Fiche du document numéro 21794

Num
21794
Date
Vendredi 15 juin 2018
Amj
Taille
138399
Titre
Procès en appel de Ngenzi et Barahira. Vendredi 15 juin 2018. J27
Sous titre
Lecture du PV d’audition de Penina Karekezi, entendue le 18 novembre 2012. Audition du premier témoin sous X entendu sous le N°47. Audition de Jean CHATAIN, ancien journaliste à L’Humanité, en visioconférence. Audition du second témoin X, entendu sous le N°48.
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Source
Type
Transcription d'audience d'un tribunal
Langue
FR
Citation
Lecture du PV d’audition de Penina KAREKEZI, entendue le 18 novembre 2012.

Le témoin évoque des perquisitions effectuées par NGENZI à son domicile. Beaucoup de personnes étaient venues à pied. Cela s’est passé en présence de voisins. Le bourgmestre lui aurait demandé qui était caché chez elle : elle avait caché les beaux-parents de son fils alors qu’une certaine Blandine lui aurait dit que c’était dangereux de cacher des gens. NGENZI aurait fouillé toutes les chambres, cherchant même sous les lits. Alors qu’elle était en train de fabriquer du vin de banane, le bourgmestre lui a demandé du jus. Il a pris son pistolet et a obligé le témoin à servir du jus frais à tous les assaillants. Seul un policier communal était là : pas de militaires. Elle a revu NGENZI à Benako.



Conclusions d’incident concernant deux témoins sous X.

La défense conteste le fait que des témoins puissent témoigner sous X. Échanges d’arguments avec monsieur l’avocat général qui demande à la Cour de rejeter cette demande. La Cour ayant délibéré rejette la demande de la défense. Les deux témoins sous X pourront être entendus.



Audition du premier témoin sous X entendu sous le N°47.

NGENZI est venu chez lui et a regardé par une fenêtre. Il a demandé les clés de la maison, a ouvert la porte de la chambre dans laquelle se trouvait une personne qui était cachée. Tout le monde est sorti et est monté un peu au-dessus de la maison. Alors que quelqu’un venait de demander qu’on les fusille, l’un des assaillant a fait remarquer que le témoin avait un frère militaire ! Il fallait donc se méfier. NGENZI l’aurait obligée de jurer de ne plus jamais mettre au monde que des enfants hutu. Il l’a fait reculer d’un coup de coude et elle a fui dans la brousse.

Sur question de la présidente le témoin refuse de dire où elle habite. Elle ne se souvient pas non plus de la date à laquelle cela s’est passé. Elle reconnaît qu’elle a commencé à se cacher à partir du 13 avril et déclare que 8 personnes de sa famille ont été tuées à l’église dont ses parents, sa sœur, un cousin germain, une nièce, son frère et se s deux enfants, ainsi que la femme de son frère. Elle déclare qu’elle est Tutsi.

Toujours sur questions de la présidente, le témoin raconte à nouveau les faits en donnant un peu plus de précisions. Les assaillants étaient bien venus chercher les Tutsi qui auraient pu être cachés. Elle finit par dire que la personne cachée chez elle était sa sœur. Elle n’a pas été témoin de la mort de sa sœur car elle avait fui mais elle sait qu’on l’a enterrée tout près. Quant à savoir si NGENZI était là, comme il est au tribunal, c’est à lui de répondre.

Madame la présidente fait la lecture de ses déclarations en date du 10 octobre 2012. Son mari n’est arrivé qu’un peu plus tard mais il était là lorsqu’on a mis à mort sa sœur. Il était parti acheter du sucre. Mariée à un Hutu, elle se croyait protégée. Elle avait déclaré que c’est TURATSINZE qui avait porté les premiers coups, son mari étant à côté. Le reste correspond globalement à sa déposition du jour.

Madame la présidente se dit quelque peu étonnée qu’on ait tué sa sœur alors qu’elle a été épargnée. « J’étais affligée, répond le témoin, mais chacun tient à la vie. Il aurait mieux valu qu’on me tue, il ne me restait qu’elle. »

Elle reconnaît que son mari a été accusé du meurtre de sa sœur, qu’il a été arrêté et détenu. Quant à savoir s’ils en ont parlé ensemble après, il suffira de lui poser la question puisqu’il va témoigner après elle. NGENZI était le meneur du groupe ? Le témoin répond, selon la culture rwandaise, par une autre question qu’on appelle une « fausse question » dans la mesure où on connaît la réponse : « N’est-ce pas NGENZI qu’ils avaient à leur tête ? Ils avaient été entraînés, ils savaient ce qu’ils avaient à faire ». Combien de temps a duré l’attaque ? Elle n’a pas d’idée, mais elle avait indiqué 40 minutes environ dans sa déposition de 2012.

