Fiche du document numéro 22997

Num
22997
Date
Samedi Mai 2010
Amj
Taille
217521
Titre
Les aventures de la conscience historique au Rwanda
Cote
Esprit No. 364 (5) (Mai 2010), pp. 103-121
Source
Type
Article de revue
Langue
FR
Citation
Un génocide interpelle l’histoire humaine de façon contradictoire. Il
mobilise d’une part des interrogations sur les processus qui ont pu
conduire à cette horreur absolue, suscitant des débats passionnés sur
les arrière-plans historiques, sur les responsabilités engagées à court
ou long terme [1]. Il tétanise d’autre part les victimes de cette
tentative d’extermination, il inspire une fascination morbide qui tend
à faire de l’événement un moment à la fois révélateur et fondateur, au
risque de rejeter comme négligeable tout ce qui a précédé. Le camp
d’extermination nazi devient un lieu incompréhensible, où l’humanité
s’anéantit dans un mystère du mal [2].

De même, sur une de ces collines touchées par la « saison des
machettes », Jean Hatzfeld constate cette sorte de vide humain :

Sur la commune de Nyamata, pas un réflexe de camaraderie de footeux,
pas un geste de compassion pour les nourrissons à relever. Aucun lien
d’amitié ou d’amour qui ait survécu [3]…


Mais d’autres témoignages ouvrent les pistes de l’histoire antérieure :

Il y avait des radios qui nous rabâchaient de tuer tous les Tutsis
depuis 1992. […] Je crois que l’idée du génocide a germé en 1959, quand
nous avons commencé à tuer des lots de Tutsis sans éprouver de
punitions ; et nous ne l’avons jamais enterrée profondément depuis…
Nous, on se disait que les Tutsis étaient devenus de trop, mais ce
n’était pas une idée préoccupante. On en parlait, on oubliait, on
patientait… Comme pour les travaux de culture, on attendait la bonne
saison. La mort de notre président a été le signal du chaos final. Mais
comme pour la récolte, c’était ensemencé d’avant [4].


Le témoignage d’Esther Mujawayo est également très éclairant sur le
rapport au passé chez les rescapés. Au lendemain des tueries ou encore
dix ans après, il ne suffisait pas d’avoir survécu, il fallait passer
de la « condamnation à vivre » au « choix de vivre ». Et la mémoire
alors ne peut évacuer la peur intériorisée depuis l’enfance, liée à
l’omniprésence d’un racisme officiel et populaire, qui a fini par
devenir comme naturel, à tel point que les violences antitutsi au
Rwanda ont toujours été traitées par des euphémismes, le « travail »
(akazi), mais aussi le « vent » (umuyaga), ce vent mauvais qui avait
soufflé périodiquement, en 1959, 1961, 1963, 1967, 1973, de 1991 à
1993 [5].

L’histoire spécifique du peuple occupant depuis des siècles cet espace
de la région des Grands Lacs appelé le Rwanda est donc en jeu. Mais de
quelle histoire s’agit-il ? Ou plus précisément, quelles sont les
paroles sur le passé qui ont été porteuses de cette histoire ? Ce qui a
été raconté et ce qui a été écrit. C’est là que les difficultés
commencent, même si les observateurs de cette région d’Afrique ont si
souvent le mot histoire plein la bouche.

En kinyarwanda, la façon de désigner l’histoire est significative :
ma-teeka, les informations sur le passé. Ce terme voisine en effet
étymologiquement avec gu-teeka – « sièger » (pour le roi), « trôner » –
et avec i-teeka – « décision, édit, sentence ». Le terme relatif à
l’histoire est lesté de pouvoir et de respect [6]. La comparaison avec le
Burundi voisin, dont la langue est pratiquement la même, montre la
spécificité du cas rwandais. En kirundi, vous expliquez simplement que
vous recherchez les « choses du passé », ivya keera [7]. Ensuite, les
détenteurs de cette connaissance distinguent amakuru, les
« informations » rapportées parce qu’on a vu les événements ou qu’on en
a entendu parler par des témoins jugés fiables, ou imigani, des
« récits » qui sont simplement rapportés sans source précise, un terme
qui englobe aussi « les contes, les légendes, les dictons ». On a donc
une description simple et concrète, paysanne pourrait-on dire, du
rapport au vécu dans le cas burundais, une évocation soumise à autorité
dans le cas rwandais.

Néanmoins, la réalité couverte par ce terme ma-teeka a connu plus de
vicissitudes que la simple philologie ne le suggère. Sans prétendre à
l’exhaustivité d’une historiographie, mais sans rester les yeux collés
sur l’actualité, nous allons tenter de rendre compte des approches de
l’histoire de ce pays du xixe siècle à nos jours, afin d’en dégager les
logiques et les faux-semblants, avec l’espoir d’ouvrir des pistes pour
le futur immédiat.

L’ancien royaume : l’héritage pesant des discours d’origine



Pour reprendre une expression de François Hartog [8], le régime
d’historicité de l’ancien Rwanda, à l’égal des autres civilisations
fondées sur la tradition, est celui de l’historia magistra, porteuse
des héritages exemplaires du passé. Le passage à la domination
coloniale n’a guère changé cette façon de voir, sinon d’investir ce
passé d’un référent racial censé lui conférer une scientificité
supérieure.

Les récits du passé : la fascination du pouvoir et le respect des généalogies



Les traditions orales de l’ancien Rwanda, telles qu’elles ont été
recueillies et transcrites par les premiers Européens installés dans le
pays, essentiellement par les missionnaires, et telles qu’elles ont
ensuite été enregistrées sur magnétophone, essentiellement par les
chercheurs du centre Irsac (Institut pour la recherche scientifique en
Afrique centrale) de Butare dans les années 1950, l’historien Jan
Vansina et le linguiste André Coupez, sont des récits focalisés sur la
formation et l’expansion du royaume. Dans son introduction à une
première synthèse publiée en 1962, Vansina faisait observer [9] :

Les premiers historiographes du Rwanda étaient les grands seigneurs
vivant à la cour de leur roi. Pour eux, le passé du Rwanda était
l’histoire d’un progrès pratiquement ininterrompu d’un peuple élu, les
Tutsi, dont la dynastie royale descendait du ciel. À partir des
pâturages du noyau primitif, le Rwanda s’est étendu et a continué à
s’étendre, parce que sa noblesse et sa dynastie étaient plus douées
qu’aucune autre pour la guerre et pour le gouvernement des hommes…


Même si les mémorialistes et narrateurs de cette histoire n’étaient pas
les « grands seigneurs » eux-mêmes [10], le propos est clair. L’histoire
du pays était liée à un pouvoir, celui d’une monarchie et celui d’une
dynastie. Les défaites étaient gommées ou éludées, la supériorité de la
dynastie tutsi des Banyiginya en ressortait au détriment des anciennes
principautés hutu ou tutsi assujetties, des royaumes voisins vus de
manière condescendante, des autres lignages tutsi que seules des
alliances avec la famille royale pouvaient rehausser et des Rwandais
d’appartenance hutu ou twa.

La critique de cette historiographie (ou plutôt de cette historiolalie,
une « histoire parlée ») a donc accompagné l’émergence, dans les années
1960, d’une véritable histoire critique de l’Afrique et de la volonté
de donner aux sources orales un statut scientifique de dignité égale à
celui des archives. Sur ce terrain précisément, Jan Vansina a publié
successivement deux ouvrages de référence analysant les problèmes posés
par la transmission des traditions, montrant la nécessité d’identifier
les porteurs de ces connaissances sur les plans social et politique, et
soulignant aussi le caractère incontournable de la forme quasi
littéraire prise par les récits mémorisés [11].

