Fiche du document numéro 22238

Num
22238
Date
Vendredi 22 mai 1998
Amj
Taille
1695569
Titre
Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 76 [Le départ de Cyangugu pour Bukavu - Les camps au Zaïre]
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
Face A de la cassette #76.
PD -Alors nous sommes vendredi le 22 mai 1998, nous reprenons l’interrogatoire de Monsieur Kambanda,
comme à l'habitude Monsieur Kambanda nous allons vous lire l'avis des droits du suspect avant de débuter.
Avant de répondre à nos questions vous devez comprendre vos droits. En vertu des articles 42 et 43 du
règlement de preuve et de procédure du Tribunal pénal international pour le Rwanda, nous devons vous
informer que notre entretien est présentement enregistré et que vous avez les droits suivants: 1, vous avez le
droit d’être assisté d’un avocat de votre choix ou d’obtenir les services d’un avocat sans frais si vous n'avez
pas les moyens financiers de payer les services d’un avocat. 2, vous avez le droit d’être assisté d’un interprète
sans frais, si vous ne pouvez pas comprendre la langue utilisée lors de l’entrevue. 3, vous avez le droit de
garder le silence si vous le souhaitez. 4, toute déclaration que vous ferez sera enregistrée et pourra servir de
preuve contre vous. 5, s1 vous décidiez de répondre à nos questions sans la présence d’un avocat, vous pouvez
vous arrêter... vous pouvez arrêter l’entrevue en tout temps et requérir les services d’ un avocat. En bas il ya
le paragraphe renonciation aux droits, que je vous demanderai de lire, puis si vous comprenez et acquiescez,
vous pouvez signer en bas.
JK -J’ai lu ou on m’a lu dans une langue que je comprends l'énoncé de mes droits, je comprends l’étendue
de mes droits, je comprends également que ce que je dis est présentement enregistré. Je comprends et je parle
la langue utilisée lors du présent interrogatoire, soit directement, soit par l'intermédiaire de l’interprète qui
m'a été assigné. Je suis prêt à répondre à vos questions et à faire une déclaration. J ’affirme en toute
connaissance de cause que je ne désire pas d’avocat en ce moment. Aucune promesse ni menace ne m'a été
faite et aucune pression n’a été exercée sur moi.
PD -Alors pour les fins d’identification des voix sur l’enregistrement, je demanderai aux personnes présentes de s'identifier s’il vous plaît.
FT JK -Jean Kambanda.

MD -Marcel Desaulnier.

PD -Pierre Duclos.

MD -Alors la formule renonciation aux droits a été signée par Monsieur Kambanda, je vais signer comme

témoin. Et Monsieur Duclos a posé aussi sa signature.

PD -Ce ruban sera le ruban numéro 76. Nous débuterons aujourd’hui par quoi Monsieur Kambanda ?

JK -Par l'exil. Chapitre 9.2. Je suis entré au Zaïre en hélicoptère accompagné du ministre
Bizimana et d’un pilote le 18 avril... le 18 juillet 1994. Je séjournais à
Cyangugu depuis le 16 avec les mêmes personnes, ayant couché la
première nuit à l’évêché, la deuxième nuit à l’hôtel de l’Etat,
Ituze [phonétique]. Il ne restait

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que quelques personnes du
gouvernement à Cyangugu et nous gênions la Turquoise par notre
présence. Les personnes suivantes étaient à Cyangugu : le ministre
de la Défense Bizimana, le président Sindikubwabo, le directeur de
cabinet du président de la République, Daniel Mbanbura
[phonétique], le ministre de la Justice, Agnès Ntamabyaliro, le
chef du protocole du Président, le major Désiré Mageza
[phonétique], le ministre de la Famille et de la promotion
féminine, Pauline Nyiramasuhuko, et moi-même. De ce groupe, le
Président se déplaçait avec sa famille en hélicoptère ainsi que le
ministre de la Défense Bizimana et moi dans un autre
appareil. L'État avait déjà, l'État-major avait déjà franchi la
frontière à Goma dans les jours précédents tandis que les
militaires restants s'étaient repliés à l'abri de la Turquoise. Le
17 juillet, le président Sindikubwabo nous a réuni pour nous
informé qu'un émissaire de Turquoise l'avait informé que nous
étions indésirables. La décision par les membres du gouvernement
présent fut prise de quitter le lendemain. Le même soir le
président Sindikubwabo accompagné de son chef de cabinet, de son
chef du protocole et de sa famille ont quitté en convoi routier en
direction du Zaïre tandis que son pilote y faisait suivre
l'hélicoptère. Dans l'avant-midi du 18 juillet 94, nous avions fait
parvenir un message au Zaïre afin d'avertir de notre arrivée vers
11 heures. Nous n'avions pas de retour. Nous avons volé jusqu'au
camp militaire de Sanyo [phonétique], le ministre Bizimana et
moi-même. Après quelques heures d'attente nous avons rencontré le
colonel Opango [phonétique] qui nous a conduit chez le gouverneur
du Sud-Kivu, le pasteur pentecôtiste Kendo Habonimona
[phonétique]. Le président Sindikubwabo logeait déjà chez
lui. Après nous avoir informé que nous étions accueillis en sol
zaïrois à titre humanitaire, qu’il ne nous considérait pas comme des réfugiés politiques, que
son gouvernement devait faire le sacrifice de nous accueillir, il nous a offert le logement dans une résidence
privée. Il nous aussi avisé de ne faire aucune déclaration publique.
Le 19 juillet, ou vers le 19 juillet, le colonel Opango nous a
convoqué, le ministre Bizimana et moi, il voulait nous faire part
de sa lassitude d'attendre nos militaires, qui tardaient à franchir
la frontière. Il avait réservé la barrière Buzizi Il [phonétique] aux militaires
et la Buzizi I aux civils. Il a menacé de fermer la frontière aux militaires s’ils ne se déplaçaient pas bientôt.
Nous avons visité le camp militaire Mpanzi [phonétique], où serait dirigés les militaires. 11 s’agissait d’un
grand terrain avec un bâtiment vieux et minuscule.

Accompagnés du ministre Bizimana, escortés par des militaires
zaïrois, nous avons rencontré le commandant du camp Cyangugu,
Samuel Imanishimwe, pour lui transmettre les menaces du colonel
Opango. Sous la menace de fermeture, le colonel Musonera a fait
franchir la frontière zaïroise à une troupe de près de 6000
hommes.

Pour la population qui avait trouvé refuge auprès des forces de la Turquoise, nous ne rencontrions aucun problème. Elle se sentait bien à l’abri derrière cette importante force, bien équipée en troupes, en blindés et en habillement. Ils leur laissaient savoir qu’elle avait la force pour les protéger, qu’ils n’avaient pas à fuir. De plus, on leur distribuait de la nourriture et la rumeur

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provenant des gens du nord-Kivu entrés au Zaïre par Goma le FPR aux fesses ne les incitait pas à se précipiter
au Zaïre. Le 20 juillet 1994, après avoir passé la nuit à Bukavu, à l'hôtel le Lingot [phonétique] j'ai convoqué,
j'ai été convoqué par le gouverneur Kendo Habonimona [phonétique]. 11 me demandait de convaincre la
population de s'éloigner des frontières me proposant d'établir un camp à Cymanga [phonétique] à soixante
kilomètres à l’ouest de Bukavu. Je me suis rendu rencontrer les gens, ils étaient environ quatre... entre quatre
mille et cinq mille réfugiés à la cathédrale de Bukavu, parmi ces gens j’ai retrouvé Agnès Ntamabyaliro qui
identifiait dans le groupe un certain Kahinyamura [phonétique] qui semblait être le leader. Je connaissais cet
individu comme étant quelqu’un qui au Rwanda s'était occupé des réfugiés provenant de l’Ouganda dans les
années 80 et du Burundi, en 72 et en 93. J'écoutais la propagande des deux parties, ceux qui voulaient aller
dans les camps et ceux qui ne le voulaient pas. Nous nous sommes rendus Agnès Ntamabyaliro, lui et moi
guidés par un zaïrois visiter le site proposé de Cymanga. Au retour il fit part de ses observations aux réfugiés
et ceux-ci prirent la décision de s’y rendre dès le lendemain. Dès le 20 Juillet, Bizimana quittait Bukavu en
direction de Goma pour ensuité se rendre à Kinshasa Je ne l’ai jamais revu et les seules nouvelles que j’ai eues
de lui me sont parvenues par l’intermédiaire de personnes l’ayant rencontré là-bas, avant la guerre au Zaïre.
Le 21 juillet, j’ai recherché ma famille, ma mère, mes frères, mes deux frères, ma soeur et une vingtaine
d’enfants. Je les ai retrouvés dans les Jours suivants à Bukavu. Je me suis occupé de loger ma mère et les
enfants dans une maison à la campagne, tandis que les autres ont trouvé refuge au camp de Kashusha
[phonétique] qui grandira jusqu’à contenir près de cinquante mille réfugiés. Vers la fin juillet, je me suis rendu
à Goma, accompagné de Pauline Nyiramasuhuko et son mari Ntahobali Maurice et notre guide. Lorsque je
suis arrivé là-bas, une épidémie de choléra faisait rage, l’armée française et l’armée japonaise participaient à
lensevelissement des corps afin d'éviter la propagation de l’épidémie. Nous nous dirigions vers Rutshuru

[phonétique], sur la route nous traversions trois immenses camps non-organisés où des gens mourraient de

soif S’était joint à notre groupe le secrétaire national du MRND et président de l’assemblée nationale Joseph

Nzirorera. Nous avons loué un camion Pour approvisionner ces gens en eau. À la fin de Juillet, lors de cette
visite à Goma, j’ai retrouvé le ministre de la Jeunesse Callixte Nzabonimana, le ministre de la Fonction
publique Prosper Mugiraneza, Casimir Bizimungu, ministre de la santé, incluant le ministre des Travaux
publics Rafiki Nsengiyumva Hyacinthe, et Pauline Nyiramasuhuko. Nous étions six ministres réunis du
Souvemnement en exil à Goma à cette époque-là. J’ai voyagé plusieurs fois sur Goma, dont à quatre ou cinq
reprises pour vérifier les enquêtes que je faisais effectuer dans les camps afin de m'’assurer du bon
fonctionnement des associations de réfugiés que j’avais promues. En plus, lorsque je voyageais à Kinshasa je

devais passer par Goma. Je me suis, je m'y suis rendu en novembre 94, lorsque je voulais installer ma famille



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à Pointe-Noire, au Congo. Une autre fois, lors d’une visite à Nairobi, relativement au sommet des pays de la
sous-région sur le Rwanda en janvier 95, et une troisième fois lorsque l’ambassadeur d’ Allemagne, que j'avais
rencontré au consulat de Bukavu, voulait me présenter au directeur chargé de l’ Afrique centrale et orientale
au ministère des Affaires étrangères en juin 95. En juillet 1994, le président Sindikubwabo et treize ministres
se trouvaient au Zaïre. [ls étaient divisés en deux groupes, cinq se trouvaient à Goma et les autres à Bukavu.
Dans ce dernier groupe il y avait le président Sindikubwabo Théodore, dont je suis sans nouvelle, le ministre
de l’Information Niyitegeka Eliezer, disparu depuis la guerre du Zaïre, le ministre de la Justice Agnès
Ntamabyaliro, que l’on dit assassinée en Zambie, le ministre de l’ Artisanat et du commerce, Justin Mugenzi
dont je n’ai pas eu de nouvelles depuis le Cameroun, le ministre de l’ Agriculture et de l'élevage Straton
Nsabumukunzi, disparu au Zaïre, le ministre de la Famille Pauline Nyiramasuhuko qui demeurait à Nairobi
avec son fils et son mari, le ministre de la Coopération et des affaires étrangères Jérôme Bicamumpaka, qui
séjourne à Yaounde au Cameroun, le ministre Edouard Karemera qui avait quitté Nairobi en direction du
Togo ou du Benin, et moi-même. Du côté de Goma se trouvaient le ministre de la Jeunesse Callixte
Nzabominana, disparu au Zaïre, le ministre des Finances, Emmanuel Ndindabahizi, qui demeure à Nairobi,
le ministre des Travaux publics, Hyacinthe Rafiki Nsengiyumva, qui demeure à Nairobi ou à Mombassa, le
ministre de la Fonction publique, Prosper Mugiraneza, qui est à Yaounde au Cameroun, et le ministre de ta
Santé Casimir Bizimungu, qui demeure à Nairobi. Voilà donc en ce qui concerne le 92.
PD -C'’est un long chapitre, qui nous entretient de, de la période précédant votre, suivant et précédant
votre. franchissement de la frontière, votre arrivée au Zaïre. Si on prend la période, du côté que vous étiez
au Rwanda, vous nous donnez des informations sur le, un peu le déroulement du côté de Bukavu comment ça
s’est fait en tout dernier temps, dans les derniers temps. Les... l’ Etat-major avait fui avant le gouvernement ?
JK -Puisque l’Etat-major se trouvait du côté de Gisenyi et donc il était parti à Goma et j'en ai déjà parlé
"au, dans le chapitre précédent.
PD -Ok. Il y a pas de membres de lPEtat-major qui vous avaient suivi jusqu’à Bukavu ?
JK -Non.
PD -Est-ce qu’il y a une raison à ça?
JK -Non, parce qu'ils devaient suivre leurs troupes, et que le gros de leurs troupes se trouvait du côté de,
du nord.
PD -Ok. Est-ce qu’il y avait quelqu'un qui dirigeait les troupes du sud ?
JK “Oui, le colonel Gatsinzi. Le général de brigade Gatsinzi.
PD -C’était lui qui était responsable de l'évacuation des gens du sud ?