Toujours sur question de la présidente, elle reconnaît qu’elle a été entendue sous anonymat lors de l’instruction et aujourd’hui, et qu’elle se sent toujours menacée. Elle n’a d’ailleurs dit à personne où elle allait. Elle a simplement dit qu’elle allait veiller quelqu’un à Kanombe (NDR. Quartier de l’aéroport de Kigali.) Madame la présidente note que c’est la première fois qu’elle évoque le fait que quelqu’un était en possession d’une grenade. De répondre qu’elle ne savait pas qu’on allait lui poser ces questions, qu’elle n’a pas mis ses idées en ordre comme pourrait le faire un élève. Elle a été entendue dans le procès de BIENFAITEUR [1] mais ne sait pas s’il a été condamné.

Les réponses du témoin ne satisfont pas madame la présidente qui voudrait qu’elle soit plus précise. Elle n’a vu la mort de sa sœur qu’en regardant au-dessus de son épaule : elle a simplement vu qu’on machettait sa sœur.

Maître CHOUAI lui fait remarquer que c’est la première fois qu’elle mentionne la présence des déplacés de Byumba parmi les assaillants. Le témoin répond qu’il ferait mieux de poser la question à MUGENZI : elle-même ne pouvait pas savoir qui était qui. A plusieurs reprises, refusant de répondre, elle dit qu’on doit demander à son mari.

La dernière question concerne sa fuite à Benako. « Vous fuyez quoi » questionne l’avocat ? « Vous ne devriez pas me poser cette question. Tous les Rwandais n’ont-ils pas fui ? Ils ont fui la guerre. Nous avons fui quand nous avons entendu les balles siffler autour de nous. » Elle n’en dira pas plus.



Audition de Jean CHATAIN, ancien journaliste à L’Humanité, en visioconférence.
jean-chatain
Jean Chatain (à droite) avec deux militaires du FPR sur le pont de Rusumo, au Rwanda, en mai 1994 (source: L’Humanité – Photo : Collection Jean Chatain)

Monsieur CHATAIN déclare qu’il a fait deux séjours au Rwanda en 1994 : le premier en avril/mai et le second en juin/juillet.

Il souhaite commencer par le second séjour à Kigali et parle surtout d’une ville morte avec des « quartiers charniers ». Il se souvient des bulldozers qui remplissaient les fosses communes, à Nyamirambo par exemple, « le quartier musulman » de Kigali. Il évoque « cette sensation de marcher sur des tapis de vertèbres et de corps mutilés ». De rajouter que « les crimes sadiques sont des crimes racistes ». Il doutait alors que le pays puisse se remettre, se reconstruire.

D’évoquer ensuite son séjour d’avril/mai dans l’Est du pays. Il n’était pas le seul journaliste, car il y en avait beaucoup à Kigali, mais il était seul à opérer depuis Mulindi, le QG du FPR. Il s’est déplacé de la frontière ougandaise jusqu'à Kibungo, préfecture et évêché. Il a rencontré l’évêque du lieu, monseigneur Frédéric RUBWEJANGA, qui lui parle des 800 personnes tuées à la machette et au gourdin clouté dans son évêché. Il lui a aussi parlé de Kabarondo : « Je vais vous présenter un prêtre que nous avons dû racheter, l’abbé Papias . » (NDR. Il s’agit de l’abbé Papias MUGOBOKANCURO, vicaire de la paroisse de Kabarondo). Ce dernier raconte comment il s’est caché chez le bourgmestre où un officier lui a dit : « Tu peux sauver ta peau pour 100 000 francs à transmettre au bourgmestre qui partagera. »

Le témoin parle aussi des massacres à l’église de Rukara et du bourgmestre des lieux accusé par une des victimes. Il se souvient d’un jeune Tutsi soigné et opéré sans anesthésie pendant l’interview qu’il qualifie de « très éprouvante ». Ce n’est que deux jours après que l’abbé Papias remettra l’argent au bourgmestre car il n’a pas réussi à rassembler en une fois la somme demandée : il manquait 40 000 francs. Le journaliste se souvient que le prêtre se demandait combien le bourgmestre avait gardé pour lui. Une dizaine de religieux étaient présents lors de cette interview.

