Fiche du document numéro 23814

Num
23814
Date
Mardi 25 juillet 2017
Amj
Fichier
Taille
1111258
Titre
Quand le nouveau chef d'état-major, François Lecointre, défendait des auteurs du génocide des Tutsi au Rwanda
Type
Note
Langue
FR
Citation
Quand le nouveau chef d'état-major, François
Lecointre, défendait des auteurs du génocide des
Tutsi au Rwanda
Jacques Morel
25 juillet 2017, v1.0

Résumé

François Lecointre, nouveau chef d'état-major des armées, a fait partie
de l'opération Turquoise en tant que capitaine d'infanterie de marine. Il
y a collaboré avec des organisateurs du génocide des Tutsi et aronté des
soldats du Front patriotique rwandais (FPR) qui y mettaient n.

Figure

1  Le colonel Francois Lecointre. 16 ans après avoir accompli l'assaut
du pont Vrbanja, à Sarajevo, avec une section du 3e RIMa, ce marsouin devient
patron de la 9e BLBMa. Source : Raids no 302, juillet 2011, p. 5

1

2

Né en 1962, François Lecointre est ocier des troupes de marine. Il participe
à la guerre en Irak.

1 Il est élevé au grade de capitaine en 1991. 2

Participant à l'opération Turquoise au Rwanda en 1994, il commande la
1re compagnie du 3e Régiment d'infanterie de marine (3e RIMa) de Vannes.
Stationnée au Gabon, sa compagnie arrive à Goma le 2 juillet.

3 Il est intégré au

groupement Nord Turquoise commandé à Kibuye par le colonel Patrice Sartre.
Le secteur qui lui est coné est centré sur la commune de Gisovu.

4 Il se fait fort

d'avoir sauvé  plus d'une centaine de Tutsis  mais il se garde bien d'empêcher
les miliciens d'accomplir leur sinistre besogne. En eet pour placer les Tutsi
sous sa protection une méthode, dit-il, est  la récupération qui consiste, après

avoir xé rendez-vous en un point le plus discret possible, et à une heure avancée
de la nuit, à s'y rendre au moyen d'intensicateurs de lumière an de ne pas
être repéré par les miliciens qui poursuivent leurs patrouilles de nuit, y prendre
livraison des enfants sauvegardés et les ramasser dans nos implantations à l'aide
de véhicules bâchés. 

5

Ses explications montrent clairement que les miliciens restent libres d'agir
dans la zone dite  humanitaire sûre  par les Français. Responsable des troupes
à Gisovu (Kibuye), il collabore avec Alfred Musema, directeur de l'usine à thé.
Alfred Musema est un des organisateurs des massacres dans la région de Bisesero. Il a été condamné à perpétuité pour génocide par le TPIR (16 novembre
2001).
Entre autres forfaits accomplis par Musema, le survivant B. K. rapporte :
Le 13 [mai], j'ai vu Musema prendre Gorette Mukangoga ; elle
était enceinte. Musema l'ouvrit d'un coup d'épée, disant qu'il voulait  voir le ventre d'une femme tutsie . Il garda son sang-froid
durant tout l'épisode. C'était atroce. J'ai vu nettement ce qu'il faisait. J'étais caché à proximité de l'endroit où Musema avait garé sa
voiture rouge. J'ai continué de le voir à Bisesero après cela, nous
tirant dessus sans cesse.

6

Le 18 juillet 1994, Lecointre avise Musema de son remplacement dans une
lettre qui est déposée comme pièce à conviction par la défense de ce dernier :
La pièce à conviction D81 est une lettre du capitaine Lecointre
de l'armée française, adressée à Musema et datée du 18 juillet 1994.
L'auteur de la lettre explique qu'il quittait la zone pour une autre
et que le lieutenant Beauraisain était désormais chargé du commandement des troupes stationnées à Gisovu.