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AR AT DR M PE AT NS

JK Qui était censé être responsable. Puisqu’il ne l’a pas fait.

PD -[il'a pas fait ?

JK -Non.

PD -Est-ce que c’est quelque chose qui a été porté à l’attention de votre &ouvemement, ça qu’il, qu’il
faisait pas cette tâche-là ou si c'est plus tard, quand avez-vous appris ça ?

JK -C’est pas plus tard Parce que les, si, si je parle du colonel Musonera qui a pris la décision de faire
traverser la frontière c’est que quelque part on s’est rendu compte qu’il y avait au niveau du commandement
absence de coordination. Puisque le, le général de brigade Gatsinzi était parti tout seul au Zaïre, sans donner
des ordres ou des directives à ses troupes. |

PD -A quelle époque selon vous il a quitté lui ?

JK -Je n’ai pas suivi, je ne connais pas la date mais ça doit être à la même époque que nous.

PD -Donc à la fin lui aussi a quitté puis il a traversé au Zaïre ?

TK. Oui.

PD -Ok. Laissant son armée Sans. sans commandement ?
JK -Sans, sans directives.
PD -Est-ce que c’est vraiment ça, est-ce que ça vous a été dit que l’armée avait été laissée sans directives
ou c’est ce que vous avez constaté ?
JK -Non c’est le constat que j'ai fait dans la mesure où quand on 2 voulu donner des instructions pour la
traversée on n’a pas pu s'adresser à la Personne à qui on aurait dû s’adresser qui était le, la, le col... le général
de brigade Gatsinzi. On a dû S’adresser à quelqu'un d’autre ou à... qui était inférieur en grade à lui.
PD -Lorsque.. est-ce que c’est le gouvemement qui a pris la décision de dire à son, sa force armée de
retraiter du côté du Zaïre ?

TK -Oui, dans la mesure où quand j’ai eu avec le ministre de la Défense des entretiens avec le colonel

Opango qui était le commandant de la circonscription militaire du sud-Kivu, il nous avait demandé de forcer
pratiquement nos militaires à traverser la frontière, puisque le risque c’était qu’il ferme la frontière. S’il fermait
la frontière, ils risquaient de se retrouver en étau. Donc nous avons été donner le message au commandant du
camp de Cyangugu, pour qu’il le transmette au chef des opérations militaires dans la région.

PD -Ok C’est comme Sa alors que vous en êtes venu à... l'influence de la décision de la Turquoise dans
tout ça de vous dire que vous deviez traverser c’est quoi ? C’est... la Turquoise elle de son côté disait à la
population de demeurer, qu’elle pouvait les protéger ?

JK “Oui.



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PD -Mais d’un autre côté ils vous avaient déjà précédemment rencontré pour vous dire qu’ils tenaient pas
à ce que vous vous camoufliez derrière leurs lignes ?

JK -Oui.

PD -Est-ce que Ça a eu une influence dans votre décision Sa, est-ce que au niveau du gouvernement est-ce
que vous avez été influencé ?

JK Certainement que ça a eu une certaine influence au niveau de notre décision parce qu’on se sentäit
indésirables ou on ne voulait Pas avoir des ennuis avec la Turquoise puisqu'on savait que si... on avait des
problèmes il y avait même risque qu’ils nous arrêtent eux-mêmes.

PD -C'est, c’est la menace qui planait sur vous à ce moment-là ?

JK Oui.

PD -Onavuheu.. hier ou avant hier, je sais pas, que déjà il y avait des émissaires qui avaient été envoyés
en... en l’occurrence Monsieur heu. Monsieur Mathieu, qui fut envoyé pour demander si vous pouviez

T traverser du côté du Zaïre. C’est, c’est une démarche Ça qui datait déjà de combien de, de temps ?

JK -D’au moins un mois.

PD -D’au moins un mois. Donc, dans le mois qui a précédé cette fuite-là, est-ce que vous saviez que c'était

irrémédiable, que c’était la, la situation, vers la porte vers laquelle vous vous en alliez, qu’il y avait pas d’autres

solutions ou si. ?

JK -C’était, c'était visible.

PD -C'était visible. Le dernier mois, donc, c'était tout simplement se retraiter vers le Zaïre ?

JK “Oui.

MD -Le Président quels contacts... est-ce qu'il avait un Contact, est-ce qu'il avait un contact constant avec

Turquoise parce qu’on voit que c’est lui qui a eu le... qui a eu le message ?

TK -Non il n’avait pas de contact permanent ou suivi avec la Turquoise, tout simplement c’est que le,
l’émissaire a cherché la personne qui était la plus haut placée, la plus haut placée au niveau du gouvernement
et c’était le Président.

MD -C'’était un émissaire, est-ce qu’il y a eu une rencontre avec, avec les autorités de Turquoise ou il a
seulement que reçu le message ?

TK -Ça je n’en sais rien puisque moi quand je suis arrivé le Président m'a convoqué pour me donner ce
message-là.

MD -La... avec qui avez-vous tenté de communiquer, vous nous dites que vous avez envoyé un message

aux... pour annoncer votre arrivée, est-ce qu'il y avait quelqu'un qui vous attendait, est-ce que vous aviez déjà



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quelqu'un, un contact d’établi au Zaïre ! ?

JK Oui, avec le commandant du camp Sayo [phonétique], en fait avec le commandement du camp Sayo,
en réalité avec le colonel Opango, qui était le commandant de la circonscription de [inaudible].

MD -Ah ça vous aviez déjà établi ce contact-là ?

TK -Oui.

MD Et vous saviez exactement où vous alliez vous, quand vous avez traversé vous saviez que vous alliez
au camp Sayo ?

JK -Non, nous ne savions pas nécessairement que nous allions au camp Sayo mais nous savions que nous
étions attendus donc nous n’avions pas de difficulté à pouvoir atterrir dans, en sol zaïrois.

MD -Etça c’est comme ça que ça s’est déroulé, il y a pas eu de problème ?

JK -C’est comme ça que ça s’est déroulé, il y a pas eu de problème. |

MD -Heu, le, le lendemain, heu, le 19 juillet, Opango vous a convoqué pour vous dire que les militaires
- traversaient pas assez rapidement, quelle était la raison que les militaires retardaient à traverser au Zaïre ?
K Ça doit être un problème d’ organisation. Que eux-même étaient en train de s'organiser pour pouvoir
traverser, non pas un à un mais ensemble.

MD _-Est-ce qu’ils étaient tous à ce moment-là en arrière de... protégés par la Turquoise ?

JK “Ils étaient tous protégés par la Turquoise à cette époque-là.…

MD -C’est pour ça qu’ils sentaient beaucoup moins de pression pour traverser ?

K -Il n’y avait pas de pression.

MD I yavait. il n’y en avait pas. Opango s’était engagé de... à garder la frontière ouverte pour un certain
temps seulement ?

JK C’est ce qu’il nous a dit mais en réalité ils ont laissé la frontière ouverte pendant tout le temps que ça
a été nécessaire.

MD -Le camp qu’il vous a emmené visiter, Mpanzi, est-ce que pour vous autres c'était, c’était suffisant,
c'était. adéquat ?

JK -C'est des questions, c'était une question d’espace, d'espace {inaudible].

PD -Quelle était la différence, là quand vous êtes arrivé là puis que... le gouverneur du sud-Kivu, vous
informe de votre statut, il vous donne quel statut, il vous donne un statut d’invité dans le pays ou un statut de.
il vous tolère dans son pays, c’est ça qu'il vous explique un peu ?

JK “Oui.

PD -Alors il vous donne aucun statut particulier ?



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JK -Non, il nous donne aucun statut particulier,
PD -Vous, est-ce que vous aviez, dans les rencontres qui avaient précédé comme celle faite par Monsieur
Mathieu et puis tout ça, est-ce que c’était entendu que vous auriez un statut de réfugié en arrivant là ?
JK -Non, on avait aucune idée de ce qui allait se passer quand on arriverait là-bas.
PD -Vous saviez que vous, les.
JK -L’essentiel c'était qu’on puisse être admis. C’est tout. Pour le reste nous croyions qu’on allait voir
sur place.
PD -Ok, que la frontière ne vous soit pas fermée ?
JK Oui.
PD -Mais ça, le statut qu'il vous a donné quand vous êtes arrivés là ça vous... ça vous limitait énormément,
c'était.
JK -Nous devions nous y attendre.
7 PD “Est-ce que... il a été question d'expulsion ? |
JK -Non. En aucun cas.
PD -En aucun cas il a été question d’expulsion, il vous a pas dit si que... si vous ne respectiez pas la
consigne de silence qu’il vous imposait, et tout ça que...
JK -Non, il nous a expliqué que c’était dans notre intérêt, dans l’intérêt de leur Pays que nous, nous nous
taisions, que nous... nous respections les lois du pays qui nous accueillait. Et ça me semblait logique.
PD -C’est quelque chose qui était pas... déraisonnable ?
JK -Non, parce que si on écoute ce qui se fait dans Le monde entier, c’est comme ça que ça se fait.
PD -C’était comme ça |
TK Donc il y avait rien disons de, de plus astreignant que ce qu’on rencontre d’habitude dans tous les pays
du monde entier.
PD -Vous vous avez atterri, en arrivant au Zaïre, vous atterrissez dans un camp militaire ?
K -Oui.
PD -Ok Est-ce que vous voyez des soldats en arrivant, est-ce que vos soldats y sont ?
JIK -Nos soldats ?
PD -Oui.
JK -Non.
PD -Les soldats n’y sont pas encore ?
JK -C'est ce que j’ai dit, oui.
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PD -C’est ça, il y a aucun soldat qui y est encore ?

JK -Non parce que nos soldats ne sont Jamais entrés dans ce camp. Où nous nous avons atterri.

PD -Ok Donc... quand vos soldats, ça m’amène à vous poser des questions, quand vos soldats ont traversé
ont-ils été désarmés par la... ?

JK -Ouiils ont été désarmés.

PD Est-ce qu’ils ont quand même eu accès à des armes plus tard ?

JK -ls n’ont pas eu accès à des armes plus tard.

PD Ils ont été désarmés ?

JK -Is ont été désarmés.

PD “Quand ils, quand ils, quand ils passaient la frontière les zaïrois les désarmaient ?

TK -Non, ils ont été désarmés dans le camp, j'étais présent. J’ai vu leur désarmement.

MD Est-ce que l’entente avait été fait de cette façon ?
IK -Oui. de

MD -Etles armes est-ce que, est-ce qu'il y avait, dans l’entente est-ce que les armes devaient être gardées
à la disposition de...

XK -Les armes devaient être remises au gouvernement zaïrois et ça a été fait, j'étais présent.

MD -Mais ils les gardaient, est-ce qu'il y avait une entente pour que, de... selon. pour qu’ils les gardent,
qu’ils les confisquent heu... permanent... de façon permanente ou si c’était simplement vous nous remettez les
armes ?

TK -On leur remettait les armes, c’était notre propriété mais qui devait être à leur, sous leur garde.

MD Sous leur contrôle. Et ça demeurait votre propriété ?

JK -Oui.

MD -Est-ce que effectivement vous avez revu ces armes ?

JK -On n’a jamais revu ces armes.

MD -On a vu qu'il y avait, qu’il y avait un... des munitions, une livraison qui avait été faite aussi là dans
les derniers jours, est-ce que vous avez pu constater ça vous même la livraison des munitions qui est arrivée?
JK -Non, on n’a pas pu le constater mais on a eu des informations disons de nos sources que la livraison
était, avait effectivement été faite.

MD -Est-ce que les autorités de, du Zaïre vous l’ont confirmé ?