Sur question de la présidente, monsieur CHATAIN précise bien que ce qu’il sait de Kabarondo il le tient de l’abbé Papias qu’il dit avoir rencontré vers le 25 avril. La présidente se réfère à l’article publié dans L’Humanité en date du 30 avril 1994 [2]. Elle cherche à savoir si c’était une pratique courante de remettre de l’argent pour éviter la mort. Le journaliste prétend que c’est courant « du côté des membres du clergé », mais précise aussi que certains payaient pour être tués par balle. (NDR. Beaucoup de victimes, selon des témoignages, ont acheté la balle qui devait les abattre). Le témoin donne l’exemple d’une religieuse près de l’église de la Sainte Famille (NDR. Eglise où officiait l’abbé Wenceslas MUNYESHYAKA, poursuivi en justice depuis l’année 1995 et qui a bénéficié d’un non-lieu dont on attend le résultat pour le 21 juin).

Quant à savoir s’il existait une proximité entre le bourgmestre et les militaires, le témoin note que les bourgmestres ont très souvent eu un rôle d’organisateurs des massacres. Comme à Bisesero, par exemple (NDR. Colline célèbre à l’Ouest du pays, dans la zone Turquoise).

Sur question de maître ARZALIER, le témoin précise que Papias n’éprouvait aucune gratitude à l’égard du bourgmestre. Il avait plutôt « la claire conscience d’être victime d’un maître chanteur ». Ce sauvetage pourrait se situer autour du 18 avril. La libération de Kibungo par le FPR, vers le 20, à peu près à la même date que Kabarondo. A cette période on note un afflux de miliciens vers Rusumo. Les gens qui ont fui n’avait pas spécialement besoin d’argent pour financer leur exil, il s’agissait plus « d’un désir de s’enrichir ». Le témoin précise, sur question de la présidente, qu’il a dû mettre fin à son premier séjour à cause du paludisme qu’il avait contracté.

Pour la défense, maître CHOUAI essaie de faire préciser quelques dates concernant le séjour de Papias chez son client. Le prêtre a présenté le bourgmestre comme « un instrument de chantage ». N’est-il pas paradoxal d’aller se réfugier chez celui qui a attaqué l’église ? Le témoin concède en ajoutant : « Un notable se réfugie chez un notable ». Il est retourné plusieurs fois au Rwanda depuis : il ne pensait pas que ce pays se relèverait.

Au tour de maître EPSTEIN d’interroger le témoin. « Bourgmestres et religieux appartiennent au monde des notables » précise le témoin. Interrogé sur le rôle de l’église, monsieur CHATAIN précise que l’archevêque a été longtemps membre du Comité Central du MRND jusqu’à la visite d’un envoyé du Vatican. (NDR. En fait, c’est à l’occasion de la visite apostolique du Pape Jean-Paul II au Rwanda du 7 au 9 septembre 1990 que l’archevêque de Kigali démissionnera. Il gardera des liens privilégiés avec la famille présidentielle, plus encore avec l’épouse du président, Agathe HABYARIMANA, elle aussi visée par une plainte du CPCR à l’instruction au pôle crimes contre l’humanité. Elle n’a obtenu ni droit d’asile, ni titre de séjour, elle a fait appel à la CEDH qui tarde à se prononcer). Selon le témoin, c’est l’Église catholique qui serait à l’origine des quotas. Par contre, il existait un antagonisme évident entre l’archevêque et l’évêque de Kibungo.

