Fiche du document numéro 2337

Num
2337
Date
Lundi 23 mai 1994
Amj
Taille
115578
Sur titre
Rwanda
Titre
Lourde défaite de la garde présidentielle
Sous titre
Les forces du Front patriotique (FPR) ont pris le contrôle de l'aéroport de Kigali et de Camp Kanombé, une base qu'occupaient les responsables des massacres. En visite dans les camps de réfugiés, le ministre de la Santé français dénonce « la purification ethnique qui frappe aussi les enfants ».
Nom cité
Nom cité
Cote
no 15480
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
APRES avoir pris le contrôle de l'aéroport au terme de terribles
combats, les forces du Front patriotique rwandais (FPR) se sont
emparées dimanche de la caserne de Camp Kanombé qu'occupaient des
unités de la garde présidentielle de sinistre réputation. Confirmée
par les observateurs de la Mission des Nations unies pour l'assistance
au Rwanda (MINUAR), il semble que la prise de Camp Kanombé n'ait pas
donné lieu à une résistance farouche ; la caserne avait été désertée
par ses occupants, lorsque les troupes du FPR y pénétrèrent. Abdul
Kabia, porte-parole de la MINUAR, affirmait, pour sa part, que les
observateurs n'avaient pas constaté la présence de cadavres dans la
caserne.

Camp Kanombé était occupé jusque-là par 3.000 ou 4.000 hommes. Avant
l'arrivée du FPR, plusieurs centaines de militaires, ayant revêtu par
précaution des vêtements civils, avaient demandé la protection des 300
casques bleus ghanéens stationnés à l'aéroport. Les forces du pouvoir
autoproclamé tiennent encore à Kigali trois importantes casernes, dont
celle de la garde présidentielle, un camp de gendarmerie et Camp
Kigali, dans le centre-ville, près du ministère de la Défense. Camp
Kanombé, bombardé depuis plusieurs semaines, était une pièce
importante dans le dispositif de l'armée rwandaise. Sa conquête, ainsi
que celle de l'aéroport, est « très importante pour ce qui va suivre,
estimait dimanche dans l'après-midi James Rwego, porte-parole du FPR,
selon lequel « il sera très difficile aux forces armées, qui n'ont
même pas su défendre Camp Kanombé, de se battre pour reconquérir
l'aéroport ». De même, a affirmé M. Rwego, l'acheminement de l'aide
humanitaire, perturbé par les combats que se livraient les
belligérants, sera dorénavant plus « facile ».

En effet, les affrontements autour de l'aéroport avaient obligé
pendant trois jours les avions de l'ONU à rebrousser chemin, les
soutes pleines de médicaments et de nourriture qui manquent
dramatiquement à la population martyrisée. Le chef de la MINUAR, le
général Roméo Dallaire, avait tenté d'arracher un accord de
neutralisation de l'aéroport. Il s'était opposé à un refus du FPR,
dont les dirigeants avaient assuré qu'ils étaient sur le point de
gagner la bataille de l'aéroport, lien vital entre le Rwanda et le
monde extérieur. Quant à un éventuel cessez-le-feu, le FPR a indiqué
qu'il l'accepterait lorsque les massacres auront pris fin.

Ces massacres atteignent en effet des proportions gigantesques. Les
responsables d'organisations humanitaires évoquent le chiffre de
500.000 tués, en majorité des membres de l'ethnie tutsie et des hutus
proches, ou supposés proches de l'opposition au régime actuel.
Peu de pays à ce jour ont proposé des hommes sous la bannière de
l'ONU. Les casques bleus attendus n'ont pas mandat de s'interposer
entre les belligérants. En revanche, ils devraient tenter de mettre un
terme aux agissements des membres de la milice qui massacrent à la
machette quiconque pourrait être tutsi ou partisan de l'opposition,
les principales victimes des tueries depuis la mort du président
Juvénal Habyarimana, tué dans son avion abattu par des roquettes le 6
avril. De leur côté, les opposants du FPR ont démenti les accusations
du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) selon lesquelles ils
auraient tiré sur des gens essayant de fuir en Tanzanie.

C'est précisément dans ce pays, qui doit faire face à un exode de
centaines de milliers de personnes y cherchant asile et sécurité, que
le ministre de la Santé français, Philippe Douste-Blazy, s'est
rendu samedi pour installer la première antenne du SAMU mondial. A son
retour à Paris, le ministre a dénoncé « la purification ethnique qui
s'exerce aussi sur les enfants » dans le cadre « du plus grand
massacre de cette fin de siècle ». Massacre, a-t-il confirmé, qui est
le fait des miliciens. Il a estimé d'une urgente nécessité de
mettre en place des zones de sécurité, des espaces humanitaires car « 
mettre des milliers d'hommes de l'ONU entre les deux camps
ne suffira pas ».

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024