JK -Ils l'ont confirmé.

MD -Les autorités militaires ? Ils vous l’ont dit qu’ils les avaient ?



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JK “Oui.
MD -Qu'ils les avaient confisquées ?
JK “Oui. Et on savait où, Parce que c'était dans un camp au nord-Kivu.
MD -Vous saviez où étaient entreposés [inaudible] ?
JK -Où théoriquement étaient entreposées ces armes.
MD -Est-ce que eux vous laissaient entendre que si vous aviez heu… un besoin qu’ils vous remettraient vos
armes ? |
JK -On n’a pas. on n’est pas allé jusque là au niveau des contacts qu’on a eus.
MD -lci vous nous dites que vous êtes allé avec Bizimana suite au. aux plaintes que vous aviez reçues,

escorté par des militaires ZaÏrois, vous avez rencontré le, le, le commandant du camp de Cyangugu, Samuel.

Pourquoi demeurait-il lui, est-ce qu’il y avait encore des. est-ce qu'ils se battaient, s’il y avait encore des

combats à ce moment-là ?

TK n’y a pas eu de combats à Cyañgugu.
MD -A Cyangugu..
JK -Comme je l’ai dit, Cyangugu se trouvait dans la zone Turquoise, il y avait pas combat.
MD -Il y avait pas de combat. Est-ce qu’à votre connaissance il y avait toujours des, des. des gens qui
étaient, qui étaient massacrés, est-ce qu’il y avait des... à ce moment-là est-ce qu’il y avait encore des
massacres?
JK -Non. |
MD Il ÿavait plus, il y avait personne qui heu... il y avait plus personne d’actif au niveau des massacres?
JK -Non.
MD -En arrière, aussitôt que Turquoise, tout ce qui était en arrière de Turquoise il y a plus, il y a pas eu
aucun, à votre connaissance. aucune activité.
JK -Non, il n’y a pas eu une activité de massacre dès que la Turquoise est intervenue.
MD -Alors Pourquoi, pourquoi Samuel demeurait-il à ce camp-là, avec ses hommes ?
JK -J’ai expliqué un peu, ils étaient en train de s'organiser pour le départ. Donc ce n’était pas qu’ils ne,

ils ne voulaient pas mais c’est qu’il fallait comme ils avaient le temps, ils ont pris tout leur temps pour

S’organiser et se préparer. Quand nous sommes entrés au Camp on trouvait qu’ils étaient dans les préparatifs.

MD

“Est-ce qu’il, est-ce qu'il. lui-même, Samuel, est-ce qu'il a été assez actif, est-ce que c’est un homme

Qui a, qui a, qui a pris une grande part à la guerre ?

TK

-Je ne le sais pas puisque je ne l’ai... j'ai jamais eu de contacts avant avec lui.



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MD -Vous avez...
JK -Je ne l’ai vu que ce jour-là.
MD -Vous ne le connaissiez pas ?
JK -Non je ne le connaissais pas.
MD -Etsuite à votre visite, c’est là que vous nous disiez que suite à votre visite là, ça a été fait, là, heu.
cette partie-là des militaires ont évacué le... ont gagné l’exil au Zaïre.
© PD -C’est bon ?
MD -Moi là, c’est Ça, Ça... oui, oui.
PD -Alors vous arrivez, vous arrivez au Zaire, les dates là-dedans, qu’on, qu’on inscrit comme le 18, puis
le 19 puis le 20 et tout fa, est-ce que c’est des dates que vous êtes Certain, ça c’est des dates.
JK -Le18 je suis Certain, mais disons les premières dates je suis certain, mais vers. quand ça dépasse le

20 je ne suis plus certain.

- 7 PD : -Ok: Donc VOUS vous souvenez que le 18 vous avez traversé la frontière.
JK -Le 18 oui.
PD -. ça c’est. c’est très.…., c’est clair dans votre mémoire, puis le lendemain vous avez fait ça, le

surlendemain... mais Par Contre par la suite vous pouvez commencer à...

JK -Je dis vers.

PD -.äétre plus vague, à être plus vague. Lorsqu'il vous. lorsque le gouverneur vous... c’est du sud-Kivu
ça? ‘

JK Oui.

PD -. Vous demande de vous éloigner de la frontière, trouvez-vous cette demande-là déraisonnable ou
raisonnable ? |

K -Personnellement je la trouvais très raisonnable.
PD -Ok
JK -Parce que je me disais que si les gens ont fui, et sachant ce qu’il s’était passé au nord-Kivu, que les
gens qui étaient restés sur la frontière ont été quand même bombardés, je trouvais cette demande très
raisonnable.
PD -Vous rencontrez de l'opposition à ça ?
JK -Il y avait de l'opposition, heu... suite surtout à la Propagande au niveau du Rwanda. Les autorités de
Kigali avaient déjà commencé à faire de la propagande pour que les gens reviennent. Donc ils avaient infiltré

certaines personnes pour qu'ils demandent aux gens de retourner au Rwanda.



T2Kk7#76 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) - Il
KON2:6u81

PD -OK, il yavait des gens déjà qui étaient là puis qui disaient à la population “revenez sur le Pays, rentrez
chez vous”.

JK -Non, c’est à dire que les... même au niveau de certains organismes dits humanitaires, ils pensaient que
la meilleure stratégie est de les maintenir à la frontière comme ça s'ils font le retour, le retour se ferait plus
facilement. |

PD -Ah c’était la raison ?

JK -Oui. C’est parce que...

PD -Plus vous étiez près de la frontière, plus il était facile de revenir sur le Rwanda ?

JK Oui. Je sais qu’il y a eu des camps qui ont été placés exprès juste en face de Cyangugu pour créer une
certaine nostalgie pour que les gens puissent rentrer.

PD -Alors, vous comme Bouvernement, est-ce que vous avez eu à suggérer aux gens de les éloigner de la

frontière ?

: JK+ J'ai. j'ai essayé d’expliquer puisque jessayais de comprendre les situations. Et c’est de cette manière-

là que j’ai pris quelqu'un, puisque on... quand je suis allé à la cathédrale, on leur avait dit que l’endroit qu’on
leur indique, où on leur indique d’aller est un endroit infesté de crocodiles, infesté de serpents où on ne peut
pas vivre, il n’y a même pas d’eau, donc c’était la propagande qu’on faisait au niveau de... de ces réfugiés qui
étaient à la cathédrale, alors je me suis dit je ne peux pas les convaincre, n’ayant jamais été là-bas moi-même.
Si je prends quelqu'un, un des leurs, et qu’il va, et qu’il voit, il leur dira ce qu’il a vu et s’ils sont convaincus
ils partiront, s’ils ne sont pas convaincus ils restent là. C’est ainsi que J'ai pris cet homme.

PD -Ok Vous vous trouviez plus raisonnable de les éloigner de la frontière ?

JK Oui.

PD -Par contre les organismes humanitaires eux trouvaient plus raisonnable de les garder près de la
frontière.

JK -Les organismes internationaux d’aide humanitaire ont tout fait pour les garder à la frontière. Ils ont
évoqué toutes sortes de raisons, certains disaient que c’est facile, c’est plus facile pour eux au niveau des
communications, que c’est plus facile Pour eux au niveau des approvisionnements mais la. pour moi la vraie
raison c'était une certaine façon d’espérer que de cette manière-là ils pourront retourner au Rwanda plus
facilement.

PD -Est-ce que vous aviez-vous un intérêt à ce que les gens retournent pas au Rwanda ?

TK -Je n’avais aucun intérêt mais j'avais un intérêt à ce que les gens ne meurent pas.

PD -Ok



T2k7#76 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) | 12
pme nur



KON eu?

JK -Moi je n’avais aucun intérêt à ce que les gens ne retournent pas. Aucun. Si j'avais pu, si j'étais sûr
qu’il y avait la sécurité, il y avait aucune raison à ce que les gens ne retournent pas. Je n’ai jamais fait de
Propagande pour empêcher aux gens de retourner. Mais Je ne... je savais qu’il y avait des risques en restant sur
la frontière.

PD -Vous vous voyiez que c'était insécure [sic] au Rwanda pour la population de retourner ?

JK “Oui.

PD -Est-ce que c’est une opinion qui était partagée par d’autres personnes ça ?

JK -Par les réfugiés eux-mêmes, dans la mesure où malgré toutes les propagandes qu’on a faites personne
n’a jamais voulu rentrer. Même en organisant des visites sur le terrain, les gens ne sont pas rentrés. Même en
leur montrant des films, tout a été fait pour qu'ils puissent rentrer mais personne n’est Jamais rentré. Et au
contraire on trouvait un mouvement inverse, des gens qui continuaient à fuir. Comment voulez-vous faire
rentrer les gens alors qu’il y avait un mouvement qui, Sans arrêt, de gens qui fuient ? |
“MD -Vous aussi vous avez. quand on dit ici que des rumeurs provenant des gens du nord-Kivu rentrés au
Zaïre le FPR aux fesses ne les incitait pas à se précipiter au Zaïre. Heu, il y avait, il y avait la Turquoise qui
les protégeait... qui les protégeait.

JK Oui.

MD -Et puis est-ce qu’ils recevaient pas des heu, des messages des gens qui avaient traversé puis qui
disaient que c'était pas, c’était pas mieux de l’autre côté ?

JK Si. Si. Ils savaient tout parce que ils... quand la Turquoise était là les gens pouvaient même traverser
et revenir, il y avait un va-et-vient, donc les gens pouvaient aller au Zaïre puis retourner au Rwanda.

MD -Et voir ?

JK -Voir et puis retourner au Rwanda.

MD -Alors c’était pas une façon de les inciter à traverser, si là les conditions de l’autre côté étaient pires
que ce qu’ils avaient à ce moment-là.

JK -Non c’est à dire que si... si les gens décidaient de fuir, c’est qu’il y avait un problème plus grave que
ce qu’on a toujours dit. On ne peut pas quitter ses biens comme ça pour, par un simple propagandiste. Moi je
ne vois pas la propagande qui m'aurait fait quitter mes biens au Rwanda, pour me réfugier en suivant un leader
dont je ne sais même plus quelle force il pouvait avoir encore. Ça... c'était la propagande, mais la réalité c’est
que au Rwanda les gens étaient... se sentaient par eux-mêmes en insécurité.

MD -Mais la propagande elle existait, c’est un fait.

JK -Dans les deux sens, oui.



T2K7476 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) 13
D
.

CO
Ci

MD -Dans les deux sens. Elle incitait pour, elle incitait les gens à fuir, et il y a une autre propagande qui
les incitait à rester ?

JK “Les... inciter les gens à fuir, je ne pense pas. Je ne pense pas, dans la mesure où la Turquoise était là
et que...

MD -Dans cette région ?

JK -Dans cette région, et qu’elle disait “écoutez ne partez pas, ne partez pas, ne partez pas”, et que les gens
ils pouvaient aller et voir, aller et revenir, donc ça veut dire que s'ils sont, s’ils ont décidé de partir c’est par
eux-mêmes, dans la mesure où ils étaient protégés, qu’ils pouvaient aller voir et puis revenir, et que malgré
tout ils ont décidé de partir dans le sud-Kivu, puisque c’est de là qu’on parie.

MD -Est-ce que la Turquoise, dans le mandat de la Turquoise, est-ce qu’on avait heu... établi une période
de temps qu’ils devaient être sur place ou si c'était indéfini à ce moment-là ?

JK -À cette époque c’était indéfini. Il y avait, ils avaient dit qu ‘ils resteraient là indéfiniment. Et puis
“quand ils sont partis ils ont été remplacés par la MINUAR I ‘

PD -Excusez.

MD -A quel moment sont-ils partis ?

JK -Ils sont partis vers le mois d’août, je crois vers la fin du mois d’août.

MD -Et la MINUAR à pris leur place ?

JK -La... c'était la convention qu'ils ne partaient que si on a une force internationale qui s’installe.

MD _-Est-ce que la MINUAR était aussi nombreuse, est-ce qu’ils étaient en mesure de remplir le même
mandat ?

JK “is étaient encore plus nombreux, parce qu’ils étaient cinq cent, cinq mille. Donc ils étaient encore
plus nombreux que les forces françaises.

MD _ -Etils se sont déployés le long de la frontière ?

JK -Ils sont, ils ont fait exactement la même opération mais ils n’avaient pas la confiance, la population
n’avait pas la même confiance que ce qu'ils avaient en, aux français. Et la MINUAR n’a pas rempli, n’a pas
fait le même rôle que celle [sic] que les français avaient joué, parce qu’au moment où les français sont partis,
la plupart des gens se sont, se sont enfuis.

