Fiche du document numéro 14705

Num
14705
Date
Mercredi 7 septembre 1994
Amj
Auteur
Taille
88593
Sur titre
Campagne de solidarité
Titre
Un authentique courrier du cœur
Page
15
Cote
no 15572
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
« LE soutien du journal « l'Humanité » aux campagnes humanitaires est toujours présent »… C'est ce que déclarait Julien Lauprêtre, mardi 9 août, lorsque Pierre Zarka lui remettait un chèque de 1.200.000 francs collectés en deux semaines par notre journal à l'occasion de la campagne « Rwanda solidarité ». Un chiffre exceptionnel, étant donné la période où cette campagne se déroulait (la sacro-sainte période des vacances) et la brièveté de son déroulement.

« Un chiffre dont « l'Humanité » et ses lecteurs sont fiers », écrivions-nous alors. Le reflet de l'émotion soulevée par l'une des plus horribles tragédies du siècle. Qui évoque le génocide des arméniens organisé par le gouvernement turc, voici maintenant plus de soixante-dix ans ; et l'holocauste perpétré par les nazis allemands contre les Juifs et les Tziganes. En trois mois, près d'un million de personnes massacrées, sur signal d'une dictature, forte notamment de ses soutiens venus du monde occidental, à commencer, hélas, par le gouvernement de notre pays.

Les chèques parvenus à notre journal étaient régulièrement accompagnés de lettres exprimant les sentiments de leurs expéditeurs. Pour une fois, l'expression « courrier du coeur » prenait un sens plein et entier. De ce courrier, observait Pierre Zarka, « une double exigence » se dégageait : « D'abord faire front pour parer au plus pressé, pour faire reculer l'insoutenable ; ensuite ne pas faire l'impasse sur les causes et les origines du malheur. »

Car ces causes ne sont pas toutes à rechercher à l'intérieur des frontières rwandaises. L'insurrection contre la dictature avait démarré dès 1990. A deux reprises auparavant, cette dictature n'avait dû sa survie qu'à l'envoi sur le terrain de soldats et de matériels militaires (artillerie et hélicoptères de combat) français. Une phrase que j'ai eu l'occasion, sur place, d'entendre à maintes reprises : « S'il n'y avait pas eu avant les canons français, les massacres de 1994 n'auraient pu avoir lieu »… La première fois, j'ai pensé avoir affaire à ce qu'il est convenu d'appeler un excité. Mais à la dixième fois ? Surtout lorsque cette phrase vous est assénée par une femme ou un homme, un adulte ou un jeune, parlant devant un charnier où croupissent les cadavres des membres de sa famille et de ses voisins.

Le même jour où avait lieu la remise du chèque des lecteurs de « l'Humanité » au président du Secours populaire français, notre journal publiait une lettre d'un lecteur marseillais, soulignant qu'il était « non communiste » et ancien coopérant au Rwanda « pendant la période qui a précédé le génocide de 1994 ». Ayant vécu à Butare (la ville universitaire du Sud) et à Kigali, il concluait sur cet appel : « Veillons aujourd'hui à ce que notre gouvernement et les médias ne nous endorment pas en laissant progressivement tomber dans l'oubli le drame rwandais. Le message qu'il faut transmettre aujourd'hui, c'est l'obligation de secourir ce pays exsangue et meurtri. Mais c'est aussi et surtout juger et condamner les coupables du génocide, toujours protégés par le gouvernement français. »

Lecteur presque par surprise, il déclarait n'avoir trouvé un écho authentique du génocide rwandais que dans « l'Humanité ». Lui aussi avait alors sorti son chéquier…

JEAN CHATAIN

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024