Fiche du document numéro 24054

Num
24054
Date
Lundi 11 janvier 1993
Amj
Taille
86123
Titre
Condamnation générale
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
UN vice-premier ministre bosniaque a été assassiné vendredi soir près de Sarajevo. Hakija Turajlic, dont les obsèques se sont déroulées dès samedi matin dans le petit cimetière d'une mosquée jouxtant l'immeuble de la présidence, est mort tué par sept balles tirées par un membre des milices serbes qui avaient stoppé le blindé de la FORPRONU de retour de l'aéroport. Selon des militaires français et plusieurs témoignages de journalistes en poste à Sarajevo, le crime serait un acte isolé. Le ministère de la Défense a diffusé samedi à Paris un texte donnant des précisions sur « les circonstances de l'assassinat ». En voici l'intégralité.

« Vendredi 8 janvier, vers 16 h 30, le bataillon d'infanterie français de Sarajevo a appris par le réseau radio qu'un véhicule de l'avant blindé (VAB) de la compagnie de commandement se trouvait arrêté au barrage serbe de Kasindol Street, à 400 mètres de l'aéroport, car un de ses passagers n'était pas en mesure de produire des documents de libre circulation en règle. Simultanément, un autre VAB avait été arrêté au même barrage, les Serbes voulant se saisir d'un des ouvriers civils du bataillon, pourtant en règle.

« Le chef de bataillon, le colonel Sartre, s'est alors porté sur les lieux et a obtenu le départ du VAB dans lequel se trouvait l'ouvrier civil. Il a également obtenu le départ de deux véhicules de transport de troupes britanniques dont les Serbes ne voulaient pas laisser passer les passagers musulmans, des conducteurs du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR), ainsi que deux blindés à roues ukrainiens.

« Le barrage était tenu par des blindés chenillés à canon de 25 mm et par une cinquantaine de miliciens armés d'armes antichars, de fusils d'assaut Kalachnikov et de diverses armes automatiques. Ces miliciens ont alors pris à partie le chef du bataillon français au sujet du passager du VAB de la compagnie de commandement, ayant reconnu le vice-premier ministre bosniaque Hakija Turajlic. Ils ont accusé la FORPRONU de « complicité avec leur ennemi » et ont manifesté une agressivité croissante.

« L'officier français a tenté de négocier le départ du dernier VAB avec les chefs locaux, arrivés sur les lieux et tous connus de lui. Au cours de la discussion, qui a duré près de une heure quarante-cinq minutes, la tension a continué de monter et lorsque le plus gradé des responsables serbes présents a déclaré qu'il allait s'emparer de force du passager du VAB français, le colonel Sartre s'est placé en travers de la porte arrière du VAB, avec un légionnaire de chaque côté de lui. Un milicien serbe maintenait la porte ouverte de force.

« Le chef du bataillon français et les deux légionnaires ont été tenus en joue pendant près d'une demi-heure, à bout portant, par deux RPG et cinq armes automatiques. Cependant, les chefs serbes se sont laissé convaincre d'attendre des ordres de leur hiérarchie et ont entrepris de faire baisser la tension parmi leurs miliciens.

« La tension était presque retombée et l'officier français espérait pouvoir négocier la fermeture des portes du VAB lorsque deux ou trois miliciens très excités ont tenté de l'arracher de l'embrasure de la porte. Les chefs serbes se sont interposés. L'un des miliciens s'est alors reculé et a brandi un pistolet de fort calibre, tirant plusieurs coups au-dessus de l'épaule gauche du chef de bataillon français, en direction du ministre bosniaque.

« Maîtrisé par ses camarades, le milicien serbe s'est libéré et a pu tirer plusieurs autres coups. Visiblement effrayés par ce qui venait de se passer, les chefs serbes ont immédiatement dégagé la route pour permettre l'évacuation du blessé. Le vice-premier ministre bosniaque a immédiatement été transporté au groupe médico-chirurgical du PTT Building, où l'on n'a pu que constater le décès. »

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024