PD -Excusez.

MD -Quel rôle les français ont-ils joué ?

IK -Parce qu’ils ont stabilisé ces réfugiés.

MD -Oui.



T2Kk7#76 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) 14


JK

KON:5u84

-Et la population les a acceptés comme tels. Donc la population s’est sentie sécurisée effectivement

par les français, alors que la MINUAR à été incapable de leur procurer la même sensation de sécurité.

MD
JK
MD
JK
MD
TK
MD
XK

“Alors vous dites que la MINUAR à exercé son mandat de façon différente que la Turquoise ?
-Dans... si on regarde ce que... la réaction de la population, oui.

-Est-ce que la MINUAR à aussi incité les gens à demeurer, ou à revenir ?

-La MINUAR incitait les gens à demeurer et à revenir pour ceux qui étaient partis.

-Mais c’était identique à ce que la Turquoise faisait ?

Oui, mais elle n’a pas réussi. C’est à dire que...

-Elle n’a pas réussi.

- [inaudible], donc elle n’a fait, elle a fait, elle a utilisé même plus, elle a fait plus de propagande que

les français si vous voulez, mais elle n’a pas réussi à stabiliser la population sur place.

MD

7 enda MINUAR

JK
MD
JK
MD
JK

-Alors, ce que vous nous dites c’est que les gens continuaient à fuir parce qu'ils n’avaient pas confiance
Oui.

-Qui les protégeait, et. d’un côté ils étaient aussi incité à le faire ?

-Îls étaient incité non.

-Non ?

Ils n’ont pas été incités à fuir, je n’ai pas vu quelqu'un qui, qui soit allé les inciter à füir, surtout quand

la MINUAR, quand les français étaient là.

MD

-Alors là on a organisé des, on a organisé les camps avec, on a organisé les camps avec des

responsables, on a nommé des responsables, on a fait des comités, c'est comme ça que Ça s’est organisé ?

JK

-Les réfugiés se sont organisés eux-mêmes. C’est à dire qu’ils se retrouvaient dans un camp, et il y avait

des organisations humanitaires qui les accueillaient, puis pour la gestion courante ils ont choisi des

responsables entre eux.

MD

ou...

RERER

-Est-ce que les militaires et les... à ce moment-là est-ce que les militaires et les civils étaient mélangés

-Non, les militaires étaient à part.

-Les militaires étaient à part ? Les militaires étaient gardés.

-Etaient au camp Mpanzi et puis plus tard on les a transférés dans un autre camp.
-Mais les militaires ont toujours été gardés à part ?

-Oui.



T2k7476 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) 15
KONoouss

MD -Il ÿ avait des rumeurs que les militaires avaient, avaient... avaient pris le contrôle de certains camps
de réfugiés ?

JK -C’est de la propagande.

MD -C'était pas...

JK C'était de la propagande, les réfugiés contrôlaient eux-mêmes leur camp. Îl y a même pas eu des... il
y a eu très peu d'anciens responsables qui ont eu des fonctions dans les camps. J'ai visité la plupart des camps,
Je n'ai pas vu de, des anciens préfets, des anciens bourgmestres diriger les camps comme on le disait. Des
Interahamwe diriger des camps, c'était faux.

MD -C’était faux ?

TK C'était faux. Parce qu’il y a eu des élections au sein des camps. Ce sont les réfugiés eux-mêmes qui
élisaient leurs responsables.

MD -Le, le camp que vous avez visité vous-même...
TS. Lu. | . L . - Foi

JK Oui.
MD le, ce que vous nous racontez ici, effectivement est-ce que c’est un camp qui a été...
JK -Ce fut le tout premier donc à être installé, donc celui-là il fut le premier camp, puisque c’est la

première fois que les gens se sont [inaudible]..
MD Suite à votre visite, suite aux recommandations que vous avez faites, les gens ont décidé de, de partir?
JK -De partir et d’aller s’installer là-bas.
MD -Et ce qu’on disait, que ce camp-là n’était pas habitabie, c’était faux ?
JK -Non, c'était tout à fait faux, ça n’avait rien à voir, c’était le, peut-être le meilleur endroit où, s’il fallait
établir un camp, puisque c’était... il y avait de l’espace, il y avait beaucoup d’eau, il y avait tout ce qu’il fallait
pour établir un camp. |
MD -Alors le, l'épidémie de choléra que vous parliez c’est pas dans cette région ?
JK -Dans la région il y a pas eu d’épidémie de choléra.
PD -C'était au nord.
MD “—lyapas eu.
JK -Même s’il y en a eu c’est, ce n’était pas une épidémie comme telle, c'était une maladie comme on peut
en avoir un peu partout.
MD -De.. les camps... c'était... les conditions étaient quand même...
JIK -Oui.
MD -. relativement bonnes.



T2k7476 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) 16




on ee DCE ETS Te

KON Guss

PD -Alors vous traversez de l’autre côté, vous arrivez, quand vous vous rendez à la cathédrale pour tenter
de convaincre les gens que c’est mieux pour eux de... de s’éloigner de là... vous rencontrez la ministre Agnès?
JK -Oui.
PD -Vous avez dû être surpris ?
JK -Non. Non, pourquoi ?
PD -Mais, en tant que ministre elle avait pas un statut particulier ?
TK -[ n’y avait pas de statut. H n’y avait pas de statut particulier, nous étions tous des réfugiés.
PD -C’est parce qu’hier vous nous expliquiez qu’il y avait des gens pour qui c’était, hier ou avant-hier,
vous nous expliquiez que c'était... pour... il y a des gens pour qui c’était important d’avoir un titre de l’autre
côté ?
JK -Peut-être qu’eux ils... c’est ce qu'ils avaient imaginé, mais ça ne s’est pas passé de cette manière-là,
comme je l’ai dit. | |
TT PB -Alors ce'que...” ‘ CT

TK -Je l’ai dit hier, j’ai dit que moi-même je n’avais aucun statut, j’ai été... j'ai Juste bénéficié d’une...
d’un, d’un logement le premier jour par le gouverneur et puis c’est tout.
PD -Mais vous aviez un véhicule aussi ?
JK -Un véhicule que j’avais eu à partir du Rwanda, donc c’est, c’est... si je ne l’avais pas à partir du
Rwanda, je ne l'aurai pas eu en tant que réfugié, de toutes façons. .
PD -Quand vous dites vous l’aviez à partir du Rwanda ça veut dire quoi ça ?
JK Ça veut dire que le, le statut dont je bénéficiais ce n’est. disons le véhicule que j’ai eu, je ne l’ai pas
eu parce que j'étais premier ministre au Zaïre. Je l’ai eu parce que j’avais été premier ministre au Rwanda.
C’est tout. Et que dans les... le nombre de véhicules que nous avions, j ’avais droit à un véhicule, que j’ai gardé

— Pendant un certain temps, la plupart des ministres ont même vu leurs véhicules pillés et ils marchaient à pied
comme tout le monde.
PD -Alors c’était pas pour vous exceptionnel de voir la ministre là ?
TK -Non pas du tout. Parce que j’ai vu d’autres ministres, d’autres heu anciens dignitaires comme on les
appelait, dans les camps et au même endroit. Elle si je l’ai citée c’est tout simplement parce qu’elle m’a
accompagné pour aller dans ce camp-là. Donc ce n’est pas parce que c'était une surprise, mais c’est parce que
tout simplement, en ce qui me concerne, je suis parti avec elle. Et que c’est elle qui m’a montré le petit qui
nous a conduits là-bas.

PD -Les autres ministres, est-ce qu'ils étaient partis avant vous ou... est-ce que c’était quelqu'un qui était



T2k7476 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) 17


KON = EU87
parti avant vous, longtemps avant vous ça?
JK -Partir où ?
PD -AuZaire.
JK -J'ai indiqué que même le Président était parti avant moi dans la mesure où il est parti...
PD -Oui mais je parle elle, longtemps avant vous ?
JK Longtemps non.
PD -Non?
JK -De ce côté-là non.
PD -Ok. C’est. donc c’est pas comme ça qu’elle est venue à connaître quelqu'un qui pouvait vous

indiquer... c’est pas.

JK -Non c'était quelqu’un qui avait vécu au Rwanda, c’est pas, c’est pas quelqu'un qu’elle a connu sur
place, mais non, c'était quelqu'un qui avait déjà vécu au Rwanda.

PD -Ok Alors. il est pas exceptionnel de voir la ministre là. Est-ce que c’est le gouvernement en entier
qui s’est, qui est, qui avait partagé cette décision-là avant de traverser la frontière, la partie du gouvernement
qui pouvait se trouver dans le sud, ou dans le nord, ou je sais pas si c’est le gouvernement dans son entier, qui
partageait la décision que vous deviez les éloigner de la frontière ?

JK -Non, c’est, ça a été... puisque j’avais été convoqué, c’est pas le gouvernement en entier qui avait été
convoqué par le gouverneur du sud-Kivu. C’est moi qu’il avait convoqué. Et que moi j'ai pris cette initiative,
je n’avais même pas vu à l’époque d’autres ministres. Je n'avais pas. je n’ai pas tenu de réunion avant de
prendre cette décision, c’est, ça a été par intuition que j'ai, j’ai pris cette décision.

PD -Ok. Est-ce que votre décision a été discutée par la suite par d’autres ministres ?

JK -Je m’en souviens pas mais je crois que j’essayais de les convaincre de la pertinence de cette vision
et je n’avais pas eu, au niveau des ministres, des objections.

PD -Ok. Donc pour vous, c’était vraiment la meilleure solution ?

JK -Oui.

PD -Vous savez, pour que personne peuvent [sic] interpréter ça différemment, il y a plusieurs
interprétations qu’on peut donner au fait de, d’éloigner sa population du pays, les gens peuvent vous...
prétexter que c’était justement pour éviter que les gens puissent revenir, pour les maintenir en otage, des
choses comme ça... parce qu’on sait c’est des, on sait que ça c’est des propos qu’on déjà été évoqués, qui ont
été déjà dits.

JK Sion interprète ça, alors moi je serai tranquille dans la mesure où ils n’ont pas été éloignés et qu’ils



T2k7476 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) 18




KON:5029

ne sont quand même pas rentrés. Parce que... et c’est le seul camp qui fut le plus loin, les autres étaient juste

à la frontière, donc s’ils interprètent ça. alors ils n’auront qu’à répondre à l’autre question, pourquoi ils ne

Sont pas rentrés alors qu’on les a mis à la frontière ?

PD -Ok. Et vous s’était dans un but de protection, quand vous avez fait ça ?

JK -Pour moi c’était un but de protection et de respect vraiment de la législation internationale, parce que

la loi internationale c’est ça qu’elle dit. Elle dit qu’il faut que les réfugiés soient... éloignés, je crois que c’est

cent cinquante kilomètres de la frontière. Et c’est ça que le gouverneur m'a fait comprendre. Et moi J'étais

d'accord avec son point de vue, parce qu’il disait, la loi internationale prévoit qu’une fois que les réfugiés

rentrent dans un pays ils doivent être à au moins 150 kilomètres, pour l'instant j’ai identifié un camp à 60

kilomètres, on va provisoirement les mettre là-bas, plus tard on verra si on doit les déplacer jusqu’à 150

kilomètres. C’est ça la loi. Mais en dehors de cette loi, ma conviction personnellement je trouvais que c'était

logique. J'étais convaincu, même en dehors du fait que c'était la loi internationale, de les avoir mis sur la

frontière, je n’ai jamais été peisonnellement convaincu de la pertinence de les mettre le long de la frontière.

PD -Mais 150 kilomètres, les gens se seraient retrouvés en pleine forêt.

JK -Qu’est-ce que ça fait ?

PD -Ben les services doivent être quand même plus difficiles à obtenir.

TK -Cent cinquante kilomètres ne me semble pas exagéré.

PD -Déraisonnable ?

JK -Non, déraisonnable. puisque au Rwanda quand, quand les burundais sont venus du... se sont réfugiés

au Rwanda, on les a mis au nord, tout à fait à la frontière avec l’Ouganda. Et personne n’a jamais, n’a jamais

dit qu’on les avait mis très loin de la frontière, on les avait d’abord mis au Bugesera, et puis il y a eu des

négociations entre les gouvernements pour les éloigner de la frontière, et on les a amenés dans la commune
. Muvumba [phonétique] qui se trouve juste à la frontière avec l’Ouganda. Personne n’a Jamais crié.

PD -A l'extrême... à l’extrême complètement du pays ?

TK Oui.

PD -Complètement à l'extrême de votre pays.

TK -Personne n’a jamais posé de question.

MD -Est-ce que... oui.

