Fiche du document numéro 19489

Num
19489
Date
Mardi 15 juin 1999
Amj
Taille
22521
Surtitre
Livres
Titre
Guy Penne, « monsieur Afrique » sous Mitterrand, se raconte. Décevant. Antichambre africaine
Soustitre
Guy Penne: « Mémoires d'Afrique (1981-1998) », entretiens avec Claude Wauthier. Paris (Fayard) 1999, 400 pp., 140 F.
Nom cité
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Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Il a été le premier « monsieur Afrique » de François Mitterrand, de 1981 à 1986, le premier titulaire socialiste de la « cellule africaine » de l'Elysée, un poste pour lequel ne le qualifiait que sa fidélité au prince et son grade dans la franc-maçonnerie. Autant dire que les mémoires de Guy Penne, chirurgien-dentiste de profession, étaient attendues. La lutte des deux lignes qui se solda, dès 1982, par la démission du ministre de la Coopération Jean-Pierre Cot, le recrutement à l'Elysée, puis les tribulations de Jean-Christophe Mitterrand dans la chasse gardée africaine, l'affaire des missiles exportés via le Congo au pays de l'apartheid, les 400 millions de francs débloqués pour boucler une opération cacaoyère en Côte-d'Ivoire de la maison de négoce Sucden, le scandale du Carrefour du développement, voilà des zones d'ombre qu'on eût aimé voir éclairées de l'intérieur. Or ce livre d'entretiens ne contient pas de révélations. Sans prendre de risques, Guy Penne est allé à confesse auprès d'un camarade socialiste, Claude Wauthier, ancien rédacteur en chef adjoint à l'AFP et membre du groupe Afrique du PS. Le résultat: une chronique des relations franco-africaines trop lisse pour être vraie.

« Bonjour M. Foccart. » C'est ainsi qu'un sémillant Jacques Attali, lui-même tout juste appointé cerbère dans l'antichambre de François Mitterrand, salue Guy Penne, convoqué en mai 1981 pour apprendre sa nomination. Mais celui qui va s'installer dans les meubles de Jacques Foccart, le très controversé « monsieur Afrique » du gaullisme, n'a rien de son prédécesseur. Ni le caractère secret et retors de l'homme de l'ombre du général de Gaulle, ni des « réseaux » sur le continent noir autres que ceux de ses frères de lumière, ni -- on l'oublie souvent -- la fonction d'estafier auprès du prince. Guy Penne fait de son mieux contre l'adversité. En quittant le pouvoir, la droite ne lui a rien laissé, même pas la liste des gouvernements africains. Quand le fils aîné de Mitterrand, à l'époque journaliste au service diplomatique de l'AFP, rencontre des difficultés à exercer son métier en toute sérénité, il est recruté comme « documentaliste » à l'Elysée. Guy Penne affirme que ce fut à son initiative et non pas à celle du père président, que « Christophe » n'a joué qu'un rôle d'appoint, que « ses affaires personnelles n'ont jamais interféré dans la conduite de la politique africaine ». Mais il raconte aussi: « Bien souvent, c'était lui qui me rapportait la décision présidentielle » de la table du petit déjeuner. Revoilà, donc, « Papa-m'a-dit ». Au fil des 400 pages, la candeur de Guy Penne use la bonne foi du lecteur, par ailleurs mise à l'épreuve par le fonds documentaire « injecté », au détriment de leur vivacité, dans ces entretiens. L'acteur se fait chroniqueur. Ayant rendu son tablier, il descend des premières loges pour nous rejoindre dans les gradins. Or, même de loin, on avait vu que le spectacle franco-africain recelait un double fond, que ses protagonistes se jouaient des tours pendables, qu'il y avait là matière à scandales. Alors, à quoi bon y revenir si ce n'est pas pour y regarder de plus près?.

Stephen SMITH

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