Fiche du document numéro 24907

Num
24907
Date
Jeudi 18 janvier 2001
Amj
Auteur
Taille
89695
Titre
Le maquisard improvisé chef d'État
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Source
Type
Langue
FR
Citation
Le tombeur de Mobutu... En 1997, cette expression a été utilisée par les médias du monde entier pour qualifier Laurent-Désiré Kabila, dont les mêmes ignoraient jusqu'à l'existence une année plus tôt. Ce surnom fut parfois suivi d'autres, nettement moins flatteurs, liés aux faux pas politiques et à une nette tendance à l'autoritarisme du nouveau président du Zaïre rebaptisé République démocratique du Congo (RDC). À coup sûr homme des maquis, le Mzée (le Vieux en swahili) fit à plusieurs reprises ces trois dernières années la preuve qu'il était un homme d'État improvisé, cultivant les prises de position d'autant plus fracassantes qu'elles étaient assez régulièrement suivies de marches en arrière, de virages à 180 degrés et de renversements d'alliance hasardeux. Ce qui explique le refroidissement rapide de ses relations avec ses alliés de la sous-région, à commencer par le pouvoir angolais.

Né en octobre 1939 à Moba, dans le territoire de Kalémie (Shaba, ex-Katanga, dans le sud-est du pays), Laurent-Désiré Kabila étudia en République démocratique allemande à la fin des années cinquante. Il revient au Congo belge peu de temps avant que son pays n'accède à l'indépendance. Il s'engage au côté du leader progressiste Patrice Lumumba, alors premier ministre, qui sera renversé par le chef de l'armée Joseph Désiré
- Sese Seko - Mobutu, puis assassiné le 17 janvier 1961. Quarante ans presque jour pour jour avant l'attentat dont vient d'être victime son ancien jeune lieutenant.

Avril 1964, Kabila organise avec Gaston Soumialot la rébellion Simba, première d'une série de tentatives d'insurrection qui s'étireront sur les trois décennies suivantes. Le 5 septembre, la République populaire du Congo est proclamée. Elle ne tiendra que quelques semaines, jusqu'à l'offensive des paras belges soutenus par les États-Unis en novembre. Deux ans plus tard, Kabila fonde le PRP (Parti de la révolution populaire), mouvement rebelle basé à Fizi. Débute alors une longue période de luttes armées entrecoupées d'exils (notamment en Chine maoïste). En 1977, sa défaite devant les troupes mobutistes l'oblige à continuer la guérilla depuis la Tanzanie jusqu'en 1988.

Cette constance dans la lutte lui vaut d'être choisi en 1996 par le président ougandais Yoweri Museveni et le vice-président rwandais Paul Kagamé comme le leader zaïrois le mieux à même de prendre la tête d'une rébellion contre Mobutu, soutenue militairement par ces deux pays, rejoints peu après par d'autres voisins, dont l'Angola. Minée par la corruption, la dictature mobutiste s'effondre en moins d'un an. Laurent-Désiré Kabila, arrivé à Kinshasa, refuse tout dialogue avec l'opposition non armée à Mobutu et s'autoproclame chef de l'État de la République démocratique du Congo le 17 mai 1997. Il s'attribuera tous les pouvoirs - exécutif, législatif et militaire - par l'intermédiaire d'un décret-loi valide jusqu'à l'adoption d'une hypothétique nouvelle Constitution, sans cesse repoussée, de même que l'organisation d'élections générales.

Un an après la chute du maréchal Mobutu, la guerre civile fait à nouveau rage. Entre les forces de Kinshasa et les rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), soutenus militairement par l'Ouganda et le Rwanda, malgré les accords signés à Lusaka, en Zambie, en juillet-août 1999. Les alliés d'hier se partagent en deux camps : Rwanda, Ouganda et Burundi parrainent les factions rebelles diverses (et rivales) ; Angola, Zimbabwe et Namibie appuient Kinshasa. La RDC se trouve très vite éclatée en régions tenues militairement par des armées étrangères vivant sur les richesses locales (diamants, or, cobalt, pétrole). Dans la capitale, un gouvernement devenu largement formel ne cesse de s'entredéchirer de crise de palais en crise de palais. Jusqu'à ce mardi 16 janvier 2001...

Jean Chatain

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