La qualité de la conservation des récits historiques au Rwanda apparaît
comme intimement liée à la centralisation du pouvoir [12]. Les narrations
des aèdes rwandais, rencontrés sur les collines ou convoqués dans les
bureaux de l’Irsac, sont devenues comme des monuments de la grandeur du
passé rwandais. Par exemple, entre 1952 et 1954, un certain Gakanisha,
issu d’une famille installée dans la région centrale du Nduga et devenu
une sorte de narrateur professionnel, récite environ dix heures de
« récits historiques », que publient ensuite en 1962 les linguistes
André Coupez et Thomas Kamanzi [13]. Ce type de récits, dont la
cristallisation a pu se faire dans les veillées des cours ou à l’ombre
des camps militaires entre lesquels se répartissaient les armées
royales au Rwanda, était dénommé ibitekerezo, c’est-à-dire des
« réflexions » destinées à l’édification des auditeurs. La forme (les
images, le rythme, la construction des séquences) est manifestement un
garant de la qualité de la transmission, mais aussi de la présence
d’une esthétique verbale. Ces énoncés oraux participent donc de la
textualité et deviennent comme des objets relevant d’une archéologie du
langage. L’historien de l’Afrique se trouvait en présence de ces textes
oraux comme un nouveau Mabillon, proposant une méthode de comparaison
des variantes.

Il est vrai que « l’oralité » des sociétés autrefois sans écriture est
d’une nature très différente de la « mémoire collective » des sociétés
contemporaines nourries d’écrits, d’école et de médiatisations
diverses. Mais le respect professionnel à l’égard de ces sources s’est
trouvé associé au respect calculé des autorités coloniales à l’égard de
la hiérarchie « coutumière » dans le cadre du système de
« l’administration indirecte ». Et ce respect scientifique et politique
des Européens rencontrait et renforçait le respect cultivé par les
Rwandais à l’égard des hauts faits du passé (amateka) et de leurs
acteurs.

Sur le fond, le ressort de cette histoire, son traitement du temps, est
celui des continuités de type généalogique. Le regretté Pierre Smith
avait analysé en 1970 une des formes de la connaissance historique dans
l’ancien Rwanda, l’ubucurabwenge, qu’il traduit littéralement par « la
forge de l’intelligence [14] ». Des mémorialistes conservaient la liste
des rois dans l’ordre de filiation, accompagnée de la liste des reines
mères avec leurs appartenances claniques. Le tableau qui en ressort a
structuré durablement la chronologie du royaume rwandais en y incluant
en amont deux séries de noms qui baignent dans un monde mythique
associé aux légendes des deux héros fondateurs successifs, Kigwa,
« Celui qui est tombé », et Gihanga, « Celui qui invente ». À la fin du
xixe siècle, l’aristocratie rwandaise avait pris aussi possession du
passé, en fondant son autorité sur des origines aussi prestigieuses que
mystérieuses. Les équilibres entre les « clans » (amoko [15]), des entités
spécifiques, englobant des Hutu, des Tutsi et des Twa, et dont les
structures reflétaient chaque fois une histoire particulière, se
trouvèrent également figés dans les termes de cette sorte de charte
orale [16].

La mainmise d’un schéma racial sur l’écriture du passé



La fascination des premiers partenaires européens de la monarchie
rwandaise, missionnaires et colonisateurs, pour cette histoire qui
extrayait le Rwanda des « ténèbres » attribués au reste de l’Afrique
centrale, débute dès l’époque allemande. Nous ne reviendrons pas ici
sur « l’idéologie hamitique », d’inspiration gobinienne, opposant les
« seigneurs tutsi » censés être d’origine éthiopienne, aux « paysans
hutu » définis comme « nègres bantous [17 ». La figure emblématique de
cette vision raciale est le missionnaire lorrain Léon Classe, un père
blanc admirateur de Joseph de Maistre et de l’ordre médiéval, adjoint
du vicaire apostolique Jean-Joseph Hirth dès 1908 avant d’être lui-même
évêque du Rwanda de 1922 à 1945 et de devenir le grand inspirateur de
la politique menée par les Belges dans ce pays, y compris de la
destitution du roi « païen » Musinga en 1931 au profit d’un prince
catéchumène [18]. Son idéologie est sans appel [19] :

Évidemment, les Watutzi ne sont pas des indigènes ordinaires. Race
supérieure…, ils constituent un terrain plus propice que d’autres à la
germination de la bonne semence.

En règle générale, nous n’aurons pas de chefs meilleurs, plus
intelligents, plus actifs, plus capables de comprendre le progrès, et
même plus acceptés par le peuple que les Batutsi.


Les généalogies aristocratiques retiennent toute l’attention des clercs
(au sens médiéval) qui prennent en charge l’histoire ancienne du pays.
Le père Léon Delmas publie un ouvrage entièrement consacré à ce
sujet [20]. Et le jeune abbé Alexis Kagame, encouragé par des
missionnaires, se lance dès 1935 dans la collecte et l’étude de la
« poésie dynastique » (l’uburabwenge vu plus haut). Il en tire une
synthèse en kinyarwanda, Inganji Karinga (« Le tambour vainqueur [21] »)
qui va devenir la Bible de l’aristocratie lettrée. Proche à la fois de
l’Église et de la cour, il livre jusqu’aux années 1970 des publications
érudites qui font de lui le grand historiographe national. Lui aussi
est obnubilé par les origines et les généalogies, sur lesquelles il
bâtit une chronologie en s’inspirant des travaux du généalogiste
autrichien Otto Forst de Battaglia sur les dynasties européennes [22].

Mais, en même temps, ces filiations se retrouvent investies d’un
marqueur biologique. La succession patrilinéaire se mue en hérédité des
traits et l’histoire héroïque de la construction du royaume devient un
aspect de la grande invasion d’une race supérieure venu du nord. C’est
ainsi que Kigwa, le héros fondateur légendaire de la dynastie, venu du
ciel avec tous les éléments de la culture rwandaise (le bétail, les
plantes cultivées, la forge, etc. et même la bergeronnette, l’oiseau de
bon augure !), devient le prototype d’une conquête tutsi [23].

Entre 1937 et 1939, Louis de Lacger, un chanoine du clergé d’Albi,
historien médiéviste de l’Aquitaine, est invité par Mgr Classe au
séminaire de Kabgayi. Il rédige une synthèse historique où le Rwanda
ancien est décrit à la manière du royaume des Capétiens bâti à partir
de l’Île-de-France. Le modèle qui est appliqué ici est celui des
« races historiques » selon Augustin Thierry, les Tutsi jouant le rôle
des Francs face aux Gaulois [24], à la différence près que les conquérants
civilisateurs tutsi seraient d’origine hamito-sémitique, voire
méditerranéenne, ce dont le prêtre français est informé par ses
collègues du lieu, experts en la matière [25] :

Ces seigneurs bouviers… d’où viennent-ils ? Quand on arrive de la Haute
Égypte ou des plateaux d’Abyssinie au Ruanda, on les reconnaît de
suite. On les a déjà vus ces hommes de haute taille, atteignant la
moyenne de 1,79 m […], minces de corps, aux membres longs et grêles,
réguliers de traits, de port noble, graves et hautains… Ils ont le type
caucasique et tiennent du sémite de l’Asie antérieure […] Avant d’être
ainsi nigritisés ces hommes étaient bronzés. Les Grecs, qui les avaient
[…] rencontrés sur le littoral méditerranéen, à Jérusalem comme à
Alexandrie, avaient été frappés de leur teint foncé et les avaient
appelés « Visages-Brûlés »-Aethiops… Les Arabes traduisirent dans leur
langue « éthiopien » par « hamite », mot qui signifie
« brun-rougeâtre » [sic].


