Fiche du document numéro 24889

Num
24889
Date
Samedi 6 avril 2019
Amj
Taille
176428
Titre
Rwanda : une commission d'enquête et beaucoup de questions
Sous titre
Vingt-cinq ans après les faits, la responsabilité du gouvernement français dans le génocide des Tutsi du Rwanda suscite toujours autant de polémiques.
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation




Emmanuel Macron a annoncé, vendredi 5 avril, la mise en place d'une commission d'historiens et de chercheurs chargée d'analyser toutes les archives françaises concernant l'engagement de la France au Rwanda entre 1990 et 1994. Présidée par Vincent Duclert, historien spécialiste de la IIIe République et directeur du Centre d'études sociologiques et politiques Raymond Aron, cette commission ne comporte néanmoins aucun spécialiste du génocide rwandais.

Pour rappel, il y a 25 ans débutait au Rwanda le dernier génocide du XXe siècle. Huit cent mille personnes (hommes, femmes et enfants) ont été massacrées en 100 jours, soit un septième de la population. Pas une famille, pas un village n'a été épargné.

Selon l'Élysée, cette commission aura accès à « l'ensemble des fonds d'archives français », qu'il s'agisse de celles de la Défense, des Affaires étrangères ou de la présidence de François Mitterrand, le chef de l'État alors en exercice.

En filigrane se posent la question de l'ampleur de l'assistance militaire apportée par la France au régime du président rwandais hutu Juvénal Habyarimana de 1990 à 1994 et celle des circonstances de l'attentat qui coûta la vie à ce même président le 6 avril 1994 et déclencha le génocide.


Qui sont les neuf historiens de la commission d'enquête ?



Présidée par l'historien et spécialiste de la question des génocides Vincent Duclert, cette commission devra publier son rapport dans deux ans, « avec une note intermédiaire au bout d'un an ». La commission est composée de neuf chercheurs et historiens français (cinq femmes et quatre hommes), notamment des spécialistes de la Shoah, du génocide arménien et de l'histoire contemporaine, mais... aucun spécialiste du Rwanda, ce qui n'a pas manqué de déclencher une polémique. Une pétition lancée par Christian Ingrao, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, a rassemblé plus de 300 signataires pour dénoncer l'exclusion de Stéphane Audoin-Rouzeau et Hélène Dumas, deux éminents spécialistes du Rwanda. D'autant plus que Hélène Dumas est la seule chercheuse française spécialiste du génocide parlant le kinyarwanda.

Pourquoi les archives ne sont-elles toujours pas ouvertes ?



Sur les archives, il faut savoir qu'il y a déjà énormément de documents en circulation depuis les travaux de la mission d'information parlementaire (MIP) de l'Assemblée nationale en 1998. Par ailleurs, l'ancien président français François Hollande avait donné des instructions pour rendre accessibles les archives nationales sur l'attitude de la France avant, pendant et après le génocide des Tutsi. Cette demande concernait le fonds de la présidence de François Mitterrand, dépendant des Archives nationales, et non les archives de la Défense et celles du ministère des Affaires étrangères. Chacun de ces deux ministères a procédé à une déclassification des documents présents dans les dossiers de la présidence de François Mitterrand. Une opération qui n'a fait que retarder les possibilités de consultation. Mais, surtout, ces archives sont toujours sous le contrôle de la mandataire désignée par François Mitterrand, Dominique Bertinotti.

Que dit Dominique Bertinotti, mandataire désignée par François Mitterrand ?



« Lorsque je serai sollicitée, j'envisagerai leurs demandes avec bienveillance. Ce n'est pas parce que le président de la République me le demande, c'est parce que les conditions d'examen scientifique sont réunies que je vais répondre positivement », a déclaré à l'AFP Dominique Bertinotti, mandataire des archives Mitterrand depuis 1995. Mais « rien n'est automatique », a souligné la garante des archives Mitterrand, régulièrement accusée par certains chercheurs de verrouiller leur accès.

« Pas mal d'archives de la présidence ont déjà été ouvertes. Il m'est aussi arrivé de dire non à des étudiants ou à des chercheurs dont la démarche était plus que folklorique. C'est une question de légitimité scientifique », a-t-elle insisté. « Je ne vois pas d'obstacle particulier, compte tenu de la nature de cette commission, à la consultation des archives présidentielles », a-t-elle cependant assuré, jugeant nécessaire que « le travail d'histoire se fasse ».

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024