PD -Parce que à au Zaïre si on les éloigne à 150 kilomètres. de, du lac Kivu, il ya pas grand chose, le

milieu du pays il est pas très, très.

JK -Non, je crois qu’il ne faut pas exagérer le, le, sur... le Kivu est suffisamment habité pour dire qu’à 150



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ns

AN: uga

mètres [sic] c’est habité, parce que l’endroit où j'ai été à 60 kilomètres c’est peut-être aussi surpeuplé que le
Rwanda. Donc il y avait juste la propriété qui était une ancienne propriété d’un colon belge où on les avait,
où on trouvait de l’espace pour les mettre. Donc dire que si on fait 150 mètres [sic] au Zaïre on est en pleine
brousse c’est un peu exagéré.

PD -Ça aurait été exagéré.

JK Oui.

MD -C'était effectivement pas le cas.

JK -Non c’est pas.

PD -C’était pas une raison que les gens pouvaient évoquer...

JK -Non c’est pas une raison que les gens peuvent évoquer, c’est pas... le, la raison n’est pas suffisante.
MD Est-ce que vous avez eu des contacts avec les organismes internationaux à ce moment-là ?

JK -J’ai essayé, j’ai essayé de... non à ce moment-là ils n’étaient pas eux-mêmes encore organisés. Ils

“agissaient disons en ordre dispersé. Chacun avait, j'avais l’impression que chacun avait ses objectifs propres.

MD -Mais est-ce qu’ils étaient sur les lieux, s’il y avait des représentants.

JK Is étaient dans... certains étaient déjà sur les lieux, notamment quand j’ai été à la cathédrale il y avait
déjà la Caritas qui était opérationnelle.

MD -Est-ce que vous, vous étiez en contact avec ces gens-là ?

TK -J’ai essayé. Mais à ce moment-là quand j’ai été voir ces réfugiés à la cathédrale, je n’étais pas en
contact avec aucun organisme.

PD -Avez-vous besoin de vous absenter ?

JK Oui.

MD Fin de... 76 A, alors les délais sont un peu plus long parce qu’on...

PD -On travaille sur un ruban de 90 minutes.

MD -Oui.

Fin de la face À de la cassette # 76.



T2k7476 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) | 20


K0MN5ou99

Face B de la cassette # 76.

PD - -{inaudible]. Nous en étions à discuter de votre arrivée au Zaïre, de la... de l’aménagement des camps
et des problèmes que vous avez rencontrés ou des décisions que vous avez eues à prendre qui heu... qui, vous
nous avez expliqué, certaines ont été prises personnellement, c'était pas des décisions de, du cabinet, vous
vous êtes pas réunis politiquement avant de prendre la décision, vous vous êtes fait expliquer des choses par
une personne responsable de... qui vous accueillait puis vous avez pris la décision qui s’imposait à ce moment-
là, que vous cr... que vous avez jugée bonne à ce moment-là. Et la visite du camp vous nous dites que ça vous
à permis de voir un endroit heu... relativement acceptable ?

JK -Oui.

PD -Les gens sont déménagés à cet endroit-là, il y a des gens qui sont déménagés par la suite à cet endroit-
là ?

TK -C’est à dire que dès que le... les. moi je ne suis pas retourné à la cathédrale pour expliquer, la
personne avec qui j'étais parti, c’est elle qui a expliqué comment elle avait trouvé les conditions, et certains
des... et ayant été d’accord, certains sont même partis à pied pour rejoindre l’endroit, alors qu’il y avait des
camions à leur disposition, les conditions de vie étaient tellement pénibles à la cathédrale, que certains
souhaitaient avoir un espace le plus tôt possible et que donc ils ont pris la décision par eux-même de partir à
pied, même si les, la Caritas avait mis à leur disposition des camions. Parce que le camion ça prenait du temps,
alors certains sont partis à pied pour rejoindre l’endroit. C’est comme ça que j’ai compris que ça répondait à
un besoin.

PD -Ce serait, selon vous, cette même journée-là que le ministre de la Défense, Monsieur Bizimana, vous
aurait. aurait quitté votre région ?

TK -C’est dans. autour de cette date-là, je ne sais plus préciser si c’est le même Jour ou si c’est le

7. lendemain ou les jours qui ont suivi.

PD -Est-ce que vous avez en mémoire comment il a quitté la...

JK -Non, je n’ai aucune idée.

PD -A ce moment-là est-ce que les appareils militaires qui étaient à votre disposition à votre arrivée étaient
toujours à votre disposition ?

JK -Non, les a... dès que nous avons été sur le territoire zaïrois nous n’avons plus jamais revu nos
appareils.

PD -Tout a été saisi ?

JK -Tout a été saisi.



T2k7#76 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) 21:


#095u91

PD -Est-ce qu’il y a. est-ce que c’est des, c’est des membres de votre gouvernement qui avaient le
contrôle de ces appareils-là ?
JK -Non, quand nous sommes arrivés au Zaïre, nous n’avions plus aucun contrôle sur rien du tout.
PD -Qui contrôlait vos appareils ?
JK -C’est le gouvernement zaïrois.
PD -Ok Ces appareils-là est-ce que... vous savez s’ils ont été remis au gouvernement rwandais ?
JK -C’est ce qu'on dit, puisqu'il y a eu échange à Goma, je crois c’est en 95 ou en 96, entre les deux
gouvernements dont on dit que parmi les échanges il y avait des hélicoptères. Mais parce que je, je ne peux
pas confirmer si oui tous les appareils ont été remis, si c’est quelques appareils qui ont été remis. Mais je sais
qu’il y a eu échange à ce niveau-là.
PD -Ok
MD -Comment avez-vous appris le départ de Bizimana ?
JK -C’est par ses anciens gardes, lui il m'avait dit qu’il partirait.
MD -Ahil vous l’avait dit ?
JK I m'avait dit qu’il part. qu’il irait à Goma, et puis je savais de toutes façons, sa famille se trouvait
de ce côté-là. Sa femme et ses enfants se trouvaient de ce côté-là, lui était venu juste comme membre du
Souvernement pour... et peut-être aussi responsable de l’armée pour s’assurer que tout ren... que tous les
militaires étaient, allaient rentrer au Zaïre. Et que donc après il m'avait indiqué que lui il retournerait à Goma
Pour voir sa famille.
MD -Est-ce qu’à votre connaissance il y a eu des réunions avec l’Etat-major militaire ?
TK -À Goma certainement.
MD -Avant son départ ?

.JK Oui.
MD -Est-ce que l’Etat-major était, était au courant de ce départ selon vous ?
JK Selon moi, oui, puisqu'il y a eu un certain... il m'a fait presque un rapport des activités, quand il est
arrivé à Goma où il m’expliquait ce qu’il a fait ou il m’expliquait où, où il en était avec les dossiers que lui
il avait à gérer. Donc ce qui me laisse supposer qu’il a eu des contacts, des réunions avec l’Etat-major.
MD -Mais il était pas question heu... qu’il quitte de façon permanente, sans retour ?
JK Ça c'est... ça je ne peux pas dire, puisqu’il ne m’a pas consulté à ce sujet, il ne m’a jamais dit qu'il
quittait de façon... sans retour. Il est parti voir sa famille à Goma et je ne l’ai plus jamais revu.
MD Savez-vous s’il avait des relations à Kinshasa ?



T2k7476 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) 22








KON5eu92

JK -Je pense que oui. Dans la mesure où il... il y allait d’abord assez souvent, et puis que sa famille, une
partie de sa famille était déjà sur place, avant notre exil.

MD -Lorsque vous avez rencontré heu... vous avez continué à, à remplir votre rôle après, après être rendu
en exil, vous avez continué à... vous avez gardé un certain leadership sur le gouvernement, c’était ça, c’est
comme ça que vous voyiez votre rôle là-bas, en exil ?

JK -Sur le gouvernement, ce n’était pas essentiel, l'essentiel je crois que c'était plutôt rendre service à
la population. Donc sur le gouvernement à la limite non, parce que les, la plupart des ministres étaient déjà
éparpillés, mais le... par rapport à la population je, je sentais que j’avais des devoirs.

MD -Dans vos contacts avec les autorités du Zaïre, est-ce que vous aviez un certain support, est-ce qu'il
y avait des ententes de faites pour justement vous aider à installer les réfugiés, à... à identifier les camps, à

à organiser le transport et tout ça ? |

JK -Au niveau du... organiser le transport, parce que... non, parce que le Zaïre était un pays ruiné, était un
pays ruiné où il y avait pas moyen de vous aider à ce niveau-là. Donc vous ne pouvez pas organiser le transport
dans un pays où il n’existe pas de bus, où il n’existe aucun camion, où il n’existe rien du tout, donc... oui, au
niveau du contact politique, oui, j’avais, je sentais que j'avais un support, notamment au niveau du gouverneur
du sud-Kivu.

MD -Est-ce que vous avez continué à le rencontrer le gouverneur, est-ce que vous aviez des contacts
réguliers avec lui ?

JK -Oui, j’ai eu des contacts réguliers avec le gouverneur du sud-Kivu.

MD -Etest-ce que vous étiez en mesure de lui soumettre vos, vos problèmes et de... de faire des demandes
d’assistance ?

JK -Il y avait des, des limites que je pres. que je sentais que je ne... donc les. notamment au niveau de
l'assistance financière, je ne pouvais pas lui demander d’assistance parce que sachant que le pays était lui-
même en difficulté, donc de l’assistance sur le, le domaine peut-être politique oui. S’il s’agissait de trouver
un terrain où installer les réfugiés, puisque les... c'était dans ses responsabilités, oui. S’il y avait un problème
au niveau de, de la sécurité des réfugiés, oui.

MD -Est-ce que vous avez eu, les ministres qui étaient présents, ce qu’il restait du gouvernement, est-ce
que vous vous êtes réunis, vous partager certaines tâches, est-ce qu’il y eu une. certaines responsabilités
d’établies ?

JK -I n’y a pas eu de responsabilité d’établie, mais nous nous sommes irrégulièrement réunis

effectivement pour, pour partager un peu un certain nombre de disons, de points de vue.



T2k7476 du 22/05/98. 3 août 1998 (12h17) 23
{ON eu93z

MD -Alors vous ne pouviez compter sur personne d’autre que vous autres pour vous organiser. Le Zaïre
Vous a admis dans leur pays [sic] et ça s’est limité à ça. |

JK -C’était limité à ça.

MD -Vous avez dû innover là dans les moyens pour placer vos gens.

JK “Oui.

PD -Pourquoi vous vous êtes rendu à Goma ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui motivait vos voyages vers Goma?
JK -Au départ j'ai... il y avait eu des, beaucoup de morts du côté de Goma...

PD -C’était quelque chose que vous saviez, vous entendiez parler ?

JK -À la radio tout le monde en parlait, c'était, c'était la grande information à cette époque-là, c'était les,
parce qu’il y a eu cent mille morts en moins d’une semaine, c’est quand même beaucoup.

PD -Oui, c'est énorme.

JK -C’est énorme, donc... je ne pouvais pas ne pas disons avoir le. Je ne pouvais pas avoir le coeur
tranquille ën me disant je suis tranquille là où Je suis, puisqu ln y a pas de morts, donc j je me suis rendu là-
bas, j'ai essayé d’y aller, malgré le risque que je courrais de contaminer moi-même la maladie [sic].

PD -Les gens, les gens qui avaient fui comme ça le pays, il ÿ avait les responsables politiques, les, les gens
qui avaient une certaine responsabilité dans le pouvoir au moment du génocide, et les gens qui fuyaient, les
populations qui fuyaient, c'était des simples paysans, pour la plupart ?

JK -Oui, certainement, puisque je ne vois pas comment on peut avoir dans un pays de 7 millions, trois
millions de responsables. Donc c’était de simples paysans, oui.

PD -C’était des simples paysans qui fuyaient ?

JK -Oui.

PD -A ce moment-là est-ce que c’est là que vous, vous sentez votre responsabilité envers ces gens-là ?
JK J'ai toujours senti ma responsabilité même au moment où on était encore au Rwanda. Alors le fait que
les populations se déplaçaient et suivaient le gouvernement, suivaient notre armée, c’est que, je sentais que
c'était de la responsabilité du gouvernement et de notre armée.

PD -As-tu quelque chose à ajouter là-dessus ?

MD -Non, c’est ce que Je suis en train de réviser les, les notes.

PD -Alors vous vous rendez, vous vous rendez à Goma, vous allez constater, ça c’est votre première visite?
JK “Oui.

PD -Vous allez constater de visu l’épidémie de choléra ?

ue -Oui.



