Fiche du document numéro 2306

Num
2306
Date
Jeudi 14 avril 1994
Amj
Taille
135482
Titre
Rwanda : les rebelles aux portes du pouvoir
Soustitre
Après la prise de Kigali, les combattants du FPR progressent dans tout le pays et affirment vouloir rétablir la sécurité. Paris annonce le retrait total de son contingent.
Page
13
Cote
no 15447
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
LES combats se poursuivaient, hier en fin d'après-midi, à Kigali. Dès
l'aube, les combattants du Front patriotique (FPR) ont continué à
avancer, appuyés par des tirs d'obus de mortiers et de canons. Les
militaires - restés fidèles au gouvernement intérimaire qui s'est
enfui vers le sud du pays -, ne seraient plus qu'un petit millier à se
maintenir dans la capitale du Rwanda.

Selon des casques bleus belges, deux bataillons du FPR ont encerclé
l'aéroport et coupé la route d'accès à Kigali. Les forces rebelles,
qui avancent du nord vers le sud, ont fait la jonction avec leurs
hommes déjà présents dans la ville, et ce, sans rencontrer
d'opposition véritable. Mis à part quelques poches de résistance, il
semblait donc, hier après-midi, que le FPR avait pris le contrôle de
Kigali où l'intensification des combats a provoqué un exode massif.
Des correspondants de presse ont dit avoir vu plus de 100.000
personnes - soit près de la moitié de la population de la ville - fuir
la capitale. De longues files de réfugiés s'étiraient sur plus d'une
dizaine de kilomètres à la sortie de Kigali. Nombre d'entre eux ont
déjà rejoint le Burundi, la Tanzanie, l'Ouganda et le Zaïre. Selon un
prêtre canadien présent sur place, l'armée a elle aussi commencé à
fuir en tuant et brûlant tout sur son passage. « C'est une vraie
catastrophe humanitaire », a déclaré Philippe Gayard, responsable de
la Croix-Rouge. Les hôpitaux ne pourraient plus faire face à l'afflux
des blessés.

Au-delà de Kigali, les combattants du FPR semblent avancer dans tout
le pays. La radio des rebelles a annoncé hier que deux grandes villes
de garnison du nord du pays - Nyagatare et Gabiro - étaient tombées
entre leurs mains.

Les autres grandes villes du pays (Byumba, Mutara et Runehgeri) sont
elles complètement encerclées par les troupes du FPR qui infligeraient
de lourdes pertes à l'armée gouvernementale. En passe d'obtenir une
victoire militaire, le Front patriotique entend, dans le même temps,
agir sur le terrain politique. Les dirigeants du FPR multiplient les
déclarations où ils affirment vouloir mettre en place un gouvernement
regroupant des membres de tous les partis. L'essentiel étant pour eux
« de guérir les blessures de la haine tribale ». Loin de Kigali, sans
plus aucune légitimité, le gouvernement fantôme mis en place il y a
une semaine a une nouvelle fois proposé une trêve aux rebelles...

L'ultimatum du FPR



Du côté des ressortissants étrangers, seuls ceux désirant rester sur
place n'ont pas été évacués. Avant même la fin de l'opération «
Amaryllis », le FPR a, par la voix de son représentant à New York,
donné « vingt-quatre heures aux troupes étrangères (sauf les casques
bleus - NDLR) pour quitter le pays ». L'expérience aidant, les
rebelles craignent en effet que ces dernières - et notamment les paras
français - n'agissent en faveur du gouvernement en fuite. Les
dirigeants du FPR ont indiqué, à maintes reprises, que leurs
combattants étaient prêts à affronter les troupes occidentales en cas
d'ingérence.

Comme en écho, François Léotard indiquait, hier, que la « dernière
compagnie sera évacuée » dans l'après-midi. Estimant que notre pays
devait être relayé au Rwanda par la communauté internationale et
l'ONU, le ministre de la Coopération a souligné de son côté que « la
France ne pouvait pas être le gendarme de l'Afrique ». Un effet de
manche qui ne fait pas oublier que les gouvernements successifs de
notre pays continuent de soutenir - et d'armer - sur ce continent des
régimes dont les principale vertus ne sont certainement pas la
démocratie et le pluralisme. N'était-ce pas le cas au Rwanda, il y a
peu encore ?

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