Ainsi l’histoire écrite sous la colonisation prolonge les traditions
officielles du royaume, tout en leur donnant une nouvelle tonalité
« scientifique », celle de l’anthropologie raciale de la fin du xixe
siècle. Il faut aussi remarquer que la fascination des origines, des
migrations et des entités ethniques occulte complètement l’histoire
concrète des gens, le vécu économique et social. Des chroniques
politico-guerrières de type médiéval font oublier les travaux et les
jours ; les considérations sur les groupes définis par leurs origines
priment sur les individus confrontés aux difficultés de leur époque. Or
les « hommes ressemblent plus à leur temps qu’à leurs pères »,
rappelait Marc Bloch [26].

De la République au génocide : la refondation socio-raciale de l’histoire



Le renversement de l’ancienne royauté au tournant de la décolonisation
et le bouleversement social qui touche le pays, notamment ses élites,
au début des années 1960, représentent une révolution, qui ouvre
potentiellement le passage à un nouveau « régime d’historicité », à une
posture « futuriste » : la mémoire collective peut dès lors s’accrocher
à la commémoration du changement et à la célébration de héros
libérateurs, fondant l’attente de nouveaux progrès [27]. Or, dans une
large mesure, il n’en a rien été. La situation ancienne continue à être
la référence de base pour justifier un changement qui se concentre
essentiellement sur une permutation de l’équilibre des forces sociales,
toujours décrites en termes raciaux.

La poursuite d’une historiographie socio-raciale



Avec la « révolution sociale » qui éclate à la fin de 1959 et qui
conduit à la chute de la monarchie et à la proclamation de la
république, au point d’être comparée à la Révolution de 1789, on
pouvait s’attendre aussi à une nuit du 4 août idéologique et à une
nouvelle historiographie débarrassée de l’obsession des hiérarchies
héréditaires. Il n’en fut rien.

On a assisté au contraire à une reprise de la vulgate raciale
présentant les couches « sociales » comme le produit d’une série
d’invasions et la « démocratie » comme la revanche de la couche la plus
nombreuse, mais aussi plus ancienne que celle des « féodaux » tutsi, à
savoir celle du « peuple hutu » qualifié de rubanda rugufi, le « menu
peuple », puis de rubanda nyamwinshi, le « peuple majoritaire ». Le
modèle ethno-historique colonial était simplement inversé dans ses
polarités positive et négative : les Tutsi, assimilés en bloc à l’élite
dirigeante, devenaient une minorité d’envahisseurs étrangers, les Hutu
étaient par définition les autochtones. « Le Ruanda est le pays des
Bahutu (Bantu) et de tous ceux, blancs ou noirs, tutsi, européens ou
d’autres provenances, qui se débarrasseront des visées
féodo-colonialistes », proclame en mai 1960 le comité national du
Parmehutu (le Parti du mouvement de l’émancipation des Bahutu créé par
Grégoire Kayibanda), sinon les Tutsi sont invités à « retourner en
Abyssinie [28] ». Le « Manifeste des Bahutu », diffusé en mars 1957 par
neuf intellectuels proches des missionnaires, et sous-titré « Note sur
l’aspect social du problème racial indigène au Ruanda », prévoyait même
l’intervention des médecins pour trancher sur les cas indécis liés à
des « métissages [29] » !

Ce mouvement social était donc à des années-lumière de la pensée de
Marx, ce qui n’est pas étonnant dans le grand pensionnat catholique
qu’était devenu le Rwanda. Et pourtant le projet révolutionnaire hutu
s’est trouvé effectivement des cautions progressistes. Le constat
apparemment sociologique d’une « prémisse d’inégalité » entre « les
castes » hutu et tutsi, décrit dans le livre publié en 1954 par
Jacques-J. Maquet [30], un chercheur de l’Irsac, cité sans cesse à
l’époque, ne pouvait que conforter la légitimité d’une subversion menée
au nom de la masse hutu contre les dominants tutsi.

Une confusion extraordinaire marque pourtant les discours tenus sur la
paysannerie au tournant de la décolonisation [31]. L’héritage colonial
était celui du mépris pour le travail des agriculteurs africains, au
Rwanda comme ailleurs. Depuis les années 1930, les hauts responsables
du Ruanda-Urundi, connaisseurs de la région, ne font que déplorer
« l’arriération de la civilisation matérielle » ou « l’incapacité
d’innovation » des paysans de la région. Et soudainement, à la fin des
années 1950, alors que le nationalisme commence à toucher les élites
des deux pays, l’administration coloniale du Ruanda-Urundi ne jure plus
que par la paysannerie hutu asservie aux féodaux tutsi, en oubliant au
passage que la plupart des Tutsi étaient aussi des paysans [32].

À vrai dire, les observateurs belges ne partagent pas tous cette
schématisation sommaire. En 1960, par exemple, un économiste, Philippe
Leurquin, publie une enquête minutieuse sur le niveau de vie des
populations rurales [33], d’où il ressort que la différence entre Hutu et
Tutsi est peu significative à la campagne. Cette étude d’une société
monétarisée, mais préindustrielle, ouvrait des perspectives d’histoire
sociale quasi absentes dans le reste de la littérature.

Mais la politique de renversement des alliances, consistant à opposer
une contre-élite hutu, sortie du séminaire et qualifiée de « rurale »,
à l’élite tutsi jusque-là privilégiée, put compter sur l’Église, cette
fois sur sa frange « de gauche ». Dès la fin des années 1950, le
christianisme social s’intéresse de plus en plus au « tiers-monde ».
Cette notion, lancée par Alfred Sauvy en 1952, avait été confortée par
la conférence des non-alignés à Bandoeng de 1955. La critique politique
du « sous-développement » s’était forgée autour du cas sud-américain,
mais l’Afrique ne pouvait manifestement pas échapper à cette grande
prise de conscience du potentiel révolutionnaire des paysans, relayant
celui des ouvriers européens au xixe siècle. Dans les années 1960,
c’est dans cette direction que le christianisme social belge, porté
notamment par les militants de la Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc),
envisage l’histoire à venir.

La « révolution hutu » sembla répondre à cet idéal généreux, qui, au
Rwanda, se combina étonnamment avec la reprise benoîte d’un schéma
racial hérité de la pensée coloniale la plus réactionnaire. On pouvait
lire dans une revue chrétienne sociale belge en 1959 [34] :

La distinction physique entre les races composant le Ruanda et l’Urundi
est, en général, plus aisée à déterminer qu’au Congo […] les Hutu de
race bantoue [se distinguant des] Twa pygmées à courtes jambes [et des]
Tutsi aux longues jambes […] Les Hutu sont surtout cultivateurs ou
ouvriers [alors que] les Tutsis constituent l’aristocratie du pays.


La conclusion reprenait la vulgate :

Toute l’histoire du pays est marquée par ces distinctions raciales […]
Les Tutsi, pasteurs d’origine hamite, venant vraisemblablement de la
Somalie, le long du Nil [sic], avec leurs troupeaux de vaches à longues
cornes [et ayant créé] une féodalité tyrannique.


Cette synthèse socio-raciale, que la journaliste Marie-France Cros
qualifiera plus tard de « racisme de bon aloi [35] », bénéficie de l’appui
durable des sympathisants catholiques de la République rwandaise, qui,
en Europe, vulgarisent et cautionnent cette histoire officielle. Par
exemple une revue missionnaire française qui s’adresse aux jeunes
publie en 1987 ceci, sous le titre « La terre où Dieu se repose [36] » :

Nomades voyageant avec leurs troupeaux, voici les Tutsis, venus
d’Éthiopie. Ce sont des hommes de haute taille. Ils ont peuplé la
région à partir du xvie siècle. Peu nombreux, ils réussirent malgré
tout à devenir maîtres du pays. Les Hutus durent abandonner leurs
royaumes et se soumettre à ces seigneurs redoutables, ne conservant que
leur langue, qu’ils apprirent à leurs nouveaux chefs.


