Fiche du document numéro 24254

Num
24254
Date
Mercredi 10 avril 2019
Amj
Taille
262931
Titre
Transcription partielle de l'interview d'Hubert Védrine
Sous titre
Hubert Védrine : « Moi, je n’ai aucun problème avec les archives. Et les principaux chefs militaires de l’époque disent qu’il n’y a aucun problème pour eux par rapport aux archives. Donc, je n’ai pas de problème là-dessus ! ».
Nom cité
Nom cité
Source
Fonds d'archives
Type
Transcription d'une émission de radio
Langue
FR
Citation
Lien : https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-10-avril-2019

*

HUBERT VEDRINE DANS LE STUDIO DE FRANCE INTER, LE 10 AVRIL 2019.

NB. – Les principaux bégaiements ainsi que les acquiescements de complaisance des journalistes ont été supprimés.

[Début de la transcription à 11’ 14’’]

Nicolas Demorand : Hubert Védrine, c’est le 25ème anniversaire du génocide des Tutsi au Rwanda. Le rôle de la France dans ce génocide fait l’objet d’enquêtes longues et suivies de la part d’un certain nombre de journalistes et d’historiens. Certains évoquent une complicité de la France. Emmanuel Macron a demandé à une commission d’historiens de travailler sur le rôle de la France dans ce moment, 1990-1994. Est-ce que, pour commencer, vous contestez – en dépit de ces travaux d’historiens et de journalistes – l’idée de complicité de la France dans le génocide des Tutsi ?

[11’ 56’’]

Hubert Védrine : Ah, totalement. Totalement ! J’ai été extrêmement choqué de ce qu’a dit Madame Annie Faure, qui sans doute était traumatisée par le génocide. Je respecte ça et je comprends très bien. Mais ce n’est pas une raison !

[12’ 05’’]

Nicolas Demorand : Permettez-moi juste de préciser pour nos auditeurs…

[12’ 07’’]

Hubert Védrine : Elle a parlé lundi matin.

[12’ 08’’]

Nicolas Demorand : Qui l’ont entendu, effectivement, lundi matin dans le 7/9. Annie Faure est une militante socialiste, membre de Médecins du Monde au Rwanda pendant le génocide. Elle réclame que toute la lumière soit faite sur le rôle de François Mitterrand. Et sur le vôtre, Hubert Védrine, comme secrétaire général de l’Elysée à l’époque. Elle vous met nommément en cause. Elle demande au PS, donc, de faire la lumière. Vous lui répondez quoi ?

[12’ 32’’]

Hubert Védrine : Je réponds que ce sont des accusations insensées. Je respecte sa douleur, naturellement. Mais c’est insensé ! Je réfute totalement – totalement ! – ses affirmations, ses assertions qui sont fausses, qui ne reposent sur rien, qui sont diffamatoires, diffamatoires ! Et je… D’ailleurs, je me réserve d’en tirer toutes les conséquences, en ce qui concerne cette déclaration. Pour le reste, puisque vous parlez des historiens qui travaillent, je vous conseille – même en les invitant ici – de faire parler les experts belges, canadiens, les gens de la BBC qui ont enquêté sur le sujet il y a trois ans, les juges espagnols qui ont très bien analysé la technique du FPR quand il attaquait le Rwanda au début, Carla Del Ponte qui avait été empêchée d’enquêter sur certaines choses, les Congolais – pourquoi pas les Congolais, ils sont francophones aussi, vous en trouverez ici. Et tous ensemble, le point commun, c’est qu’ils ne reprennent jamais – jamais, jamais ! – les accusations qui sont maintenant dominantes dans les médias français [inaudible].

[13’ 25’’]

Nicolas Demorand : Vous contestez le travail des journalistes français ?

[13’ 28’’]

Hubert Védrine : Ça dépend lesquels. Si c’est Pierre Péan, non !

[13’ 30’’]

Nicolas Demorand : Mais sur ce sujet-là, vous… Les historiens également, vous estimez qu’ils font fausse route ?

