Fiche du document numéro 2409

Num
2409
Date
Jeudi 21 novembre 1996
Amj
Auteur
Taille
137719
Surtitre
International
Titre
France-Rwanda : trafics d'armes à répétitions
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
« L'ETABLISSEMENT de l'exacte vérité sur le génocide rwandais ainsi que
le jugement des responsables nécessitent l'effort de tous. Je m'engage
pour ma part à ce que la France fasse tout ce qui est en son pouvoir
pour y contribuer
 ».. Pétition formulée par le candidat Jacques Chirac
dans les colonnes du Monde en date du 7 avril 1995, premier
anniversaire du début des massacres des opposants hutu à la dictature
de Kigali et des familles tutsi.

Dans ce domaine comme dans de nombreux autres, l'élection de Jacques
Chirac s'est accompagnée de l'oubli immédiat des engagements pris
lors de la campagne. Il serait même plus exact d'affirmer que le
comportement de l'Elysée leur tournera résolument le dos. Trait
dominant de ce comportement, l'entêtement à nier toute responsabilité
passée et actuelle dans la tragédie rwandaise. A cet égard, la
continuité avec la présidence antérieure est flagrante.

En particulier en ce qui concerne les accusations périodiques de
trafic d'armes en faveur des miliciens interahamwe et des ex-FAR
(Forces armées zaïroises) réfugiés dans la partie occidentale du
Zaïre, où ils faisaient régner leur loi sur les camps. Les révélations
apportées par l'Humanité dans son édition d'hier, concernant des
livraisons en provenance de deux entreprises françaises - la SOFREMAS
et la société Luchaire - à destination des organisateurs du génocide
soucieux d'acquérir les moyens d'une revanche sur la débâcle de la
dictature ont été précédées d'autres accusations. Chacune d'elles fut
suivie d'un démenti désinvolte, voire d'un mutisme complet.

Quelques rappels à cet égard



HRW (Human Rights Watch) publie fin mai 1995 un rapport d'enquête
intitulé: « Rwanda-Zaïre, réarmement dans l'impunité. Le soutien
international aux perpétrateurs du génocide rwandais
 ». Evoquant
« l'opération Turquoise », l'ONG accuse la France d'avoir voulu ménager
pour les ex-FAR la possibilité de reconstituer leur potentiel
militaire, armes lourdes comprises. Il accuse également Paris d'avoir
protégé les responsables du génocide et favorisé par la suite
l'entraînement en Centrafrique de troupes du « Hutu Power ». Enfin il
parle de complicité franco-zaïroise dans le réarmement de ces forces
issues de l'ancienne dictature Habyarimana.

Le document de HRW a été corroboré par plusieurs reportages de la BBC.
Ou par Amnesty International confirmant notamment des livraisons
d'armes aux Interahamwe et aux FAR, via Goma, au moins « jusqu'à la
mi-mai 1995
 ». A un rythme hebdomadaire, était-il précisé: « les mardis
à 20 h 30 locales
 »...

Dans un ouvrage collectif publié en novembre 1995 - « Jacques Chirac et
la Françafrique
 » (l'Harmattan éditeur) - les associations Agir ici et
Survie reviennent sur la période des tueries (avril-juillet 1994) et
constatent: « Le gouvernement français s'est enferré dans une série
de démentis dont la crédibilité évoque l'affaire du Rainbow-Warrior.
Tandis que l'ex-consul de France Jean-Claude Urbano avouait des
livraisons d'armes postérieures à l'embargo décrété par l'ONU, la rue
Monsieur prétendait que ces armes étaient destinées... aux forces
africaines de l'opération Turquoise
 ».

Accusation concernant la période récente, portée cette fois par
certains titres de la presse flamande, notamment le quotidien De
Morgen
: le groupe d'armement Herstal livre des munitions aux milices
et FAR réfugiées au Zaïre à partir d'une de ses usines basée au Kenya.
« C'est quasiment toute la production de l'usine qui est achetée à
Nairobi
 », affirme le journal citant un coopérant employé au Kenya. Le
financement des achats serait assuré par « le produit du vol de
marchandises livrées au titre de l'aide humanitaire
 ».

Une remarque: Herstal, groupe liégeois propriétaire des armes de
chasse Browning et Winchester aux Etats-Unis, est, depuis 1990,
filiale majoritaire du groupe français GIAT-Industries. Lequel est
également propriétaire de la société Luchaire. Dans les affaires
d'armes, qu'elles soient officielles ou officieuses, on retrouve
toujours les mêmes noms.

JEAN CHATAIN.

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