Fiche du document numéro 18378

Num
18378
Date
Mercredi 11 février 1959
Amj
Taille
113511
Titre
Lettre Pastorale de Monseigneur Perraudin, Vicaire Apostolique de Kabgayi, pour le carême de 1959 [Commentaire de Théophile Murengerantwari]
Nom cité
Fonds d'archives
Type
Discours
Langue
FR
Citation
Lettre Pastorale de Monseigneur Perraudin, Vicaire Apostolique de
Kabgayi, pour le carême de 1959.

SUPER OMNIA CARITAS
L’année de la Charité.
Chers Chrétiens,
Nous voulons cette année vous entretenir paternellement de la plus grande et de la plus nécessaire de toutes
les vertus: la charité. Si nous avons choisi pour devise de notre épiscopat l’exhortation de Saint Paul aux
Colossiens : « par dessus tout la charité », c’est parce que Nous sommes persuadés, avec le grand Apôtre,
que c’est par la pratique généralisée et généreuse de cette vertu que se réaliseront la perfection et le vrai
bonheur de notre cher Ruanda, de chacune de ses familles et de chacun de ses habitants.
Dieu est charité. Le signe de Dieu c’est la charité : Ce qui n’est pas fait selon la charité n’est pas fait selon
Dieu. Sans la charité on n’est pas vraiment chrétien, même si l’on est baptisé. Il n’y a pas non plus ni pour
les familles, ni pour les sociétés, ni pour les peuples, d’ordre, de tranquillité, de justice et de paix véritables
en dehors de la charité.
Les enseignements de Notre Maître et Seigneur Jésus et de ses Apôtres sur la charité sont innombrables, très
clairs et extrêmement pressants. Nous vous exhortons très vivement à les relire et à les méditer
particulièrement au cours de cette année que Nous voudrions pouvoir nommer < l’année de la charité ».
Nous demandons surtout à tous mais plus instamment aux Membres de l’Action Catholique de faire de
grands efforts de charité pendant cette année, tant au sein des familles que dans les rapports entre personnes
et entre groupes sociaux.
L’exemple de Notre-Seigneur.
Le premier enseignement de Jésus c’est son exemple. Dans le Credo nous chantons que c’est “ pour nous
qu’il est descendu du ciel, qu’il s’est incarné et fait homme”. Et nous voyons par l’Evangile que toute sa vie
a été une vie de charité et de dévouement. La plupart de ses miracles pour ne pas dire tous sont des miracles
de bonté et de charité. On dit dans l’Evangile que les foules “ se précipitaient sur lui », pour le voir, pour
écouter sa parole. C’est parce qu’Il était bon. Il attirait tout le monde à Lui, y compris les pécheurs, par sa
charité et sa délicatesse.
«Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». (Jo 15-13). C’est ce que Jésus a fait
pour nous sauver. Il a souffert pour nous des humiliations incompréhensibles et des tourments atroces, Il a
été flagellé, couronné d’épines, frappé ignominieusement comme un malfaiteur, traité d’insensé, et
finalement élevé sur la croix sous les yeux gonflés de larmes de sa Sainte Mère. “ Qu’aurais-je dû faire de
plus pour toi que je n’ai pas fait ?” lisons-nous dans les textes liturgiques du Vendredi Saint. Non vraiment
Il ne pouvait faire davantage.
Et cependant Il nous donna encore une de ces marques d’amour que Lui seul pouvait nous donner: la Très
Sainte Eucharistie. Par ce Sacrement admirable Jésus se met à la disposition des hommes de tous les temps
et de tous les lieux. Chacun peut L’approcher, Le recevoir, dans son cœur, se nourrir de Lui et il en sera ainsi
jusqu’à la fin du monde. Dieu seul peut connaître et mesurer l’immensité et la profondeur des bienfaits
accomplis par le Christ-Jésus présent et immolé dans la Sainte Eucharistie.
L’enseignement du Christ
Nous ayant laissé pareil exemple de charité Jésus avait bien le droit de nous donner, avec toute la force de
son autorité scellée dans le sang, ce qu’Il a appelé « son commandement »: « Voici mon commandement :
aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés » (Jo 15,12). Chers Chrétiens, Nous pourrions arrêter
ici Notre lettre parce que dans ce commandement tout est dit : « Aimez vous comme je vous ai aimés »,c’està-dire jusqu’au dévouement et au sacrifice le plus complet.
Réfléchissez bien, Chers Chrétiens, sur cet ordre de Notre-Seigneur et examinez sérieusement votre vie pour
voir si c’est vrai que vous aimez votre prochain comme Jésus vous a aimés. Comme notre Ruanda serait
beau si tout le monde avait compris et mettait en pratique ce commandement de la Charité. Il n’y a pas

d’échappatoire possible : ou bien on pratique la charité et on est chrétien, ou bien on ne la pratique pas et on
n’est pas chrétien. Jésus nous l’a dit très clairement: “ A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples, à
cet amour que vous aurez les uns pour les autres” . La charité c’est le grand signe auquel on reconnaîtra les
élus, ceux qui auront été vraiment chrétiens.
Ecoutez ce passage de l’Evangile où Jésus nous parle du jugement dernier. Après avoir séparé les bons des
méchants, Il dira aux bons: « Venez les bénits de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été
préparé depuis la fondation du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous
m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous
m’avez visité, prisonnier et vous êtes venu me voir ». Alors les justes répondront "Seigneur, quand nous estil arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te désaltérer, étranger et de t’accueillir, nu et de te
vêtir, malade ou prisonnier et de venir te voir ? " Et le Roi leur fera cette réponse : “ En vérité je vous le dis,
dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères c’est à moi que vous l’avez fait ".