7

1. Raids, no 101, p. 29. http://www.francegenocidetutsi.org/raids101.pdf#page=29
2. Le lieutenant Lecointre (François, Gérard, Marie) des troupes de marine est nommé au
grade de capitaine le 1er juillet 1991, J.O. no 155 du 5 juillet 1991, NOR : DEFM9101576D.
3. Capitaine Lecointre, Le 3e RIMa et l'opération Turquoise in Jean-Claude Lafourcade,
Dossier Turquoise, L'Ancre d'Or, janvier 1995, p. 10. http://www.francegenocidetutsi.org/
AncredOrJanvier1995.pdf#page=5

4.
5.
6.
7.

Ibidem.
Ibidem, p. 11.
African Rights : Résistance au génocide : Bisesero [2, p. 41].
TPIR, Le Procureur c. Alfred Musema. Jugement et Sentence, Aaire no ICTR-

3

Cette lettre à Musema est corroborée par ce que rapporte Lecointre :
 Le surlendemain, 18 juillet, la compagnie reçoit l'ordre, tout
en conservant la responsabilité de la région de Gisovu, d'interdire
la pénétration de la ZHS [zone humanitaire sûre] sur un front d'une
quinzaine de kilomètres dans la région de Rugabano. Laissant la
2e section assurer seule la sécurité dans notre secteur initial, nous
rejoignons en six heures de piste notre nouvelle zone d'action [...] 

8

Musema, de son côté, parle de sa collaboation avec Lecointre :
The contingent of the French military mission, TURQUOISE",
arrived in Kibuye on 22 June. Our tea factory was in the humanitarian security zone. The 3rd regiment of Marines asked to be Siationed
near the factory. À Guest House and two abandoned houses were allocated to them. Captain Lecointre and Lieutenant Beauraisin were
the commanders. I contacted the mission in order establish an improved working atmosphere in the factory. With the help of some
well wishers, useful information was gathered conceming the hiding
place of survivors : places such as Father Mendiondo's residence at
Mukungu parish ; the only European left in the region. Survivors
also came out of Nyungwe forest in the night and went to the camps
in the Gisovu or Bisesero parishes, places converted for this purpose
by the French soldiers. I visited the camps many times and spoke
to the survivors. When anyone they suspected of organizing or participating in their elimination approached their camp, the survivors
denounced him with loud shouts. (I handled the construction of the
Gisovu church and presbytery with patronage and nancial support
from Monseigneur Wenceslas Kalibushi, Bishop of Nyundo). We also
found Adele, my younger brother Innocent Uwimana's wife, who had
been hidden by my night guard at his house. [...]
Around 16/7, I learnt that all the ocials of the préfecture and
from some communes had ed to Zaïre. [...]
The French soldiers suggested to put me on a team in charge of
seeking ways and means of nding a solution to the administrative
void. I subscribed to this suggestion for it would help the population
who had no reason to ee. [...]
In the night of 17/7, the authorities of Gisovu communes also
ed without informing us. A greater part of the population, panicstricken, followed the movement [...]
At an ocial meeting held on 19/7 at the factory, we decided to
suspend our activities for the following reasons : [...]
- the threat of looting by routed soldiers and militiamen posed
a serious danger to property and lives. We had just been saved in

96-13-T, 27 janvier 2000, section 647, p. 192. http://www.francegenocidetutsi.org/
MusemaJugementCondamnation.pdf#page=189

8. Capitaine Lecointre, op. cit., p. 12.

4

extremis from an attack of gendarmes from Kibuye camp who came
to loot. Fortunately the French were in the area. [...]
In a letter I wrote to the French army in Kibuye commanded
by Colonel Chartres [sic], I told him about the situation and asked
him to send us a special contingent to guard the factory. A group of
twenty soldiers commanded by a Warrant Ocer arrived on 23/7.
He already knew the area for I had seen him there during previous
missions. Together we carried out an inspection, the factory was
intact and all fhe stock untouched (tea, spare parts, 700 tons of
chemical fertilisers). [...]