Cette imagerie « historique » trouve écho plus à gauche encore sur
l’échiquier idéologique européen des années 1960 et 1970, par exemple
dans des écrits inspirés par le maoïsme. Il faut se rappeler encore le
contexte : la révolution chinoise apparaissait comme l’illustration
d’un passage direct du « féodalisme » à une société moderne émancipée,
sans passer par le stade du capitalisme bourgeois, comme un modèle
d’une « révolution paysanne ». Même des milieux chrétiens sont
sensibles à l’époque à cet exemple d’une « éducation de base » qui
« part des masses pour retourner aux masses [37] ». Les projections
idéologiques sur la situation rwandaise ont donc été multiples, et
chaque fois avec une égale ignorance de l’histoire concrète de ce pays.

Dans le Rwanda républicain, le combat du peuple hutu contre la
féodalité tutsi est resté le thème fondamental des séances
« d’animation » hebdomadaire et des grandes commémorations (notamment
celles des événements de novembre 1959 et du référendum de septembre
1961, fondateur de la république). Chansons, chorégraphies
« historiques », timbres [38], y entretiennent le souvenir du passé sur le
mode de la vindicte. Et surtout, à chaque crise interne, politique ou
sociale, le régime réactive la peur et la haine des Tutsi, devenus les
boucs émissaires attitrés, pour relancer une mobilisation hutu et
neutraliser les oppositions internes, avec la certitude de bénéficier
de la compréhension des partenaires occidentaux. On l’observe en 1963,
en 1973, puis à partir de la fin des années 1980, avant même l’attaque
du Fpr d’octobre 1990. En juillet 1972 par exemple, alors que le
président Kayibanda se heurte à des difficultés qui vont déboucher un
an plus tard sur le coup d’État de Juvénal Habyarimana, le parti
Parmehutu diffuse une sorte de manuel d’histoire en kinyarwanda, « Les
principales périodes de l’histoire du Rwanda », où on pouvait lire ces
propos haineux sur les Tutsi, qui auraient conquis le pays vers 1700 et
appris la langue de ses habitants pour mieux les tromper [39] :

Le pouvoir [littéralement « tambour »] tutsi : c’est ce pouvoir qui fut
à l’origine de tous les malheurs que les fils de Gahutu [c’est-à-dire
les Hutu] ont connus. Il était comme le nid de la criminalité.

Comme les Hitlériens l’ont initié en Europe, les Batutsi ont aussi
pensé qu’ils étaient une race supérieure aux autres sur toute la terre,
créés pour commander et exploiter les Hutu sous le faux prétexte
mensonger qu’ils seraient venus du ciel, en se disant eux-mêmes
ibimanuka [40] [les descendus].


Quelques mois après la diffusion de ce conte raciste à prétention
historique et qui attribuait aux Rwandais tutsi l’idéologie qui avait
été plaquée sur eux, une nouvelle vague de pogromes et d’expulsions
s’abattait sur eux en février 1973.

On peut maintenant se demander où en était l’histoire dans le cadre
académique de l’Université nationale du Rwanda entre 1962 et 1994. Une
première génération d’historiens rwandais a émergé peu à peu,
parallèlement à l’évolution générale des recherches sur le Rwanda. Par
exemple les travaux de l’historienne américaine Catharine Newbury ont
apporté dès les années 1970 un nouveau souffle à cette historiographie,
à partir de l’étude d’une région périphérique, au sud-ouest du pays [41].
Le piétinement dans les récits d’origine était remplacé par une étude
des processus sociaux et politiques dans un cas concret, les statuts de
hutu et de tutsi n’apparaissaient plus comme immuables, des passerelles
existant entre ces deux catégories. La société rwandaise était enfin
désenchantée du racialisme ambiant, elle s’était construite au fil des
siècles, parallèlement à la centralisation politique.

On retrouve cette ouverture sur une histoire sociale digne de ce nom,
attentive aux réalités vécues et aussi à la différence des situations
régionales, par exemple dans une thèse sur l’histoire de l’élevage
soutenue à Paris 1 en 1986 par le regretté Jean-Népomucène
Nkurikiyimfura [42]. Parmi ces universitaires novateurs, hutu ou tutsi,
figurait aussi le regretté Emmanuel Ntezimana qui, en octobre 1986,
dans une conférence de rentrée universitaire, eut le courage de
souligner la complexité de l’histoire du « vieux peuple-nation »
rwandais [43] :

Dans quelles conditions et sous quelles formes tous les « aborigènes »
sont-ils entrés en contact avec les différents « immigrants » ?… Se
sont-ils insensiblement dissous parmi les « envahisseurs » ou
auraient-ils des représentants parmi les populations actuelles,
« reliques » transformées invariablement en « Abatwa », « Abatutsi »,
« Abahutu »?

Ces questions peuvent paraître superflues et nuageuses. On les pose
pour montrer la délicatesse et la complexité du sujet, comme « matière
d’histoire ». Je veux aussi réinsister sur l’absurdité de certains
débats de la part de gens dits « lettrés », qui visent à réclamer ou à
s’approprier exclusivement les civilisations et les héritages
antérieurs… par exemple les « vaches », les « tambours », le « fer »,
le « feu »…


Ces questions iconoclastes ne furent publiées qu’en 1990. Dans ses
cours, auxquels j’ai eu le plaisir d’assister au campus de Ruhengeri en
mars-avril 1990, ce professeur exemplaire demandait à ses étudiants de
« faire de l’histoire et pas de l’animation ». Mais, en même temps,
l’ancien chroniqueur de la royauté, Alexis Kagame, était toujours au
Rwanda, avec la bénédiction tacite des autorités. Cette étrange
situation ne peut s’expliquer que par un calcul du pouvoir : l’abbé
Kagame (jusqu’à sa mort en 1981) représentait à la fois une sorte de
caution culturelle pour l’étranger et, à l’intérieur, un monument
vivant de la pensée tutsi « traditionnelle » qui, en contrepoint,
confortait l’imagerie dichotomique de la révolution hutu. Dans une
synthèse publiée à Butare en 1972, ne développait-il pas des
considérations sur les « sang-mêlé », intermédiaires entre les Bahutu
et les Batutsi, de « type hamitique idéal » ! Sur le fond,
l’historiographie raciale officielle se trouvait ainsi légitimée [44].

La fascination de l’histoire dans la propagande du génocide



Au début des années 1990, les intégristes rwandais de l’idéologie des
races ne s’y trompent pas. Leur organe phare, le bimensuel Kangura,
s’en prend aux intellectuels qui osent contester le récit d’origine
officiel [45] :

Dans l’histoire (mateeka) du Rwanda, les premiers arrivants sont les
Batwa (Pygmoïdes) qui se consacraient à la chasse et à la cueillette ;
ensuite sont arrivés les Bahutu (Bantous) qui ont défriché la forêt
pour y cultiver et qui ont établi une organisation sociale ; enfin sont
venus les Batutsi (Nilotiques, Éthiopides) qui se consacraient à
l’élevage. Pourquoi veut-on changer notre histoire ? Qui aurait le
droit de changer l’histoire du pays ?


