Fiche du document numéro 13972

Num
13972
Date
Mardi 21 juin 1994
Amj
Auteur
Taille
340681
Titre
Paris, capitale des marchands de canons
Sous titre
Eurosatory, le plus important salon mondial d'armement terrestre, a ouvert ses portes hier matin. François Léotard a réaffirmé la priorité à « l'Europe de la défense ». Les industriels ont vanté le couplage franco-allemand sur fond de bannière étoilée.
Cote
no 15505
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
COTE pile, les autorités multiplient les discours tendant à faire passer Paris pour capitale de l'action humanitaire. Côté face, dans les luxueux bungalows installés à l'aéroport du Bourget, officiels et marchands de canons se congratulent à la perspective de juteuses affaires. Ainsi Emile Blanc, le président du salon, se félicite qu'après une période de déprime, « les prises de commandes 1993 sont importantes et laissent bien augurer de l'activité des prochaines années ». Le même chante les louanges de la majorité parlementaire (droite et socialistes) et du gouvernement pour la loi de programmation militaire récemment adoptée. De plus, il voit en cette dernière un excellent tremplin aux appétits du secteur vers l'exportation.

Il est significatif que François Léotard, le ministre de la Défense, ait choisi l'inauguration de ces 90.000 mètres carrés d'exposition et de démonstration où s'étalent cinq cent trente exposants de 17 pays européens, des Etats-Unis et du Canada, pour se vanter que la France vient de « provoquer une réunion extraordinaire du Conseil de l'UEO sur le Rwanda ». Rappelons que l'Union de l'Europe occidentale - le traité de Maastricht en a fait le « bras armé » de l'Union européenne - constitue le « pilier » européen de l'alliance Atlantique. Lors du récent débat sur la loi de programmation militaire, François Léotard a tenté de présenter le renforcement de l'UEO comme une initiative d'indépendance à l'égard des Etats-Unis. Quelques jours plus tard, lors de sa visite à Paris, le président Clinton a remis les pendules à l'heure. S'exprimant sur cette question devant l'Assemblée nationale, il a félicité les gouvernements européens de mettre en oeuvre « une proposition américaine ».

Après l'évocation du Rwanda, dans un lieu et dans des termes qui n'ont laissé aucune place à la condamnation du génocide et à la promesse d'une aide véritablement humanitaire, le ministre de la Défense a consacré l'essentiel de son propos à « l'Europe de la Défense ». Faisant de celle-ci la priorité des priorités, il a déclaré hors de question de « laisser passer la chance historique qui se présente aujourd'hui de bâtir » cette Europe-là. Le très balladurien président d'honneur du PR a estimé que l'affaire constitue « d'abord un projet politique ». Puis, passant à l'Eurocorps, il a insisté sur le fait que « des forces communes » impliquaient « la construction de matériels communs ».

François Léotard s'est alors félicité de « spectaculaires rapprochements industriels » dont « le noyau dur » doit être constitué par les projets franco-allemands. le ministre a conclu sur la coopération avec les Etats-Unis. C'est également en faveur de la formation d'un vaste complexe militaro-industriel à l'échelle de l'alliance Atlantique qu'à plaider le président d'Eurosatory et du groupement des industries de matériels de défense terrestre (GICAT). Il s'est d'ailleurs félicité de la présence, pour la première fois, de plus de soixante entreprises nord-américaines à ce salon très spécial et réservé aux professionnels. La signature annoncée d'une « charte » entre les industriels allemands, belges, britanniques, danois, espagnols, français, italiens norvégiens, portugais, suédois et turcs vise d'ailleurs, selon ses promoteurs, à créer les conditions d'alliances avec les groupes américains. Et donc, de concurrence encore plus féroce.

Les discours prononcés hier au Bourget confirment pleinement l'appréciation portée par les parlementaires communistes sur la loi de programmation militaire. Celle-ci prévoit 615 milliards de francs de dépenses d'équipement pour les cinq prochaines années. En voulant faire de la France le fer de lance de l'Europe militaire, elle vise également à réactiver les exportations d'armement pour lesquelles notre pays à régressé de la troisième à la cinquième place. Seuls à avoir voter contre ce texte, les députés et les sénateurs communistes ont pour leur part proposer que, au-delà de la couvertures des strictes besoins de la défense nationale, soit engagé un programme de reconversion afin de donner la priorité aux besoins civils tant en France que dans le cadre de coopérations internationales.

M. B.

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