9

Alfred Musema n'a pas été arrêté par les militaires français. Pourtant, il leur
fut dénoncé par des survivants des massacres de Bisesero. Un survivant, A. K.,
travaillait comme ouvrier à la fabrique de thé de Gisovu. Il témoigne :
J'ai vu Musema au moins quatre fois à Bisesero. Il amenait les
véhicules de la fabrique, remplis d'Interahamwes. Il vint deux fois à
Bisesero après l'arrivée des Français. Il leur dit qu' il n'était pas
nécessaire de protéger ces Tutsis parce que le pays était sûr . Pour

9. Alfred Musema, Application for Asylum, 1995, Case No : ICTR-96-13 Exhibit No : P63A Date admitted : 25-5-1999 http://www.francegenocidetutsi.org/
MusemaApplicationForAsylum.pdf . Traduction de l'auteur : Le contingent de la mission militaire française  TURQUOISE  est arrivé à Kibuye le 22 juin. Notre usine à thé était dans
la  zone de sécurité humanitaire . Le 3e régiment de Marines a demandé à être stationné
près de l'usine. Une maison d'hôtes et deux maisons abandonnées leur ont été allouées. Le
capitaine Lecointre et le lieutenant Beauraisin étaient les commandants. J'ai contacté la mission an d'établir une atmosphère de travail améliorée dans l'usine. Avec l'aide de quelques
personnes bien intentionnées, des informations utiles ont été recueillies concernant les lieux où
se cachaient des survivants : des lieux comme le presbytère du père Mendiondo à la paroisse
de Mukungu, le seul Européen resté dans la région. Des survivants aussi sont sortis de la forêt
de Nyungwe dans la nuit et se sont rendus dans les camps des paroisses de Gisovu ou Bisesero,
lieux convertis à cet eet par les soldats français. J'ai visité les camps plusieurs fois et j'ai
parlé aux survivants. Lorsqu'une personne soupçonnée d'avoir organisé ou participé à leur
élimination s'approchait de leur camp, les survivants le dénonçaient avec des cris forts. (J'ai
géré la construction à Gisovu de l'église et du presbytère avec le patronage et le soutien nancier de Monseigneur Wenceslas Kalibushi, évêque de Nyundo). Nous avons également trouvé
Adele, la femme de mon jeune frère Innocent Uwimana, qui avait été cachée par mon gardien
de nuit chez lui. [...] Vers le 16/7, j'ai appris que tous les fonctionnaires de la préfecture et de
certaines communes avaient fui au Zaïre. [...] Les militaires français ont suggéré de me mettre
dans une équipe chargée de rechercher les voies et moyens de pallier au vide administratif.
J'ai adhéré à cette suggestion car elle aiderait la population qui n'avait aucune raison de fuir.
[...] Dans la nuit du 17/7, les autorités de la commune de Gisovu ont également pris la fuite
sans nous en informer. Une grande partie de la population, aolée, a suivi le mouvement.
[...] Lors d'une réunion ocielle tenue le 19/7 à l'usine, nous avons décidé de suspendre nos
activités pour les raisons suivantes : [...] - la menace de pillage par des soldats et des miliciens
en déroute constituait un grave danger pour les biens et les vies. Nous venions d'être sauvés
in extremis d'une attaque de gendarmes du camp de Kibuye venus pour piller. Heureusement,
les Français étaient dans le secteur. [...] Dans une lettre que j'ai écrite à l'armée française à
Kibuye commandée par le Colonel Chartres [sic], je lui ai parlé de la situation et lui ai demandé de nous envoyer un contingent spécial pour garder l'usine. Un groupe de vingt soldats
commandés par un adjudant est arrivé le 23/7. Il connaissait déjà la région car je l'avais vu
là lors des précédentes missions. Ensemble, nous avons eectué une inspection, l'usine était
intacte et tout le stock intact (thé, pièces détachées, 700 tonnes de engrais chimiques).

5

nous, ceci fut un autre signe de sa criminalité. J'étais là la deuxième
fois qu'il est venu. Tout le monde se mit à crier et à dire aux Français
qu'il ne devait pas être autorisé à entrer dans le camp. Malgré nos
cris, répétant que c'était un tueur, les Français le laissèrent partir.

10

Un autre, Jérôme, explique que Musema voulait s'assurer qu'il ne restât
aucun survivant pour témoigner sur ce qui s'était passé à Bisesero :
Alfred Musema, qui était directeur de l'usine de thé de Gisovu,
est venu maintes fois avec sa Pajero rouge. Quand les Français sont
venus, il venait toujours les supplier de nous livrer aux milices.