Jean CHATAIN a entendu parler du bourgmestre de Rukara, Jean MPAMBARA, acquitté par le TPIR [3]. Et de parler ensuite des Gacaca [4]. Il ne veut pas prendre en compte le terme de réconciliation, « mot difficile à utiliser ». « Il fallait qu’une justice passe et c’est ce qui s’est produit. »

Toujours pour la défense, la parole revient à maître BOURGEOT. Le témoin a-t-il été témoin des massacres au stade de Byumba le 23 avril par le FPR ? Jean CHATAIN a « plutôt vu des systèmes d’urgence se mettre en place ». Il n’est pas convaincu par l’affirmation de l’avocate concernant les brimades de journalistes rwandais. Et les Droits de l’Homme ? « Des ONG, sous-marins des services français, ont été mises à la porte du Rwanda après le génocide » rétorque le témoin. Il ne connaît pas un des derniers livres publiés sur le Rwanda : Bad News.

Madame la présidente procède à un rapide interrogatoire de NGENZI. L’abbé Papias n’a passé chez lui que la nuit du 14 au 15 avril. Pourquoi chez lui ? « C’était son choix car le presbytère avait été attaqué. Nous sommes partis ensemble à l’évêché à la demande du lieutenant qui était venu chez moi » dira le bourgmestre. Par contre, il n’a pas entendu les propos du lieutenant à Papias : « 100 000 francs pour sauver ta peau ! » A l’évêché, il n’obtiendra que 50 000 francs. Le compte n’y est pas mais son objectif était que le prêtre arrive en vie. Si c’est lui qui va à Kibungo, c’est tout simplement parce qu’il était un des rares à pouvoir circuler. « C’était aussi une façon pour moi de fuir » ajoute-t-il. Papias est rentré à l’évêché, m’a ramené une partie de l’argent que je devais remettre au lieutenant. Il prétend avoir complété la somme. (NDR. On verra la version des faits qui sera rapportée par les prêtres ou évêques entendus le 20 juin).

Se produit alors un incident qui étonne la salle. « Si cela n’intéresse pas les avocats » s’exclame madame la présidente en direction du banc de la défense !!! Maître LAVAL précise que ça intéresse les parties civiles. Madame la présidente suspend l’audience.



Audition du second témoin X, entendu sous le N°48.

Comme il a pu le dire en première instance, le témoin rapporte que NGENZI a mené une attaque à son domicile. Il est venu en compagnie de BIENFAITEUR [1] et TURATSINZE. Il avait caché quelqu’un chez lui et a dû aller lui chercher à boire. À son retour il assiste à une attaque dirigée par le bourgmestre de Kabarondo armé d’un pistolet. Ils avaient déjà sorti sa belle-sœur de sa cachette. BIENFAITEUR disposait d’une grenade. Le témoin dit s’être placé en face d’eux. Il reconnaît avoir posé beaucoup de questions : il avait même perdu la tête. On lui a demandé comment cette personne était venue chez eux. Bienfaiteur RWANTALINDWA a dit alors en français : « Exécutez ! » Le témoin de poursuivre : « Ils m’ont remis une épée dans la main en me demandant de tuer ma belle-sœur. Je n’y suis pas parvenu. TURATSINZE m’a arraché l’épée et l’a enfoncée dans la personne. Les gens l’ont rouée de coups et sont repartis. »

Sur question de la présidente, le témoin ne peut dire quel jour cet épisode s’est produit. Après le 13 sans doute. Et de redire qu’il est arrivé après le groupe d’assaillants parmi lesquels des déplacés de guerre. Il était allé acheter du sucre pour préparer la bouillie. La plupart des gens qui étaient là étaient armés de gourdins et de couteaux. NGENZI avait un pistolet à la main qu’il pointait « sur une dame » ! Interrogé sur l’identité de cette « dame », le témoin répond qu’il ne peut donner plus de précisions « pour des raisons qui (lui) sont propres ».

Son épouse était-elle menacée ? « Je ne me souviens pas de ce que j’ai déclaré mais je devais parler de notre pensionnaire ». C’est NGENZI qui dirigeait : il avait une arme à feu. Il était responsable de la commune. Madame la présidente veut savoir s’il s’agit de sa belle-sœur dont il parle : sa réponse est sibylline. Lui veut parler de NGENZI. Quant à BIENFAITEUR, ce dernier le toisait en disant « Exécutez ». Le témoin semble gêné de parler. Il n’a pas protesté à la mort de sa belle-sœur : « Mettez-vous à ma place. Je n’aurais pas pu affronter ces gens. »

Madame la présidente ose des questions difficiles : « Votre belle-sœur a-t-elle été décapitée, attachée à un arbre ? » Le témoin répond par la négative. Les tueurs sont partis après lui avoir intimé l’ordre d’enterrer le corps. Mais il prétend que comme il avait perdu la tête, ce sont les déplacés de guerre qui se sont chargés de l’enterrement. Le témoin ne sait pas pourquoi sa femme a été épargnée. Il a fui pour revenir plus tard, à Benako. S’il est parti c’est à cause des massacres. Il n’était pas sûr si cela allait l’atteindre dans la mesure où il avait caché.

