Fiche du document numéro 19223

Num
19223
Date
Dimanche 10 avril 1994
Amj
Hms
18:50:00
Auteur
Taille
110101
Sur titre
Rwanda situation
Titre
Kigali, la mort et la fuite
Nom cité
Source
AFP
Type
Dépêche d'agence
Langue
FR
Citation
KIGALI, 10 avril

Kigali, présentait dimanche un spectacle de désolation, avec des cadavres jonchant les rues, de nombreux magasins pillés, et des habitants terrorisés.

Des tirs de mortier, entrecoupés de rafales d'armes légères, résonnaient dimanche soir à travers la capitale dévastée du Rwanda où les opérations militaires d'évacuation des étrangers se sont accélérées.

De multiples barrages militaires ont été érigés dans la ville où de rares piétons se hâtent de rentrer chez eux. ``Français ?, c'est bon, passez'', lance un soldat au conducteur d'un véhicule arrêté un peu plus loin par de très jeunes miliciens, des adolescents, qui posent les mêmes questions.

Les habitants disent que la situation s'est calmée par rapport aux deux premiers jours, mercredi et jeudi. Un parachutiste français pense quant à lui que c'était ``plus dangereux'' dimanche que la veille.

Au loin, il suppose que les tirs à l'arme lourde visent les troupes du Front patriotique rwandais (FPR, le mouvement de rébellion armée de la minorité tutsie). Les forces gouvernementales essaieraient de reprendre le contrôle de la base du FPR, estime-t-il.

On ne sait pas trop où se trouvent les quelque 4.000 soldats supplémentaires du FPR, qui étaient censés arriver dans la ville dimanche. ``On ne sait pas quel front ils ont atteint'', admet le capitaine Eric Millet qui, avec une équipe de 80 parachutistes, dirige les opérations d'évacuation des Français depuis l'école française.

600 ressortissants français à évacuer



``Depuis ce matin, nous avons évacué 392 personnes, en six rotations''. Les Transall de l'armée française ont fait la navette entre Kigali et Bujumbura, au Burundi voisin. Samedi, 43 avaient été évacués par avion vers Bangui.

``On nous a dit qu'il y avait 600 ressortissants français à évacuer, ce devrait donc être bientôt fini'', dit-il, en estimant ensuite à 2.000 à 2.500 le nombre de ressortissants d'autres pays de la CEE. Puis les autres.

``Notre mission devrait durer de 15 à 30 jours minimum'', ajoute le capitaine Millet. 280 ``paras'' français sont arrivés vendredi soir. 120 autres les ont rejoints dimanche et une autre compagnie (120 hommes) est prévue lundi.

Assis face à une petite table, sur une pelouse de l'école française, le capitaine domine le flanc de la colline d'en face. Des tirs. Il prend ses jumelles. ``Vous voyez, là-bas, sur la route, la forme blanche, allongée. Il vient juste d'être tué''.

Il retourne à ses listes, à ses calculs, aux Français envoyés à bon port, c'est-à-dire, pour lui, à l'aéroport. ``L'aéroport est tenu par nous'', explique-t-il, ``il n'y a aucun problème''.

D'autres ressortissants étrangers, les Américains notamment, ont quitté Kigali par la route, vers le sud, pour se rendre eux aussi à Bujumbura. Roulant à tombeau ouvert, les convois foncent vers la frontière.

En attendant d'évacuer tout le monde, tout ce qui ressemble à un hôtel sûr est rempli de monde. Des Rwandais sont là eux aussi. Les autres sont terrés chez eux, ou se cachent chez des amis.

Aux combattants s'ajoutent les bandes de pillards, qui rendent la circulation dans la ville encore plus dangereuse. ``Des gens incontrôlés'', selon le capitaine Millet.

Il y a plus de 500 morts à la morgue de l'hôpital, et vraisemblablement des milliers de cadavres dans la capitale et d'autres villes du Rwanda où Hutus et Tutsis se sont massacrés.

at/chb

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