Alors il dira encore à ceux de gauche, (aux mauvais)- «Allez loin de moi maudits, dans le feu éternel qui a
été préparé pour le diable et ses anges. Car j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger, j’ai eu soif et
vous ne m’avez pas donné à boire, j’étais un étranger et vous ne m’avez pas accueilli, nu et vous ne m’avez
pas vêtu, malade et prisonnier et vous ne m’avez pas visité ». Alors ceux-ci lui demanderont à leur tour:
«Seigneur quand nous est-il arrivé de te voir affamé ou assoiffé, étranger ou nu, malade ou prisonnier et de
ne te point secourir? » Alors il leur répondra: « En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous ne l’avez pas
fait à l’un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait ». Et ils s’en iront, ceux-ci à une peine
éternelle, et les justes à la vie éternelle ». (Mt. 25,34-46).
Cette longue page de l’Evangile nous montre bien, Chers Chrétiens, que nous serons jugés d’après la charité
que nous aurons eue les uns envers les autres surtout envers ceux qui sont pauvres et dans le besoin. Elle
nous montre aussi quel est le fondement de la charité. Ce fondement c’est que nous sommes tous les
créatures et les enfants du Bon Dieu.
Nous sommes tous appelés à faire partie de sa famille en participant à la vie de Jésus notre grand Frère.
Faire du bien à un frère de Jésus, c’est faire du bien à Jésus lui-même, faire du mal à un frère de Jésus, c’est
faire du mal à Jésus lui-même. L’Apôtre Saint Paul, pour expliquer l’union des chrétiens dans le Christ Jésus
et avec Lui, les compare à des membres unis entre eux et avec la tête dans un même corps. Les membres
d’un même corps doivent s’entendre entre eux et s’entraider et non pas se disputer et s’entre-déchirer. Saint
Paul veut dire aussi que quand on blesse un membre du Christ, un chrétien, on blesse le Christ lui-même.
C’est ce que Jésus Lui avait fait savoir sur le chemin de Damas. Saint Paul persécutait les chrétiens. Jésus
lui dit: « Pourquoi me persécutes-tu? » Depuis ce jour-là il a compris que les chrétiens et le Christ c’était la
même chose et c’est pour cela qu’Il les a aimés d’un même amour et d’un même dévouement.
On pourrait encore citer beaucoup d’autres passages de la Sainte Ecriture sur la charité. Ce n’est pas
possible dans une seule lettre pastorale. Vous les chercherez vous-mêmes et vos Prêtres vous y aideront
durant cette année surtout. Voici cependant pour terminer une des nombreuses paroles de l’apôtre bien-aimé,
Saint Jean l’Evangéliste, sur la charité: “ Quant à nous, aimons, puisque Lui nous a aimés le premier. Si
quelqu’un dit : « J’aime Dieu » et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère
qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas. Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de
Lui : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère ». ( 1Jo. 1,19-21).
Chers Chrétiens, tout ce que Nous venons de dire en citant l’exemple de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ses
enseignements et ceux de ses Apôtres, prouve amplement que la charité est la vertu fondamentale et
l’exigence la plus impérieuse du christianisme. Mais il ne suffit pas de le savoir ni de le croire. Il faut le
mettre en pratique. Nous voudrions vous y aider dans la deuxième partie de cette lettre, en attirant votre
attention sur certains points pratiques de la vie quotidienne, individuelle, familiale et sociale.
II Nous ne croyons pas exagérer en disant qu’il n’y a pas assez de charité dans notre cher Ruanda, même
entre chrétiens. Quand Nous disons cela nous ne voulons en rien diminuer les résultats acquis de
dévouement et de charité qui sont déjà magnifiques, mais Nous sommes convaincu que notre cher pays est
capable de beaucoup plus encore et Nous désirons le lui montrer le plus clairement possible et le soutenir
dans ses efforts par nos exhortations paternelles et nos ferventes prières.
La charité doit être intérieure et surnaturelle.
Ce que Nous voulons vous dire en premier lieu c’est que la charité doit commencer dans le cœur, dans les
pensées, dans la volonté : elle doit être intérieure. Il n’y a pas de vertu sans cela. Elle doit être aussi

surnaturelle. Il faut donc pour être charitable bien penser des autres, avoir de l’estime pour les autres et cela
surtout parce que les autres comme nous-mêmes sont les créatures et les enfants du Bon Dieu. Le Bon Dieu
les aime et fait tout pour les aider et les sauver. Ceux qui dans leur cœur haïssent ou méprisent le prochain,
même si c’est un ennemi, pèchent déjà contre la charité. Ceux qui dans leur cœur jugent ou soupçonnent
témérairement le prochain, commettent aussi un péché contre la charité, de même ceux qui interprètent en
mal les intentions du prochain, ou qui entretiennent dans leur cœur le désir de la vengeance, des sentiments
de jalousie et d’envie. Soyez charitables dans votre cœur, Chers Chrétiens, parce que le cœur est la source
de tout le reste. Notre Seigneur nous l’a bien dit: « Du cœur en effet procèdent mauvais desseins, meurtres,
adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations. Voilà les choses qui rendent l’homme impur;
mais manger sans s’être lavé les mains, cela ne rend pas l’homme impur ». (Mt. 15,19). Examinez-vous
sérieusement, Chers Chrétiens, pour voir quelles sont les pensées de votre cœur envers votre prochain.
