Fiche du document numéro 2032

Num
2032
Date
Mercredi 28 octobre 2009
Amj
Auteur
Taille
144158
Titre
Le baroud d'honneur du général
Sous titre
Accusé par le Rwanda d'implication dans le génocide de 1994, Christian Quesnot veut se défendre devant les tribunaux. Il déplore le manque de soutien de l'Elysée.
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Chef d'état-major particulier de François Mitterrand au temps du
génocide rwandais, le général Christian Quesnot, reconverti dans le
conseil privé, a porté plainte pour diffamation contre le ministre de
la Justice du Rwanda, Tharcisse Karugarama. En août 2008, en annexe du
rapport de la commission Mucyo, qui avait pour mandat de « faire la
lumière sur le rôle de la France
 » avant, pendant et après le génocide,
le ministre rwandais délivrait une liste de 33 « personnalités
politiques et militaires les plus impliquées
 » dans la tragédie de
1994. Le général Quesnot en faisait partie.


Indigné - Christian Quesnot, qui « n'accepte pas d'être traité de
génocidaire
 », entend mener « jusqu'au bout » son action juridique.
Aujourd'hui, comme les autres officiers incriminés, il se heurte, avec
ses avocats - Mes Véronique Truong et Jean-Philippe Immarigeon - au
veto du parquet de Paris. Ce dernier invoque une immunité de
juridiction censée couvrir le ministre rwandais et a invité la juge
d'instruction saisie à clore le dossier. Sans décourager pour autant
l'ancien sapeur-parachutiste.


Pourquoi avoir entrepris cette procédure ?


Je me suis engagé dans l'armée pour défendre "la veuve et
l'orphelin". Ce que j'ai fait pendant trente-sept ans, au Tchad, à
Beyrouth ou ailleurs. Et je n'accepte pas d'être traité de génocidaire
par des irresponsables. Je ne dois rien à personne et j'irai jusqu'au
bout de ma démarche.


Le parquet ne vous suit pas dans cette voie. Que vous inspire sa réticence ?


De vraies questions. A ma connaissance, les Rwandais souhaitent - tout
comme moi - un procès en place publique. Tel est le cas de leur
ministre de la Justice. C'est à lui de dire s'il entend invoquer son
immunité, et non au parquet de Paris d'anticiper un choix dont il
ignore tout.


Quel écho a recueilli votre initiative à l'échelon politique ?


Le rapport Mucyo est rendu public le 5 août 2008. Un mois plus tard,
je participe à un déjeuner au ministère de la Défense. Nous demandons
en vain au gouvernement de défendre les officiers qui ont agi selon
ses ordres, cibles d'attaques inadmissibles. Nous annonçons donc notre
décision de porter plainte et obtenons une assistance juridique. Le 19
septembre, nouvelle réunion, cette fois à l'Elysée, en présence de
Jean-David Levitte, conseiller diplomatique du président Nicolas
Sarkozy. Là, on nous fait part de la volonté de Paris de normaliser
les relations avec le Rwanda. Et un juriste met l'accent sur les
écueils inhérents à toute action en diffamation visant un pays
étranger.


Vous persistez néanmoins...


Le 1er octobre 2008, lors d'une autre séance de travail avec
Jean-David Levitte, nous insistons pour que le président de la
République, chef des armées, exprime publiquement son soutien à
l'action des officiers dépêchés au Rwanda, que ce soit dans le cadre
de la formation de soldats rwandais ou dans celui de l'opération
Turquoise [NDLR : envoi d'un contingent français dont le déploiement
entrava les massacres de Tutsi mais permit aussi à des milliers de
tueurs hutu de fuir en République démocratique du Congo, ex-Zaïre]. On
nous laisse alors entrevoir une déclaration de Nicolas Sarkozy aux
alentours du 7 novembre. Depuis, rien. Silence radio de l'Elysée.


Jugez-vous avoir été lâché par la présidence ?


Nous avons été lâchés, au moins temporairement. Mais je ne veux pas
insulter l'avenir : j'espère toujours que les paroles de solidarité
attendues seront prononcées. C'est absolument nécessaire pour la
dignité de la fonction présidentielle et pour ceux qui servent la
France.


Un officier n'a-t-il pas vocation à se plier à la raison d'Etat, dès
lors que celle-ci privilégie en l'occurrence un rapprochement avec
Kigali ?



La raison d'Etat, soit. Mais pas aux dépens de l'honneur des
militaires. Et là, il est bien question d'honneur. Une valeur désuète
pour certains, mais la seule qui nous anime. Le militaire sert le pays
avant de servir un homme, quel qu'il soit.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024