Fiche du document numéro 1792

Num
1792
Date
Mardi 18 novembre 2003
Amj
Taille
127885
Titre
Le chef hutu rwandais Paul Rwarakabije se rallie à Kigali
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Après neuf années passées dans les maquis de l'est de la République
démocratique du Congo (RDC), le général Paul Rwarakabije, chef militaire
de la rébellion hutue rwandaise, les Forces démocratiques de libération
du Rwanda (FDLR), s'est livré avec une centaine d'hommes, vendredi 14
novembre, aux autorités rwandaises.

Cette reddition s'est déroulée en toute quiétude : ses conditions
avaient été négociées dans le plus grand secret au cours des mois passés
par des émissaires du gouvernement rwandais. Dès le lendemain, Paul
Rwarakabije, en civil, a été transporté en hélicoptère jusqu'à Kigali,
où il a été accueilli avec des démonstrations d'amitié par le chef
d'état-major de l'armée rwandaise, son ennemi jusqu'à la veille, puis
invité à prendre des rafraîchissements dans le pavillon d'honneur de
l'aéroport.

Ce traitement exceptionnel - et la mise en scène qui l'accompagne -
s'explique par l'importance symbolique du ralliement de Paul
Rwarakabije, qui dépasse sa fonction dans la rébellion. L'ancien
lieutenant-colonel des Forces armées rwandaises (FAR) de l'ex-président
Habyarimana n'est pas, à la différence de bon nombre de ses hommes,
considéré comme un génocidaire, impliqué dans le crime des crimes.
Pendant les cent jours de massacre, en 1994, il était en train de se
battre avec le Front patriotique rwandais (FPR), la rébellion tutsie,
loin de l'arrière où l'extermination des Tutsis était menée.

Aujourd'hui, Paul Rwarakabije n'est pas recherché par le Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR) et peut donc être accueilli à bras
ouverts à Kigali sans que l'actuel gouvernement donne l'impression de
pactiser avec le diable.

Ensuite, cette défection pourrait en entraîner d'autres parmi les 12 000
à 15 000 hommes que compterait aujourd'hui le mouvement. Des « camps de
solidarité
 » sont là pour accueillir les rebelles qui quitteraient la
forêt pour une période de « rééducation » avant d'être démobilisés.
Parmi les 105 hommes qui accompagnaient Paul Rwarakabije figure tout le
haut commandement des FDLR, selon Kigali. Cela pourrait d'ores et déjà
signifier « le commencement de l'effondrement » de la rébellion, d'après
Alison Des Forges, spécialiste du Rwanda pour l'organisation Human
Rights Watch.

L'échec d'une ultime offensive



Les conditions s'y prêtent tant les perspectives militaires de la
rébellion, selon les experts, sont sombres. Selon une source proche des
FDLR, le général Rwarakabije n'aurait envisagé d'abandonner le maquis
qu'après avoir constaté l'échec d'une ultime tentative, en juillet
dernier, pour réintroduire la guerre au Rwanda. Il avait alors massé une
partie de ses troupes près de la frontière congolo-rwandaise et infiltré
dans le pays 1 000 à 2 000 combattants. Mais face au quadrillage du pays
par les services de sécurité et au manque de soutien de la population
hutue, Paul Rwarakabije avait renoncé à son attaque. Sa précédente
offensive, en mai 2001, lors d'une opération baptisée « Oracle du
seigneur
 », s'était déjà soldée par une déroute totale.

Entre-temps, les FDLR ont également perdu leur principal capital : leur
rôle d'intermédiaire dans la guerre que se livrent, depuis 1998, le
Rwanda et le Congo. D'un côté, les rebelles hutus, avec leur
combativité, ont servi de supplétifs au gouvernement de RDC. De l'autre,
la menace qu'ils faisaient peser sur le Rwanda depuis leurs bases
arrière congolaises a été constamment exagérée par Kigali pour justifier
la présence de ses propres troupes dans l'est de la RDC.

Dans les deux cas, ce rôle a pris fin depuis que le processus de paix
congolais est devenu une priorité pour la communauté internationale.
Répondant à des pressions étrangères, le Rwanda s'est engagé en mai 2002
à retirer ses troupes du Congo, en échange de la promesse du
gouvernement congolais de ne plus soutenir les rebelles hutus.

Il a fallu du temps pour voir ces engagements appliqués des deux côtés,
au moins partiellement. Depuis plus de trois mois, Kinshasa ne
ravitaille plus les FDLR et le Rwanda, officiellement, n'a plus de
troupes en RDC. La rébellion ne joue plus les utilités au milieu des
deux ennemis.

Jean-Philippe Rémy

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