Le témoin refuse de répondre aux questions de la présidente. Il est sur la réserve. Cette dernière lui rappelle qu’il a été accusé en Gacaca [4] d’avoir tué sa belle-sœur. Il a bien été emprisonné en 1996, à son retour.

De nouveau interrogé sur NGENZI, il déclare que le bourgmestre s’occupait de ses affaires personnelles, qu’il aimait beaucoup l’argent : « Tout le monde savait qu’il utilisait l’argent de la commune à des fins personnelles. C’était un homme malin qui aimait beaucoup s’enrichir. Avec son salaire, il n’aurait pas pu avoir tout ce patrimoine ».

Le 13, il a entendu les bruits de balles mais il avait refusé de suivre BIENFAITEUR qui était venu le chercher. Pour les autres questions, il adopte la même attitude : il ne veut pas en parler, élude celles qui le gênent. C’est pour des raisons personnelles qu’il a voulu témoigner sous X. Il n’a pas eu peur de témoigner et souhaite que justice soit rendue.

Sur questions de monsieur l’avocat général, il dit ne plus se souvenir des dates de l’attaque, même si devant les gendarmes français il a évoqué 3 ou 4 jours après les massacres de l’église. Pareil pour les tueries au Centre de santé et à l’IGA. D’autres domiciles ont bien été attaqués ce jour-là.

La défense va clôturer la série des questions. Maître CHOUAI souligne les différences entre son récit et celui de son épouse : « Ce que ma femme dit, ça la regarde, ça n’engage qu’elle ». L’avocat de faire allusion à un conflit qu’il aurait eu avec BIENFAITEUR à propos de sa femme avec laquelle il travaillait. Le défenseur de NGENZI fait une hypothèse : « Vous étiez peut-être à l’église le 13 ? » « Pour y faire quoi, réplique le témoin, Je vous ai dit clairement que j’ai tout dit à la magistrate. »

L’avocat assène un dernier coup en lisant un document qui rapporte des propos du témoin : « J’ai coupé la tête de mon beau-frère ! » Incompréhension ! Il faudra que l’interprète explique qu’en kinyarwanda le mot beau-frère ou belle-sœur peut s’appliquer à la même personne.

En l’absence du dernier témoin qui a averti madame la présidente qu’il avait eu peur de témoigner, cette dernière propose que l’on procède à la projection de deux petits films. Le premier, Confronting Evil, qui rapporte l’analyse de deux membres de Human Rigths Watch, dont madame Alison DES FORGES.

Le second document, sans paroles, montre l’agonie d’un nombre important de victimes : à la limite du soutenable.



Alain GAUTHIER, président du CPCR



BIENFAITEUR : célèbre Interahamwe de Kabarondo, souvent cité au fil des audiences. Les Interahamwe sont « ceux qui combattent ensemble » ou « qui s’entendent », mouvement de jeunesse et milice recevant une formation militaire, créé en 1992 par le MRND, le parti du président HABYARIMANA. Voir FOCUS – Les Interahamwe.

Jean Chatain, « Voyage au bout de l’horreur », article publié dans L’Humanité du 30 avril 1994 (archivé sur “francegenocidetutsi.org“)

Voir l’audition de son épouse, Odette KAMPIRE.

Gacaca : (se prononce « gatchatcha »)
Tribunaux traditionnels au Rwanda, réactivés en 2001 et opérationnelles à partir de 2005, en raison de la saturation des institutions judiciaires pour juger des personnes suspectées de meurtre pendant le génocide. Composées de personnes élues pour leur bonne réputation, les Gacaca avaient une vocation judiciaire et réconciliatrice, favorisant le plaider coupable en contrepartie de réduction de peines. Près de 2 millions de dossiers ont été examinés par 12000 tribunaux gacaca avant leur clôture officielle le 18 juin 2012.
Cf. glossaire.

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