Fiche du document numéro 23278

Num
23278
Date
Mardi 11 décembre 2018
Amj
Taille
143909
Titre
Lorrains originaires du bassin de Briey tués au Rwanda en 1994 : le mystère demeure
Soustitre
Comment et pourquoi sont morts le gendarme Alain Didot et son épouse Gilda au Rwanda en 1994, au tout début du génocide ? Un documentaire est en préparation. Le couple était natif du Pays-Haut. Le frère de Gilda témoigne
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Gaëtan Lana a conservé les articles de l’époque mais aussi ceux de ces dernières années : presque 25 ans plus tard, le mystère plane toujours sur la mort de sa sœur Gilda et son beau-frère Alain Didot. Un 2e gendarme a été assassiné avec eux, après l’attentat contre l’avion du président rwandais. Un acte terroriste qui allait entraîner le génocide. Photo Fred LECOCQ

Près de 25 ans plus tard, la plaie de Gaëtan Lana et de sa femme Huguette n’a pas cicatrisé. Comment pourrait-il en être autrement ? « On ne peut pas oublier ça, on vit avec. Mes parents, ça les a tués de n’avoir jamais su. Ils sont morts en 2011, à trois jours d’intervalle…»

Des enfants du Pays-Haut



Gaëtan, 68 ans, ne laisse rien transparaître. Mais par moments, l’émotion est palpable. Sur la table du salon, de nombreux articles de presse. Du Républicain Lorrain et d’ailleurs. Ils informent, à l’époque, du drame : le décès du gendarme Alain Didot et de son épouse Gilda, la sœur de Gaëtan. Gilda a grandi à Piennes ; Alain à Beaumont, près de Moineville. « Nous sommes allés tous les trois au lycée technique de Longwy. Alain, c’était un copain. Quand j’ai fait mon service militaire, il était à la base d’Etain. Ma sœur et lui se sont connus au foyer des jeunes, à Landres », retrace Gaëtan, installé avec Huguette à Mance (La Malmaison), dans le Val de Briey.

Gilda et Alain se marieront en 1972. Seule la mort les séparera. Une troisième personne décède avec eux : un collègue d’Alain, le gendarme Jean-Paul Maïer. Alain avait 46 ans, Gilda allait les avoir quelques jours après sa tragique disparition.

Quand ? Comment ? Pourquoi ?



6 avril 1994 : l’avion du président du Rwanda, Juvénal Habyarimana, est abattu. Le Falcon, qui transportait d’autres dignitaires dont le président du Burundi, allait atterrir à Kigali, capitale du Rwanda, quand il a été frappé par deux missiles sol-air. Aucun survivant. L’attentat va être à l’origine d’un des pires génocides : le massacre des Tutsis par les Hutus. Bilan : près d’un million de morts en l’espace de trois mois…

12 avril 1994 : les corps de l’adjudant-chef Alain Didot, de son épouse Gilda et du coopérant Jean-Paul Maïer sont retrouvés dans le jardin de la maison du couple, à Kigali. Pour le reste, voile total : on n’a jamais su quand les époux ont été tués (ils étaient encore en vie dans la journée du 7 avril, NDLR), ni comment et, surtout, pourquoi. Même chose pour le gendarme Maïer. L’armée française pond bien une version officielle : Alain et Gilda ont été abattus parce qu’ils avaient accueilli des réfugiés tutsis. Une histoire qui ne convainc pas. D’autant que le certificat de décès de Jean-Paul Maïer, “mort accidentellement par balles le 6 avril (sic)” s’avère… un faux. Comme l’a démontré le juge antiterroriste Marc Trévidic, chargé d’instruire sur l’attentat de l’avion présidentiel. Mais le magistrat ne pourra aller plus loin.

Il y a aussi cette scène, troublante, dont a été témoin Gaëtan : « Quelques semaines après les décès, un haut gradé de la gendarmerie a fait signer à mes parents un papier comme quoi ils s’engageaient à ne pas déposer plainte contre l’État français. »

Un lien entre les deux ?



L’attentat et les assassinats ont-ils un lien ? Spécialiste des transmissions radio, le gendarme Didot a-t-il écouté des messages qu’il n’aurait jamais dû capter ce funeste 6 avril ? La France a-t-elle joué un rôle dans l’attentat contre le Falcon du président hutu ? « On a tout entendu dans cette histoire. Des journalistes, des avocats ont tenté de relancer l’affaire et nous ont sollicités. A chaque fois qu’on a essayé de faire quelque chose, on s’est fait rembarrer. »

Une question, plus lancinante que les autres, triture l’esprit du Mançois : « Après l’attentat contre l’avion, tous les civils français, femmes et enfants, avaient trouvé refuge à l’hôtel Méridien, avant d’être rapatriés en France. Pourquoi ma sœur est-elle retournée dans leur maison ? »

Grégory INGELBERT

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024