Fiche du document numéro 23799

Num
23799
Date
Vendredi 4 avril 2014
Amj
Taille
0
Titre
Quel souvenir du génocide au Rwanda ? [16 sons]
Soustitre
Au Rwanda, il y a vingt ans, par dizaines voire centaines de milliers, les tueurs ont pris la machette. Leur mission : les tuer tous… Tous les Tutsi et aussi ceux que le pouvoir de l’époque présentait comme leurs complices : les Hutu démocrates ou « modérés », par opposition aux Hutu extrémistes qui étaient les tenants du génocide. Depuis, chaque année, le Rwanda se penche sur son passé « pour mieux regarder vers l’avenir » , selon l’État. Un reportage de Laure de Vulpian (Paris, Bruxelles), Ludovic Piedtenu (Kigali) et Abdelhak El Idrissi (Orléans), en lien avec un dossier sur cet anniversaire.
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Type
Émission de radio (son)
Langue
FR
Citation
Particularité de ce génocide : tueurs et rescapés « voisinent » et cohabitent, bon gré mal gré, dans une forme de non-dit historique. En effet, depuis la fin du génocide, toute référence explicite à la notion d’ethnie est interdite, même si le génocide a ancré l’ethnisme dans la réalité et dans la conscience collective rwandaise et universelle. Pourtant, au cours de la semaine de commémoration officielle, le tabou est levé. Les médias diffusent à la chaîne des documents d’archives et des programmes liés au génocide.

Selon un rituel désormais bien ancré, le pays adopte la couleur du deuil, le violet, et s’interdit toutes festivités. Les survivants ouvrent les fosses communes et exhument les restes de leurs proches, à la recherche d’un objet, d’un bijou ou d’un morceau de pagne qui auraient appartenu à une mère, une sœur ou un fils. Les ossements sont lavés avec soin, pour honorer les morts. À ces opérations de « déterrement », succèdent des inhumations collectives « en dignité » dans les différents mémoriaux.

Le 7 avril, au cours de grandes veillées nocturnes, les rescapés livrent leurs témoignages, toujours déchirants, au cours desquels ils font publiquement le récit de la perte des leurs et de leur « devoir de survie ».

Ces commémorations peuvent sembler cruelles. Mais ce retour organisé et socialisé de la douleur est vécu comme une nécessité par les rescapés, pour qui l’oubli serait comme une seconde mort de leurs proches. À l’inverse, le reste de la population accepte en silence – et parfois à contrecœur – ce ressassement du passé.

Ce qui a conduit l’État à décider récemment que les grandes commémorations nationales seraient désormais quinquennales. À terme, on va donc assister à une privatisation de la mémoire du génocide.

Dans ce contexte, comment ne pas revenir sur cet événement, tragique et universel ? Cette vingtième commémoration est une invitation à s’interroger : qu’est-ce qu’être une rescapé de ce génocide ? Concrètement, c’est avoir été soi-même un gibier, une proie. C’est avoir été le « cafard » que l’autre voulait absolument écraser, exterminer l’ennemi à chasser, à débusquer, à violer, à tuer. Et in fine, c’est survivre à ses proches, à sa famille… parfois en restant « seul au monde ».

« Je ne voyais pas pourquoi vivre sans ma famille et mes enfants ». Deux fois déjà, Leiny a témoigné de son calvaire, publiquement, lors de commémorations récentes à Paris. Cette pratique est répandue chez les rescapés rwandais de France et d’ailleurs. Elle est d’un grand réconfort.

La Rwandaise Espérance Patureau n’était pas au Rwanda pendant le génocide. Elle a eu la vie sauve, certes, mais elle a perdu presque tous ses frères et sœurs. Mariée à un Français depuis 1979, Espérance vit à Chalette, à côté de Montargis (Loiret). C’est elle qui a fondé la cellule locale d’Ibuka qui compte aujourd’hui 25 membres, tous « Blancs ». Pour elle, ce sont « des frères et des sœurs » à qui, elle, Rwandaise, permet de « toucher l’histoire du doigt ».

Elle dit pourquoi et comment elle commémore ce génocide, qu’elle a vécu à distance.

Bernard Patureau est le mari d’Espérance. Cet ancien ingénieur agronome explique ce qu’ont été ces vingt dernières années, pour elle et pour lui.