Dans cette presse extrémiste, puis, à partir de l’automne 1993, sur les
ondes de la Radiotélévision libre des Mille collines (Rtlm), fondée par
des proches du régime et notamment par des leaders du parti ultra-hutu
Coalition pour la défense de la République (Cdr) créé en 1992, les
références à l’histoire sont fréquentes. L’assimilation du mouvement
hutu à la Révolution de 1789 revient à l’ordre du jour : « Cette guerre
finale en cours est comparable à la Révolution française » explique un
journaliste de la Rtlm en juin 1994. À la même époque, le 50e
anniversaire du Débarquement en Normandie suscite aussi des
comparaisons entre les « résistants » français et les miliciens
interahamwe [46]. Malheureusement ces comparaisons populistes pouvaient
trouver des échos en France [47].

Mais la mobilisation autour des thèses du Hutu power, qui légitiment le
génocide au titre d’une « autodéfense populaire », s’appuie surtout sur
un retour à la révolution rwandaise de 1959-1961 et aux premiers
massacres de « cancrelats » (inyenzi) en 1963-1964. Dès novembre 1991,
Kangura publie en couverture le portrait de Grégoire Kayibanda, le
fondateur de la République hutu, accolé à une machette, avec une
légende en kinyarwanda disant :

Quelles armes pourrons-nous utiliser pour vaincre définitivement les
cafards ? Et si on nous ramenait la révolution des Hutu de 1959 pour
battre les cafards-tutsi [48].


De fait, tout un vocabulaire déjà rodé dans les crises antérieures – la
« colère populaire », les « cafards », le « travail » – est réactivé en
1994. Ce rappel du passé avait un sens précis sur l’échiquier politique
rwandais des années 1990 : il s’agissait de disloquer l’opposition
démocratique hutu, qui s’exprimait notamment dans le parti mdr
(Mouvement démocratique républicain [49]), et d’assurer un rapprochement
de ses militants avec ceux de l’ancien parti unique mrnd (Mouvement
révolutionnaire national pour le développement) sur la ligne du
Parmehutu des années 1960. Ce programme de front unitaire hutu, dit
Hutu power, qui se concrétisa sur le terrain à la veille et au cours du
génocide [50], se ressourçait dans le souvenir de la politique de
Kayibanda, moment fondateur de l’histoire du peuple hutu. Celui-ci
était fondé sur une entente entre les intellectuels hutu du centre et
du sud du pays, soucieux de rééquilibrage « social », et les grands
notables hutu du Nord, qui cherchaient à reconstruire leur ancienne
hégémonie locale [51]. Les Tutsi représentaient le bouc émissaire idéal de
ce rapprochement entre des intérêts sensiblement différents.

L’arrivée au pouvoir de Habyarimana en 1973 avait représenté la
revanche du Nord. La crise de son régime au début de 1990 suscita un
retour au moment fondateur de la république hutu, c’est-à-dire à
l’intégrisme « ethnique » et à ses justifications historiques bien
rodées. La région du président Habyarimana était toujours décrite comme
la quintessence du « peuple majoritaire » et l’illustration d’une
culture rwandaise primordiale, inspiratrice d’un retour nécessaire à
l’esprit de la « révolution sociale » de 1959, face aux « cafards »,
ces aristocrates allogènes qui avaient fui la démocratie et qui
voulaient la détruire [52].

On comprend dans ces conditions que toute critique du discours
« historique » sur la dimension raciale des problèmes sociaux devait
être étouffée. La grille de lecture dominante devait être celle d’un
programme de « guerre finale » entre des ethnies antagonistes depuis
des siècles. On comprend aussi pourquoi tant d’historiens rwandais,
tutsi et hutu « mal pensants », ont disparu en 1994.

Les défis de l’après-génocide



Tout se passe comme si, depuis 1994, l’opinion publique rwandaise,
traumatisée, se trouvait brutalement projetée dans le troisième
« régime d’historicité », tel que défini par François Hartog, celui de
la crise actuelle des grands « horizons d’attente », de la « dilatation
du présent » et de l’éclatement des mémoires. Le défi du nouveau Rwanda
s’exprime dans une interrogation anxieuse sur la possibilité de
retrouver un fil conducteur permettant de mettre en perspective
l’expérience extrême vécue il y a quinze ans.

Rupture ou continuité ? Entre la commémoration et la négation



La place du génocide dans l’histoire du Rwanda relève de deux lectures
antagonistes. Pour les rescapés et leurs proches, il s’agit d’une
rupture dramatique, insérée certes dans l’histoire d’un racisme, comme
on l’a vu, mais poussée à un tel extrême que ce passage à vide ne peut
qu’inciter à fonder un nouveau Rwanda, débarrassé de ses fantômes.
L’année 1994 représente dès lors un tournant fondateur, le marqueur
tragique d’une nouvelle indépendance, puisque les Rwandais ont dû
trouver eux-mêmes la solution en l’absence de toute aide véritable de
la communauté internationale. Le nationalisme exprimé de façon
virulente par le régime établi par le Front patriotique rwandais en
juillet 1994 repose d’abord sur cette expérience.

Une politique mémorielle a été développée sur cette base : sites et
commémorations ont été pris en charge officiellement, non sans
quiproquos : quel sort réserver aux Hutu également victimes des tueries
racistes de 1994 au titre de « complices » ? Quelle place donner aux
rescapés dans ces cérémonies et dans la société ? Et plus généralement
que signifie la « réconciliation », également prônée en haut lieu
parallèlement aux processus judiciaires ? Et aussi comment éviter, au
nom de l’unité nationale, de parler des entités hutu et tutsi, qui ont
été au cœur de la propagande du génocide ? Ce dernier a en effet donné
cruellement corps au clivage racial forgé pour le légitimer. Le piège
est existentiel. Où sont les « Rwandais » après cette tentative
d’extermination ciblée d’une partie d’entre eux ? Même si la « race »
est dans les yeux des tueurs et non sur le nez des victimes, comment
les morts ainsi produits peuvent-ils aujourd’hui « parler » pour
l’avenir [53] ?

Mais d’autre part, le scepticisme ou la dénégation habitent toute une
partie de la population rwandaise, qui rejette sur le Fpr la
responsabilité de la crise et continue à penser les massacres en termes
de réaction défensive. Sur les collines, la plupart des gens ne peuvent
en fait ignorer ce qui s’est passé. Les témoignages hutu sur le
génocide ont été nombreux, les représailles ou les menaces sur ces
témoins également. Mais en milieu intellectuel et surtout dans la
diaspora des exilés, où se confondent responsables et victimes de la
situation, il est plus aisé de construire et de diffuser des
justifications, qui situent 1994 dans une longue histoire de luttes des
Hutu contre les Tutsi. Ce travail de négation est d’autant plus facile
qu’il rencontre toujours la sympathie d’observateurs européens,
attachés aux anciennes lectures du passé rwandais, conformes à un
« africanisme » vulgarisé ou nostalgiques d’une coopération jugée
« exemplaire », ou encore, en France, celle de groupes soucieux de
défendre à tout prix les mérites de la politique de Paris au Rwanda
entre 1990 et 1994 [54].