La charité dans les paroles.
Veillez aussi avec grand soin sur vos paroles. On peut faire beaucoup de bien par de bonnes paroles, par des
paroles de bon conseil, d’encouragements, de consolation, de sympathie, de respect et d’affection, mais on
peut aussi hélas par ses paroles nuire gravement au prochain, en disant du mal de lui, en colportant partout
les fautes vraies ou seulement supposées qu’il a commises, en semant la division et la discorde, en dénigrant
méchamment les bonnes actions d’autrui, en détruisant sa réputation. L’apôtre Saint Jacques nous met en
garde contre les péchés de la langue: “ Par la langue, dit-il, nous bénissons le Seigneur et Père, et par elle
nous maudissons les hommes faits à l’image de Dieu. De la même bouche sortent la bénédiction et la
malédiction. Il ne faut pas, mes frères, qu’il en soit ainsi». (Jc. 3,10).
Chers Chrétiens, vous aimez beaucoup parler entre vous quand vous vous rencontrez, et il n’y a pas de mal à
cela, mais faites attention à ne pas offenser Dieu dans ces conversations en blessant le prochain.
La charité dans les actes
Il ne suffit pas d’aimer le prochain dans son cœur et dans ses paroles; il faut encore se dévouer pour lui
réellement : “Si quelqu’un, dit l’apôtre Saint Jean, jouissant des richesses du monde, voit son frère dans la
nécessité et lui ferme les entrailles, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui? Petits enfants, n’aimons
ni de mots ni de langue, mais en actes, véritablement ». ( 1Jo. 3,17-18). Chers Chrétiens, nous savons que
vous n’êtes pas riches mais nous vous exhortons de tout notre cœur à faire tout votre possible pour aider ceux
qui sont plus pauvres que vous, surtout les malades, les infirmes, ceux qui souffrent et sont dans la peine, les
petits orphelins, les personnes abandonnées.
Rappelez-vous la parabole du bon Samaritain, qui est loué par Notre-Seigneur parce qu’il s’est dévoué
réellement, donnant de son temps et de son argent, pour secourir le pauvre homme blessé par les brigands
(Luc 10,29 sq.) Il y a des chrétiens qui passent à côté des miséreux sans les regarder ni se soucier d’eux ; il y
en a même qui se moquent des pauvres et des infirmes ou de ceux qui tombent dans le malheur. Ceux-là ne
sont pas de vrais disciples de Jésus dont Saint Pierre a dit qu’ “Il passa en faisant le bien”, (Act. 10,38)
guérissant les malades et consolant les affligés.
Nous vous conjurons aussi, Chers Chrétiens, à pratiquer la plus pure charité dans vos familles, nous
demandons aux époux séparés de vivre de nouveau ensemble dans le support et l’amour mutuels, nous
demandons aux familles où il y a des inimitiés de se réconcilier sincèrement devant le Seigneur. Ceux qui ne
pardonnent pas ne peuvent pas être pardonnés : ils se condamnent eux-mêmes en récitant le Pater et en disant
à Dieu: “Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés”.
Nous demandons aux parents et aux enfants de s’aimer mutuellement toujours et de ne jamais donner le
spectacle de la désunion quand il y a des difficultés qui se présentent. Il n’y a rien de plus beau sur la terre
qu’une famille où règne la charité.
La charité est universelle.
Nous voudrions maintenant, Chers Chrétiens, insister auprès de vous sur une caractéristique très importante
de la charité, à savoir que la charité chrétienne doit être universelle. Le chrétien n’a pas le droit de dire d’un
autre homme, fût-il son ennemi : “ Celui-là je ne l’aime pas, celui-là je le hais” . Cela ne veut pas dire qu’on
doive aimer tout le monde de la même façon : il est tout à fait normal et selon Dieu d’aimer davantage ceux
de sa famille que des étrangers ou des inconnus. Mais on ne peut exclure personne de sa charité. Le cœur du
chrétien doit être à l’image de celui du Christ qui aime tous les hommes et a donné sa vie pour les sauver
tous. Nous vous demandons, Chers Chrétiens, de vous examiner sérieusement pour voir si les choses sont

ainsi dans notre cher Ruanda. Il nous semble en effet qu’il y a actuellement beaucoup de divisions non
seulement entre les individus et les familles, mais même entre les différents groupes sociaux qui constituent
le pays.
Il y a des haines entre individus quelquefois dans la même famille, il y a des haines entre les familles et au
lieu d’essayer de les apaiser on les cultive quelquefois comme une mauvaise herbe qui finit par tuer le reste ;
on se fait des procès les uns aux autres, on cherche à se venger les uns des autres. Quand un malheur arrive
on soupçonne presque toujours un coupable et pour le découvrir on va consulter le sorcier, ce grand
malfaiteur de la communauté; ensuite on va jusqu’à commettre des crimes pour se venger. Où est le
christianisme en tout cela, Chers Chrétiens ? Nous vous en supplions, abandonnez ces pratiques qui sont
directement opposées à la loi chrétienne de la charité et qui viennent tout droit du démon, le grand semeur
des inimitiés et des crimes. “ Nous savons, nous, dit l’apôtre Saint Jean (1 Jo. 3,14) que nous sommes passés
de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas, demeure dans la mort.