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RAA M D D D NE a A D be EU un me ee ne

{ON ec u94

PD -Est-ce que vous avez des moyens financiers pour aider à ce moment-là ?
JK -Non, j'ai dit que je n’ai pratiquement pas de moyens, j'ai. même le peu de moyens que j’ai eu, je les
ai eus sur place. Donc je n’avais pas de moyens financiers pour aider.

PD -Ok. Les... donc vous partez de Bukavu, où il y a pas d’argent...

JK “Oui.

PD -C'est ça ?

JK “Oui.

PD -Vous allez à Goma, où il y a l'épidémie mais où vous réussissez à trouver de l'argent ?
JK Oui

PD -Auprès des membres de votre gouvernement ?

JK -Je dois dire qu’à Bukavu il y a pas d’argent, non. Dans la mesure où J'y ai laissé le ministre de
l’Agriculture qui avait de l’argent, qui avait vendu du café, qui avait vendu du thé, donc il y avait de l’ argent
aussi. Donc le problème c’était pas un : problème, c’est pas tellement un problème d’ argent. Mais dans tous les
cas, quand je suis arrivé là-bas, là j’ai réussi à avoir de l’argent.

PD -Ok. Vous avez pas demandé au ministre de l’Agriculture avant de partir.

JK -Si, avant de partir je lui ai demandé.

PD -Puis?

TK -H s’est. le... c’est à ce moment-là qu’il m’a remis les huit mille dollars dont J'ai déjà parlés.

PD -Ok Est-ce que ce sont les huit mille... est-ce que vous avez divisé entre... Sindikubwabo et vous ?
JIK -Oui, et c’est de cet argent que j’ai pu faire le voyage.

PD -Ok. Vous faites le voyage, vous arrivez là-bas, pendant le voyage vous... vous rencontrez Monsieur
Maurice, Madame... |

JK -Non, on est parti avec, puisque nous sommes partis en véhicule.

PD -Ok, vous partez là-bas ensemble, rendus là-bas vous rencontrez une autre personne ?

JK -Je rencontre les ministres en question, que j'ai déjà nommés.

PD -OKk. C’est là que vous décidez de, de... de fournir de l’eau ?

JK -Non c'est à dire que j'ai... on n’a pas décidé, c’est à dire on, on, on savait, on, on était là Pour voir ce
qu’il se passait. Alors sur le voyage, on a visité des endroits qui, qui n’étaient pas encore des camps, mais des
concentrations de réfugiés, et nous. sur la route, au bord de la route nous avons trouvé des gens qui étaient
en train de boire de la boue. Je dis bien de la boue. Alors on s’est posé des questions, on sert à quoi ? On a loué

un camion et puis on est allé dans une rivière puiser, donc on a loué le camion, je crois pour toute la Journée



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KOÜ:5u95S

pour fournir à cette population de l’eau.

MD -Est-ce que tout le monde... qui, qui a, qui a fourni l'argent pour ce camion ?

JK C'était, c’est moi le..., Pauline et son mari et puis Nzirorera.

MD -Est-ce que ce... vous vous souvenez si c'était un montant important ?

JK -Non ce n’était pas un montant important. Je crois c’est plus le geste que le montant qui est important.
MD -Oui. Est-ce que, lorsque vous avez visité le camp, vous dites que l'armée française et l’armée japonaise
participaient à l’ensevelissement des corps. Est-ce que vous avez discuté avec ces gens-là ?

JIK -Non, parce que je, je ne visitais pas ces camps en tant que qui que ce soit, j'étais, je passais inaperçu.
MD -Alors c'était, c'était pas, c'était pas.

JK -Je passais inaperçu, même les réfugiés ne me connaissant pas ne m'ont jamais reconnu.

MD -Mais vous êtes, vous étiez, vous étiez heu... trois personnes à ce moment-là ?

JK -Oui. Mais...

MD -Vous étiez avec Pauline et son mari ?

TK -Mais nous... je n’ai pas eu l’impression que nous ayons été tout à fait reconnus par les gens que nous
avons visité à cette époque-là.

MD Qui, qui s’occupait de, de, de, de mettre, de tenter là de mettre, de contrôler la situation à cette... cette
épidémie-là, est-ce que la Croix-Rouge était sur place, est-ce que les organismes humanitaires étaient sur place
à ce moment ?

JK -On a dû crier au niveau de la propagande internationale, comme on le fait maintenant pour le Soudan
pour qu’ils viennent. Parce que quand ils sont... quand la, l’épidémie a commencé il n°y avait pratiquement
personne.

MD -Mais comment expliquer que l’armée française et l’armée japonaise étaient sur place à ce moment-là,
si les organismes étaient pas là ?

JK -C’est à dire que les, l’armée française elle était déjà sur place dans la mesure où elle opérait au
Rwanda mais sa base arrière était au Zaïre. Ça c’était connu. Donc l’armée française, le plus grand aéroport

de la région se trouve à Goma. Si donc je dis que l’armée française avait eu des avions de combat, c'est, ce

n’était pas.
MD -C'était là.
JK -… au Rwanda. Alors c’est... c’était sa base arrière. Et quand l'épidémie est arrivée je crois que... ils

n'avaient pas d’autre choix ayant dit qu’ils étaient là pour des opérations humanitaires. Ils n’avaient pas d’autre

choix que de s’impliquer. L'armée japonaise est venue en renfort, je crois que c’était aussi. j'avais



T2Kk7476 du 22405/98. -3 août 1998 (12h17) 26
dm

KON 6094

EEE

l'impression que certains pays voulaient faire faire des stages également à leurs soldats.

MD -Alors vous votre visite n’était. n'étant pas officielle, il y avait pas... vous étiez pas là pour tenter de...
d'organiser ou d'améliorer les services, c'était, c'était. le but... votre but c’était simplement de, de, de voir
la situation ?

JK -Je n'avais aucun pouvoir, je n’avais aucune possibilité d'organiser ou de faire quoi que ce soit. Surtout
que le climat au Zaïre et en particulier au nord-Kivu était très hostile même à une quelconque organisation.
Alors ce que j’ai été voir c’est juste d'observer ce qu’il se passait. Et de discuter avec les anciens responsables
qui étaient sur place pour voir avec eux ce qu’on pouvait faire.

MD -Est-ce que les militaires... les militaires rwandais qui étaient, qui étaient maintenant au Zaire, n’étaient
pas en mesure de fournir une certaine assistance, est-ce qu'ils étaient très contrôlés, est-ce qu’ils pouvaient
se déplacer eux ?

JK -Non. Ils ne pouvaient pas se déplacer, ils avaient eux-mêmes leurs propres difficultés d’insertion dans
cetté zôné-là. CU LL

PTS

MD -Vous pouviez pas compter sur eux Pour tenter... pour organiser ?

JK -On ne pouvait compter sur personne.
PD -Chacun de son côté, chacun pour soi ?
JK -Oui.

PD -Probablement, je pense à faire la nomenclature de ceux qui étaient là, puis ceux qui étaient pas là, puis
il vous restait sur les lieux, avec le président, treize ministres qui étaient divisés en deux groupes, un groupe
à Goma, un groupe à... un groupe à Bukavu. Sion reprend aujourd’hui, parce que... je sais pas si. est-ce que
c’est toujours exact, la liste qu’on fait là, est-ce que vous avez des modifications à ajouter ?
JK -Je n’ai pas de modifications à ajouter.

PD -Ok. Est-ce que vous avez des modifications à ajouter ou des informations que vous auriez eues
relativement 4... aux endroits où ils pourraient se trouver, parce que là on marque les endroits là-dedans, est-ce
qu’il y en a que les endroits ont pu changer ?
TK -Je n’ai pas d’autres informations.
PD -Vous avez pas d’autres informations.
MD -Est-ce qu'il y en a d’autres qui sont décédés depuis ce temps, à votre connaissance ?
JK -Je vous ai dit que je n’ai pas d’autres informations.
PD -Parce que... disons, je me permettrai de vous souligner, la ministre Pauline qui demeure à Nairobi avec

son fils et son mari. est-ce que vous croyez qu’elle demeure toujours à Nairobi ?



T2k7476 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) 27
KOD5ou97

JK -Non, vous savez où ils se trouvent.
PD -C’est ça, c’est pour ça que je vous dis ça, je vous demande si votre déclaration est exacte.
TK -[rire] Peut-être... vous ne pouvez pas poser une question si vous savez la réponse.

PD -C'est juste ça que je voulais savoir, pour vous si vous c’était toujours exact que Pauline était à Nairobi,
c'est ça que je vous demandais. Puis si Agnès...

JK -Si c'était elle vous... vous saviez où elle se trouve, je crois que vous n’auriez pas pu me poser une
question pour... où elle se trouve alors que vous savez où elle se trouve.

PD -Ok.

MD -Conclure ce chapitre-là..

PD -On peut aller au chapitre suivant, qui est le...

JK -Les relations entre les... les FAR et le gouvernement en exil.

MD -Alors quel cha... on identifie par...

JK C’est le 93. Lors du début de l’exil en juillet 1994, les militaires ont tenté de se réorganiser. Ils feront
à Goma un séminaire de plusieurs jours afin de faire une auto-critique des événements et de planifier leur
réorganisation future. Ils ont produit un document volumineux de cent pages qui me fut transmis avec la
mention que eux ils avaient un genre de restructuration et me suggéraient les lignes à suivre pour réaliser notre
restructuration. Ils faisaient état du fait que le gouvernement devait se restructurer afin d’avoir à sa tête de plus
crédible et de plus expérimenté et que compte-tenu de ma popularité ils suggéraient que j’assure la tâche
d’encadrer les réfugiés. Plusieurs séances de travail sur ce document auxquelles participaient le président
Sindikubwabo, moi-même, le président de l’assemblée nationale Nzirorera, les ministres encore présents, les
chefs des partis politiques et de toutes personnes influentes furent faites. Toutes ces réunions aboutirent à la
nécessité de mettre en place un cabinet restreint qui devrait comprendre au maximum dix personnes sans tenir
compte des appartenances aux partis politiques contrairement à l’habitude. Je mettrai en place ce cabinet le
ler novembre 94 à Bukavu. Ce cabinet inclura les personnes suivantes : le président Sindikubwabo demeurera
inchangé, je conserverai mon poste, le ministre des Affaires étrangères aussi, la Défense sera confiée au colonel
Gasaka Athanase [phonétique], nous créerons un département des affaires sociales des réfugiés qui sera confié
à Karimenzira Callixte [phonétique], la Justice sera confiée à Mbonempeka Stanislas [phonétique], les
Finances et les affaires économiques reviendront à Rwamenshi Innocent [phonétique], l'Information sera pour
Kalintangire Joseph [phonétique], la Jeunesse et la mobilisation sera, seront confiées à Kayugara Frédéric
[phonétique]. Ce cabinet fonctionnera tant bien que mal jusqu’au 23 mars 95, jour où sous la pression des

militaires dirigés par Bizimungu et Kabiligi, le président convia le commandement de l’armée qui regroupait



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KOO56U98

tous les hauts officiers en exil et le gouvernement. Il sera question d'étudier la structure la mieux appropriée
pour représenter les réfugiés. La conclusion sera de mettre en place un comité mixte de quatre personnes, deux
militaires et deux civils qui devra soumettre son rapport dans la semaine à venir. Insatisfait de cette décision
sans toutefois l’avoir exprimé, le général Bizimungu convoque le même 23 mars 1995 pour la fin mars
certaines personnalités des camps et de l’extérieur, notamment de l'Europe. Je sais Nzabohimana François
[phonétique] qui vivait en Belgique, ancien collègue aux Banques populaires, était là, que Mashuti Clavère
[phonétique] , qui était en France et Kisamozobera [phonétique] à Kampala, Ntahohibuye Ndereye Carole
[phonétique], qui était au Kenya, ex-directeur de l’ISAR [phonétique], se sont déplacés pour se rencontrer avec
les représentants des camps et le haut-commandement de l’armée jusqu’à Mugenda [phonétique] au Zaïre pour
se réunir afin de fonder un nouveau parti politique, le RDR, dont la structure est lourdement accaparée par les
militaires. La veille de la publication de la création de ce parti, Nzabohimana François me rencontrera pour
me convaincre d’adhérer à ce parti. Mon refus entraînera la dégradation de mes relations avec les militaires.