11

J. M. déclare :
Musema travaillait la main dans la main avec le bourgmestre
de Gisovu, Aloys Ndimbati, le conseiller du secteur Gitabura, Simon Segatarama, et le juge président du canton, Jean-Marie Vianney Sibomana. Ces trois faisaient partie des dirigeants des attaques
commises à Bisesero. Ils jouèrent également un rôle important dans
l'obtention de l'aide de Yusufu, de Bugarama. Musema transportait
régulièrement les Interahamwes jusqu'à Bisesero.
La dernière fois que j'ai vu Musema, c'était après l'arrivée des
soldats français. Musema est venu et les survivants ont dit aux Français que cet homme était un tueur, qu'il avait réellement achevé des
personnes. Les Français demandèrent à quelques personnes de témoigner, puis ils le laissèrent repartir.

12

Éric décrit dans les mêmes termes la stratégie de Musema :
Il a dit à ces soldats de partir et de ne pas protéger les personnes
qui étaient à l'origine de l'insécurité qui régnait dans la région. Il se
trouvait dans sa Pajero rouge. Les rescapés qui ont vu Musema ont
voulu l'attaquer, mais les Français ont calmé les esprits et Musema
est parti.

13

Malgré les témoignages des survivants sur les crimes de Musema, les Français
ne l'arrêtent pas et le laissent se réfugier en Suisse :
Some of the leading killers that the French allowed to escape even
after they were given detailed evidence about their crime include Alfred Musema, the director of the tea factory at Gisovu in Kibuye. He
used to visit Bisesero in an eort to encourage the French troops to
leave. The survivors told the French that Musema had killed scores
of his Tutsi employees at the factory and had been one of the principal organizers of the assault against the refugees at Bisesero. He

10.
11.
12.
13.

African Rights : Résistance au génocide : Bisesero [2, p. 65].
Ibidem.
Ibidem.
Ibidem.

6

was not arrested. He subsequently ed to Switzerland where he has
been detained in connection with his role in the genocide.

14

Reconnu et dénoncé par une association de défense des victimes du génocide,
Musema fut arrêté dans un foyer de demandeurs d'asile à Lausanne, le 11 février
1995. La justice suisse s'est dessaisie au prot du TPIR.
Aectée au contrôle de la limite de la zone Turquoise, la compagnie de Lecointre a un accrochage avec des éléments FPR le 18 juillet. Selon lui, il n'y eut
pas de victimes ni d'un côté ni de l'autre :
Au bout de quelques heures d'observation, un élément de la valeur d'une section tentant de s'inltrer par les fonds de vallée est décelé. Pendant deux heures, suivant sa progression mètre par mètre,
nous réglons sur cet élément les tirs de la SML [Section de mortiers lourds] du 11e RAMa [Régiment d'artillerie de marine], en obus
éclairants tout d'abord, puis en fumigène. Enn, démoralisé par la
précision de ces tirs qui le suivent pas à pas et l'encadrent dès qu'il
progresse, le commando FPR rebrousse chemin. Les nuits du 20, puis
du 21 juillet, de nouvelles tentatives d'inltration sont ainsi décelées
et contrées une nouvelle fois.

15

Selon le récit de Raids, l'arontement fut beaucoup plus dur :
Le 16 juillet, le colonel Sarte [Sartre], à la tête des 1er et 4e
escadrons du RICM et appuyé par la 1re compagnie du 3e RIMa,
reçoit l'ordre de faire mouvement vers le nord-est an de protéger la
ville de Kibuye. [...] Il faut localiser le FPR et c'est le 1er escadron du
RICM sous le commandement du capitaine Bucquet qui reçoit cette
mission. [...] Au col de N'daba, près d'une petite chapelle, a lieu le
premier contact et il est plutôt chaud : deux heures de tir, 14,5 mm
et mortiers qui font un blessé léger côté français. Devant cet accueil,
les marsouins eectuent un léger repli. Ils ne sont pas là pour faire
la guerre au FPR mais pour créer une zone humanitaire. [...]
L'explication dénitive aura lieu le jour suivant, le 17 juillet, à
Nyakabuy. [...] Le peloton est composé de deux P-4 et de deux AML.
Avant la nuit, le chef de détachement décide de mener une dernière
reconnaissance et tombe sur une troupe de soldats tutsis progressant
en colonne par un.
Aussitôt, l'ocier français leur intime l'ordre de stopper, car ils
sont en zone Turquoise. Deux rafales lui répondent. En ripostant

