Fiche du document numéro 23991

Num
23991
Date
Samedi Mars 2014
Amj
Taille
1857247
Titre
Comprendre le génocide rwandais. Témoignages, révélations, analyses [Extrait pp. 72-111]
Page
72-111
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Type
Livre (extrait)
Langue
FR
Citation
page 96

Alain Didot a installé à son domicile. Alain est coopérant
gendarme, il est spécialisé réparateur radio et forme des
gendarmes rwandais

Dans l'après-midi, il nous signale d'importants mouve-
ments de troupes du FPR, qui passent sur la piste devant
son domicile, L'Ambassade lui demande s'il estime être en
sécurité pour passer la nuit chez lui, Il répond : « Si je
pars il n’y aura plus de liaison radio possible avec les coo-
pérants de Kanombe et l'aéroport ». Puis il ajoute :
« Pour l'instant, je ne veux pas encore quitter la maison,
je prendrais une décision demain »

Cette fin de journée va être très mouvementée pour
nous à la tour de contrôle. En fin d'après-midi, de retour
de l'Ambassade, notre commandant nous informe discrè-
tement qu’un avion transal français, va effectuer un vol de
reconnaissance à la tombée de la nuit, Il tentera un atter-
rissage d'assaut sur la piste, tous feux éteints, pour ne pas
se faire tirer dessus. Pour cela, il nous demande de
convaincre le contrôleur d'actionner l'éclairage de l’aéro-
port, le moment venu. Quant à lui, il va tenter de trou-
ver le lieutenant-colonel, commandant le bataillon para-
commando, pour le convaincre de faire dégager les barra-
ges qui se trouvent sur la piste d'atterrissage. Vers 17 heu-
res ils arrivent tous les deux à la tour de contrôle. Le
contrôleur nous confirme qu'il est d'accord pour éclairer
la piste et aussitôt le lieutenant-colonel redescend, prend
sa jeep et fait le tour des barrages.

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Lorsqu'il arrive en bout de piste et qu'il revient vers
nous, les occupants commencent à dégager leurs barrages.
Entre-temps, notre commandant nous informe que si ça
réussit, le lendemain au lever du jour, trois compagnies
parachutistes françaises doivent arriver pour nous aider à
évacuer nos ressortissants. Il ajoute qu’il ne faut surtout
pas parler d'évacuation de ressortissants au commandant
du bataillon para-commando, car il pense que les paras
français viennent pour l'aider à combattre le FPR.

Je ne me souviens plus précisément de l'heure d'arrivée
du Transal, mais comme la nuit tombe tôt au Rwanda, il
est certainement arrivé entre 19 heures et 20 heures.

Une quinzaine de minutes avant d'entamer la descente
sur la piste, le pilote prend contact avec nous à la tour de
contrôle, nous l’informons que la piste est libre et lui
transmettons les consignes. Il faut absolument éviter le
bout de piste côté ville, car on n’est pas certain qu'il soit
sous le contrôle de l’armée régulière et surtout, il ne faut
pas décoller vers Kigali où se trouve le FPR, mais dans
l’autre sens, vers le camp de Kanombe. Quelques minutes
plus tard, le Transal se pose, il fait aussitôt demi-tour sur
la piste d’atterrissage à hauteur de la tour de contrôle et
redécolle,

Le lieutenant-colonel, sur le coup, ne comprend pas
pourquoi l’avion repart sans rien déposer. Le comman-
dant le rassure en lui disant qu'il faut maintenir la piste
dégagée, car d'autres avions doivent arriver avec les para
chutistes français. Pendant que le commandant donne
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cette information, le pilote du Transal reprend contact
avec nous à la tour et il nous dit : « C’est OK, à demain
matin ». Heureux d’entendre cette nouvelle, le lieutenant-
colonel rwandais, dans un geste d'euphorie, nous saute au
cou et nous dit : « Merci la France, vous allez nous sau
ver ».

Une autre bonne nouvelle va arriver vers 21 heures
Alain reprend un dernier contact radio, pour nous dire
que tout va bien. Il nous souhaite bonne nuit et nous dit
à demain matin pour la vacation de 9 heures.

À la tour de contrôle, avec mon collègue, nous sommes
soulagés.

Cependant, la nuit va nous paraître très, très longue,
car au lieu de fermer les yeux, nous allons au contraire les
garder grands ouverts toute la nuit. Il nous faut être cer-
ains que personne ne profitera de la nuit pour s'infiltrer
dans l'aéroport et barrer de nouveau la piste d'atterrissage.
Pour cela, nous demandons au contrôleur de laisser
l'éclairage toute la nuit et, chacun sur un secteur, nous
surveillons que tout se passe bien.

Ce samedi 10 avril, vers 5 heures, la radio du contrô-
leur crachouille. C'est le pilote du premier Transal qui
prend de nouveau contact. Nous sommes heureux de lui
annoncer que tout est « OK » et lui répétons les mêmes
consignes que la veille.

Quelques minutes plus card, nous entendons le bruit
sourd des moteurs du premier Transal qui vient de se
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poser sur la piste. Mon collègue reste à la tour de contrôle
et moi je descends sur le parking avec le commandant qui
vient de nous rejoindre. Lorsque la rampe du Transal
commence à s'abaisser, j'aperçois une vieille connaissance
C'est le capitaine Millet qui commande la quatrième
compagnie du 3e RPIMa qui arrive. Au moment de lui
serrer la main, une grande émotion m'envahit. Cela va
aussi marquer le capitaine, car quelques jours plus tard il
donnera une interview, qui relatera le caractère émouvant
de cette rencontre.

Pendant que nous discutons, les parachutistes prennent
immédiatement position face à la piste et le Transal repart
aussitôt. Accompagnés de mon chef, nous le conduisons
à l’intérieur de l’aérogare, nous lui expliquons la situation
sur place et il nous dit que l’opération d'évacuation
« Amaryllis » a été déclenchée le 8 avril. II nous confirme
aussi ce que nous craignions. Leur mission consiste uni-
quement à évacuer les ressortissants français et éventuelle-
ment les Européens qui le souhaitent, le plus rapidement
possible et de repartir sans s'interposer dans le conflit
rwandais,

Un autre Transal se pose avec à son bord le comman-
dant de l'opération, le colonel Henri Poncet. Au final, ce
sont environ 500 hommes qui vont arriver (deux compa-
gnies du 3e RPIMa et la 3e compagnie du 8e RPIMa, au
sein de laquelle j'ai servi pendant quatre ans). Cette com-
pagnie est actuellement commandée par le capitaine
Conte, que je connais depuis 1980, au moment où nous
étions chef de groupe dans la même section.

L'évacuation des ressortissants français
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