Fiche du document numéro 14664

Num
14664
Date
Lundi 22 août 1994
Amj
Auteur
Taille
85756
Sur titre
Editorial
Titre
Et après ?
Nom cité
Cote
no 15558
Source
Fonds d'archives
BNU
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Au Rwanda, l'opération « Turquoise » est terminée. Un demi-millier de soldats français restent stationnés, à portée d'avion, sur l'aéroport de Goma au Zaïre. Les autres sont rapatriés à Djibouti et en France.

La zone de sécurité humanitaire, instaurée au lendemain de la défaite des auteurs du génocide, n'est plus sous surveillance militaire française. Le remplacement des Français par des contingents africains est ressenti comme insuffisant. D'autant que ces casques bleus envoyés par l'ONU ne disposent pas des moyens logistiques de la force qu'ils remplacent. Ceux que la France aurait pu laisser sur place (hôpitaux de campagne, transports routiers…) ont été transférés au Zaïre.

Cette relève et ses modalités inquiètent bien sûr les criminels qui espèrent être soustraits à la justice de leur pays, mais aussi des centaines de milliers de citoyens victimes de la propagande contre le nouveau gouvernement du Rwanda. Un nouvel exode se dessine. Le régime de Mobutu, redoutant de voir un nouveau scénario-catastrophe, type Goma, sur le territoire zaïrois, a fermé la frontière de Bukavu. Après négociations, un passage difficilement accessible à pied a été ouvert hier soir. L'enfer des réfugiés s'étend désormais des deux côtés de la frontière.

Le retour des réfugiés chez eux est d'autant plus nécessaire que leur présence fait défaut pour assurer les récoltes avant la saison des pluies qui commence. Le manque de main-d'oeuvre et les ressources perdues ne peuvent qu'aggraver la famine. Les organisations humanitaires alertent l'opinion internationale. « Médecins sans frontières » estime que les troupes françaises quittent le Rwanda « en laissant derrière elles un chaos ». « Médecins du monde » souligne que les forces militaires de l'ancien régime « sont réarmées et agressives ». « Action internationale contre la faim » note que la France « n'a pas apporté de solution à long terme ».


Que, dans ces conditions, Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères, ait osé affirmer que la balle était dans le camp du gouvernement rwandais, et que la France officielle s'en lavait désormais les mains, est le signe d'une insupportable amnésie. Après la part prise dans le soutien au dictateur et à ses milices, Paris devrait faire preuve de davantage de sens des responsabilités, et ne pas se réjouir de ce qu'il considère comme « une bonne opération pour l'image de la France ». L'opinion commence à prévaloir que, comme l'écrit le journal « Libération », « Turquoise » a davantage contribué à redorer l'image de la France qui a armé le bras des assassins qu'à rétablir une paix durable au Rwanda ».

Le premier ministre rwandais - dont Mgr Duval déclare avoir apprécié samedi matin à Kigali l'impartialité et le souci de rétablir la confiance populaire - souhaite pour cela le soutien de la communauté internationale. Des secours massifs, moyens logistiques, financiers et équipes médicales sont nécessaires. Rien à voir avec le « droit d'ingérence ». Les besoins du peuple rwandais pour reconstruire et développer un pays exsangue, vidé de ses cadres et de ses valeurs, sont immenses.

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024