Fiche du document numéro 24914

Num
24914
Date
Mercredi 10 décembre 1997
Amj
Auteur
Taille
24335
Titre
Que sont donc devenus les réfugiés rwandais ?
Sous titre
Extraits du rapport du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
OÙ en sont les « déplacements de population » à travers le monde? Chargé du sort de quelque 22 millions de personnes, le HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) vient de publier un rapport (1) éclairant les ordres de grandeur et les évolutions en cours. Par exemple en ce qui concerne l'Afrique des Grands Lacs.

Rwanda 1994



Déclenché par la dictature alors en place à Kigali, le génocide des Tutsi et les massacres planifiés des familles des opposants hutu n'ont été arrêtés que par la victoire du Front patriotique rwandais. Voyant venir leur défaite, les auteurs de la tuerie ont organisé des « déplacements de population » massifs, poussant près de 1.750.000 personnes vers le Zaïre, la Tanzanie et le Burundi. Aidés en cela, ce que ne rappelle pas le document, par une certaine « opération Turquoise », organisée par Paris, avec la bénédiction de l'ONU.

Cet exode forcé était presque immédiatement suivi d'un mouvement inverse: « En 1994, quelque 160.000 réfugiés sont retournés de leur plein gré au Rwanda. Mais comme les membres de l'ancien gouvernement rwandais, de l'armée et des milices resserraient leur emprise sur la population réfugiée, le rapatriement s'est arrêté. (...) Le HCR a demandé à plusieurs reprises à la communauté internationale de séparer les éléments armés et les intimidateurs de la population réfugiée civile. Mais la volonté politique de procéder à une telle action ne s'est tout simplement pas manifestée. »

Le conflit au Burundi



Voisin du Rwanda, ce pays est ravagé par une guerre interne depuis 1993, date de l'assassinat du président Melchior Ndadaye. Meurtre qui servit de signal à des massacres généralisés de familles tutsi et de Hutu de l'opposition. Le Burundi bascule alors dans un chaos sanglant, dont il est loin d'être sorti. Le HCR estime à 160.000 le nombre de réfugiés burundais (principalement des Hutu) fuyant au Zaïre et en Tanzanie. Des milliers d'autres étaient « déplacés » à l'intérieur des frontières. Précision du rapport: les camps destinés aux réfugiés ont servi de bases pour des attaques transfontalières contre leur pays d'origine.

Du Zaire à la RDC



Tout au long de cette période, la violence ne cessait d'augmenter dans l'est du Zaïre. « Avec l'appui de Kinshasa », la capitale officielle du maréchal Mobutu, souligne le HCR. Le Nord-Kivu devient ainsi le « théâtre d'une guerre triangulaire entre les Hutu, les Tutsi et des populations locales comme les Hunde, qui s'est soldée par l'assassinat et l'expulsion de nombreux Tutsi ». Dans le Sud-Kivu, les populations zaïroises de tradition rwandophone (les « Banyamulenge ») ont, elles aussi, commencé à être harcelées et déplacées. Elles organisent aussitôt une résistance armée, avant de devenir une composante de l'AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) dirigée par Kabila. A mesure que l'AFDL avançait, les réfugiés rwandais se sont éparpillés dans toutes les directions. Par contre 70.000 réfugiés burundais (localisés autour d'Uvira et de Bukavu) rentrent dans leur pays.

Novembre 1996. Un demi-million de réfugiés rwandais, regroupés à Mugunga, pris dans l'offensive des combattants AFDL, prennent le chemin du retour. En l'espace de quelques jours (du 15 au 19 novembre, principalement), ils franchissent la frontière rwandaise. A la fin de l'année, 685.000 d'entre eux avaient ainsi quitté le Zaïre, juge le HCR.

Mars 1997, l'AFDL s'empare de Kisangani, deuxième ville du pays, et de l'importante cité minière de Lubumbashi. Mai 1997, elle entre dans Kinshasa; le Zaïre devient la République démocratique du Congo (RDC). Durant cette dernière phase de la guerre, les réfugiés sont ballottés en aveugles à travers le pays et les nations voisines. En juin, le HCR avait néanmoins réussi à organiser le retour au Rwanda de plus de 54.000 d'entre eux par voie aérienne et de 180.000 par voie terrestre. Ce qui porterait à 834.000 le nombre des rapatriements.

Le rapport souligne enfin que ce mouvement massif de retour s'est accompagné d'une recrudescence de violence à l'intérieur même du Rwanda, surtout dans le Nord-Ouest. Sa conclusion est à garder en mémoire: « De toute évidence, des actes de violence ont en grande partie été commis par des milices qui avaient été contraintes de rentrer avec les réfugiés. En poussant les autorités de Kigali à réagir à cette menace par le recours à la force militaire, les partisans de l'ancien régime génocidaire ont atteint leur objectif premier: perpétrer l'instabilité au Rwanda et dans toute la région des Grands Lacs. »

(1) « Les Réfugiés dans le monde. 1997-1998 ». (La Découverte, éditeur.) 264 pages. Prix: 145 francs.

JEAN CHATAIN

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