Quiconque hait son frère, est un homicide, or vous savez qu’aucun homicide n’a la vie éternelle demeurant
en lui”.
Applications à la situation du Pays.
Il y a aussi dans notre cher Ruanda, comme dans beaucoup d’autres pays du monde, divers groupes sociaux.
La distinction de ces groupes provient en grande partie de la race mais aussi d’autres facteurs comme la
fortune et le rôle politique ou la religion. Il y a des Africains, des Européens et des Asiatiques. Parmi les
Africains il y a les Batutsi, les Bahutu et les Batwa ; il y a des riches et des pauvres ; il y a des pasteurs et des
cultivateurs ; il y a des commerçants et des artisans ; il y a des catholiques et des protestants, des hindous et
des musulmans et il y a encore beaucoup de païens ; il y a les Gouvernants et les Gouvernés. Pour le moment
le problème est surtout agité à propos des différences de races entre Ruandais.
Cette diversité de groupes sociaux et surtout de races risque chez nous de dégénérer en divisions funestes
pour tout le monde. Chers Chrétiens du Ruanda, Nous faisons appel à votre bon sens et à votre charité pour
que Dieu nous épargne ce malheur.
Nous sommes surs que Notre appel, inspiré uniquement par l’amour que Nous portons à tous et à chacun de
Nos enfants, à quelque groupe qu’ils appartiennent, trouvera un écho fidèle et généreux dans vos cœurs de
chrétiens. Nous désirons cependant vous éclairer sur ce sujet car dans le pays commencent à se répandre
toutes sortes d’idées dont beaucoup ne sont pas conformes à l’enseignement de l’Eglise.
* Constatons tout d’abord qu’il y a réellement au Ruanda plusieurs races assez nettement caractérisées bien
que des alliances entre elles aient eu lieu et ne permettent pas de dire toujours à quelle race tel individu
appartient. Cette diversité de races dans un même pays est un fait normal contre lequel d’ailleurs nous ne
pouvons rien. Nous héritons d’un passé qui ne dépendait pas de nous. Acceptons donc d’être plusieurs races
ensemble et essayons de nous comprendre et de nous aimer comme des frères d’un même pays.
* Toutes les races sont également respectables et aimables devant Dieu. Chaque race a ses qualités et ses
défauts. Personne d’ailleurs ne peut choisir de naître dans un groupe plutôt que dans un autre. Il est injuste
par conséquent et contraire à la charité de faire grief à quelqu’un d’appartenir à telle ou telle race, et surtout
de le mépriser à cause de sa race. La solution même purement naturelle est que des gens appartenant à des
races différentes s’entendent et s’harmonisent surtout si, par le jeu de l’histoire, ils habitent côte à côte sur le
même territoire.
* Du point de vue chrétien les différences raciales doivent cependant se fondre dans l’unité plus haute de la
Communion des Saints. Les chrétiens, à quelque race qu’ils appartiennent, sont plus que frères entre eux : ils
participent à la même vie dans le Christ Jésus et ont un même Père qui est dans les cieux. Celui qui, en
disant Notre Père, exclurait de son affection un homme d’une autre race que la sienne, celui-là n’invoquerait
pas vraiment le Père qui est aux cieux et il ne serait pas entendu. Il n’y a pas une Eglise par race, il n’y a que
l’Eglise catholique dans laquelle, comme dit l’Apôtre Saint Paul, “ il n’y a ni Juif ni Grec, il n’ y a ni esclave
ni homme libre... car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus” . (Gal. 3,28). L’Eglise n’est donc pas
pour une race plutôt que pour une autre, I’Eglise est pour toutes les races qu’elle embrasse d’un égal amour
et d’un égal dévouement.
* Dans notre Ruanda les différences et les inégalités sociales sont pour une grande part liées aux différences
de race, en ce sens que les richesses d’une part et le pouvoir politique et même judiciaire d’autre part, sont en
réalité en proportion considérable entre les mains des gens d’une même race. Cet état de chose est l’héritage
d’un passé que nous n’avons pas à juger. Mais il est certain que cette situation de fait ne répond plus aux

normes d’une organisation saine de la société ruandaise et pose, aux Responsables de la chose publique des
problèmes délicats et inéluctables.
Nous n’avons pas comme évêque, représentant I’Eglise dont le rôle est surnaturel, à donner ni même à
proposer à ces problèmes des solutions d’ordre technique, mais il Nous appartient de rappeler, à tous ceux,
autorités en charge ou promoteurs de mouvements politiques, qui auront à les trouver, la loi divine de la
justice et de la charité sociales.
* Cette loi demande que les institutions d’un pays soient telles qu’elles assurent réellement à tous ses
habitants et à tous les groupes sociaux légitimes, les mêmes droits fondamentaux et les mêmes possibilités
d’ascension humaine et de participation aux affaires publiques. Des institutions qui consacreraient un régime
de privilèges, de favoritisme, de protectionnisme soit pour des individus soit pour des groupes sociaux, ne
seraient pas conformes à la morale chrétienne.
* La morale chrétienne demande aussi que les fonctions publiques soient confiées à des hommes capables et
intègres, soucieux avant tout du Bien de la Communauté dont ils sont les mandataires. Il serait contraire à la
justice et à la charité sociales de confier à quelqu’un une responsabilité publique en considération de sa race
ou de sa fortune, ou de l’amitié qu’on lui porte, sans tenir compte avant tout de ses capacités et de ses vertus.