Là encore, « l’histoire » est mise à contribution, sous forme de
reprise de la vulgate socio-raciale. Cette littérature fleurit
anonymement sur l’internet : les envahisseurs tutsi venus d’Éthiopie
créer la féodalité au Rwanda, etc. En février 2009 (un exemple parmi
des quantités), on pouvait lire sur le site Kongo Times, l’énoncé
suivant [55] :

Le conflit hutu-tutsi. Historique. Les événements que vit actuellement
le Rwanda trouvent leur origine dans la stratification des classes
sociales qui se sont confondues, sous la monarchie et la colonisation,
avec les ethnies. Ainsi la classe dominante et régnante était faite de
Tutsis, la classe ouvrière [sic] était celle des Hutus… taillables et
corvéables à merci…


Même des auteurs occidentaux se permettent d’écrire sur le sujet des
fictions ou des essais sur un style de safari intellectuel que l’on ne
se permettrait pas sur d’autres parties du monde [56]. Celui qui est le
plus entré dans le débat public français sur le Rwanda est le
journaliste Pierre Péan pour son livre publié en 2005, où il développe
le thème, fondamental à ses yeux, de « la culture du mensonge et de la
dissimulation qui domine toutes les autres chez les Tutsis [57] ». Or il
s’appuie notamment sur les observations attribuées à un « agent
territorial » belge, Paul Dresse, qui était en fait un aristocrate,
poète et essayiste d’extrême droite, ami de Léon Daudet, et qui, après
avoir effectué un seul et bref séjour au Rwanda, publia en 1940, dans
une collection intitulée « Les petites études historiques », un récit
de voyage au ton particulièrement raciste et aux relents antisémites [58].
Or l’éditeur de Péan défend son livre en tant que « relecture de
l’histoire du drame rwandais [59] ». Par-delà les interrogations d’ordre
politique ou moral soulevées à ce sujet, il faut surtout s’étonner
qu’une littérature aussi médiocre sur le plan méthodologique puisse
entrer dans un débat « d’histoire » sur un pays d’Afrique. En
paraphrasant le propos de Pline l’Ancien, Semper aliquid novi ex
Africa
, il faut bien constater qu’en France tout et n’importe quoi
continuent à pouvoir être écrits sur ce continent.

L’effet est ravageur sur l’opinion des Rwandais, qui, devant tout le
bruit ainsi créé, se disent que manifestement parler « d’histoire » sur
leur pays ne peut mener qu’aux pires polémiques, celles dont les mots
ont été associés à des morts.

La peur de l’histoire à Kigali



Le poids de l’idéologie de races qui a envahi l’historiographie
rwandaise, sa mobilisation dans la propagande du génocide et les échos
qu’elle continue à trouver dans l’opinion européenne expliquent sans
doute la position des autorités de Kigali à propos de cette
discipline : depuis 1994, l’enseignement de l’histoire du Rwanda a été
gelé, en attendant de nouveaux programmes. En 1998 et 1999, les
universitaires ont été sollicités, mais sans que cette démarche aille à
terme. Les questions « chaudes » concernent l’histoire du peuplement et
la constitution des « ethnies », mais aussi l’interprétation de la
révolution de 1959 [60].

Comme les mémoires sont à vif et que la conscience historique ne se met
pas ainsi entre parenthèses, on peut dire que les anciennes dérives ont
débouché sur une impasse. La phrase du philosophe américain Georges
Santayana, sans cesse reprise, jusqu’à l’entrée du musée d’Auschwitz,
« Ceux qui oublient le passé sont condamnés à le revivre [61] », souligne
les dangers de l’amnésie collective. Mais la crispation est liée ici au
fait que le présent semble toujours poursuivi par le passé et en mal de
se construire un avenir.

Au nom de « l’unité nationale » et alors que le passé récent est
évidemment toujours vivace, les enseignants, privés de manuels, se sont
trouvés en même temps confrontés à une législation qui impose une
tolérance zéro à l’égard de « l’idéologie génocidaire ». Dans
l’ambiance policière qui règne au Rwanda, la situation est souvent
vécue par eux comme intenable [62].

Cela étant, il a fallu vingt ans pour que la Shoah soit enseignée dans
les écoles allemandes et il est demandé au Rwanda, où cohabitent les
fils des bourreaux et les fils des victimes, de faire tout vite et
bien. Une thèse récente, qui revient sur ce problème depuis
l’indépendance, définit bien le défi pédagogique et social [63] : rétablir
le pont indispensable entre histoire enseignée et acquis scientifiques,
mais aussi donner des repères de réconciliation, combinant les éléments
d’unité du peuple rwandais et le respect de l’altérité des héritages et
des mémoires.

Une issue nous est annoncée aujourd’hui. Depuis 2004, des groupes de
travail ont été formés dans le cadre d’un Curriculum development centre
mis en place par le ministère de l’Éducation avec des partenariats
américains, notamment ceux d’un centre des Droits de l’homme de
l’université de Berkeley et du programme de l’association Facing
History and Ourselves de l’université de Boston. L’esprit en est celui
de la pédagogie participative. Les exemples utilisés sont ceux de
l’Allemagne post-nazie, de la Yougoslavie et de l’apartheid [64].
L’association est également présente en Afrique du Sud et en Ouganda.

Un avant-projet diffusé en 2006 nous donne une idée de la thématique
retenue [65]. Le fait colonial ayant été pris comme le tournant crucial,
la périodisation adoptée est finalement assez banale : Rwanda
précolonial, période coloniale, Rwanda postcolonial jusqu’en 1990,
temps présent 1990-1994. Cela semble répondre à une tendance forte de
l’opinion des intellectuels qui consiste à imputer au système colonial
la responsabilité essentielle dans la division de la société
rwandaise [66]. Pour chacune des quatre périodes, un fait important a été
choisi comme prioritaire : respectivement les clans, la réforme
administrative belge de 1926, la ségrégation ethnique et régionale,
l’idéologie génocidaire. Ce programme, marqué par le souci de la
reconstruction nationale, vise manifestement à combattre l’a priori
« ethnique » au détriment d’autres approches. La rigueur scientifique
du texte, auquel ont contribué des spécialistes rwandais et américains,
est indéniable, mais il faut attendre les manuels pour en apprécier les
résultats.



En conclusion, il faudrait tracer des perspectives. La gestion du passé
est confrontée aux contradictions habituelles entre mémoire et
histoire, si bien analysée par Paul Ricœur. Mais le Rwanda est un pays
pétri d’histoire, et notamment d’une histoire politique
particulièrement présente, voire oppressante. Les mémoires y ont été
façonnées de manière extrême par un référent idéologique autour duquel
tous les débats tournent, par paresse intellectuelle ou, plus crûment,
à cause des conséquences dramatiques de ce facteur. En parlant
d’aventures dans notre titre, nous voulions souligner la gravité des
dérives et des impasses où a conduit le rappel incessant de moments
jugés fondateurs du passé par les maîtres à penser de la société
rwandaise, sans parler de l’amateurisme de nombre d’auteurs étiquetés
« historiens ».

Les « imaginaires sociaux » font partie du vécu [67] mais, quand ils
deviennent des sortes d’allégories érigées en acteurs de l’histoire,
hors de portée humaine, la mystification s’installe. Peut-on envisager
une histoire sociale digne de ce nom, traitant de la vie des gens qui
ont, au fil des siècles, organisé physiquement et humainement un des
espaces inscrits dans la région des Grands Lacs, avec des variations
sensibles selon les lieux et bien sûr les époques ? Une histoire qui ne
serait pas écrasée entre une obsession lancinante des « origines » et
un discours journalistique sur l’immédiat. La perception et le
fonctionnement des clivages dits identitaires en ressortiraient de
façon à la fois plus relative et plus claire.

Jean-Pierre Chrétien

Historien, spécialiste de l'Afrique des Grands Lacs.
Auteur notamment de l’Afrique des Grands Lacs. Deux
mille ans d’histoire
, Paris, Aubier, 2000, rééd. Paris, Flammarion,
coll. « Champs », 2003 et du Défi de l’ethnisme. Rwanda et Burundi,
1990-1996
, Paris, Karthala, 1997. Voir aussi dans Esprit : « Le
Rwanda piégé par son histoire », Esprit, août-septembre 2000 ; « Le
nœud du génocide rwandais », Esprit, juillet 1999 ; « Rwanda et
Burundi : la mémoire à vif », Esprit, juillet 1997 ; « Rwanda :
mémoire ou négation d’un génocide ? », Esprit, mars-avril 1995.

