Fiche du document numéro 2417

Num
2417
Date
Mardi 7 avril 1998
Amj
Auteur
Taille
5991
Titre
Octobre 90, « opération Noroît »
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
OCTOBRE 1990, des troupes françaises, belges et zairoises sont expédiées au
Rwanda où la dictature Habyarimana est menacée par l'offensive du Front
patriotique rwandais. Très vite, après un vif débat au Parlement, la
Belgique, consciente que le motif avancé (la protection de nos compatriotes
résidant dans le pays) n'est pour Paris qu'un prétexte, décide de retirer
ses troupes. Côté Zaïre, la 'division spéciale présidentielle' du
maréchal-gangster Mobutu s'illustrant surtout par son goût du pillage et du
viol, doit également quitter les lieux. Ne restent donc sur place que les
militaires français qui, à plusieurs reprises, interviendront directement
dans les combats, sauvant ainsi une dictature en passe d'être militairement
défaite. D'où cette phrase que j'ai entendue répéter à plusieurs reprises en
avril-mai 1994, au moment même où le génocide était à son paroxysme: 'Sans
les Français, 'çà' n'aurait pu arriver'.
La première fois que cette accusation m'a été assenée, c'était en conclusion
d'une interview. Recueillie à Rukara (préfecture de Kibungo, dans l'est du
pays). Un adulte d'une quarantaine d'années. Seul survivant de sa famille.
Les corps de sa femme et de ses enfants pourrissaient sur la place voisine
de l'église, parmi un millier de cadavres. Aucune inhumation ou crémation
n'avait encore pu être effectuée. Le village entier puait la mort.
L'opération Noroît est souvent passée sous silence. Le génocide n'a pas
explosé au début d'avril 1994 comme un coup de tonnerre imprévisible. Il est
donc nécessaire de revenir sur les événements ayant ponctué cette
intervention militaire directe décidée par l'Elysée.
* Janvier 1991. Le FPR libère la prison de Ruhengeri (nord-ouest) et ouvre
un front dans la région de Byuma (nord-est). Un détachement français
intervient. Avec artillerie (servie par des FAR - Forces armées rwandaises
-, mais encadrée par des gradés français). Une colonne FPR avançant vers
Kigali est stoppée par un hélicoptère de combat français piloté par des
Français.
* Février 1991. Janvier Afrika, un transfuge des 'escadrons de la mort'
organisés par 'l'Akazu' ('maisonnée' de l'épouse d'Habyarimana) affirmera
ultérieurement avoir été 'formé' à cette date et durant les trois mois
suivants par des militaires français. Il précisera que ceux-ci
'instruisaient' également des miliciens interahamwe.
* Novembre 1991. Me Eric Gillet, responsable belge de la Fédération
internationale des droits de l'homme, révèle que des interrogatoires
'musclés' des prisonniers FPR ou de personnes soupçonnées de sympathie
envers la rébellion sont menés par des officiers français.
* Février 1992. Le lieutenant-colonel Chollet est détaché par Paris auprès
du général-président Habyarimana 'pour l'organisation de la défense et le
fonctionnement de l'institution militaire'.
* Janvier 1993. Une commission d'enquête internationale, conduite notamment
par la FIDH, parcourt le Rwanda. L'un de ses membres, Jean Carbonare,
affirme avoir vu des 'instructeurs' français dans le camp de Bigogwe, où
l'on 'amenait des civils par camions entiers'. 'Ils étaient torturés et
tués.'
* Février 1993. La France renforce son dispositif militaire au Rwanda.
* Décembre 1993. Après la signature des accords d'Arusha (en août
précédent), les troupes françaises quittent le pays. Mise en place de la
MINUAR (mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda).
Durant toute cette période de présence militaire française, des massacres
organisés, véritables 'répétitions' du génocide à venir, se multiplièrent.
Visant les familles tutsi et les opposants hutu au régime Habyarimana. Cela,
dès octobre 1990, date d'arrivée des militaires français, avec les tueries
de Kibilira. En janvier 1991, la communauté tutsi des Bagogye est
exterminée. Mars 1992, massacres dans le Bugesera. Mai 1992, massacres dans
la région de Kibuye. Décembre 1992, massacres dans la région de Gisenyi, le
fief du clan Habyarimana... Autant de carnages organisés par l'Etat à son
plus haut niveau et perpétrés au su et au vu des militaires et diplomates
français présents sur le terrain.
J. C.

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