Fiche du document numéro 2462

Num
2462
Date
Vendredi 30 avril 2010
Amj
Auteur
Taille
76552
Sur titre
Tribunes et idées France-Rwanda
Titre
France-Rwanda, 1990-1994 : le dossier. La France au cœur du génocide des Tutsi, de Jacques Morel. Éditions l'Esprit frappeur, 2010, 1 500 pages, 50 euros.
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le 25 février, Nicolas Sarkozy effectuait un passage à Kigali, le
temps d'une visite au mémorial des martyrs du génocide d'avril à
juillet 1994. Ce petit pas du chef de l'État avait été rendu possible
par le rétablissement des relations diplomatiques entre le Rwanda et
Paris, relations précédemment suspendues après les accusations portées
par le juge Bruguière, et dont le caractère provocateur et manoeuvrier
apparaît aujourd'hui avéré (les principaux témoins évoqués par le
magistrat ont notamment désavoué les propos qui leur ont été
prêtés). Depuis cette visite éclair, deux faits ont ponctué
l'actualité. D'une part, la mise sous contrôle judiciaire d'Agathe
Kanziga, veuve du président Habyarimana, que son rôle dans la
planification des massacres racistes n'avait pas empêché la France de
Mitterrand-Balladur d'accueillir en grande pompe ; une mesure qui
semble bien s'apparenter à un geste théâtral des autorités françaises
afin de leur permettre de continuer d'ignorer la demande d'extradition
formulée par Kigali. D'autre part, la confirmation par le Wall Street
Journal
de la présence de militaires français au Rwanda avant le
lancement de l'opération Turquoise et de leur participation aux
tueries massives perpétrées à Bisesero, non loin de la frontière
zaïroise, les 13 et 14 mai 1994. Ce ne serait donc pas d'erreurs
politiques, terme cher à Bernard Kouchner, qu'il faudrait parler
concernant le comportement français au Rwanda durant la période
1990-1994, mais de complicité active avec les tenants du Hutu Power,
organisateurs du génocide des Tutsi. Et de cela, l'Élysée de Sarkozy
ne veut pas plus entendre parler aujourd'hui que, hier et avant-hier,
celle de Chirac ou Mitterrand.

Le monumental ouvrage que publie l'ingénieur au CNRS Jacques Morel
multiplie les arguments en ce sens. D'autant moins réfutables qu'ils
proviennent largement de sources officielles (mission d'information de
l'Assemblée nationale française, commission d'enquête du Sénat belge,
Commission nationale indépendante rwandaise, ONU), même si certaines
d'entre elles pratiquent le culte du secret-défense et de la rétention
d'informations (à commencer par le Fonds Mitterrand, dont les archives
sont le plus souvent inaccessibles). Mille cinq cents pages de
synthèse d'une rigueur impressionnante et, à tous points de vue, un
outil de référence. Une remarque à propos de la mission parlementaire
française : Jacques Morel ne conteste pas la qualité de sa tâche, mais
il s'inscrit en faux contre le rapport de synthèse présenté par Paul
Quilès, ancien ministre de la Défense. D'une façon d'autant plus
imparable qu'il le fait à partir des documents contenus dans les
quatre tomes d'annexes à ce document.

Jean Chatain

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