* La morale chrétienne demande à l’autorité qu’Elle soit au service de toute la communauté et non pas
seulement d’un groupe, et qu’Elle s’attache avec un particulier dévouement et par tous les moyens possibles
au relèvement et au développement culturel, social et économique de la masse de la population.
* L’Eglise est contre la lutte des classes entre elles, que l’origine de ces classes soit la richesse ou la race ou
quelque autre facteur que ce soit, mais elle admet qu’une classe sociale lutte pour ses intérêts légitimes par
des moyens honnêtes, par exemple en se groupant en associations. La haine, le mépris, l’esprit de division et
de désunion, le mensonge et la calomnie sont des moyens de lutte malhonnêtes et sévèrement condamnés par
Dieu. N’écoutez pas, Chers Chrétiens, ceux qui, sous prétexte d’amour pour un groupe, prêchent la haine et
le mépris d’un autre groupe.
* Pour qu’ils soient légitimes, les Groupements sociaux ou autres ne doivent pas seulement, par des moyens
honnêtes, poursuivre leur bien propre et celui de leurs membres, mais encore tendre à l’union avec les autres
classes et subordonner la poursuite de leur bien particulier au Bien Commun du Pays tout entier.
Ce Bien Commun ne peut en effet consister finalement dans une lutte entretenue mais seulement dans une
réelle et fraternelle collaboration, faite d’une répartition plus juste et plus charitable des biens, de charges et
des fonctions. Les catholiques, principalement les responsables de la chose publique et ceux qui sont à la tête
de groupements sociaux devraient se rencontrer et penser ensemble les problèmes qui se posent au Pays afin
d’en trouver des solutions valables pour tous et inspirées de la doctrine sociale de I’Eglise.
* Nous voulons citer encore cette sentence d’un sage : « Quid leges sine moribus ? “A quoi bon les lois sans
les mœurs ?” Les lois, les institutions, les réformes sociales ou politiques n’obtiendront les résultats qu’on
en espère que si elles sont appuyées, chez les hommes, d’une réforme des mœurs et d’un effort généreux de
vertu.
* Aucun ordre social solide, aucune véritable civilisation humaine ne peut se construire sans soumission
franche et cordiale à la loi de Dieu précisée dans l’Évangile et sans cesse prêchée par l’Eglise et son
Magistère vivant.
* Nous faisons appel enfin à tous les hommes de bonne volonté et en particulier à nos chrétiens et à nos
catéchumènes, à quelque groupe qu’ils appartiennent, pour que non seulement ils écoutent ces enseignements
et y réfléchissent, mais encore pour qu’ils les mettent en pratique courageusement dans leur propre vie et
travaillent à les faire passer dans la Communauté dont ils sont les Membres.
Conclusion.
Chers Chrétiens, Nous terminons cette longue lettre en vous redisant le précepte du Seigneur « Aimez-vous
les uns les autres », car c’est le résumé de la loi chrétienne ainsi que le dit de façon admirable l’Apôtre Saint
Paul dans l’épître aux Romains : “ N’ayez de dettes envers personne, sinon celle de l’amour mutuel, Car
celui qui aime autrui a de ce fait accompli la loi. En effet le précepte : Tu ne commettras pas d’adultère, tu
ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en cette formule : Tu
aimeras ton prochain comme toi même. La charité ne fait point de tort au prochain.
La charité est donc la loi dans sa plénitude” (Rom. 13,8-10).

Prions tous ensemble, Chers Chrétiens, et avec persévérance, tout le long de cette année pour que la charité
se répande sur tout le pays et pénètre au fond des cœurs. C’est une grande grâce que nous demandons, mais
elle est si agréable à Dieu Notre Père qu’Il nous l’accordera avec empressement.
Que la Vierge Marie qu’on a appelée la « Mère du bel amour » intercède pour nous tous afin que nous
soyons dociles au grand et plus beau des commandements que nous ait laissé son divin Fils Jésus.
Chers Chrétiens, Nous vous donnons notre paternelle bénédiction.
+ A. Perraudin
Vic. Ap. de Kabgayi
Kabgayi le 11 février 1959.