En France, certaines personnes regrettent une commémoration « parcellaire » du génocide rwandais. Il s'agit souvent de Hutu qui aimeraient qu'on n'oublie pas les victimes des représailles du FPR suite au génocide.

Jean-Marie Vianney Ndagijimana a été ambassadeur du Rwanda à Paris de 1990 à 1994, puis éphémère ministre des Affaires étrangères. Pour lui les Hutu ont également été victimes d'un « génocide », non pas par l'ampleur mais par l'intention. Il vit aujourd'hui à Orléans, et continue de demander une commémoration de « toutes les victimes » : « Les Hutu doivent se cacher la nuit pour aller faire leur devoir de mémoire »

Des commémorations officiellement « difficiles »



Commémorer en France, cela ne va pas forcément de soi pour différentes raisons, historiques ou politiques. Tout simplement parce que le soutien que Paris a apporté avant et pendant le génocide au régime hutu pèse de tout son poids. Depuis, jamais la France n’a reconnu la moindre faute, la plus petite responsabilité effective, au contraire des Etats-Unis, de l’ONU et de la Belgique. Seul Nicolas Sarkozy a reconnu « de graves erreurs d’appréciation et une forme d’aveuglement » de la part des autorités françaises. C’était le 25 février 2010, lors de sa visite officielle au Rwanda.

Difficulté supplémentaire et de taille : une procédure judiciaire pour « complicité de génocide et de crimes contre l’humanité » vise depuis 2005 des militaires français et, potentiellement, les politiques qui ont donné les ordres aux généraux. On comprend mieux pourquoi ce « dossier rwandais » est sensible, au point de constituer dans certains milieux un abcès de fixation.

Impossible dans ces conditions d’obtenir, pour l’instant en tout cas, un monument ou un lieu de mémoire à Paris, qui soit dédié aux victimes du génocide des Tutsi.

Ce n’est pourtant pas faute de le demander, selon Marcel Kabanda, historien et président d’Ibuka-France.

Et pourtant, Rémi Korman, doctorant à l’EHESS, veut croire à une embellie. Il prépare une thèse sur « la construction de la mémoire du génocide des Yutsi au Rwanda étude des processus de démoralisation ».

Les Français ont une vision assez vague du génocide rwandais.

Les monuments existants : à Cluny en Saône-et-Loire, depuis le 11 avril 2011. À Dieulefit dans la Drôme, depuis le 29 juin 2013.

À Bègles en Gironde, depuis le 30 novembre 2013. Et bientôt : à Toulouse, le 12 avril 2014. Et le 17 mai 2014 à Chalette (45).

Commémorer en Belgique



En Belgique, la situation est différente, mais pas beaucoup plus simple. Les Rwandais y sont beaucoup plus nombreux qu’en France. Les deux communautés, hutu et tutsi, se supportent, mais à distance.


À Bruxelles, il y a ceux qui commémorent chaque année la mémoire des victimes du génocide, le 7 avril. Et ceux qui célèbrent, le 6 avril, le souvenir du président hutu Habyarimana, décédé dans l’attentat qui a précédé de quelques heures le début du génocide. Pour Viateur Mutangana, un Rwandais de Liège qui préside l’URGT, l’union des rescapés du génocide des Tutsi de Liège, commémorer le 6 avril tient de l’indécence.

Providence Uwindekwe est Rwandaise et Belge. Rescapée du génocide, elle vit près de Bruxelles depuis plusieurs années. Au moment du génocide, elle avait 14 ans. Chaque année, elle participe activement aux commémorations.

Le 7 avril 2000, le Premier ministre belge Guy Verhofstadt a présenté les excuses de son pays au peuple rwandais. La Belgique n’a érigé aucun monument à la mémoire des victimes rwandaises du génocide. Mais chaque année, elle honore la mémoire des dix Casques bleus belges qui ont été sauvagement assassinés par des militaires rwandais hutu dès le premier jour du génocide, le 7 avril 1994.

Commémorer au Rwanda



Présent à Kigali, notre reporter Ludovic Piedtenu a demandé à plusieurs Rwandais comment ils commémoraient le génocide des Tutsi. Florentine, une rescapée des massacres. Yvette Jallade, fait partie de l'association Aegis, qui œuvre pour la mémoire du génocide. Freddy Mutanguha est le directeur du memorial national Gisozi (Kigali) :

Quelques repères…

Par son caractère universel et tragique, le génocide inspire les artistes. À l’occasion de la 20ème commémoration, le musicien lyonnais Jacob a développé un projet auquel il a associé le groupe Kid Wise, la chanteuse Joe Bel et l’association Ibuka-France, autour d’une chanson de sa composition : Kigali Is Calling. Chanson qu’il a bien voulu partager avec France Culture.

