Fiche du document numéro 18790

Num
18790
Date
Vendredi 30 juin 2017
Amj
Taille
114275
Sur titre
Editorial
Titre
Dire la vérité en France, de Simone Veil à Emmanuel Macron
Sous titre
Lundi 3 juillet, le président français s’exprimera devant le parlement à Versailles. Une vraie rupture serait, sur plusieurs lourds secrets de la République comme le génocide des Tutsis du Rwanda, de parler enfin un langage de vérité. Une forme d’hommage à l’ancienne déportée Simone Veil, décédée vendredi
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
La morale ne peut pas toujours guider l’action publique et politique. Mais il est des moments, et des sujets, sur lesquels la vérité doit l’emporter sur les mensonges et les omissions d’Etat.
Pendant des décennies, Simone Veil, décédée vendredi, s’est retrouvée piégée par la volonté de la classe politique hexagonale de minimiser les complicités administratives françaises dans la déportation des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

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Grande figure morale mais aussi politicienne rouée, l’ex-adolescente déportée à Auschwitz, aujourd’hui pleurée par la République, siégea même au gouvernement dans les années 1970, aux côtés de Maurice Papon, condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l’humanité dans la déportation de 1600 Juifs bordelais vers Drancy entre 1942 et 1944. Une condamnation symbole, trois ans après la reconnaissance par Jacques Chirac, en août 1995, de la responsabilité de la France dans la mise en œuvre de la Shoah.

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La responsabilité qui incombe aujourd’hui à Emmanuel Macron, à propos des terribles secrets d’Etat relatifs au génocide rwandais révélés ces jours-ci par la presse, mérite d’autant plus la comparaison que l’ancienne ministre de la Santé, qui légalisa l’IVG en 1974, était de retour aux affaires entre 1993 et 1995, lorsque l’humanité sombra au Pays des mille collines. L’omerta prévalut alors. L’influence de la France en Afrique aveugla le septennat finissant de François Mitterrand et le gouvernement dirigé par Edouard Balladur. Les chefs hutus furent protégés au nom de la raison d’Etat. On les réarma. Les calculs géopolitiques amenèrent à taire l’innommable et à s’en rendre complices.

Emmanuel Macron avait 17 ans en 1994, lorsque le Rwanda sombra dans un fleuve de sang. Ce nouveau président qui a promis de transgresser les frontières politiques et de «tout oser» a donc les coudées franches pour soulever le couvercle des contre-vérités, et permettre ce que son prédécesseur avait promis: l’accès aux archives fatales de l’Elysée.

Sa volonté d’incarner un pouvoir exécutif fort, illustrée par sa présence devant le parlement réuni en Congrès à Versailles lundi 3 juillet, ne doit pas seulement servir à s’affranchir des partis, à verrouiller l’information ou à renvoyer à son prédécesseur (et ancien patron) la responsabilité des dérapages budgétaires entre 2012 et 2017. Pour marquer sa différence, ce président de toutes les audaces doit aussi parler un langage de vérité. Et oser une forme de droit d’inventaire.

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Ce devoir de vérité, lorsqu’il s’agit des crimes imprescriptibles contre l’humanité, est un très lourd fardeau. L’actuel locataire de l’Elysée l’avait, on le sait, évoqué en campagne à propos de la colonisation. Le moment est peut-être venu, sur la tragédie rwandaise, de permettre enfin à la morale de prendre sa revanche sur la politique.

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