Commentaire de P. Théophile Murengerantwari
Impulsion
Suite à la publication de l'ouvrage “L'évangélisation du Rwanda (1900- 1959) à l'Harmattan (388
pages), nous sommes maintenant à mesure en partant des révélations contenues dans ce document
important et puis de plusieurs autres publications à ce sujet, d'apprendre d'avantage sur l'origine de
la haine et l'hostilité manifestées à l'encontre de la personne de Monseigneur Perraudin dans
certains milieux de la société rwandaise. L'auteur du livre ci-haut cité, le prêtre historien Fortunatus
Rudakemwa, nous fournit, preuves à l'appui, des éléments qui font coïncider l'origine de l'inimitié
contre l'ancien archevêque de Kabgayi avec ses déclarations à propos du Tambour karinga,
emblème dynastique du pouvoir tutsi-nyiginya. En effet pour Monseigneur Perraudin et son
confrère Mgr Bigirumwami, tous les deux signataires de la déclaration sur le Karinga, le tambour
emblème ne devait plus être considéré comme dépositaire de l'autorité, étant un objet et pas une
personne(bannisseme nt du culte quasi religieux qui lui était du). D'après les évêques, il s'était déjà
avéré convenable d'ôter Karinga des dépouilles humaines qui l'ornaient. Comme nous pouvons déjà
le constater, l'opinion publique fit vite attribuer la paternité de la déclaration au seul évêque
Perraudin. Les progressistes lui en étaient reconnaissants, mais les monarchistes ne le lui avaient
jamais pardonné. A leurs yeux, Monseigneur Bigirumwami, un fidèle de la monarchie, n'aurait été
que contraint à parapher ce document qui sapait le pouvoir du Karinga. C'est depuis ce temps de la
déclaration sur le Karinga du 29 août 1959 que des divisions d'ordre politique naquirent au sein du
peuple rwandais, qui dureront jusqu'à nos jours et que certains désignent comme le commencement
du génocide des tutsis. Le peuple se retrouvait scindé en deux parties diamétralement opposées et la
compréhension à propos du tambour emblème en fut entre autre l'origne. Pour les leaders hutu, il
n'était pas question que Karinga soit considéré comme un emblème national, puisque signe de
domination tutsi. Pour les extrémistes tutsi de l'UNAR, tout les ennemis du Karinga c'étaient tous
des hommes à abattre. C'est depuis lors que que Monseigneur Perraudin, les missionnaires d'Afrique
et les prêtres autochtones hutu furent définitivement rangés du coté des leaders hutu(l'étiquette qui
se traduirait dans le jargon d' aujourd'hui comme “les tenants de l'idéologie génocidaire”) , tandis
que Mgr Bigirumwami et le clergé tutsi étaient censés être proches de la monarchie(ou les
supporters du tambour emblème, le Karinga).
Il importe donc ici de donner la parole à certains détracteurs de Monseigneur Perraudin, dont les
arguments malgré tout ne manquent pas de pertinence. Dans ce même ordre d'idées, nous pouvons
envisager plus tard des conclusions nous permettant peut être de trouver une approche de la
résolution du contentieux, ce qui contribuerait énormément à trouver une voie pour la réconciliation
du peuple rwandas dont la grande déchirures des ses relations date de 1959. L'ouvrage de Jean
Ndorimana, prêtre et juriste, pourrait peut être d'un secours immense dans cette optique. Ainsi des
extraits de son livre”De la région de grands lacs au Vatican, Editons de l'imprimerie Prograph,
Kigali 2008, 365 pages), pourraient aider à se faire une réflexion:
“(…) a.1. Perraudin se contredit et se condamne.
a.1.1. L'oeuvre de Perraudin du sacre au mandement de Carême(1956-1959)
Perraudin arrive au Rwanda en août 1950, après un séjour de presque trois ans au Burundi, un pays
à l'époque très semblable au Rwanda du point de vue de l'organisation politique. C'est un milieu
idéal pour Perraudin de programmer la contribution socio-politique qu'il attendait donner à cette
colonie belge dénommée Ruanda-Urundi, territoire unique à l'époque. De décembre 1951 à
décembre 1955, Perraudin est successivement professeur, puis Recteur du Grand séminaire
régional, puis national de Nyakibanda au Rwanda, où il fait chaque année les statistiques des futurs
prêtres selon les ethnies. Il reproduit dans son livre les ethnies des prêtres ordonnés durant ou après
son rectorat mais qu'il a connu à Nyakibanda. On voit que c'est un diaire ethnique tenu
méticuleusement, année par année. Le 25 mars 1956, Perraudin est ordonné évêque de Kabgayi et

prend comme devise “SUPER OMNIA CARITAS” (La charité par dessus tout). L'évêque
consacrateur est étonnamment Monseigneur Bigirumwami, et cela est, selon certains, le résultat
d'un fin calcul plutôt que d'un esprit d'humilité. Nous le prouverons plus bas. A ce propos,
Perraudin, reprenant les titres des journaux et revues de l'époque, fait un long commentaire de son
sacre, qui a l'air d'un colonialiste qui veut montrer qu'être ordonné évêque par un noir est un
privilège pour ce dernier. Cela était peut-être valable en 1956 mais pas en 2003, année où Perraudin
écrivait son livre. Un des titres de ces journaux est: “Un évêque noir sacre un évêque blanc”.
Perraudin affirme que dans sa pensée il voulait donner un témoignage d'anticolonialisme, et il se
réjouit du fait que lors de ses voyages en Europe on soulignait ce choix comme un geste
missionnaire important.
a.1.2. Le tendem Perraudin-Harroy pour la perte du Roi Mutara Rudahigwa.
Lorsqu'on lit la description que fait Perraudin de l'ambiance des festivités lors de son sacre et les
éloges qu'il ait de Kayibanda tout au long de son livre, on n'a pas à douter que dans la tête de
l'auteur il y avait des intentions du combat qu'il aurait déclenché plus tard contre les Tutsi en se
cachant derrière les injustices de la féodalité.(… !!!) Harroy(dans son “Rwanda politique”) abonde
dans le sens de Perraudin en vantant les mérites de Kayibanda(.. .) Il ne cache pas sa fierté en
parlant du duel qui opposa le Goliath de Nyanza(le roi Mutara) et le David de
Kabgayi(Kayibanda) . Et, faisant ainsi, tout en se compromettant, Harroy enfonce Perraudin: “Dans
la presse locale…Kinyamateka, journal des pères blancs, …L'AMI des anciens séminaristes,
Kurerera Imana, organe d'expression de l'assocaitation des Moniteurs, etc…-on vit de temps à autre,
dès les premieres années cinquante, paraître un article décrivant la misère des Hutu et les injustices
responsables de cette misère. A cet égard Kinyamateka surtout a joué, en pionnier et avec force de
percussion croissante jusqu'à la Révolution de 1959, un rôle absolument déterminant.. .