14. Rwanda : Death, Despair and Deance [1, p. 1151]. Traduction de l'auteur : Parmi les
principaux tueurs à qui les Français permirent de s'échapper après qu'on leur eut donné des
preuves de leur culpabilité, il y a Alfred Musema, le directeur de l'usine à thé de Gisovu en
préfecture de Kibuye. Il venait souvent au camp de Bisesero pour inciter les troupes françaises
à partir. Les survivants dirent aux Français que Musema avaient tué beaucoup d'employés
Tutsi de son usine et était un des principaux organisateurs des attaques contre les réfugiés de
Bisesero. Il n'a pas été arrêté. Il s'est enfui en Suisse où, là, il a été arrêté pour son rôle dans
le génocide.
15. Capitaine Lecointre, op. cit., p. 12.

7

avec son AA-52, le P-4 dégage à toute allure, tandis que les deux
AML démarrent pour venir à son secours. Arrivés sur place, le FPR
semble s'être volatilisé. Un autre peloton arrive. A 21 heures, trois
salves de six coups de mortiers de 81 mm s'abattent sur les positions françaises. Extrêmement précises, elles ne blessent heureusement personne.
La 3e batterie du 11e RAMa, commandée par le capitaine Loiacono, entre alors en action. Ce vétéran de Sarajevo sait régler ses
tirs et il mélange explosifs et éclairants. A la lueur de ces derniers,
les quatre AML  cartonnent  sur les silhouettes qui essaient de
s'inltrer dans les bananeraies.
Conformément à leurs tactiques, les guerriers tutsis essaient de
déborder par l'est, mais le secteur est tenu par des marsouins qui
repèrent les assaillants avec leur caméra Mira. Ils les engagent au
LRAC [lance-roquettes antichar de courte portée] de 89 mm. Les
mortiers de 120 mm sont également sollicités et un coup heureux
tombera droit sur un groupe de rebelles. C'en est trop pour les
hommes du FPR qui décrochent en bon ordre. Dix-neuf combattants tués, c'est beaucoup pour le mouvement tutsi, soucieux de la
vie de ses hommes.

16

L'académicien Jean d'Ormesson, emmené par le SIRPA, relate dans Le Fi-

garo du 19 juillet, un événement qui correspond fort à l'incident précédent :
A deux reprises, dans un court séjour, j'ai assisté à des incidents.
[...]
Une seconde fois, à de Rugabano [sic], près du col de Ndela
[N'daba] nous étions en train de nous partager nos rations, quand
la nouvelle est parvenue qu'un groupe de quelques soldats était accroché par le FPR, et peut-être encerclé. Aussitôt les moyens, très
sérieux dont disposaient les Français  et dont contrairement à ce
qui s'est passé en Bosnie, ils sont autorisés à se servir  se sont mis
en branle. Trois automitrailleuses, deux jeeps avec mitrailleuse qui
étaient sur place ont été envoyées sur la ligne. Deux Gazelles avec
canon ont été appelées de Goma. Et le colonel Sartre en personne
s'est fait déposer par le Puma parmi les soldats en diculté. Tout
s'est réglé sans trop de casse, avec pourtant un blessé  une balle
dans le coude  qui a été ramené à Goma dans notre Puma.

17

Ces trois récits divergent mais ont en commun que des troupes françaises,
dont une compagnie commandée par François Lecointre, ont aronté des soldats
du FPR dans la région du col de N'daba. Ces accrochages pourraient s'expliquer
par le fait qu'il n'y a jamais eu d'accord entre les Français et le général Dallaire,
commandant les Casques bleus, sur le tracé de la zone humanitaire sûre, les

16. Yves Debay, Avec les marsouins face au FPR, Raids no 101, octobre 1994, p. 27-28.
17. Jean d'Ormesson,  J'ai vu le malheur en marche , Le Figaro, 19 juillet 1994, p. 28.
pdf

http://www.francegenocidetutsi.org/JaiVuLeMalheurEnMarcheDormessonFigaro19juillet1994.