Derrière Kigali Is Calling, de l’émotion, mais aussi une réflexion, notamment sur le négationnisme et, implicitement, ce qu’est un génocide.

La honte, en avril 2004 ?



L’année 2004 aura été très difficile, s’agissant des relations entre Paris et Kigali.

10 mars 2004 : le journal Le Monde publie un long article fortement inspiré par le juge Bruguière et son instruction sur l’attentat du 6 avril 1994, dans lequel Paul Kagame est présenté comme le « commanditaire de l’attentat, DONC le responsable du génocide » .

6 avril 2004 : la communauté hutu obtient l’autorisation d’organiser une commémoration sur le Parvis des droits de l’Homme, au Trocadéro à Paris, lieu symbolique s’il en est. On y célèbre ce jour-là la mémoire du président Habyarimana, tué dix ans plus tôt, dans un attentat dont on ne connait toujours pas les auteurs.

7 avril 2004 : Ibuka est priée par la Préfecture de Police de Paris d’aller défiler discrètement du côté du cimetière du Montparnasse à la mémoire des victimes du génocide.

À Kigali, ce même 7 avril 2004, le président Kagame s’en prend implicitement à la France, en dénonçant « ce pays qui a l’audace d’être là sans s’excuser ». Renaud Muselier, le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères qui représente le gouvernement français, décide d’écourter son séjour à Kigali de quelques heures.

Les monuments existants



À Cluny en Saône-et-Loire, depuis le 11 avril 2011.

À Dieulefit dans la Drôme, depuis le 29 juin 2013.

À Bègles en Gironde, depuis le 30 novembre 2013.

Et bientôt…

À Toulouse, le 12 avril 2014 à Toulouse.

Et le 17 mai 2014 à Chalette près de Montargis.

Le Rwanda



Région : Afrique des Grands Lacs, juste sous l’Equateur.

Pays enclavé entre le Congo à l’ouest, l’Ouganda au nord, la Tanzanie à l’est et le Burundi au sud.

Ressources : élevage, agriculture, coltan.

Superficie : 26.000 km2 (comme la Bretagne).

Pays montagneux, point culminant à 4.507 mètres : Mont Karisimbi.

Ancienne colonie allemande puis belge. Le pays accède à l’indépendance en 1962.

Président de la République depuis 2000 : Paul Kagame (FPR).

Population : 3,1 millions en 1965, 7,5 millions d’habitants en 1994 et 12 millions d’habitants aujourd’hui (la plus forte densité d’Afrique).

Les chiffres du génocide



Le génocide a duré 100 jours, du 7 avril au 17 juillet 1994. Il aurait fait environ 800.000 morts, selon un rapport de l’ONU de 1999. Une enquête du MINALOC, le ministère des collectivités locales, publiée en 2002, faisait état de 1.074.000 victimes.

Le nombre des rescapés est évalué à 300.000. 75% des Tutsi du Rwanda ont été exterminés pendant le génocide.

Le nombre des « revenus » d’exil serait de l’ordre d’un million.

Une archive oubliée nous rappelle qu’à la fin du mois d’août 1994, l’ONU évaluait à un million le nombre de morts pour le seul mois d’avril 1994 (France Inter, journal de 19h, le 24 août 1994).

La justice et le génocide



Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a été créé pour juger les plus hauts responsables du génocide. La résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations Unies votée le 8 novembre 1994 fixe son siège à Arusha en Tanzanie. Le TPIR doit définitivement fermer ses portes à la fin de l’année 2014. Au 1er avril 2014, le TPIR a rendu 65 jugements définitifs, dont huit acquittements. 10 affaires sont encore en cours. Neuf accusés sont en fuite. Budget global depuis son ouverture estimé à plus d’un milliard et demi de dollars.

http://www.unictr.org/Cases/StatusofCases/tabid/204/Default.aspx

Au Rwanda, la justice classique a déjà rendu plus de 8.000 jugements. La peine de mort a été abolie en juillet 2007. Les gacaca (prononcer ga-tcha-tcha), juridictions traditionnelles adaptées au contentieux du génocide et clôturées en 2012, ont prononcé près de 2 millions de jugements en 7 ans, avec un taux d’acquittement de 35%, pour un budget global de 52 millions de dollars.

