Fiche du document numéro 1693

Num
1693
Date
Mardi 2 août 1994
Amj
Taille
0
Sur titre
Au cours de sa visite dans la « zone humanitaire sûre »
Titre
M. Balladur n'a pas exclu une prolongation de l'opération « Turquoise »
Nom cité
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Il fallait faire vite. Arrivé à l'aéroport de Goma, dimanche 31 juillet
en fin de matinée, Edouard Balladur devait y être de retour en début
d'après-midi, afin de ne pas manquer la liaison par satellite organisée
par TF 1. Le survol en hélicoptère des camps de réfugiés a donc été
annulé et sa visite limitée à deux sites : des hôpitaux de campagne à
l'intérieur de la " zone de sécurité ", sous contrôle français.
Des deux objectifs annoncés de ce déplacement rendre hommage aux forces
françaises et s'intéresser au sort des réfugiés rwandais, un seul, le
premier, aura été pleinement rempli. L'essentiel n'était-il pas que, se
trouvant au Gabon, à trois heures et demie de vol de ces lieux de
détresse, à l'issue de sa tournée africaine, il se livre à une opération
de communication ?
Entre autres messages, il fallait rappeler que cinq cents militaires
d'Afrique francophone (243 Sénégalais, 130 Tchadiens, 40 Congolais, 43
Nigériens, 35 Bissau-Guinéens, dix Mauritaniens et sept observateurs
égyptiens) sont désormais stationnés dans ce que les officiels français
appellent la " zone humanitaire sûre ". Des soldats tchadiens
attendaient donc le chef du gouvernement français à sa première étape,
Cyangugu, où celui-ci, accompagné des ministres de la défense, de la
coopération et de l'action humanitaire, François Léotard, Michel Roussin
et Lucette Michaux-Chevry, a visité une antenne médicale. Quant à la
seconde étape, il s'agissait du poste de commandement sénégalais
installé à Kibuyé.
De retour à l'aéroport de Goma, la délégation française, suivie de
dizaines de journalistes français, frôlait la délégation américaine,
conduite par le secrétaire d'Etat à la défense, William Perry, encore
plus fournie en représentants des médias. Tandis que la première se
dirigeait vers les installations de TF 1, l'autre, à quelques dizaines
de mètres de là, organisait une conférence de presse en plein air, M.
Léotard s'étant joint à son homologue américain, avec lequel il a eu un
aparté de quelques minutes.
Simultanément, à Kigali, le premier ministre rwandais, Faustin
Twagiramungu, contredisait les affirmations de M. Balladur, en déclarant
que ce dernier n'avait pas consulté les nouvelles autorités avant de
pénétrer sur le sol rwandais. " S'il l'avait fait, il aurait été le
bienvenu, ajoutait-il. Sa visite dans la zone de sécurité, c'est un
message au monde entier pour dire que la France occupe une partie de
notre territoire. "
La formule est abrupte, mais sans doute M. Balladur est-il d'accord sur
le fond, puisqu'il cherche à tout prix à hâter la relève de l'opération
" Turquoise ", dont le mandat s'achève le 22 août. Comme il l'avait fait
au Conseil de sécurité des Nations unies à New-York, le premier ministre
a lancé, à Goma, un appel à la communauté internationale. " Je ne peux
pas croire qu'il ne soit pas possible de trouver 1 000, ou 1 200, ou 1
500, ou 2 000 soldats pour faire partie de la MINUAR II " (Mission des
Nations unies au Rwanda), s'est étonné le premier ministre, auquel on
demandait si la France envisageait de prolonger sa mission, comme le
souhaite notamment Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l'ONU.
" Si nous avions le sentiment que notre action pouvait fragiliser la
situation et déterminer de nouveaux troubles, de nouveaux exodes, c'est
bien entendu quelque chose qui pèserait sur notre décision ", a
néanmoins affirmé M. Balladur. Lequel, lors d'une conférence de presse,
vendredi à Abidjan, avait rétorqué, alors qu'on lui posait la question
de la date du retrait français : " Vous vous obstinez à me poser la
question, et je m'obstine à ne pas y répondre. " " Il ne faut pas nous
laisser culpabiliser ", a-t-il précisé à Goma.
Autrement dit, M. Balladur " joue la montre ", en évitant de donner, dès
aujourd'hui, une réponse tranchée. Car l'annonce d'un maintien des
troupes françaises dans la " zone de sécurité ", au-delà du 22 août,
n'encouragerait pas la communauté internationale à chercher une solution
alternative, et les troupes françaises risqueraient donc de devoir y
demeurer ad vitam aeternam. En revanche, l'annonce ferme et définitive
d'un départ serait du plus mauvais effet, puisque les risques de
déstabilisation dans la zone sont réels. M. Balladur le sait. Il y est
d'autant plus sensible aujourd'hui qu'il a vu fonctionner des hôpitaux
de campagne dont le travail serait bien inutile si aucune relève n'était
assurée.

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