Fiche du document numéro 2390

Num
2390
Date
Vendredi 5 août 1994
Amj
Taille
108965
Titre
Les preuves d'un génocide programmé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
IL est de bon ton, aujourd'hui, dans les milieux officiels français,
d'affirmer que les autorités françaises, à aucun moment, n'ont été
complices du régime rwandais dont la dérive raciste était pourtant
avérée depuis plusieurs années. Au cours des derniers mois,
« l'Humanité » a publié des documents qui apportent la preuve tant de la
montée de la haine organisée systématiquement par la dictature que de
la complaisance officielle française. Voici des extraits de quatre
documents significatifs:

En décembre 1990, soit trois mois après l'intervention d'un corps
expéditionnaire français aux côtés des forces du général-président
Habyarimana, le mensuel « Kangura » (le « Réveil », un périodique
officieux de la mouvance présidentielle) publie « les dix
commandements
 » du racisme. En dernière page de ce même numéro figure
un portrait de François Mitterrand, avec comme légende un dicton local
selon lequel « les grands amis, on les rencontre dans les
difficultés
 ». Le texte affirme que tout « Hutu doit savoir que la femme
tutsie, où qu'elle soit, travaille à la solde de son ethnie
tutsie
 ». Partant de là, « est traître tout Huta » qui « épouse une
Tutsie
 », l'emploie ou la protège. « Tout Tutsi est malhonnête » et « ne
vise que la suprématie de son ethnie
 ». Donc est «« raître tout Hutu »
qui « fait alliance avec un Tutsi ». Les « postes stratégiques » dans le
service public « doivent être confiés aux Hutus ». L'armée doit être
« exclusivement hutue ». Les « Hutus doivent cesser d'avoir pitié des
Tutsis
 ». En conclusion, le texte ordonne de « diffuser largement la
présente idéologie
 ».
(Voir «l'Humanité» du 2 juillet 1994.)

Le 15 février 1991, l'ambassadeur de France à Kigali donne une
interview à la revue « la Relève ». Georges Martres déclare notamment:
« Aucun pays ne peut se vanter de respecter parfaitement les droits de
l'homme, y compris les pays démocratiques de l'Occident. Les
observateurs parlent ici de personnes détenues ou de conditions de
détention qui ne sont sûrement pas exemptes de toutes critiques
(...). Mais compte tenu que le pays est placé devant une situation
exceptionnelle,
(...) il est assez inévitable que le problème de
défense des droits de l'homme se pose.
» Par conséquent, les autorités
rwandaises sont priées d'améliorer la qualité de leur information, ce
qui permettrait « lde démentir certaines allégations apportées par des
chancelleries occidentales, par des parents et des amis de l'extérieur
(des) détenus
 ».
(Voir « l'Humanité » du 11 mai 1994.)

Ce sont des militaires français qui ont formé et encadré l'armée et
les milices rwandaises. Un officier français dirigeait l'armée de la
dictature. Une lettre officielle datée du 3 février 1992, adressée par
les autorités rwandaises à l'ambassade de France, confirme notamment
que le lieutenant-colonel Chollet est chargé de « conseiller » le chef
de l'Etat et le chef d'état-major sur « l'organisation de l'armée
rwandaise; l'instruction et l'entraînement des unités; l'emploi des
forces
 ». Le document précise que l'officier supérieur français est
« habilité à se déplacer (...) dans les différents secteurs
opérationnels et garnisons, et à travailler en étroite collaboration
avec les responsables locaux
 ». C'est-à-dire avec les autorités
militaires mais aussi les préfets, bourgmestres et chefs miliciens,
fer de lance du génocide.
(Voir « l'Humanité » du 30 juin 1994.)

Le 4 décembre 1991, une réunion présidée par Habyarimana, lance une
vaste campagne d'endoctrinement de la population sur les thèmes
suivants:
« L'ennemi et ses partisans se recrutent essentiellement parmi les
groupes sociaux suivants: les réfugiés tutsis; les Tutsis de
l'intérieur; les Hutus mécontents du régime en place; les sans-emploi
de l'intérieur et de l'extérieur du Rwanda; les étrangers mariés aux
femmes tutsies; les peuplades nilo-hamitiques de la région; les
criminels en fuite
 » ainsi que « les milieux religieux et les
professeurs
 ». Au cours de l'une des nombreuses assemblées populaires
organisées jusque dans le plus petit village, un responsable du parti
de la dictature lançait à Gisenyi, le 22 novembre 1992, l'appel
suivant: « Ecoutez bien ceci: nous demandons instamment qu'on fasse une
liste de tout ce monde, que tous ces gens soient traduits en
justice. (...) Si ce n'est pas fait (...) nous nous occuperons
nous-mêmes de massacrer cette bande de salauds. C'est dit dans
l'Evangile, vous le savez, que le serpent vient de mordre et que vous
le laissez traîner parmi vous, c'est vous qui périrez.
 »
(Voir « l'Humanité » du 28 juin 1994.)

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