En France, depuis le 1er janvier 2012, le contentieux du génocide est entièrement confié au pôle « génocides et crimes contre l’humanité » du TGI de Paris, qui a été doté de moyens dédiés. Deux magistrats du Parquet et trois assistants spécialisés. Trois juges d’instruction, deux assistants spécialisés et une équipe d’une dizaine d’OPF (officiers de police judiciaire).

33 dossiers sont actuellement à l’instruction, dont 27 concernent le Rwanda. Ils visent des Rwandais réfugiés en France contre lesquels des plaintes ont été déposées parfois depuis très longtemps (1995, contre l’abbé Wenceslas Munyeshyaka).

Dernier développement en date du 4 avril 2014 : la mise en examen pour « génocide et crimes contre l’humanité » du Dr Charles Twagira, qui exerçait à l’hôpital de Vire (Calvados). Il a été écroué.

Le tout premier procès d’un Rwandais a eu lieu du 4 février au 14 mars devant la Cour d’assises de Paris. L’ancien capitaine Pascal Simbikangwa a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle. Il a interjeté appel.

Depuis 2006, les plaintes récentes sont déposées par le CPCR, Collectif des parties civiles pour le Rwanda.

http://www.collectifpartiescivilesrwanda.fr/nos-actions/actions-en-justice/

Enfin, deux procédures visent des Français pour des faits présumés de « complicité de génocide et de crimes contre l’humanité ».

Le premier, contre X, concerne l’opération Turquoise et des militaires qui étaient en opération.

Le second concerne l’ancien capitaine Paul Barril pour d’éventuelles fournitures d’armes et de munitions à l’armée régulière rwandaise pendant l’embargo.

En Belgique, le premier procès de quatre génocidaires a eu lieu en 2001 :
http://assisesrwanda2001.org.

Depuis, trois autres procès ont été organisés en Belgique.

Tous les accusés ont été condamnés.

On attend un cinquième procès, collectif, dans les mois qui viennent.

Ailleurs

La Norvège, la Suède, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Canada ont eux aussi jugé des Rwandais pour leur rôle dans le génocide. La Grande-Bretagne s’apprête à le faire.

A ce jour, trois pays ont accepté d’extrader des suspects vers le Rwanda : la Suède, la Norvège et le Canada. Jusqu’à présent, la justice française s’y refuse.

Glossaire

Gacaca : juridictions traditionnelles remises au goût du jour. Elles sont composées de juges élus (les hommes intègres ou irréprochables ) et chargées de juger les génocidaires (sauf les planificateurs et organisateurs).

FPR : Front Patriotique Rwandais, parti politique fondé par les Tutsi exilés. Le 1er octobre 1990, le FPR entre au Rwanda par l’Ouganda. C’est le début d’une guerre civile qui s’achève sur les Accords de paix d’Arusha, signés le 4 août 1993. Accords qui prévoient l’intégration politique et militaire du FPR au sein des institutions et de l’armée, mais jamais mis en œuvre. Trois jours après l’attentat contre l’avion du président Habyarimana et le déclenchement du génocide, le FPR reprend les combats le 9 avril 1994 et proclame sa victoire et la fin du génocide le 17 juillet 1994.

Inkotanyi : ce sont les hommes du FPR, Front Patriotique Rwandais. Ceux que le régime Habyarimana appelait les rebelles .

Interahamwe : littéralement, interahamwe signifie solidaire. Historiquement, les Interahamwe étaient affiliés au parti de Juvénal Habyarimana, le MRND. À l’approche du génocide, tous ces groupes se radicalisent et reçoivent un entrainement paramilitaire et des armes (armes à feu et surtout machettes). Les Interahamwe ont été le bras armé du génocide.

Inyenzi : c’est le mot qu’employaient les Hutus pour parler des Tutsi, à partir des années 60, dans un processus de déshumanisation bien connu des spécialistes de la Shoah. Littéralement, le mot inyenzi signifie cafard , cancrelat .

Itsembabwoko : c’est le mot qui signifie génocide en kinyarwanda. Il a été créé après juillet 1994. il indique l’idée d’extermination.

Kinyarwanda : c’est la langue parlée au Rwanda, commune aux trois groupes que sont les Hutu, les Tutsi et les Twa. Cette langue très complexe et imagée procède par proverbes et sentences.

