Fiche du document numéro 18463

Num
18463
Date
Lundi 8 mars 1993
Amj
Taille
345769
Titre
Commission internationale d'enquête sur les violations des Droits de l'homme commises au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 (7-21 janvier 1993) - Communiqué de presse
Source
Fonds d'archives
Type
Communiqué
Langue
FR
Citation
EMBARGO : S MARS 199723 11.00

COMMISSION INTERNATIONALE D'ENQUETE SUR LES VIOLATIONS

DES DROITS DE L'HOMME COMMISES AU RWANDA

DEPUIS LE 1er OCTOBRE 1990

(7 = 21 janvier 1993)

COMMUNIQUE DE PRESSE



FEDERATION INTERNATIONALE DES
DROITS DE L'HOMME _ FIDH
(Paris)

UNION INTERAFRICAINE DES

DROITS DE L'HOMME ET DES

PEUPLES _ UIDH
(Cuagadougou)

AFRICA WATCH (New York,
Washington, London)

CENTRE INTERNATIONAL DES
DROITS DE LA PERSONNE ET DU
DEVELOPPENENT DEMOCRATIQUE
- CIDPDD / JICHRDD
(Montréal)
VIOLAUIONE DKE DROITE DH L'HOMME MA£CIURE RU EYOTEMATIQUES
AU RWANDA

Rapport de la Commission internationale d’enquéte sur les violations
des droits de l’homme au Rwanda

Depuis le début de la guerre, en octobre 1990, des massacres
systématiques ont été perpétrés au Rwanda, faisant plus de 2000
victimes civiles appartenant principalement à l'ethnie minoritaire
tutsi. Parmi les centaines d’autoritée impliquées dans ces
massacres, deux Soulemont ont été dénises de leurs fonctions, et ni
l’une ni l’autre n’n été pousuivie en justice.

En toute impunité, les milices armées dec partis politiques, surtout
de l’ancien parti unique, le MRND, et d’un parti allié, la CDR, font
régner la terreur dans le pays.

Selon la Commission internationale qui vient d’enquêter sur place,
il s’agit d’une politique délibérée du régine qui vise également les
opposants politiques en général. La responsabilité du Président
Juvénal HABYARIMANA st de son entourage est lourdement engagée,

Les Forces Armées Rwandaises ont massacré notamment entre 500 et
1000 Bahima, un peuple apparenté aux Tutsi, dans la région du Mutara
(nord=egt), au cours du prenier mois de la Querre, parce qu’ils
étaient soupçonnés d'étrea les complices des envahisseurs. L'armée
rvandaise a aussi tué 150 combattants du Front Patriotique Rwandais
(FPR) après qu'ils aiont déposé laurs armes. Les militaires ont
assassiné des personnes désignées par les autorités civiles, soit
dans les camps militaires soit ailleurs.

Les combattants du FPR se sont également rendu coupables de
violations des droits de l’homme. Dos pérsonnes déplacées ont
expliqué qu’elles ont assisté à l'exécution de certaine membres de
léurs familles par dss sexmbattantks du MON. D'aubess angers ent
dés personnes enlevées, probablement pour être emmenées en Ouganda.
Au Centre de santé de Nyarurema, les combattants du FFR ont tué 7
malades, dont 5 enfants, au mois de décembre 1991, Ils ont également
détruit et pillé des biens de civils.

La Commission internationale

Ces constatations accablantes ont été faites Par une commission
internationales indépendante, comprenant dix juristes et autres
spécialistes de huit nationalités différentes, mandatés par quatre
Organisations non-gouvernementales de défense des droits de l’homme:
AFRICA WATCH, une division de RUMAN RIGHTS WATCH, New York: la
FEDERATION INTERNATIONALE DES DROITS DE L'’H , Paris; le CENTRE
INTERNATIONAL DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT
DEMOCRATIQUE, Montréal: et L'UNION INTERAFRICAINE DES DROITS DE
L'HOMME, Ouagadougou,
La constitution de la commission répondait à la demanda de cinq
associations rwandaises des droits de L’honme.

Pour établir son rapport, la Commission s'est fondée sur des
invartigations menées au Rwanda du 7 au 21 janvier 1993, Elle a reçu
des centaines de témoignages oraux et écrits, et a recueilli una
documentation diverse, y compris des rapports administratifs, des
dossiers judiciaires at de la correspondance officielle.

Nasaacres systématiques

Les attaques menées contre les Tutsi entre le 11 et le 13 octobre
1990, dans la commune de Kibilira (préfecture de Gisenyi}, ont fait
plusieurs centaines de victimes et ont détruit la totalité des biens
de nombreuses autres personnes. Les autorités locales et régionales
ont instigué et dirigé ces attaques. Des attaques de même nature se
sont reproduites aux nois de nars et décembre 1992,

L’élimination systématique des personnes appartenant à la communauté
des Bagogwe, soüs-groupe de l’ethnie tutsi, # été entreprise dans le
nord-ouest, entre fin janvier et mi-mars 1991. Les massacree ont
fait un nonbre approximatif de 500 victimes, surtout des hommes
Jeunes. Les militaires en ont été 1es principaux instigateurs et
exécutants dans les communes avoisinates des camps nilitaires, avec
la complicité active des autorités locales. Ailleurs, ces dernières
ont ordonné à la population locale de tuer 8es voisins, comme partie
de 1'UMUGANDA, ou travail communautaire obligatoire,

La tragédie des Bagogwe est restée cachée pendant longtenps en
raison du bouclage de la région et des dénégations des autorités de
tous les niveaux. La Commission a recueilli des preuves irréfutables
de ces nassacrtes : elle a nis à jour des Charniers, un à Kinigi,
dans le jardin privé du bourgmestre ;: un autre à Mutura, où les
cadavres d’une dizaine de civils reposaient enchevêtrés., Ces
découvertes confirment les témoignages faisant état de l'existence
de nombreuses fosses communes ailleurs dans le pays.