[13’ 36’’]

Hubert Védrine : Quels historiens ? Pas « les » historiens. Certains, certains ! Par exemple, j’ai ici le Que sais-je ? de Filip Reyntjens – le principal expert belge au Tribunal d’Arusha –, Le génocide des Tutsi au Rwanda. C’est un livre impressionnant parce que la description du génocide, c’est vraiment absolument atroce, y compris pour les gens qui n’étaient pas sur place. Mais comme l’analyse n’est pas l’analyse dominante et qu’il ne s’intéresse pas tellement à la responsabilité de la France... Alors il fait des critiques sur la France, il n’est pas pro-Français non plus. Donc, il critique des erreurs d’appréciation à tel ou tel moment. Par exemple, ce n’est pas anormal de discuter sur : est-ce qu’il fallait ou pas s’engager en 90 ? Est-ce qu’il ne faut pas se demander si, après Arusha, qui était le but de la France, leur… La France ne soutenait pas un régime contre un autre clan. La France tordait le bras des deux camps – hutu et tutsi – pour leur imposer un compromis, qui a été imposé l’été 93 à Arusha. Après Arusha, on peut se dire que c’est peut-être une erreur collective géante de ne pas avoir maintenu et envoyé des forces énormes pour imposer des…, l’application des accords d’Arusha. Voilà un exemple de sujet dont on pourrait débattre s’il n’y avait pas en permanence cette accusation monstrueuse [inaudible] !

[14’ 38’’]

Nicolas Demorand : Mais vous, vous, vous… Accusations monstrueuses, dites-vous. Mais vous…

[14’ 43’’]

Hubert Védrine : C’est sur la complicité que je dis ça. Par contre, le débat est libre sur les autres points.

[14’ 47’’]

Nicolas Demorand : Oui, mais… Voilà. La commission d’historiens voulue par le président de la République est-elle à vos yeux sans objet ?

[14’ 54’’]

Hubert Védrine : Non, je n’ai pas dit ça ! D’ailleurs, je n’ai pas tellement de commentaires sur le…

[14’ 56’’]

Nicolas Demorand : Non, mais je vous pose la question.

[14’57’’]

Hubert Védrine : Emmanuel Macron, il a hérité d’une situation pourrie parce qu’en 2008, quand le régime de Kigali a fait fabriquer le rapport d’accusation contre la France. Parce qu’à l’époque, ils se… Ils avaient peur des conclusions du juge Bruguière. C’est ça l’origine de toutes les accusations, qui sont reprises en boucle, sans arrêt, sans arrêt, sans arrêt. Donc, c’est en 2008. Le président Macron, il arrive longtemps après, il est réaliste. Et il dit : « Bon, faisons le point par rapport à ça ». Moi, je n’ai aucun problème avec les archives. L’institut Mitterrand n’a aucune archive. Donc, ça relève des archives nationales. Et les principaux chefs militaires de l’époque à qui on donne enfin – enfin ! – la parole, après que ceux qui les attaquent étaient invités dans 50 endroits, disent qu’il n’y a aucun problème pour eux par rapport aux archives. Donc, je n’ai pas de problème là-dessus ! Je souhaite que cette commission… Et je pars de l’idée qu’elle fera de son mieux.

[14’ 43’’]

Nicolas Demorand : On file au standard. […]

[18’ 02’’]

Nicolas Demorand : Avant d’en venir à l’Algérie, on donne la parole à Denis, qui est au standard, Denis. Toujours sur le Rwanda, Hubert Védrine. On a énormément de questions sur ce thème-là. Denis, bonjour !

[18’ 15’’]

Denis : Bonjour. La question est très simple : que répondriez-vous, Monsieur Védrine, à un Tutsi ou un… qui demanderait… à un survivant, un survivant du génocide : « Qu’avez-vous fait, vous, pour nous sauver » ?

[18’ 30’’]

Nicolas Demorand : Merci Denis pour cette question directe. Hubert Védrine.

[18’ 34’’]

Hubert Védrine : Eh bien, d’abord, j’ai parlé souvent avec des Tutsi, des responsables. J’ai même rencontré le Président Kagame, moi, quand j’étais ministre ! Je l’ai rencontré deux fois ! S’il avait cru le quart du millième de ce que racontent tous ceux qui attaquent à Paris, il ne m’aurait évidemment pas reçu. Mais j’ai parlé deux fois avec lui, j’ai parlé beaucoup avec des Tutsi. J’ai d’ailleurs parlé avec le jeune député brillant et sympathique qu’Emmanuel Macron a désigné pour le représenter à la commémoration à Kigali.