Ibuka : traduction littérale, "souviens-toi". L'association est née en Belgique en août 1994. Une association du même nom est créée en Suisse en mai 1995. En novembre 1995, l'association Ibuka est fondée au Rwanda. En France, il a fallu attendre avril 2002. Ces différentes structurent regroupent les survivants du génocide, les proches des victimes ainsi que toutes les personnes soucieuses de la mémoire des victimes et du sort des rescapés de ce génocide (source Wikipédia).

http://www.ibuka-france.org/

« Ethnies » ou pas ?



Il n’y a pas d’ethnies au Rwanda, au sens anthropologique du terme. Historiquement, les Rwandais parlent la même langue, prient le même Dieu, Imana, partagent la même culture et le même territoire, sans ghetto.

En revanche, historiquement, la population se répartissait en trois catégories socioprofessionnelles.

Hutu : catégorie des cultivateurs, 85 % de la population.

Tutsi : catégorie des éleveurs, 14 % de la population.

Twa : catégorie des cueilleurs, 1 % de la population.

En 1932, la Belgique, puissance tutélaire, a imposé l’inscription de l’ethnie sur les cartes d’identité.

À la fin des années cinquante, l’ethnisme a été instrumentalisé à des fins politiques, contre la monarchie tutsi. Ce qui a conduit à son renversement et à l’instauration d’une République fondée elle aussi sur la distinction ethnique. Entre 1962 et 1994, deux présidents hutu qui se sont succédé au pouvoir : Grégoire Kayibanda et Juvénal Habyarimana. Des quotas ethniques ont été instaurés. Les Tutsi ont été officiellement désignés comme les « ennemis » du « peuple majoritaire » hutu.

Cette notion, poussée à son point extrême, a permis l’émergence d’un racisme assez puissant pour être le « carburant » du génocide.

Chronologie



1er octobre 1990 : les « rebelles » du FPR attaque le Rwanda depuis l’Ouganda.

4 août 1993 : signature des Accords de paix d’Arusha.

5 octobre 1993 : résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU créant la MINUAR (Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda). Dotée de 2500 casques bleus, elle est chargée de veiller à la mise en place des accords d’Arusha.

6 avril 1994 : l’avion du président Juvénal Habyarimana est abattu. Les premiers assassinats ciblés de responsables hutu démocrates et de personnalités tutsi commencent dans la demi-heure.

7 avril 1994 : début du génocide. 48 heures plus tard, le FPR annonce qu’il reprend les combats.

9-14 avril 1994 : opération militaire française Amaryllis (évacuation des ressortissants français et étrangers).

21 avril 1994 : le Conseil de sécurité adopte à l’unanimité une résolution qui réduit les effectifs de la MINUAR à 270 hommes.

17 mai 1994 : le Conseil de sécurité vote un embargo sur les armes à destination du Rwanda.

8 juin 1994 : par une nouvelle résolution onusienne, les effectifs de la MINUAR II sont fixés à 5500 hommes.

23 juin – 22 août : opération militaro-humanitaire française Turquoise, sous mandat de l’ONU.

4 juillet 1994 : le FPR prend le contrôle de Kigali et Butare.

17 juillet 1994 : fuite du GIR (gouvernement intérimaire rwandais, installé le 8 avril précédent), fin de la guerre civile et du génocide et mise en place d’un gouvernement d’union nationale, appuyé essentiellement sur le FPR.


Des relations diplomatiques erratiques



Dès 1962, la France se rapproche du Rwanda en signant les premiers accords de coopération. Coopération d’abord culturelle et technique, puis militaire, à partir de 1975.

Pendant la guerre civile de 1990, la France de François Mitterrand soutient le Rwanda de Juvénal Habyarimana politiquement, financièrement et militairement.

Pendant le génocide, les livraisons d’armes, officielles et officieuses, continuent ; ce qui fait que Paris est perçu, notamment par le FPR, comme « pro-Hutu ».

Les relations diplomatiques entre la France et le nouveau pouvoir FPR n’ont jamais été excellentes.

Fin novembre 2006, le juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière lance 9 mandats d’arrêt internationaux contre des responsables du FPR, proches du président Kagame. Le magistrat leur reproche d’être les commanditaires et les exécutants de l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Habyarimana.