La flambée de violence qui a embragé la région du Bugesera, dans la
sud-est du pays, en mars 1992, a provoqué le massacre de plusieurs
centaines de Tutsi. De nombreuses maisons ont été incendiées, set
15000 personnes ont dû provisoirement s'enfuir. L'opération était
dirigée par un bourgnestre, aidé par les Interahamve, la milice
armée du MRND. En outre, les goldate du Camp militaire de Gako,
déguisée en civile, ont attaqué les Tutsi, pendant que des soldats
en unifirne désarmaient et dispersaient les gens qui 5e
rassenblaient pour se défendre.

Dans chacun de ces trois cas, la Commission conclut à
l'impossibilité de violences spontanées. La sinultanéité des
attaques, la sinilitude de leurs préparation, l'implication des
autorités locales et supérieures, ainsi que celles des Forces
arnées, de même que l’absence de toute poursuite judiciaire ou
autre, permettent d'affirmer que ces massacres relèvent d’une
politique délibérée. Cette politique d’exacerbation des tensions
ethniques a pour but d’affermir la solidarité des Hutu et,

2
par conséquent, le régime de Monsieur HABYARIMANA lui-même, Les
affrontements servent aussi à excuser le blocage du processus de
dénouratigation.

Le Réseau Zéro et le climat de tarraur

Les nilices arnées des partis politiques, surtout les Intarahamwe,
ont assasginé leurs opposants et ont créé un climat de terreur par
1a nillage ot la doestruotion des maisons dés adhéronts d'’autras
partis. Elles établissent des barrages illégaux, où elles rançonnent
et battent les Tutai at les autres opposants politiques. À la suite
de 1’instauration des Interghamwe, d’autres partis politiques ont
également organisé des milices, qui se livrent aussi à des exactions
et attaques. Ainsi s’enclenche le cycle de la violence. Il faut
remarquer que toutes ces milices sont expressément interdites par la
loi sur les partis politiques, Mais le gouvernement n'arrive pas à
les dissoudre,

L'ensemble des témoignages confirme l'existence, dans l'entourage du
Chef de L'Etat, d'un cercle d’une vingtaine de personnes qui
organisent les massacres, les affrontements avec l'opposition et les
assagsginata. Selon certains témoins, le Chef de 1’Etat lui-même
participerait régulièrement aux réunions de cette organisation
clandestine, baptisée par certains "lé Réseau Zéro".

De l'avis de la Commission, les plus hautes autorités de l’Etat ont
joué un rôle incotastable dans l'incitation à la violence. Cette
incitation exerce une influence essentielle sur les autorités
locales, sur l’armée ot sur la population, par la force de ]a
euggestion et la certitude de l'impunité,

Situation intolérable des populations déplacées.

Une partie importante de la population ruandaise a dû fuir les zones
de combate, et survit misérablement dans les camps de déplacés. Des
centaines de nilliers d’entre eux souffrent de conditions
intolérables depuis des mois, deux ans pour certains. Des centaines
de nilliors supplémentaires ont dû fuir récemment des suites de la
violation At CARRAGSlAefAN DAT 1A FPR. AGEURITIAMANT, À DA NTAK UN
Rwendais sur sept est une personne déplacée.

Les événements survenus depuis le 21 janvier 1993.

La Commission a quitté le Rwanda le 21 janvier 1993, noment où elle
à clôturé ses enquêtes. Le lendemain, la parpétration de nouveaux
massacres dans le nord-ouest du Rwanda a été portée à sa
connaissance, de même que des exécutions sommaires, y compris de
l’un de ses témoins: La reprise des combats, le 8 février, les
accusations d’exactions commises par l'Etat rwandais et le FER se
sont multipliées. Etant donné l'expérience de la Commission, elle ne
g’étonne pas de la poursuite et de l'aggravation da la violence. Du
fait qu'elle n'a pas enquêété sur ces violations éventuelles, elle ne
pout pas se prononcer sur la validité des accusations, mais tient à
exprimer l'espoir qu'une partie au moins de celles-ci est sans
fondement ou, à tout le moins, exagérée.
RECONMANDATIONS DE LA COMMISSION

Récommadations adressées au Chef de l'Etat :

- Engagement public en faveur de la paix et des droits de l'homme
— Condamnation publique de la haine st de la violence ethnique :

- Garantir la sécurité de tous les citoyens sans distinction, en
donnant les instructions nécessaires aux forces de l’ordre :

- Poursuite et sanction des autorités et fonctionnaires coupables:
- Dissolution immédiate des Interahamwe, milice de son propre parti.

Recommandations adressées au Gouvernement :

- Suspension de toutes les autres milices;

— Poursuite et sanction des autorités et fonctionnaires coupables :
— Poursuite des investigations menées par la Commission relativement
aux fosses communes, ot dénonciation judiciaire des responsables.

Recommandations adrasgées au FPR :

- Cessation des exécutions sommaires, des enlèvements de civils et
du pillage de biens appartenant à des civils ;

= Cossation das attaques da cibles civiles :

- Cessation de la déportation des personnes vers l’Ouganda

- Sanction des responsables d'exactions ;

Reconmandations adressées à la Comaunauté internationale :

- Aide au développement conditionnée par le respect des âroite de
l'homme ;

- Renonciation à toute intervention et à toute aide militaire en
faveur des deux belligérants :

- incitation à pourauivre les négotiations de paix, et à mettre en
oeuvre les accords obtenus.

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