Notes



* 1.
Voir la « querelle des historiens » (Historikerstreit) en Allemagne
à la fin des années 1960.

* 2.
On trouve des échos de ce débat par exemple chez Tzvetan Todorov,
« Dix ans sans Primo Levi », Esprit, février 1998, p. 125-138.

* 3.
Jean Hatzfeld, Une saison de machettes, Paris, Le Seuil, 2003, p.
127.

* 4.
J. Hatzfeld, Une saison de machettes, op. cit., p. 266 et 268.

* 5.
E. Mujawayo et S. Belhaddad, SurVivantes. Dix ans après le
génocide
, La Tour-d’Aigues, Éd. de l’Aube, 2004, p. 29 et 122.

* 6.
Voir I. Jacob (sous la dir. de), Dictionnaire rwandais-français,
Kigali, Imprimerie scolaire, 1985, t. III, p. 307-308. Nous
marquons d’un tiret, pour plus de clarté, la coupure entre le
préfixe et le radical.

* 7.
Iteeka en kirundi signifie également « loi », mais aussi
« privilège, honneur, bois sacré », en aucun cas « histoire ».

* 8.
François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expérience
du temps
, Paris, Le Seuil, 2003.

* 9.
Jan Vansina, l’Évolution du royaume rwanda, des origines à 1900,
Bruxelles, Arsom, 1962, p. 5.

* 10.
Par exemple le vieux Hutu Sekarama, interrogé par le missionnaire
allemand Peter Schumacher entre 1928 et 1933, était un ancien
chroniqueur réputé de la Cour royale (voir P. Schumacher, Ruanda,
manuscrit édité en microfilm par la revue Anthropos, 1958, p.
141-142).

* 11.
J. Vansina, De la tradition orale. Essai de méthode historique,
Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale, 1961 ; Oral tradition
as history
, Madison, University of Wisconsin, 1985 (rééd. Londres
et Nairobi, J. Currey/East African educational publishers, 1992).
On pourrait citer aussi C.-H. Perrot et al., Sources orales de
l’histoire de l’Afrique
, Paris, Éd. du cnrs, 1989 (rééd. 1993).
Voir Jean-Pierre Chrétien, « Pour une historiographie des
traditions orales : la fin d’une époque dans la région des Grands
Lacs ? », dans M. Chastanet et J.-P. Chrétien (sous la dir. de),
Entre la parole et l’écrit. Contributions à l’histoire de l’Afrique
en hommage à Claude-Hélène Perrot
, Paris, Karthala, 2008, p. 25-42.

* 12.
Le Burundi par exemple offre un spectacle beaucoup plus éclaté, que
Jan Vansina a aussi mis en valeur dans un recueil intitulé
significativement la Légende du passé. Traditions orales du
Burundi
, Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale, 1972.

* 13.
André Coupez et Thomas Kamanzi, Récits historiques rwanda,
Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale, 1962.

* 14.
P. Smith, « La forge de l’intelligence », L’Homme, 1970, 2, p.
5-21. On notera à ce propos que, en dépit de la propagande raciste
qui a accompagné le génocide des Tutsi et gagné même des écrits
français, le mot kinyarwanda ubwenge désigne essentiellement
l’intelligence, la finesse, l’habileté, et non la « fourberie ».
D’autres vocables existent dans cette langue pour désigner le
mensonge.

* 15.
Pluriel de ubwoko, terme transposé sur les papiers d’identité pour
désigner les « ethnies » à partir des années 1930.

* 16.
Sur ces aspects voir aussi C. Vidal, « Enquêtes sur l’histoire et
sur l’au-delà. Rwanda, 1800-1970 », L’Homme, 1984, 3-4, notamment
p. 63-67.

* 17.
Voir J.-P. Chrétien, « Hutu et Tutsi au Rwanda et au Burundi »,
dans J. L. Amselle et E. M’Bokolo (sous la dir. de), Au cœur de
l’ethnie
, Paris, La Découverte, 1985 (rééd. 1999), p. 129-165.

* 18.
Voir P. Rutayisire, la Christianisation du Rwanda (1900-1945).
Méthode missionnaire et politique selon Mgr Léon Classe
, Fribourg,
Éditions universitaires, 1987.

* 19.
Citations tirées des périodiques Grands Lacs, mars 1935, et L’Essor
maritime et colonial
, décembre 1930.

* 20.
Léon Delmas, les Généalogies de la noblesse (Batutsi) du Ruanda,
Kabgayi, Vicariat apostolique du Ruanda, 1950.

* 21.
Alexis Kagame, Inganji Karinga, Kabgayi, Vicariat apostolique du
Ruanda, 1943-1947, 2 vol., 2e éd., 1959.

* 22.
Otto Forst de Battaglia, Traité de généalogie, Lausanne, Spes, 1949
(trad. fr. abrégée d’une édition allemande). Voir la critique
précise de la chronologie de Kagame par Jean-Népomucène
Nkurikiyimfura, « La révision d’une chronologie : le cas du royaume
du Rwanda », dans C.-H. Perrot et al., Sources orales de l’histoire
de l’Afrique, op. cit., p. 149-180.

* 23.
Voir J.-P. Chrétien, « Mythes et stratégies autour des origines du
Rwanda (xixe-xxe siècles) : Kigwa et Gihanga, entre le ciel, les
collines et l’Éthiopie », dans J.-P. Chrétien et J.-L. Triaud (sous
la dir. de), Histoire d’Afrique. Les enjeux de mémoire, Paris,
Karthala, 1999, p. 281-319.

* 24.
Voir D. Franche, « Généalogie du génocide rwandais. Hutu et Tutsi :
Gaulois et Francs ? », Temps modernes, mai-juin 1995, p. 1-58.

* 25.
Louis de Lacger, Ruanda, Kabgayi, Vicariat apostolique du Ruanda,
1939-1940, 2e éd., 1961, p. 56. Il pouvait s’appuyer sur un
prédécesseur : A. Pagès, Au Ruanda… Un royaume hamite au centre de
l’Afrique
, Bruxelles, Ircb, 1933.

* 26.
Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Paris,
Armand Colin, rééd. 1974, p. 41.

* 27.
Voir F. Hartog, Régimes d’historicité…, op. cit. et J.-P. Chrétien
et J.-L. Triaud (sous la dir. de), Histoire d’Afrique. Les enjeux
de mémoire, Paris, Karthala, 1999, notamment la conclusion.

* 28.
F. Nkundabagenzi, Rwanda politique. 1958-1960, Bruxelles, Crisp,
1962, p. 252.

* 29.
F. Nkundabagenzi, Rwanda politique…, op. cit., p. 23.

* 30.
Jacques-J. Maquet, le Système des relations sociales dans le Ruanda
ancien
, Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale, 1954. Cette
étude portait sur la situation vers 1950, méconnaissant le
demi-siècle de gestion coloniale et son a priori raciste, comme
s’il s’agissait d’un Rwanda éternel.

* 31.
À ce sujet, voir J.-P. Chrétien, « La paysannerie captive de
modèles totalitaires en Afrique centrale au xxe siècle. Le travail
de Sisyphe de la critique historique », dans I. Ndaywel e Nziem et
E. Mudimbe-Boyi (sous la dir. de), Images, mémoires et savoirs. Une
histoire en partage avec Bogumil Koss Jewsiewicki, Paris, Karthala,
2009, p. 385-402.

* 32.
Voir P. Ryckmans, Dominer pour servir, Bruxelles, Albert Dewit,
1931, p. 29 ; J.-P. Harroy, Rwanda. De la féodalité à la
démocratie
, 1955-1962, Bruxelles, Hayez-Arsom, 1984, p. 142.