[18’ 56’’]

Nicolas Demorand : Hervé Berville.

[18’ 57’’]

Hubert Védrine : Et par ailleurs, je rerésume mon idée : c’est que la France est le seul pays au monde qui a compris dès 90, avec les attaques du FPR, que cela allait enclencher une guerre civile. Personne n’imaginait que ça prendrait les proportions du génocide. Mais la volonté de ce petit groupe de prendre le pouvoir par la force – parce qu’ils représentaient les Tutsi de l’extérieur, 3 à 4 % – donc, en créant le chaos... Ce que les juges espagnols ont très bien expliqué, comment ils ont fait. Donc, la France a été la seule, c’est dommage ! La France a été jusqu’à Arusha, ça a été formidable ! C’est-à-dire Alain Jupé était très, très heureux, très soulagé, qu’on ait pu imposer l’accord d’Arusha. Je pense qu’il y a eu une certaine crédulité, une certaine naïveté en ne cherchant pas à rester à Arusha, après. En faisant venir beaucoup de forces internationales. Mais il est vrai que le FPR posait comme conditions – parce qu’il voulait prendre tout le pouvoir en fait – qu’on ne reste pas. Donc, je dirais : bah, ce qui s’est passé est atroce. Mais la France est le seul pays qui a tenté. C’est un pompier qui a échoué, puisque ça n’a pas marché…

[19’ 48’’]

Alexandra Bensaïd : Mais ensuite, pendant…

[19’ 49’’]

Hubert Védrine : Mais on peut faire tous les reproches qu’on veut, sauf celui de complicité !

[19’ 51’’]

Alexandra Bensaïd : Mais pendant le génocide, est-ce que… Alors vous récusez le terme de complicité, mais pendant le génocide…

[19’ 55’’]

Hubert Védrine : Evidemment, évidemment [sourire] !

[19’ 56’’]

Alexandra Bensaïd : Il y a des questions sur l’attitude des militaires français de l’opération Turquoise. Est-ce que vous dites, Hubert Védrine, qu’il n’y a pas de zones d’ombre. Je pense au massacre de Bisesero. Est-ce que vous dites qu’il n’y a pas des choses, quand même, à éclaircir ?

[20’ 08’’]

Hubert Védrine : Les chefs militaires français ont répondu souvent là-dessus, en disant que s’ils avaient pu, s’ils avaient les moyens. Il y avait énormément d’alertes sur beaucoup d’endroits, ils n’avaient pas beaucoup de moyens. Ce n’était pas tout à fait le mandat des Nations unies. Je rappellerai sur Turquoise : si la France avait été – comme le disent certains complotistes – l’ami d’un régime génocidaire, elle n’aurait pas attendu des semaines aux Nations unies, pour avoir l’accord des Nations unies, pour y aller, pour faire une opération humanitaire ! Elle aurait envoyé une force tout de suite, dans la semaine, s’il s’agissait de maintenir le pouvoir dans ce régime. Donc, il y a une sorte d’incohérence dans l’accusation. Quant à l’affaire Turquoise, donc, elle a eu lieu au bout de plusieurs semaines. Il n’y avait pas que des forces françaises ! Il y avait des forces d’autres pays, notamment africains. Et les responsables militaires français… Je sais bien que la culture moderne, c’est de ne pas croire les chefs de quoi que ce soit. Il n’empêche que Lanxade, Lafourcade, Quesnot ont eu à répondre 36 fois. Quesnot a gagné en diffamation contre Saint-Exupéry sur ces sujets !

[20’ 56’’]

Alexandra Bensaïd : Patrick de Saint-Exupéry, journaliste.

[20’ 57’’]

Hubert Védrine : Oui !

[20’ 57’’]

Alexandra Bensaïd : Il a bien fait Emmanuel Macron d’envoyer le député Berville et de ne pas se rendre lui-même aux commémorations du génocide ?

[21’ 03’’]

Hubert Védrine : Moi j’ai… Moi, je pense qu’il a… Oui, il a bien fait, oui, oui… Il est…

[21’ 05’’]

Alexandra Bensaïd : Pourquoi ?

[21’ 06’’]

Hubert Védrine : Eh bien écoutez, faites parler ce Berville, vous verrez pourquoi le Président a eu raison de le choisir.

[Fin de la transcription à 21’ 11’’]

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024