Fiche du document numéro 1625

Num
1625
Date
Mercredi 13 juillet 1994
Amj
Taille
129588
Sur titre
Rwanda
Titre
Les Organisations non gouvernementales restent réticentes face à l'opération « Turquoise »
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Deux blessés par balles viennent d'arriver du Rwanda, de Gisenyi, la
capitale du gouvernement  périmé », comme disent les exilés rwandais.
Au terme d'un accord avec les autorités zaïroises, qui n'acceptent plus
aucun réfugié, les blessés rwandais pourront être amenés à Goma le temps
de recevoir des soins à l'hôpital de campagne français installé sur
l'aéroport zaïrois. D'après le médecin-chef, François Pons, l'hôpital de
Gisenyi, de l'autre côté de la frontière, n'a plus de matériel de
transfusion et compte des « salles entières » de blessés, civils et
militaires. « Il faudrait trois mois non-stop pour opérer tout le monde », estime-t-il. Ces blessés sont des Hutus. Aucune organisation
humanitaire n'est présente pour les assister.

Dans ce qu'on appelle la zone gouvernementale rwandaise, portion congrue
du pays mais de plus en plus peuplée plus de quatre millions
d'habitants, selon les militaires français, contre un million dans la
zone contrôlée par le Front patriotique rwandais (FPR), le moins que
l'on puisse dire est que l'humanitaire ne suit pas. L'unique grande
organisation présente est le Comité international de la Croix-Rouge
(CICR). Grâce à son dogme de neutralité, des moyens importants et des
équipes aguerries, le CICR a échappé à l'errance de la plupart des
organisations françaises sur la conduite à tenir dans le cas d'école que
représente le conflit rwandais : Faut-il aider tous les réfugiés, au
risque d'alimenter aujourd'hui les massacreurs rwandais, comme hier les
Khmers rouges des camps de réfugiés thaïlandais ? Peut-on abandonner les
enfants qui fuient mais dans le mauvais camp ? Peut-on se contenter
d'une réponse émotionnelle face à un génocide ?

« Refiler le bébé »



Après le 6 avril, les organisations humanitaires ont quitté
précipitamment le Rwanda. Celles qui sont revenues l'ont fait dans la
partie tenue par le FPR. Si on ne peut reprocher aux Organisations non
gouvernementales (ONG) d'avoir choisi leur camp Médecins sans frontières
(MSF) estime à quelque 200 le nombre de collaborateurs locaux disparus ,
on peut constater que les agences des Nations unies n'ont guère
manifesté de souci pour l'autre pays rwandais. Le Programme alimentaire
mondial (PAM) ne remplit pas son mandat acheminer de la nourriture. Pour
alimenter la région de Butaré, il a utilisé les services d'un
franciscain croate, le père Vieko, devenu, sous l'urgence, chauffeur de
camion. L'agence invoquait des raisons de sécurité, alors que les
convois du CICR passaient et que la situation dans le sud du Rwanda
n'était pas plus périlleuse qu'en Somalie où nombre de volontaires
humanitaires ont été tués. Le PAM n'est toujours pas prêt. D'après
Jacques Bandelier, du bureau d'urgence des Nations unies pour le Rwanda
(UNREO), il s'agit désormais d'un problème de camions : « Ils
appartiennent à une compagnie éthiopienne. Les chauffeurs sont
obligatoirement éthiopiens et l'on craint qu'ils ne soient pris pour des
Tutsis.
 »

Plus de quinze jours après le début de l'opération Turquoise, les
réticences ne semblent pas levées du côté des ONG, qui n'apprécient
guère d'être associées à l'opération militaro-humanitaire française. Les
responsables français ont eu beau leur assurer que la sécurité et les
autorisations seraient prises en charge par l'armée, et que, contact
pris avec les deux parties, la possibilité de travailler des deux côtés
était désormais admise par tous, ils ont eu beau exercer des pressions
amicales sur les organisations dépendant de l'aide française, les
visites des associations (Solidarité, AICF, Pharmaciens sans frontières)
se sont bornées à de prudentes évaluations des besoins.

Du côté de l'état-major de l'opération Turquoise, on craint
l'enlisement et l'impossibilité de « refiler le bébé » de la zone « sûre » qui vient d'être créée. Les médecins militaires de l'aéroport de Goma
se demandent déjà comment ils pourraient quitter fin juillet les grands
blessés qu'ils ont accueillis s'ils sont encore seuls à pouvoir les
soigner.

DOC:AVEC UNE CARTE

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