* 33.
Philippe Leurquin, le Niveau de vie des populations rurales du
Ruanda-Urundi
, Louvain, Nauwelaerts, 1960.

* 34.
L. Bragard, « Vers l’indépendance du Ruanda-Urundi. Les problèmes
essentiels », Dossiers de l’action sociale catholique, octobre
1959, p. 643-676.

* 35.
Marie-France Cros, La Libre Belgique, 1er juin 1994.

* 36.
Terres lointaines. Revue missionnaire des jeunes, novembre 1987, p.
10.

* 37.
Voir J.-P. Chrétien, « La paysannerie captive de modèles
totalitaires en Afrique centrale au xxe siècle… », art. cité, p.
393-398.

* 38.
Par exemple un timbre consacré au « 10e anniversaire de la
révolution. 1959-1969 », œuvre d’Antoine Nyetera, où l’on voit un
homme brandissant une houe et piétinant une parure royale et un
tambour. Ce dessinateur, installé aujourd’hui en Belgique, se
présente comme tutsi d’origine princière, mais justifie toujours,
au nom des leçons de « l’histoire » qu’un « œil vigilant » ait été
gardé sur les Tutsi, « car en effet, comme l’a si bien dit
Mao-Tse-Tung, la révolution ne se prépare pas comme un banquet. Une
fois qu’elle commence, elle se poursuit jusqu’à son achèvement –
quand elle aura atteint son objectif. C’eût été un manque
d’objectivité de permettre aux Tutsi de reprendre le pouvoir qu’ils
avaient monopolisé depuis plus de trois siècles » (conférence tenue
au Parlement européen le 27 novembre 1998).

* 39.
Ingingo z’ingenzi mu mateka y’u Rwanda, Kigali, Bureau
d’information de la présidence de la République (dixième
anniversaire de l’Indépendance), s. d. [1972], p. 3 et 10.

* 40.
Allusion au mythe de Kigwa, évoqué plus haut.

* 41.
Catharine Newbury, The Cohesion of Oppression. Clientship and
Ethnicity in Rwanda
, 1860-1960, New York, Columbia University
Press, 1988. L’ouvrage est tiré d’une thèse soutenue en 1975 et
avait été précédé d’articles méthodologiques comme : « Deux
lignages au Kinyaga », Cahiers d’études africaines, 1974, 1, p.
26-38.

* 42.
Jean-Népomucène Nkurikiyimfura, le Gros bétail et la société
rwandaise. Évolution historique : des xiie-xive siècles à 1958
,
Paris, L’Harmattan, 1994. Il a été massacré à Butare avec toute sa
famille lors du génocide.

* 43.
Emmanuel Ntezimana, « Histoire, culture et conscience nationale :
le cas du Rwanda des origines à 1900 », Études rwandaises, 1987
[antidaté], 4, p. 462-497.

* 44.
A. Kagame, Un abrégé de l’ethno-histoire du Rwanda, Butare,
Éditions universitaires du Rwanda, 1972, p. 21.

* 45.
Kangura, novembre 1990, no 4, p. 21 (extrait traduit du
kinyarwanda).

* 46.
Kantano Habimana, Rtlm, 17 juin 1994 ; Gaspard Gahigi, Rtlm, 3 juin
1994 (voir J.-P. Chrétien et al., Rwanda. Les médias du génocide,
Paris, Karthala, 1995, p. 330-333).

* 47.
Voir J. Lacouture, Mitterrand, Paris, Le Seuil, 1998, vol. 2, p.
462-463.

* 48.
Kangura, novembre 1991, no 26 (la couverture et p. 114).

* 49.
Voir J. Bertrand, Rwanda. Le piège de l’histoire. L’opposition
démocratique avant le génocide (1990-1994)
, Paris, Karthala, 2000.

* 50.
Voir J.-P. Kimonyo, Rwanda. Un génocide populaire, Paris, Karthala,
2008.

* 51.
Voir L. Saur, « La frontière ethnique comme outil de conquête du
pouvoir : le cas du Parmehutu », contribution au colloque du Cemaf
« Mobilités, traces et frontières dans l’Afrique des Grands Lacs »,
Paris, 20 octobre 2007.

* 52.
Cela apparaît bien dans des interviews des deux promoteurs de la
Rtlm, Jean-Bosco Barayagwiza, un des fondateurs du parti Cdr, et
l’historien Ferdinand Nahimana (Rtlm, décembre 1993 et mars 1994)
et aussi en conclusion de la thèse de ce dernier sur les anciens
petits royaumes du nord-ouest du pays, soutenue en 1986 à Paris 7,
dans la version publiée : F. Nahimana, le Rwanda. Émergence d’un
État, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 315-318.

* 53.
Sur ces aspects, voir la remarquable analyse de Valérie Rosoux,
« La gestion du passé au Rwanda : ambivalence et poids du
silence », Genèses, 2005, no 61, p. 28-46.

* 54.
J.-P. Chrétien, « France et Rwanda : le cercle vicieux », Politique
africaine, mars 2009, no 113, p. 121-137.

* 55.
http://afrique.kongotimes.info, 15 février 2009, sous un titre
marquant l’intention négationniste : « Rwanda. Voici les preuves de
la planification du génocide des Hutus par le Fpr de Paul Kagamé. »

* 56.
Dans le genre romanesque, le récent titre de Patrick Besson, Mais
le fleuve tuera l’homme blanc
, Paris, Fayard, 2009, où l’on
retrouve tous les fantasmes du roman colonial.

* 57.
Pierre Péan, Noires fureurs, blancs menteurs. Rwanda 1990-1994,
Paris, Fayard, 2005, p. 41 sqq.

* 58.
Paul Dresse, le Ruanda d’aujourd’hui, Bruxelles, Éd. Charles
Dessart, 1940.

* 59.
« Vérités interdites sur le drame rwandais », 2 octobre 2007,

http://www.fayard.fr/Fayard/CtlPrincipal.

* 60.
Voir Pascal Bianchini, Une tâche problématique : enseigner
l’histoire au Rwanda après le génocide
, Paris 7, publication du
Sedet, sous presse.

* 61.
Sentence tirée de The Life of Reason, New York, Scribner’s, 1905.

* 62.
Voir J. Ruremesha, « Rwanda, dix ans après : le génocide absent des
écoles » et M. Bineta, « La lutte contre l’idéologie génocidaire
paralyse les enseignants », http://www.syfiagrands-lacs.info, 6
avril 2004 et 27 mars 2008.

* 63.
J. D. Gasanabo, Mémoires et histoire scolaire, le cas du Rwanda,
thèse, université de Genève, 2004.

* 64.
Voir G. Weldon, “Rwanda report”, http://curriculum.pgwc.gov.za,
juillet 2006 et J.Rutayisire et al., “Redefining Rwanda’s Future:
The Role of Curriculum in Social Reconstruction”, dans T. Sobhi et
A. Harley (eds), Education, Conflict and Social Cohesion, Genève,
Bureau international de l’éducation, p. 315-373.

* 65.
S. W. Freedman et al., « L’enseignement de l’histoire du Rwanda.
Approche participative. Pour les écoles secondaires du Rwanda.
Ouvrage de référence pour l’enseignant »,
hrc.berkeley.edu/pdfs/Rwanda-Curriculum-French1

* 66.
D’après une enquête très intéressante menée en 2009 auprès des
étudiants de Kigali par P. Bianchini, Une tâche problématique…, op.
cit.

* 67.
G. Duby, les Trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme, Paris,
Gallimard, 1978 ; C. Castoriadis, l’Institution imaginaire de la
société
, Paris, Le Seuil, 1975.

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