(la)nomination (de Kayibanda à Kinyamateka comme rédacteur en chef en remplacement de l'abbé
Alexis kagame) eut des conséquences considérables. Kayibanda-comme l'écrit D. Murego- s'étant
incontestablement, dès sa nomination, servi du journal dont il était rédacteur en chef pour éveiller la
conscience politique des masses hutu. “De mon observatoire d'Usumbura(poursuit Harroy), je
pouvais suivre la progression, année par année, des audaces que contenaient ses articles, et aussi
l'engouement extraordinaire manifesté par les masse paysannes pour ces véritables oracles imprimés
à Kabgayi. On se réunissait nombreux dans les huttes pour entendre ensemble, la lecture du
Kinyamateka, puis un coureur partait portant le journal à la colline suivante. Mutara me demanda
d'interdire cette “action subversive” qui mettait en péril l'ordre public, mais je me gardai bien
d'intervenir. Il essaya d'intimider Kayibanda de diverses manières, mais n'osa pas affronter jusqu'au
coup de forces ses puissants protecteurs de l'évêché…”(.. .) Kayibanda utilise la presse de l'Église
catholique pour soulever les masses populaires. Il est couvert par le haut représentant de l'Église
catholique, Perraudin, auquel le roi n'ose pas attaquer. Impuissant devant Perraudin, le roi recourt à
Harroy, le représentant de la Belgique au Rwanda-Burundi; ce dernier se garde d'intervenir, non pas
qu'il en fût incapable, mais parce qu'il est de connivence avec les autorités ecclésiastiques pour la
perte du roi, avec toutes les conséquences que tout cela comportera!
a.1.3. Enfoncé indirectement par Harroy, Perraudin témoigne contre lui même.
Kinyamateka est la propriété de la conférence Épiscopale du Rwanda. Le rédacteur en chef de ce
journal est engagé par les évêques. Alors qui est le responsable du Kinyamateka, l'Église ou le
rédacteur en chef? Perraudin et Harroy affirment sans tergiverser l'importance des journaux de
l'Église catholique pilotés par Kayibanda dans le soulèvement du peuple qui a abouti à un génocide
prévisible. Perraudin poursuit: “Les idées mènent le monde”, dit un adage…Et ce sont les journaux
principalement qui véhiculent les idées aussi bien dans les milieux intellectuels qu'au coeur des
masses populaires. Je crois qu'on ne se trompe pas en affirmant que les journaux dont je viens de
parler(…). ..ont ébranlé sur ses bases le colosse féodo-monarchique rwandais et même au Burundi”.

C'est au cours de ces écrits subversifs qu'en 1957 fut publié le fameux manifeste des bahutu dont on
dit qu'il a été écrit à l'imprimerie de Kabgayi. Et à cette époque Kayibanda est encore dans
Kinyamateka! c'est seulement en 1959, lorsque tout est accompli, que Perraudin demande à
Kayibanda d'abandonner ses fonctions dans Kinyamateka, les jugeant incompatibles avec ses
engagements politiques particulièrement au sein du mouvement hutu. Perraudin nie que Kayibanda
ait été son secrétaire particulier et que lui même ait été son conseiller, mais il ne nie pas que
kayibanda ait utilisé sa place dans les médias de l'Église catholique pour soulever les masse
populaires.( …)
a. 2. Trente deux ans de cécité vis-à-vis des injustices contre les tutsi(1959-1991) .
Perraudin est arrivé au Rwanda en 1950. En 1959 il a écrit sa lettre qui dénonçait les injustices dont
les hutus étaient l'objet. Depuis cette année là les hutu ont commencé à massacrer les tutsi, à piller
leurs biens, à manger leur bétail, à détruire et incendier leurs maisons, et à exiler les rescapés de ce
génocide. Ces scènes se sont répétées plusieurs fois devant les yeux de Perraudin(1960, 1963, 1966,
1973, 1990, 1991). Depuis la publication de sa triste lettre jusqu'à son départ du Rwanda en 1991,
Perraudin n'a jamais dénoncé ces injustices contre les tutsi, même lorsque les frères josepfites ont
été massacrés à coté de son archevêché en 1973, même lorsque les écoles secondaires, l'université,
les communautés religieuses, les établissements publics et privés ont été fermés aux tutsi, et que ces
de ces derniers qui n'ont pas été massacrés ont été obligés de s'exiler!
La seule circonstance où Perraudin ait manifesté du chagrin, c'est lors de la chute de son dauphin
Kayibanda avec le coup d'Etat du 5 juillet 1973 ainsi que lors des injustices commises contre
l'équipe de son gouvernement. (…) Sont à noter également les soins particuliers que Perraudin a
réservés aux hutu burundais réfugiés au Rwanda en 1972, aussi bien aux séminaristes, prêtres que
laïcs. Perraudin a été témoin des massacres, des exils successifs et d'autres injustices subies par les
tutsi sous les deux Républiques, mais on ne trouvera aucun écrit de Perraudin de la même hargne
que la lettre de 1959 en faveur des hutu qui n'étaient ni massacrés ni exilés. Au contraire, à ceux qui
ont eu le courage de parler de génocide des tutsi, même aux témoins oculaires, Perraudin à rétorqué
que c'était une distorsion de la vérité! Il ne fustige les tueries que lorsqu'il se cache derrière la
conférence épiscopale et il ne le fait que de façon trop générale.(…) “
Source: Jean Ndorimana, De la région des grand lacs au Vatican(op.cit. ) pp33-38.
