Fiche du document numéro 14111

Num
14111
Date
Jeudi 30 juin 1994
Amj
Auteur
Taille
88535
Titre
Les ONG réaffirment leur désaccord
Sous titre
Dans une conférence de presse, Médecins du monde, Pharmaciens sans frontières, S.O.S-Racisme et d'autres associations ont rappelé les responsabilités du gouvernement français dans le drame rwandais.
Page
13
Cote
no 15513
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
« URGENCE Rwanda »… Une semaine nationale de mobilisation se tient actuellement à l'initiative d'une vingtaine d'organisations non gouvernementales et d'associations diverses. Les représentants de plusieurs d'entre elles, de retour de ce pays, tenaient mercredi matin une conférence de presse : Fodé Sylla, Claude Soussi et Harlem Désir pour S.O.S.-Racisme ; Didier Leconte (Citoyens solidaires) ; Philippe Chabasse (Handicap international) ; Véronique Desempt (Médecins du monde) ; Christophe Commeyras (Pharmaciens sans frontières) ; Hervé Dubois (Atlas).

« L'intervention française rend la situation encore plus complexe. L'une de ses premières conséquences a été de bloquer l'action sur le terrain de nombre d'ONG - a déclaré Fodé Sylla, ouvrant la conférence. Une intervention ``humanitaire'' qui commence par empêcher Médecins du monde d'accomplir sa tâche, c'est quelque peu inquiétant. L'intervention française n'est pas admise par la population. Celle-ci craint qu'elle ne soit, une fois de plus, qu'un prétexte pour venir en aide à ceux qui ont perpétré cette barbarie (…). A ceux qui se sont servi de l'ethnique pour arriver à leurs fins politiques. »

Les « Hutus blancs », tel est le surnom donné par les réfugiés rwandais, tutsis mais aussi hutus démocrates, aux soldats de l'opération « Turquoise », dans une allusion transparente aux milices de tueurs formées par le clan gouvernemental. « Si l'intervention avait été assumée par la MINUAR, nous n'en serions pas là - a poursuivi Fodé Sylla. Il est nécessaire que l'armée française se retire du Rwanda et que la MINUAR puisse prendre sa place. Et il est nécessaire que soit constituée une commission d'enquête sur le génocide le plus rapidement possible »

A travers des expressions diverses, cette position était celle de tous les orateurs. Harlem Désir : « Ce qu'il faut, c'est une solidarité de peuple à peuple, de citoyen à citoyen, beaucoup plus que le retour d'une armée qui a soutenu et entraîné ceux qui se sont rendus coupables de génocide… » Didier Leconte : « Les citoyens français ne doivent pas ignorer ce qu'est ce génocide. Parler de forces gouvernementales face à des rebelles tutsis est une contre-vérité. Il y a un régime nazi, qui s'en prend indistinctement à l'opposition hutue comme aux Tutsis. L'opposition hutue a été décimée : on a voulu bâillonner par la mort ceux qui représentaient une volonté démocratique. » Comment les survivants pourraient-ils oublier que Paris a « armé, formé, organisé les massacreurs » ?…

Christophe Commeyras s'interrogeait sur les finalités à moyen terme de l'opération « Turquoise » : « Je crois qu'on nous prépare à une dérive selon une méthode éprouvée. Pour l'Irak notamment. Sur place, le FPR se rend compte qu'il ne faut pas confondre les ONG françaises et l'armée française. Médecins du monde a obtenu l'autorisation du FPR pour revenir à l'hôpital de Gahini (est du pays - NDLR). »

« Attention à l'humanitaire alibi. Il faut à tout prix éviter la confusion entre action militaire et action humanitaire », enchaînait Philippe Chabasse. Hervé Dubois s'inquiétait ensuite d'une « intervention militaire qui gêne l'action des ONG françaises ». Enfin, la porte-parole de Médecins du monde rappelait des chiffres qui font froid au coeur : « Le Rwanda, aujourd'hui, c'est 500.000 personnes massacrées, 500.000 réfugiés dans les pays frontaliers, 2.000.000 de déplacés dans le pays lui-même. Et ce sont les épidémies qui menacent : paludisme, méningite, dysenterie, affections broncho-pulmonaires. C'est aussi un taux de malnutrition qui avoisine les 50%…  »

J. C.

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