RÉFÉRENCES

8

Français y englobant le col de N'daba, ce que le FPR n'a jamais accepté. En
témoigne les deux tracés sur la carte présentée par la Mission d'information
parlementaire.

18

François Lecointre dit qu'après le 24 juillet il s'est installé à Kigeme (à 7 km
à l'est de Gikongoro) et qu'il a  réorganisé administration et police locales dans

cinq communes .

19 Sauf erreur, il semble que, dans la zone qu'il contrôlait, des

autorités qui ont organisé le génocide comme le bourgmestre de Muko, Albert
Kayihura, le sous-préfet de Kaduha, Joachim Hategekimana, ont été maintenues
dans leur fonction.
Durant cette opération Turquoise, les Français n'ont pas aronté les auteurs
du génocide. En revanche, ils ont tiré sur le FPR qui a mis n à ce génocide. Ce
mot génocide est méconnu de François Lecointre qui parle du Rwanda comme
d'un pays  dont la population déchirée par une impitoyable guerre interethnique,

subissait famines et épidémies. 

20 Le nouveau chef d'état-major des armées a-

t-il réalisé qu'au Rwanda en 1994 il a protégé les auteurs d'un génocide qui a
fait environ un milion de victimes tutsi ?
François Lecointre est plus connu dans les médias pour avoir mené à Sarajevo, le 27 mai 1995, l'assaut contre le pont de Verbanja tenu par les Serbes.

21

Mais son camarade de Saint-Cyr, Guillaume Ancel, fait remarquer que Lepointre
[Lecointre] s'est fait prendre par surprise, la nuit précédente, le poste qui contrôlait ce pont de la Verbanja.

22

On remarque qu'encore une fois, c'est un ocier des troupes de marine,
autrement dit des troupes coloniales, qui est nommé à la tête des armées. Ceci
conrme que l'armée française n'a pas pour fonction d'assurer la défense de
la France mais de continuer à maintenir son emprise sur une grande partie
de l'Afrique et à y entretenir des régimes dictatoriaux qui sont allés jusqu'à
massacrer leur propre peuple pour se maintenir en place, comme ce fut le cas lors
du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994. Comment Emmanuel
Macron peut-il s'exclamer qu'il lutte contre le terrorisme au Sahel en plaçant à
la tête de nos armées un ocier qui a défendu les pires des criminels en 1994 ?

Références
[1]

African Rights : Rwanda : Death, Despair and Deance. African Rights,
P.O. Box 18368, London EC4A 4JE, 1995. 1re édition, septembre 1994.

[2]

African Rights :

Résistance au Génocide - Bisesero - Avril-Juin 1994.

African Rights, avril 1998. Édition française.

18. Rwanda, zone humanitaire sûre, Ministère de la Défense, 29/07/1994. Cf. Enquête sur la
tragédie rwandaise 1990-1994 [3, Annexes, p. 384]. http://www.francegenocidetutsi.org/
zhs.png

19. Capitaine Lecointre, op. cit., p. 12.
20. Capitaine Lecointre, op. cit., p. 12.
21. Qui est le général François Lecointre, le nouveau chef d'état-major des armées ?, Ouest
France, 19 juillet 2017.
22. Guillaume Ancel, Vent glacial sur Sarajevo, Les Belles Lettres, 2017, p. 174.

RÉFÉRENCES
[3] Paul

Quilès

9

:

Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994.

blée nationale, rapport no 1271,

Assem-

http://www.assemblee-nationale.fr/

dossiers/rwanda.asp, 15 décembre 1998.

Mission d'information de la com-

mission de la Défense nationale et des Forces armées et de la commission
des Aaires étrangères, sur les opérations militaires menées par la France,
d'autres pays et l'ONU au Rwanda entre 1990 et 1994.

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