Kigali rompt aussitôt ses relations diplomatiques avec Paris.

Elles sont rétablies 3 ans plus tard, à la faveur d’un changement de politique à l’égard du Rwanda. A cette époque, Nicolas Sarkozy est président de la République et Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères.

Février 2010 : Nicolas Sarkozy se rend au Rwanda et annonce la création d’un pôle judicaire dédié aux génocides.

Septembre 2011 : visite officielle de Paul Kagame en France.

Au 3 avril 2014, François Hollande n’a pris aucune position officielle s’agissant du génocide des Tutsi. Il a désigné Christiane Taubira pour représenter la France à la commémoration nationale organisée par le Rwanda, à Kigali.

Rama Yade au Mur de la Paix en 2008



Le 7 avril 2008, pour la toute première fois, un officiel représente le gouvernement français à la commémoration organisée par Ibuka au Mur le la Paix. Rama Yade, secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme, prononce ce discours.

« Le 7 avril 1994, il y a quatorze ans, commençait une des pires tragédies que le 20ème siècle ait connues : le troisième génocide du siècle dernier entamait sa ronde funèbre.

Nous sommes ici réunis en mémoire des victimes. C’est à elles que nous pensons tous ici.

J’avais 17 ans au moment du génocide. Mais je me souviens encore et je me souviendrai toujours des images que les médias nous montraient.

Cette tragédie, comme l’a dit le Président de la République à Lisbonne en octobre dernier, nous oblige, France comprise, à réfléchir à nos faiblesses et à nos erreurs.

D’autre part, conformément au souhait exprimé par le président de la République et son homologue rwandais, M. Kagame, lors du même sommet de Lisbonne, la France et le Rwanda veulent normaliser leurs relations. La venue à Kigali de Bernard Kouchner le 26 janvier a été une avancée significative du nouveau dialogue qui s’est instauré entre nos deux pays. (J’espère avoir moi-même l’occasion de me rendre au Rwanda.)

Je vois qu’ici sont présents des représentants du mémorial de la Shoah, qui a décidé de vous seconder dans le travail douloureux de la mémoire de ceux qui sont disparus. Ce travail sera long et difficile. Sachez, Monsieur Kabanda, vous qui représentez les survivants, que je serai à vos côtés pour que la mémoire de ceux qui ont disparu, ne disparaisse pas.

Car oublier ceux qui sont morts dans ce terrible génocide serait les faire mourir une seconde fois
 ».

En 2014, la 20ème commémoration organisée par Ibuka-France se tiendra sur le Parvis de l’Hôtel de Ville à Paris.

Il est prévu qu’Anne Hidalgo, maire de Paris, prenne la parole.

Une invitation a été adressée au Président de la République et aux ministres de la Justice, de l’Education et de la Culture… mais pas au ministre des Affaires étrangères « parce que nous sommes Français », explique le président d’Ibuka-France.

Humura



Cette complainte rwandaise s’adresse d’abord aux victimes, au million de morts qui ne sont pas tous enterrés et dont les âmes errantes hantent la mémoire des vivants. L’auteur veut d’abord les consoler les morts, avant de s’adresser alternativement aux tueurs et à tous les Rwandais qu’il interroge sur les raisons du génocide.

Hmmm, ne pleurez pas, Ne pleurez pas, nous penserons à vous

Pourquoi on vous a tués,

Frères et sœurs ?Mais de quoi avez-vous été victimes ?

Et ces parents que vous avez massacrés,

Et ces enfants que vous avez broyés

De quoi ont-ils été victimes ? Dieu du Rwanda, Pourquoi sur nos collines

Tout n’est plus que ruines ?

Hmmm, ne pleurez pas,

Ne pleurez pas, nous penserons à vous

Pourquoi on vous a tués, Frères et sœurs ? Mais de quoi avez-vous été victimes ?

Nous étions pourtant tous frères et sœurs

Et ce Satan qui a attaqué,

D’où est-il venu ? Dieu du Rwanda, Pourquoi sur nos collines

Tout n’est plus que ruines ?

Hmmm, ne pleurez pas,

Ne pleurez pas, nous penserons à vous

Pourquoi on vous a tués, Frères et sœurs ?Mais de quoi avez-vous été victimes ?

Paroles et musique : Aimable Twahirwa Interprété par le groupe « Les Voix Hirwa » Enregistré à Paris en juin 2003 dans les studios de Radio France.

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