Mon commentaire: Comme mentionné au départ, les détracteurs de Monseigneur ne manquent pas
d'arguments pertinents, comme on peut le constater déjà chez Jean Ndorimana. Bien que la plupart
de ce qui est rapporté sur l'ancien archevêque soit basé principalement sur des préjugés, il ne serait
pas moins utile de tenir compte des ces arguments, afin de constituer une défense efficace en vue de
confirmer l'innocence déjà prouvée de l'évêque, à partir des raisonnemts échangés ces derniers jours
à propos de tout ce qui s'est passé au Rwanda en rapport avec l'oeuvre de Perraudin. Déjà on peut
bien remarquer les divergences de vision en ce qui concerne le Rwanda comme nation et c'est ces
divergences qui créent toujours la tendance à catégoriser les gens. Ceux à la vision defférente sont
catégorisés dans le camp des ennemis, et il devient très facile de leur coller dessus les responsabilité
s qui ne sont pas les leurs, surtout quand un malheur advient. En laissant à chacun le temps de
réfléchir sur l'argumentation de Jean Ndorimana pour s'y faire une idée, je vaudrais quand même
relever quelques points pouvant servir d'argumentation pour les discussions à venir:
- Jean Ndorimana ne fait aucune mention touchant les abus de l'ancien régime, donc de la
monarchie. Donc pour lui, la “sacro-sainte” institution de la monarchie était le système convenable
pour tout les rwandais, qu'il soient hutu ou tutsi. Les injustices commises à l'encontre des hutu
paraissent justifiées, en ce temps là comme aujourd'hui. Elles sont tellement insignifiantes que les
revendications de tout genre n'auraient pas de fondements!
- Pour lui, il y a eu tort de sensibiliser les masses populaires pour les faire prendre conscience de
leurs droits bafoués. Les abus de l'ancien système tutsi et le Karinga ne constituaient apparemment
aucun problème notoire et qui mériterait qu'un évêque se permette d'y écrire une lettre pastorale. La

lettre de Perraudin aurait été donc un coup fatal pour la monarchie, ce qui signifie le déclenchement
de génocide des tutsi!
- La presse libre ou la liberté de conscience ne devrait pas être reconnue, selon Ndorimana, surtout
quand il s'agit d'éveiller les masses pour lutter pour leurs droits inaliénables. En tout cas nul part
n'est démontré qu'il fut question d'appel aux massacres dans la presse. Pour lui, Perraudin a eu tort
tout court de laisser faire, quand la presse catholique participait à cette sensibilisation de masse, en
vue du recouvrement des droits bafoués. Donc il aurait fallu arrêter tout journal qui osait critiquer le
pouvoir monarchique, celui ci étant comme il nous le décrit, comme le seul garant de la sécurité du
tutsi. La liberté de la presse fut donc un crime qui n'aurait pas du être toléré pour le bien de la
royauté.
- Ndorimana présente bien sûr, comme il fallait s'y attendre, la partie hutu, comme la seule
responsable des différentes périodes marquées par des massacres, et il en endosse la responsabilité à
Perraudin, aussi longtemps qu'il n'a pas su fustiger cette injustice avec la même fougue que lorsqu'il
s'attaquait contre l'injustice soit disant infligée au hutu. Point n'est mention cher lui des différentes
provocations du parti UNAR, de l'organisation de la manipulation et des raids terroristes contre les
populations et qui se soldaient souvent par des ripostes et des égarements des populations civiles. A
suivre sa ligne de raisonnement, on dirait que des massacres qui ont entretenu le génocide ont été
toujours des actes de haine spontanés sans qu'il y ait une certaine réaction à une réalité plus ou
moins complexe. D'ailleurs il lui est incapable de justifier l'arrêt de ce génocide pendant toute la
période de la 2e république, jusqu'à l'attaque du premier octobre.
Pour ne pas nous éterniser dans le contre argumentation, nous pouvons déjà nous arrêter par ici pour
faire place d'avantage à la réflexion, tout en préparant des points de défense pour lever les
calomnies infligées injustement, comme nous le savons, contre le regretté Monseigneur Perraudin.
P. Théophile Murengerantwari
- Articles complémentaires:
Les dix vérités, Pétition de l'Abbé J.B. Gahamanyi, Une phrase raciste?, Lettre confidentielle de
l'Abbé A. Kagame, Visite du Roi J.B. Ndahindurwa Kigeri V à Kabgayi, Lettre de Kigeri V à
Harroy, Carême 2009, une occasion d'autocrtique pour l'Eglise du Rwanda, Assumer les
résponsabilités collectives, La voie de la réconciliation, par Laurien Ntezimana, Laurien Ntezimana,
Consécration du Rwanda au Christ Roi, Déclaration des vicaires apostoliques, Parole aux
détracteurs, Génocide 15 après, Génocide 15 après - Analyse, V. Linguyeneza: Vérité, Justice,
Charité, L' Eglise a raison d'exiger plus de justice, Jean Ndorimana face à l'équilibre ethnique, F.
Rudakemwa à propos des thèses de Ndorimana, Ainsi écrivaient Bigirumwami et Perraudin
conjointement, Th. Nahimana face aux thèses de Ndorimana , Mgr Perraudin: Conclusions I , Mgr
Perraudin: Conclusions II, Mgr Perraudin: Conclusions (fin),

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024