Fiche du document numéro 2008

Num
2008
Date
Jeudi 25 janvier 1996
Amj
Taille
106524
Sur titre
Deux ouvrages sur le génocide et ses conséquences, par des auteurs aux yeux grands ouverts.
Titre
Retour du Rwanda
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le périple commence à deux pas de l'église de Ntarama, théâtre, au
printemps 1994, de l'un des mille Oradour rwandais. Là, entre
ossements, haillons et herbes folles, un livre scolaire jaunit à la
page du Roman de Renart. « Maudits soient les yeux qui se ferment, y
lit-on, quand ils doivent rester ouverts. » Jamais Françoise
Bouchet-Saulnier, juriste à Médecins sans frontières, et le cinéaste
Frédéric Laffont n'ont, quant à eux, détourné le regard. Sobre et
fluide, leur récit s'acquitte du « devoir de mémoire », sans sombrer
dans l'oraison larmoyante. Par égard, sans doute, pour les rescapés
qui le traversent. Voici François-Xavier, hutu, petit-fils d'une
aristocrate tutsi. Il rêvait à une carrière de clown; il sera
procureur de Kigali, après avoir échappé aux machettes des tueurs. Et
avant de fuir dans les brumes des Flandres un pays miné par la peur et
ivre d'une frénésie vengeresse. « Une justice aveugle, dit-il, est une
insulte aux victimes du génocide.
 » Voici son ami Joseph, hier employé
de banque et disc-jockey, persécuté par le régime déchu, miraculé du
grand pogrom et contraint, lui aussi, à l'exil pour avoir dénoncé les
errements des nouveaux maîtres du pays des
Mille-Collines. Mémorialiste et dramaturge, il partage son temps entre
ses rapports et une pièce « tous publics », histoire d'amour entre un
Hutu et une Tutsie. On croise aussi, au fil des pages, quelques
égarés. Tel ce Belge, expert en éthologie des rongeurs, pleurant la
perte de ses rats. Ou ce paysan condamné, pour sauver les siens, à
sacrifier ses protégés tutsi. Chroniqueurs amers, les auteurs
racontent encore, à hauteur d'homme, le fiasco onusien, les
tâtonnements ubuesques du tribunal international et ceux des
« observateurs aveugles ». Leur refus de l'impunité, leur défi à l'oubli
font écho à l'album de Maria Malagardis et Pierre-Laurent Sanner,
évocation sensible et grave de l'indicible par l'écrit et l'image. En
noir et blanc. Tant il est vrai que le Rwanda s'est paré pour
longtemps des couleurs du deuil.


Maudits soient les yeux fermés, par Françoise Bouchet-Saulnier et
Frédéric Laffont. Arte/Lattès, 296 p., 119 F.

Rwanda, le jour d'après, par Maria Malagardis et Pierre-Laurent
Sanner. Somogy/MDM, 94 p., 140 F

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