Fiche du document numéro 21210

Num
21210
Date
Lundi 1er avril 1991
Amj
Taille
122788
Sur titre
Rwanda : après six mois de guerre civile
Titre
Un accord de cessez-le-feu a été signé avec les maquisards du Front patriotique
Lieu cité
Lieu cité
Source
Fonds d'archives
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Hélène Jean
RWANDA après six mois de guerre civile
Un accord de cessez-le-feu a été
signé avec les maquisards du Front patriotique

Le gouvernement du Rwanda et les rebelles du Front patriotique rwandais
(FPR) ont signé un cessez-le-feu, vendredi 29 mars, au Zaïre. L'accord,
placé sous la supervision de l'Organisation de l'unité africaine (OUA),
stipule une suspension complète des approvisionnements en matériel de
guerre, la libération des prisonniers et le retrait des troupes
étrangères. Le 1 octobre 1990, quelque 1 500 rebelles du FPR avaient
déclenché à partir de l'Ouganda une offensive qui avait entraîné une
intervention militaire du Zaïre, de la Belgique et de la France dans ce
petit pays de sept millions d'habitants. Après un mois de durs combats,
principalement dans le nord du pays et aux portes de la capitale,
Kigali, les affrontements s'étaient réduits aux provinces de l'Akagera
et de Ruhengeri. Alors que la Belgique évacuait rapidement ses
parachutistes, la France laissait une compagnie de la Légion étrangère,
qui va être maintenant rapatriée.


NAKIVALE (frontière ougando-tanzanienne) de notre envoyé spécial

Sur les collines de Nakivalé, les tentes de réfugiés ont réapparu. Trente
ans après l'arrivée des premiers exilés, installés depuis lors dans la
campagne environnante à quelques kilomètres de la frontière
tanzanienne, il a fallu rouvrir un camp pour accueillir les Rwandais
fuyant les massacres interethniques d'octobre dernier. L'invasion du
Rwanda par les combattants du Front patriotique, descendants des
réfugiés de 1959, a provoqué ce nouvel exode.
Ils sont aujourd'hui près de sept mille membres, pour la plupart, de la
tribu tutsi à avoir été pris en charge par le Haut-Commissariat aux
réfugiés auprès des Nations unies (HCR). Quelques organisations non
gouvernementales, dont Médecins sans frontières, apportent leur
concours. Ici, l'espace ne manque pas. Ni l'eau : les réfugiés vont la
puiser dans le petit lac, situé en contrebas du camp. " Les conditions
sont idéales, reconnaît le responsable de Nakivalé. " Seulement les
gens n'ont rien à faire. On a commandé des houes et des graines pour
leur permettre de cultiver un peu, et une école ouvrira en avril. "
Ceux qui ont réussi à fuir avec leur troupeaux ont tout perdu : une
épidémie a décimé une bonne partie du bétail, et les voleurs ont fait
le reste.

Ici et là, errent des groupes d'hommes, curieusement vêtus d'un
uniforme rose. C'est à ce signe que l'on reconnaît d'habitude, au
Rwanda, les prisonniers de droit commun. Ceux-là sont des évadés. Ils
ont pu quitté leurs cachots de Ruhengeri, quand les troupes du FPR ont
investi la ville, le 23 janvier. Près de mille détenus ont ainsi
retrouvé la liberté. Dans le lot, figuraient quelque deux cents
prisonniers " politiques ", incarcérés depuis octobre.
Donatien, qui préfère garder l'anonymat car sa famille est encore au
Rwanda, assure n'avoir jamais entendu parler du FPR avant son
arrestation, le 4 octobre. Ce sont ses geôliers qui lui en ont révélé
l'existence, en cherchant à lui faire avouer qu'il en était membre.
Avec une centaine d'autres compagnons de cellule, Donatien a attendu,
pendant quatre mois et demi, de passer en jugement. En vain. Les deux
seules visites auxquelles son groupe a eu droit ont été celles des
réprésentants du Comité international de la Croix- Rouge et d'une
délégation d'ambassadeurs. La procédure n'en a pas été accélérée pour
autant. Simplement, ce jour-là, leur pitance s'en est trouvée
améliorée. " On n'osait pas se parler à cause de la présence de
mouchards parmi nous, raconte Donatien. Parfois, un détenu était
emmené, battu et mis au cachot. On ne le revoyait plus. " Lui, a eu "
la chance " de connaître ses gardiens. On ne l'a pas touché.

Rechercher l'unité nationale

Le 23 janvier à l'aube, des coups de feu ont retenti et, peu après, la
porte de leur cellule s'est brutalement ouverte : " Sortez, on vous
libère ! " ont dit les maquisards, qui les ont escortés jusque dans la
forêt du parc des Volcans, sur la frontière. Donatien est parti
aussitôt en direction de l'Ouganda. D'autres ont choisi de rester avec
les maquisards. Ce serait le cas du major Lizindé, un officier
rwandais, auteur d'une tentative de coup d'Etat en 1980. Démuni de
tout, rongé par l'ennui, inquiet pour son avenir, Donatien n'en est pas
moins convaincu qu' " il faut régler la question des réfugiés rwandais
une fois pour toutes ".

A en croire un responsable du FPR, installé à Kampala (Ouganda), le
bilan de la guérilla est positif : " Grâce à notre action militaire,
les choses ont changé sur le plan politique ", affirme-t-il. Le chef de
l'Etat rwandais, le président Habyarimana, n'a-t-il pas "fini par
reconnaître le droit au retour des réfugiés " et " annoncé un processus
de démocratisation " ? La méfiance des rebelles reste vive, toutefois,
vis-à-vis de celui qui, selon le FPR, a institutionnalisé la
ségrégation entre Hutus et Tutsis par sa politique dite " d'équilibre
ethnique et régional ".

L'annonce, le 14 mars, d'une amnistie pour les rebelles qui
accepteraient de déposer les armes n'avait pas inspiré d'enthousiasme
débordant dans les rangs du FPR. " Lorsqu'il s'adresse à la population
en kinyarwanda, notre langue nationale, il est toujours aussi violent
et sectaire : rien à voir avec le ton conciliant de ses discours en
français, destinés à l'extérieur ", fait-on amèrement remarquer.
Pour le FPR, la rivalité entre les Hutus et les Tutsis a été " créée de
toutes pièces par le colonisateur belge ". Pour la dépasser, il
faudrait rechercher l'unité nationale et démocratiser le système
politique.

Ce leitmotiv candide des dirigeants rebelles n'a, hélas, pas encore
convaincu les capitales occidentales où le " régime dictatorial actuel
bénéficie encore de la confiance des bailleurs de fonds ". Comme les
pays de la région, lesdites capitales attendent, vraisemblablement, que
l'accord de cessez-le-feu soit appliqué et que la situation se
normalise.

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