Le 3 avril 1995 ce parti verra le jour. Le 4, le commandement des forces armées proclamera son soutien à ce
nouveau parti dirigé par François Nzabohimana. Le vice-président étant Kunyarushoki [phonétique] , le
secrétaire exécutif Butare Innocent [phonétique] , le trésorier Denis Birungiribabazi fphonétiquel, les affaires
économiques Froduald Gasamunyga [phonétique] et d’autres. Depuis cette date, il y aura des tentatives pour
m'obliger d’apporter mon soutien public à ce parti politique, ce que je refuserai. Cette [inaudible] se conclura
par la réception d’une déclaration de rupture de toutes relations entre le gouvemement en exil et le haut-
commandement de l’armée. Même après la réception de cette déclaration, les gens ont tenté de me faire
modifier ma position, ayant toujours comme condition préalable ma reconnaissance du RDR. Toujours,
jusqu’à ce jour, j’ai refusé de reconnaître ce parti pour les raisons suivantes : Premièrement, la méthode de
création [inaudible] par les militaires. Deuxièmement, le mode de désignation de l’exécutif, à peu près tous
identifiés au MRND, ceux qui n'avaient pas leurs origines dans ce parti se verront contraints de démissionner
un à un de cet exécutif comme Froduald Gasamunyga, ancien du MDR. [inaudible] ancien du MDR et d’autres.
Troisièmement, fausse représentation de l'opinion générale des camps de réfugiés, les gens membres de cet
exécutif y ayant, étant conviés pour leur allégeance personnelle au MRND et à la force militaire.
Quatrièmement, mode de recrutement rappelant celui du mouvement MRND, encore parti unique, qui
obligeait les gens à devenir membres à la naissance comme s’il s'agissait d’une nationalité. Cinquièmement,
les contraintes morales et physiques exercées de façon visible par les militaires pour exiger l'adhésion des
réfugiés. Sixièmement, programme de retour au pays par la force en menant des attaques contre le Rwanda avec

les cotisations obligatoires obtenues des réfugiés dans les camps. Le 29 mars 1995, jour où ils ont quitté



T2k7476 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) 29
“0N56u99

Bukavu probablement pour la réunion de création du RDR, n'ayant pas encore été avisé des invitations qu'ils
avaient adressées aux participants de la réunion, je me suis entretenu avec Bizimungu et Kabiligi au sujet de
l'attitude du colonel Bagosora, à savoir qu'après avoir tenu précédemment une réunion secrète à Goma avec
le haut-commandement, il s'était dirigé dans les camps de réfugiés où il annonça la décision des forces armées
de créer un nouveau parti politique auquel il invitait les réfugiés à devenir membres. Ce nouveau parti devant
représenter exclusivement les réfugiés. J'étais avisé de ces gestes par une copie de la lettre qui lui était
adressée par le général Bizimungu, et qui lui reprochait ses actions, en lui disant de cesser ses activités. Moi
je ne comprenais pas cette lettre à Bagosora et je désirai savoir ce qu’il représentait pour eux. Leur réponse
fut qu'ils ne faisaient pas confiance pour l’avenir, éventuellement pour le Tribunal si nous devions répondre
des actions au cours des événements d’avril-juillet 94. Bagosora disait que je n'avais rien fait et qu’alors je
serai en mesure de les trahir. Ceci explique pourquoi il tentait de... avec l'appui de l’armée, de m’écarter et
de mettre en place des gens qu’il pouvait, en qui il pouvait avoir entière confiance. En 1996, lorsque les FAR
prenaient toujours l’argent des réfugiés pour s’acheter de l’armement, j'ai discuté avec eux. Je leur ai expliqué
que je n’étais pas d’accord car lorsqu'ils représentaient le pays et étaient armés par celui-ci, ils n’avaient pas
convaincu le FPR... ils n’avaient pas vaincu le FPR. Alors, isolés par la communauté internationale, incapables
de se faire livrer les armes, je prenais exemple sur les dernières livraisons payées et non-reçues, que même s’ils
récoltaient un million de dollars ils ne seraient pas en mesure de faire la guerre. Moi je savais que les trois mois
de conflit, de 1994, avaient coûté approximativement trente millions de dollars. Ils ont empêché la population
de faire un retour massif sur le pays, tel que le prônait certaines associations dont un des dirigeants fut abattu
par les FAR Ils ont plutôt préféré ériger des points de défense autour des camps de réfugiés, avec les armes
laissées par l’armée zaïroise. Moi devant cette situation avec laquelle j’étais en complet désaccord, j’ai fui vers
le Kenya, peu avant l’ouverture des hostilités au Zaïre, le 17 août 1996. : |
MD -Qui était en charge, en avant du mouvement de réorganisation des militaires ?

JK -C’est les généraux Bizimungu et Kabiligi.

MD -C'est eux qui ont pris l'initiative ?

JK -Oui.

MD -Est-ce que dès le départ ils ont pris contact avec vous ?

JK -Non, j'ai... ils m’ont juste envoyé le rapport, je pense que vous l’avez dans les documents que vous
avez saisis.

MD -Un rapport qui dit, qui dit quoi ?

JK Qui, qui, qui, qui, qui fait le... qui parle de leur réorganisation et puis qui fait une évaluation de la...



T2k7476 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) 30




K0ON:6599

de leur défaite au Rwanda.

MD _-Et c'était quoi leurs conclusions ?

K -C'est, c'était qu’il fallait se réorganiser pour recontrôler le pouvoir.

MD -Et comment, comment expliquaient-ils, comment analysaient-ils leur défaite ?

L< -Moi je n’ai pas en mémoire toutes les analyses qu’ils ont faites de leur défaite, vous avez le document,
je crois que vous pouvez le consulter et savoir ce qu’ils ont analysé. C’est un volume de documents, je n’ai
pas retenu tout ce qu’ils ont fait, tout ce qu’ils ont fait comme analyse de leur défaite. Par contre j'ai fait ma
propre analyse de leur défaite.

MD -Quelle était la vôtre ?

TK -C’est qu’il y a pas que l’aspect.. parce que la plupart du temps on dit que la défaite a été due à un
manque de munitions. C’est à dire à l’embargo militaire, moi je... je, ma conclusion est que l’embargo militaire
n’a été que peut-être un prétexte. Donc il y avait d’autres facteurs, notamment des facteurs politiques, des
facteurs sociologiques et peut-être aussi heu... la... l’objet même de la guerre, qui ont fait que il yaeu défaite.
Donc la défaite... l’embargo militaire n’est qu’un prétexte qu’on avance pour dire, pour expliquer la défaite.
MD -Avez-vous l’impression que l’armée avait, avait... avait joué son rôle, s’était vraiment impliquée dans
ce conflit ?

IK -Mon impression c’est qu’il n’y avait plus d’armée.

MD -Il n’y avait plus d'armée ?

JK -Non.

MD -Au moment de la déclaration de la guerre ?

JK -Au moment de la déclaration de la guerre il n’y avait pas d'armée, il y avait des militaires isolés mais
il n’y avait pas un commandement de l’armée, il n’y avait pas une armée parce que qui dit armée, il y a toute
une série de définition qu’on peut donner à une armée. Il y avait des militaires, oui.

MD -Il y avait une structure ?

JK -E y avait une structure, il y avait des armes, il y avait des militaires mais il n’y avait pas une armée.
MD -Est-ce qu’il y avait de l’équipement suffisamment ?

JK -Pour moi l'équipement était là.

MD -Parce que si on regarde ça heu... on s’est, on s’est jamais, on s’est jamais vraiment impliqué dans, dans
la guerre, on n’a jamais vraiment offert une, une défense ?

JK -Non parce que pour moi, une armée, le commandant a un chef, pendant la période clé, avant la

nomination de Bizimungu, était Gatsinzi. Gatsinzi il est où aujourd’hui ? Il est au FPR



T2k7476 du 22/05/98. -3 août 1998 (12h17) 31
Den ut eme PE 8 MER AREA € D DU MA SEEN La tan de

Koné: 01

MD -Oui.

JK -Comment voulez-vous qu’une telle armée puisse gagner une guerre ? Où le commandant suprême
fonctionne pour l’autre camp.

MD -Mais est-ce que vous avez senti un changement au moment où il a été remplacé ?

JK -C'est.. le changement ne pouvait pas se faire sentir dans la mesure où même quand il était là on ne
le savait pas. C’est qu’il y a pas eu de changement. Parce que c'était la même chose.

MD -I ya quand même des gens qui ont été mis là, il y a quand même d’autres personnes qui ont été mises
à la tête des forces armées, qui heu. qui avaient été choisies par... parce qu’on croyait qu'il était en mesure
de remplir ce rôle ?

JK -Pour moi le mal était déjà fait. C’est les. ils ont été choisis trois semaines, au minimum deux
semaines, après le déclenchement de la guerre et les, les... même si il n’était plus chef d’Etat-major, il était
toujours au niveau de l’Etat-major. Donc il ÿ a aucune réunion à laquelle il n’a pas pu participer. Si on regarde
“maintenarit au ñiveau du ministère de la “Défense, sur trois membres du cabinet il y en avait deux qui
travaillaient pour l’autre camp. Au niveau du ministère de la Défense. On peut aller plus loin et regarder dans
d’autres structures, [inaudible] qu’il y a eu... que les militaires sont impliqués au niveau de la guerre.

MD -Alors l’Etat-major était infiltré ?

TK C’est pas seulement l’Etat-major, c’est, c’est pour ça que je dis que c’est... la défaite n’était pas une
défaite seulement de l’armée, c’est une défaite de tout un système.

PD -C’est peut-être le risque d’avoir une guerre dans son pays opposant son, les gens du même pays ?
JK -Et une... probablement, cette explication n’est pas suffisante. Une guerre de long... une longue guerre,
de longue durée, si c’est court à ce moment-là ces rapports contre l’ l'armée, ça prend du temps et... on a le temps
de, de tisser des liens contre l’armée.

MD -Eteffectivement l’Etat-major n’a jamais vraiment dirigé l’armée, ça on peut, je pense qu’on peut, on
peut tirer cette conclusion-là quand on voit le rôle que les forces armées ont... que les militaires ont fait ?
JK -Hs le reconnaissent eux-même, dans la mesure où ils reconnaissent que ceux qui ont fait par exemple
les massacres étaient des éléments incontrôlés, donc vous ne pouvez pas dire dans votre armée il ya des
éléments incontrôlés si vous êtes, si vous les contrôlez. Si vous dites qu’ils sont des éléments incontrôlés c’est
que vous ne les contrôlez pas. Si ces éléments incontrôlés sont tellement nombreux... et finalement ce sont eux
qui apparaissent, c’est que l’armée est elle-même incontrélable ou incontrôlée.

MD -Parce que les seuls combats qu’ils ont engagés c’est avec des civils, ou à peu près.

JK -En tous cas c’est ça qui est sorti. Aujourd’hui. Si on parle du Rwanda et de la guerre entre avril et



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KON::6102

juillet 94, on parle des massacres, on... c’est plutôt moi qui insiste pour dire qu’il y a eu une guerre.

MD -Ouais.

JK -Parfois les gens pourraient même me demander s’il y a eu une réellement une guerre. Or moi je sais
qu'il y a eu une guerre oui, puisque J'étais là. Mais ce qui apparaît, ce que les gens ont retenu c’est qu’il y a
eu des massacres.

MD -Est-ce qu’il y a eu des pertes militaires des deux côtés ?

JK -U y a eu d’énormes pertes militaires. Des soldats sont morts en quantité.
MD -Au combat ?
K -Oui.

MD -Surlies deux côtés ?
JK -Sur les deux côtés. Des soidats à Kigali sont morts en quantité.
MD -Alors il y a eu des, quand même des combats d’engagés ?
JK ‘Il ya eu des Combats énormes à Kigali Co
MD -Ah oui... à Kigali surtout ?
XK -Oui. Là je suis sûr. À Kigali il y a eu beaucoup de pertes mais les officiers, la plupart des jeunes
officiers, les lieutenants, les sous-lieutenants, les capitaines ont été décimés à Kigali.
MD -Le conflit, Le conflit vraiment, les combats s’est vraiment à Kigali que ça s’est passé ?
JK -A Kigali oui, à Kigali je peux le dire, puisque j’ai été là, puisque je, je sais combien de gens on
envoyait puis combien de gens, combien de gens ont réclamé du renfort, alors qu’au départ ils étaient là.
MD -Ailleurs dans le pays ?
JK -Ailleurs dans le pays je n’ai pas, je ne peux pas donner la même précision ou la même confirmation.
Mais dans tous les cas il y a eu des morts, des deux côtés, donc des soldats, parce que les fronts que j’ai visité
/ ils avaient des morts.
MD -Quand ils ont proposé heu... de se réorganiser, de se restructurer, alors vous faisiez partie de leurs
plans, à ce moment-là, vous étiez là ?
JIK -Non je n'étais pas là.
MD -Vous n'étiez pas là ?

TK -Non.

MD -Quand on, quand on dit que heu... vous le, le... on vous réservait, on vous réservait un rôle quand
même ?

