Fiche du document numéro 24196

Num
24196
Date
Vendredi 22 décembre 2000
Amj
Auteur
Taille
154777
Titre
Argent sale. Enquête sur un trafic d'armes vers l'Afrique
Sous titre
Jean-Christophe Mitterrand en garde à vue
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Proche de Charles Pasqua, l'ex-préfet Charles Marchiani est également impliqué par les juges d'instruction. Ainsi que le « metteur en livres » Paul-Loup Sulitzer. Récit.

Jean-Christophe Mitterrand a été placé jeudi matin en garde à vue à Paris dans le cadre d'une enquête sur une affaire de blanchiment d'argent entre la France et l'Afrique. Le fils de l'ancien président était interrogé hier matin dans les locaux de la brigade financière de la police judiciaire de Paris, dans le 13e arrondissement, où il avait été convoqué.

Le 1er décembre, une perquisition avait été menée à son domicile. Il avait à cette occasion été interrogé comme témoin par les juges d'instruction parisiens Philippe Courroye et Isabelle Prévost-Desprez. Selon ce qu'il est convenu d'appeler « une source proche de l'enquête », Jean-Christophe Mitterrand est soupçonné d'avoir reçu des versements d'argent de Pierre Falcone, dirigeant de fait de Brenco International (une entreprise de vente d'armes), mis en examen et écroué le 1er décembre dans cette affaire. Pour vente sans autorisation d'armes à l'Angola. La justice soupçonne Pierre Falcone d'avoir tenté de profiter des relations de Jean-Christophe Mitterrand, conseiller pour les Affaires africaines à l'Élysée de 1986 à 1992, période où il avait reçu le surnom de « papamadit ». L'ancien directeur général de la Sofremi (Société française d'exportation du ministère de l'Intérieur), Bernard Poussier, a été mis en examen et écroué la semaine dernière pour cette affaire. Jean-Noël Tassez, ex-directeur de Radio Monte-Carlo (1991-1996) et ancien président de la Sofirad (1994-1995), organisme qui détient les participations de l'État dans une trentaine de sociétés audiovisuelles en France et à l'étranger, est également poursuivi mais a été laissé en liberté sous contrôle judiciaire. Leurs noms apparaissent sur des disquettes informatiques, saisies par les enquêteurs au cours d'une perquisition, comportant une liste de personnes et de sociétés rémunérées par Brenco International en marge de contrats d'armement. Un mandat d'arrêt international a en outre été délivré contre Aracadi Gaydamak, présenté comme un industriel milliardaire né en Russie mais disposant de quatre nationalités (israélienne, française, angolaise et canadienne). Il aurait été le partenaire dans diverses opérations africaines de Pierre Falcone.

Les enquêteurs s'étaient également rendus récemment au domicile parisien du député européen Jean-Charles Marchiani (RPF) ainsi qu'au siège du Rassemblement pour la France (RPF) à Neuilly et au conseil général des Hauts-de-Seine, présidés par Charles Pasqua. Dans un communiqué, Jean-Charles Marchiani avait précisé avoir témoigné devant la police sur « les conditions de négociation et d'exécution d'accords de coopération en matière de police et de sécurité entre la France et certains pays africains ».

Ce dernier nom semble confirmer l'existence de passerelles entre les divers réseaux de la « Françafrique ». En l'occurrence entre celui impulsé par Jean-Christophe Mitterrand, habitué des résidences présidentielles africaines, y compris, jadis, des dictateurs rwandais (Habyarimana) et zaïrois (Mobutu), et le « réseau Pasqua » où se côtoyaient, outre l'ancien préfet Marchiani, des hommes comme Daniel Léandri (ancien conseiller d'Elf International), André Tarallo (le « M. Afrique » d'Elf) ou le lieutenant-colonel Jean-Claude Mantion. Sans parler des contacts permanents avec les incontournables DGSE et SCTIP (Service de coopération internationale et technique de police).

Toutes ces personnalités sont plus ou moins familières à ceux qui suivent, ou plutôt tentent de suivre car la transparence n'est pas leur première vertu, les relations France-Afrique. Au milieu, un autre fait sursauter. Celui du spécialiste es best-seller, Paul-Loup Sulitzer, 64 ans, lui aussi placé jeudi en garde à vue, qui se qualifie lui-même de « metteur en livre » et non pas « d'auteur ». Durant la décennie quatre-vingt, il avait mis en place un très efficace « système » consistant à construire et rédiger ses ouvrages avec l'aide de nombreux collaborateurs et documentalistes, puis à les promouvoir avec les techniques de marketing les plus poussées. « Je pourrais écrire un livre tout seul. J'écris très bien. Parfois mieux que mes nègres », avait déclaré, avec une charmante modestie, en 1997 à l'Événement du jeudi ce redoutable homme d'affaires qualifié par le mensuel Lire de « financier ayant fait de la richesse sa philosophie ». Celui qui fut « le plus jeune PDG de France » vers le milieu des années soixante a multiplié les romans situés dans les milieux de la haute finance. Aux titres évocateurs : Money (1980), Cash (1981), Fortune (1982), le Roi vert (1983), Duel à Dallas (1984), les Riches (1991). Il a aussi commis un essai : Laissez-nous réussir.

Jean Chatain

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