1962, par les gouvernements de la Ire et IIe République. Le Rwanda précolonial était une société clanique, lignagère et non ethnique : chaque clan pouvait regrouper les trois catégories socio-économiques – Hutu (à dominante agricole), Tutsi (à dominante élevage) et Twa (à dominante chasse et artisanat) – composant le peuple rwandais. La définition de ces catégories était elle-même variable d’une région à l’autre. Par ailleurs, au fil des générations, une même famille pouvait cesser d’être hutu pour devenir tutsi, ou inversement. C’est le colonisateur qui a imposé « une lecture raciale et ethnique du clivage Hutu/Tutsi, absente jusque-là. (Une) exacerbation des rapports sociaux qui seront instrumentalisés pour asseoir le pouvoir colonial », au point de réifier définitivement lesdites catégories en les inscrivant sur les documents d’identité à partir des années trente. Une fable historique doublée d’un mensonge anthropologique : « les mythes des Bazungu (les conquérants blancs) ont colonisé les mythes fondateurs rwandais ». Au bout de cette dérive, l’abîme génocidaire.

Jean Chatain

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