JK -C’est eux qui avaient décidé. Sur le rôle que moi je devais avoir.



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MD
PD
MD
JK

KON:6103

-Qui était de vous occuper... on disait ici, votre rôle heu.
-[inaudible]

_-Encadrer, encadrer les réfugiés ?

-On trouvait que j'étais inexpérimenté, ils trouvaient que j'étais pas connu sur le plan international,

mais que j'étais populaire au sein de la population, et que donc le seul rôle que je pouvais jouer était de

m'occuper de l’encadrement des réfugiés.

MD
TK
MD
JK

reçu.

MD

-Alors au niveau du gouvernement vous étiez, vous aviez plus de place là ? Au niveau du.
-Si, si je devais entrer dans leur gouvernement c'était pour m'occuper des réfugiés.
-On vous a fait savoir ça tout de suite au début ?

-Non, c’est... je ne sais pas si c’est écrit ou si ce n’est pas écrit mais c’est ça que... le message que j'ai

-Mais ça les personnes qui écrivaient ça c'était qui ? Toujours les mêmes ? C'était les personnes qui

7 avaient décidé ça ?

JK
MD
K

-Non c’est... c'est l’armée qui avait décidé ça.
-Mais l’armée, l’armée c’était des personnes en particulier, on a parlé de Kabiligi ?

-Les autres je crois c’est, c’était lui qui les nommait ceux qui devaient participer à leur ligne, pour moi

Je m’occupais de savoir qui, qui est responsable de quoi, je ne m” occupais pas de savoir qui participait aux

réunions. Parce qu’il y en avait beaucoup qui ont participé à ce séminaire, c'était... ils ont appelé ça un

séminaire.

MD -Ils ont appelé ça un séminaire. Alors Ça, ça quand ils ont fait ça, ils ont fait le, le post-mortem là de...
du, du, de la guerre et, et on... on arrivait lors de la même, lors du même événement on a aussi proposé une
réorganisation ?

TK “Oui.

MD -Est-ce que Bagosora participait à ça ?

JK -Non seulement participait à ça.

MD -Il était la ?

JK -Il était là.

MD -Est-ce qu’il jouait encore un rôle assez important à ce moment-là ?

JK -Il jouait un rôle important oui. C’est à dire que même si formellement il ne jouait pas de rôle,

limpression que j'avais c’est que c’était quelqu’un de très respecté au sein de l’armée. [inaudible]

MD

-Alors ils l’avaient maintenu, il avait gardé cette, cette force-là au niveau de... au niveau de son



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KON56 104
leadership ?
JK “Oui.
MD -Est-ce qu’il était, est-ce qu’on peut dire que c'était même lui qui était en arrière de cette
réorganisation?
JK -Je ne peux pas le savoir mais qu’il ait joué un rôle dans cette réorganisation oui. Comme je le
confirmerai plus tard.
MD Oui.
PD -Alors donc en mars ou avril 95, suite à la formation de votre gouvernement, vous avez dit qu’il a
fonctionné aussi pendant le... au Premier novembre vous constituez un gouvernement, vous instituez...
JK C’est que ils nous ont forcé pratiquement à for... à constituer un Bouvernement, c’est à dire que les...
ils nous ont forcé à nous restructurer. Moi, personnellement, je n’étais pas d'accord. Je disais que si on forme
un gouvernement en exil, on risque de créer une division à l’intérieur des réfugiés, ceux qui seront écartés
seront des mécontents pour rien, ceux qui auront, ceux qui seront nommés prendront des risques inutiles, parce
qu’ils ne pourront, ils n’ont pas les moyens de leur action, moi j'étais pour la cré.. la mise en place des
associations au sein des camps. Afin d’attendre, de voir l’évolution, mais pas. et puis de laisser fonctionner
peut-être les... ce qui était déjà en place, comme une courroie. Mais de ne pas créer d’autres structures au sein
des réfugiés.
PD -Bon, vous avez-vous vu un but de légitimer les actions militaires dans la création d’un gouvernement?
JK -Pardon ?
PD -Est-ce que c'était dans le but de légitimer des actions militaires qu’ils voulaient prendre un retour au
pays en force, des choses comme ça?
JK -Non, moi je ne comprenais même pas, en fait j'avais de ia difficulté à digérer que le, les militaires nous
dictent de nous restructurer. C’était en soi quelque chose qui me semblait [inaudibie],.
PD -Mais vous êtes pas allé plus loin dans votre réflexion à savoir pourquoi ils voulaient tant que vous
Vous restruCcturiez ?
JK -Non, je comprenais.
PD -C'’était quoi ?
JK -C’était pour que les, l’armée ait un gouvernement, parce qu’une armée ne.
PD -Doitavoirun gouvernement ?
JK -. ne vit, ne vit pas comme ça en l’air, ou une armée n'existe pas si, si...

MD S'ilya pas un gouvernement ?



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la défaite n’a jamais été digérée.

PD -Ok.

JK “Que dans la tête de chaque personne, de chaque réfugié, le seul retour qui lui rendrait sa dis. ciait
un retour armé. Et c’est ça que j'avais appelé une attitude irréaliste. Alors je disais “si vous pa dece
sentiment des réfugiés, au lieu de leur expliquer les vraies causes et la réalité, que vous vous par: + leur
sentiment, pour les attirer vers un guet-guet-apens, vous êtes un mauvais leader”. Donc le, la faus xinion
c’est que au niveau... on avait fait croire aux réfugiés qu’on pouvait leur faire retourner au Pays ps: à merre

alors qu’on n’avait pas les moyens de sa propagande.

PD Si je comprends là ce que vous m’expliquez c’est que les militaires jouaient sur les émotions.
JK “Oui.
PD -.. des paysans.
JK: -Oui.
#7 PD _-:. pour leur dire qu’ils étaient pour être capables de rentrer en force chez eux ?
TK “Oui.

PD -OK. On va être obligé de s’arrêter parce que le ruban a sonné.
JK -Est-ce qu’il n’est pas tard ?
Fin de la face B de la cassette # 76.



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KON 6106

JK -.. pour elle même.

PD -Alors c’est ça, l’armée voulait avoir un gouvernement sur lequel elle pouvait influencer.
JK -Oui.

PD -. puis décider.
JK -Oui.
PD -Alors... ok. Ça nous amène au mois de mars 95. La, il y a d’autres choses qui se produisent là, là il y

à la... le, le... on fonde uñ nouveau parti politique, on... la raison exprimée du mécontentement, c’est quoi ?
Pourquoi on dissout votre 8ouvernement, pourquoi on force la main à votre gouvernement ?

K -Parce que quand... il ne répondait à leur satisfaction, donc tout ce qu’ils avaient proposé n’était pas
passé, dans les discussions que nous avons eues, pour la mise en place de ce cabinet, on n’a pratiquement pas
respecté les consignes qu’eux ils avaient données. On n’a pas, on n’a pas, on n’est pas entré, on n’est pas allé
dans la ligne que eux ils avaient tracée.

- PD -Quelle ligne avaient-ils tracée? . .

TK -J'ai... je l’ai indiquée. J'ai dit que eux ils voulaient, ils avaient déjà certainement des noms, et des
gens. Dans les discussions que j'avais eues avec eux, ils m’ont dit qu’ils avaient des noms et ce sont les mêmes
noms qu’ils ont repris maintenant dans leur organisation qu’ils ont mis en place.

PD -Ok. Est-ce que c'était une ligne plus dure, moins modérée ?

JK -Modérée, dure... ça c’est. ce sont des, comme je vous l’ai dit, des termes.

PD -Des termes qu’on... °

JK -…. dés termes que nous nous n’utilisions.…

PD -Nouveaux ?

JK -Nouveaux... nouveaux Pour nous et qui n’ont pas nécessairement la même signification que celle
qu’on leur donne. Mais la question était de, disons de... de regarder la situation de front et de ne pas faire des
illusions. C’est à dire ne pas fonctionner sur des illusions ou sur des souhaits mais fonctionner sur la, la
situation réelle dans laquelle on vivait. C’est ce que j'ai essayé de leur expliquer, mon analyse à moi me
montrait que même si on avait eu les armes du monde entier, et qu’on nous disait de nous battre, nous ne
Pourrions pas avoir la victoire. Nous avions, des militaires c’est pas ça qui nous manquait, l'armement,
probablement que ce n’est pas ça qui nous manquait mais il nous manquait d’autres éléments que nous
n'avions pas encore réalisés à cette époque pour entamer une quelconque action. Ce qui nous manquait c’était
d’abord la... la compréhension de notre problème. L'action qui avait été menée entre avril et juillet 94 était

tellement, avait tellement terni l’image des Hutu en général, de l’armée en particulier, et des dirigeants



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TS

“. à RU Re 7

KON:6107

politiques de notre pays, qu’une quelconque action qu’ils auraient entamée aurait, la réaction aurait été que
Ça aurait été nous contre le monde entier. C’est ça que je leur disais. Ça c’était.. moi je ne voulais pas engager
une guerre où je serai Là à me battre contre la planète. Que moi je ne m'engage pas dans cette guerre. Parce que
c'est. la question n’était pas d’avoir des militaires, nous les avions, de la jeunesse, nous l’avions, la
Population nous l’avions, tout ça on l’avait. Même l’argent, on pouvait l’avoir. Mais cet élément-là était
l'élément clé pour moi, pour me convaincre.

PD -Ok.

JK -Et c’est là où je divergeais de, disons de leur action. Si c’est ça que vous appelez une ligne modérée
non, moi j'appelle ça réaliste.

PD -OK. Alors, ça m’amène, eux ils créent leur parti, ils vont chercher des gens, on voit qu'il y a même des
gens qui vous rencontrent, vous rencontrez même les généraux pour leur dire, vous êtes tellement pas avisé
de ce qui se passe, ça Se passe tellement dans le secret par rapport à vous que vous vous savez même pas ce
qu’il se passe. Vous arrivéz'ci, puis vous citez des points dans la. la façon dont le RDR, qui était le nouveau
parti politique agissait, moi J'aimerai ça que on s’attarde un peu à ça, non je pense que vous avez clairement
expliqué les modes de création parrainés par les militaires.

JK Oui.

PD -C'’était un... le but de ce parti-là c’était vraiment de poser des actions militaires contre le Rwanda ?
TK -Non, c'était un parti des militaires, donc eux ils ne voulaient Pas apparaître mais ils ont rappelé des
gens parce que vous ne pouvez pas appeler des civils dans une réunion des militaires, et maintenant dire que
c’est le parti des civils.

PD -Ok.

JK Ce sont, les, la convocation est faite par des militaires, que la réunion se tient dans un cadre militaire,

les. ce qui en sortira ce sera un cadre militaire, ça ne sera pas un cadre civil.

PD -Il y aurait juste peut-être, si vous étiez capable de me préciser le point 3 qui est la fausse représentation
de l’opinion général des camps de réfugiés, c’était quoi la représentation générale des camps ? Que pensaient
les camps à ce moment-là ? Dans les Camps vous vous circuliez à ce moment-là ?

K Heu... je... dans les camps du sud-Kivu oui, et puis j'avais quand même suffisamment de connections
au sein de tous les camps pour avoir l'information au niveau de chaque camp.

PD -Alors c'était quoi l’opinion des gens, c'était quoi ? Est-ce que les gens voulaient rentrer en force au
Rwanda ?

TK -C'est ça, c’est. je crois que c’est là le débat, c’était là le vrai débat. C’est à dire que les, la, les, les,



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la défaite n’a jamais été digérée.

PD -Ok

JK Que dans la tête de chaque personne, de chaque réfugié, le seul retour qui lui rendrait sa dignité était
un retour armé. Et c’est ça que j’avais appelé une attitude irréaliste. Alors Je disais “si vous partez de ce
sentiment des réfugiés, au lieu de leur expliquer les vraies causes et la réalité, que vous vous partez de leur
sentiment, pour les attirer vers un guet-guet-apens, vous êtes un mauvais leader”. Donc le, la fausse opinion
c’est que au niveau... on avait fait croire aux réfugiés qu’on pouvait leur faire retourner au pays par la guerre

alors qu’on n’avait pas les moyens de sa propagande.

PD Si je comprends là ce que vous m'expliquez c’est que les militaires jouaient sur les émotions.
JK Oui.

PD -. des paysans.

JK Oui.

PD - -:. pour leur dire qu’ils étaient pour être capables de rentrer en force chez eux ?

JK Oui.

PD -Ok. On va être obligé de s’arrêter parce que le ruban a sonné.
TK -Est-ce qu’il n’est pas tard ?
Fin de la face B de la cassette # 76.



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